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12/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11109

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 1999, 11109


N° 11109 du rôle Inscrit le 2 février 1999 Audience publique du 12 juillet 1999

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Recours formé par Madame … KAUFMANN, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de régime des pensions des employés de l’Etat

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Vu le recours inscrit sous le numéro 11109 du rôle et déposé en date du 2 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PRO

BST, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, au nom de Madame … KAUFMANN, épouse …, chargée ...

N° 11109 du rôle Inscrit le 2 février 1999 Audience publique du 12 juillet 1999

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Recours formé par Madame … KAUFMANN, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de régime des pensions des employés de l’Etat

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Vu le recours inscrit sous le numéro 11109 du rôle et déposé en date du 2 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, au nom de Madame … KAUFMANN, épouse …, chargée de cours, demeurant à L-

…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 4 septembre 1998 lui accordant le bénéfice du changement de régime de pension des fonctionnaires de l’Etat à partir du 1er janvier 1997, au lieu du 1er octobre 1997, dans la mesure où la prise d’effet dudit changement n’a pas été fixée au 2 mai 1988, sinon au 5 décembre 1995 suivant sa demande;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST en date du 28 mai 1999, au nom de Madame KAUFMANN;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pierre PROBST et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 1999.

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Considérant que Madame … KAUFMANN, épouse …, née le …, demeurant à L-…, a été engagée comme chargée de cours au Centre d’Enseignement Professionnel, Luxembourg, du 2 mai 1968 au 15 septembre 1968, puis comme aspirant-professeur au Collège d’Enseignement Moyen et Professionnel du 16 septembre 1968 au 15 décembre 1971 pour bénéficier par la suite d’un congé sans solde consécutif à un congé de maternité expirant le 16 septembre 1975 et figurait depuis le 20 septembre 1975 sans interruption comme chargée de cours au Lycée Technique d’Ettelbruck, ainsi qu’il résulte d’un certificat du directeur dudit Lycée établi le 26 juin 1998;

1 Que par communication du 16 juin 1998 le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, appelé ci-après « le ministre », s’est adressé à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, appelée ci-après « la ministre », pour lui confirmer que Madame KAUFMANN avait accompli vingt ans de service en tant que chargée de cours au 1er octobre 1997, date à partir de laquelle elle avait droit au changement du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat conformément à l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat;

Que par courrier non daté arrivé le 21 juillet 1998 à l’administration du personnel de l’Etat, Madame KAUFMANN, se référant à la lettre ministérielle prédite, indique qu’elle a commencé à travailler pour l’Etat le 2 mai 1968, « de sorte que je comprends mal comment vous affirmez que j’ai accompli vingt ans de service au 1er octobre 1997, alors que je les avais accomplies bien avant.

Je vous prie donc de bien vouloir rectifier la date d’entrée au droit de régime de pension et de caisse de maladie en conséquence. »;

Que par courrier du 17 août 1998 adressé par le directeur de l’administration du personnel de l’Etat à son ministre de tutelle il est précisé qu’« étant donné que Madame KLEIN bénéficie d’un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 1997, elle peut bénéficier du changement de régime rétroactivement à partir de cette date »;

Que par courrier du 4 septembre 1998 adressé par le ministre à la ministre cette prise de position de l’administration de l’Emploi est entérinée, en ce qu’à partir du 1er janvier 1997 au lieu du 1er octobre 1997 Madame KAUFMANN s’est vu accorder le bénéfice du changement de régime de pension en question;

Qu’ayant reçu communication de cette lettre le 6 septembre suivant, Madame KAUFMANN s’adressa au ministre en date du 16 octobre 1998 en réitérant ses observations prédites, tout en ajoutant qu’un avis adressé à une de ses collègues de travail aurait appliqué la disposition légale en question en ce sens que le bénéfice du changement de régime lui aurait été accordé tout de suite après avoir accompli vingt ans de service auprès de l’Etat;

Que par lettre du 6 janvier 1999 lui adressée sur avis de l’administration du personnel de l’Etat du 28 décembre précédent, amplifiée par courrier du 8 janvier suivant, le ministre a retenu que « si vous êtes au service de l’Etat depuis le 2 mai 1968, vous ne remplissez cependant les conditions de durée relative au contrat à durée indéterminée que depuis le 1er janvier 1997.

C’est seulement à partir de cette même date que vous pouvez bénéficier du changement de régime de pension »;

Considérant que dans son recours déposé en date du 2 février 1999 à l’encontre de la décision du ministre du 4 septembre 1998 précitée, Madame KAUFMANN fait valoir que la date de prise d’effet du changement de régime de pension fixée au 1er janvier 1997 devrait être remplacée par celle où elle a rempli la condition des vingt années de service auprès de l’Etat, soit le 2 mai 1988, sinon par celle du 5 décembre 1995 date de l’unique contrat de louage de service pour chargée de cours par elle produit en cause;

2 Qu’à l’appui de son recours elle fait valoir que l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée consacre le même droit pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée que pour les autres concernant le changement de régime de pension par lui prévu, de sorte que tous les employés de l’Etat en question devraient être mis sur un pied d’égalité relativement aux conditions de durée à remplir;

Que tout en admettant que le titulaire d’un contrat à durée déterminée ne peut faire valoir ses droits qu’à partir du début de son contrat à durée indéterminée, leur bénéfice rétroagirait néanmoins au jour du début de la période de vingt ans de service continu en renvoyant à l’application faite en ce sens, selon elle, au cas d’une collègue de travail, Madame X.;

Qu’en ordre subisidiaire la date d’application serait encore erronée en ce qu’au moins à partir du 5 décembre 1995, date d’un contrat de louage de services à durée déterminée produit en cause, elle bénéficierait d’après les décisions jurisprudentielles intervenues en la matière d’un contrat à durée indéterminée, de sorte qu’à partir de cette date, à laquelle elle avait accompli plus de vingt ans de service, elle devrait bénéficier dudit changement de régime de pension;

Considérant que le délégué du Gouvernement entend résister à l’argumentation déployée par la partie demanderesse en renvoyant aux dispositions de l’article 8 alinéa 1er de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée, lesquelles seraient claires et ne permettraient un accès au bénéfice du changement de régime de pension sollicité qu’à partir du moment où il existe un contrat à durée indéterminée dans le chef de l’employée de l’Etat concernée;

Que dans la mesure où pareil contrat n’existerait qu’à partir du 1er janvier 1997, la date retenue par le ministre serait à confirmer;

Que par ailleurs il appartiendrait à Madame KAUFMANN d’établir qu’à la date du 5 décembre 1995 elle disposait d’un contrat de travail à durée indéterminée, élément dont elle n’aurait pas rapporté la preuve en l’espèce;

Que de même sa référence faite au cas d’une collègue de travail ne lui permettrait pas d’en tirer des droits, l’administration ne sachant être liée par ses décisions antérieures prises à l’égard de tiers, surtout si ces décisions avaient fait une interprétation le cas échéant erronée de la loi;

Considérant que d’après l’article 11.1. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond;

Considérant que la question du changement de régime de pension, découlant des dispositions légales contenues en ladite loi du 27 janvier 1972, n’a trait qu’indirectement au contrat d’emploi, alors que par ailleurs la pension s’en dégageant en cas de mise à la retraite est à comprendre sous les questions de rémunération des employés de l’Etat pour lesquels le tribunal statue en réformation;

Considérant qu’ayant été introduit suivant les formes et délai légaux, le recours en réformation est recevable;

3 Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est irrecevable;

Considérant au fond que l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée dispose en son point 1 que « sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 10, l’employé en activité de service, qui bénéficie d’un contrat à durée indéterminée, a droit pour lui-même et ses survivants, à l’application du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat dans l’une des conditions suivantes:

a) après vingt années de service à compter de l’entrée en vigueur du contrat à durée indéterminée;

b) lorsqu’il atteint l’âge de cinquante-cinq ans.

Le même droit existe pour l’employé engagé avant l’âge de cinquante-cinq ans à l’essai ou sous contrat à durée déterminée, à partir du moment où il obtient un contrat à durée indéterminée, à la condition que les différentes périodes se succèdent sans interruption ».

Que d’après l’article 10. 1 de la même loi « seront mises en compte pour l’application des délais prévus aux articles 7 et 8 a) les périodes passées au service de l’Etat en qualité d’employé à l’essai ou sous contrat à durée déterminée, à condition que ces périodes se succèdent sans interruption et qu’elles rejoignent sans interruption la période sous contrat à durée indéterminée: l’interruption de cette dernière période ne nuit pas à la prise en compte des périodes antérieures passées au service de l’Etat, lorsqu’il y a reprise de service ultérieure … »;

Considérant qu’il découle de l’article 8.1. prérelaté que l’employé de l’Etat a droit à l’application du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat en remplissant l’une des conditions alternatives prévues respectivement sous ses points a) et b);

Que c’est dès lors à la date où les conditions prévues sont remplies dans le chef de l’employé en question que le changement du régime de pension est opéré;

Considérant qu’en l’espèce la condition d’âge sub b) n’est pas remplie dans le chef de Madame KAUFMANN, de sorte qu’il y a lieu de se reporter à celle comprise sous le point a) visant que le changement de régime est principalement accordé à celui qui compte vingt années de service à partir de l’entrée en vigueur de son contrat à durée indéterminée;

Que cette condition n’est pas non plus remplie en tant que telle dans le chef de Madame KAUFMANN;

Considérant que Madame KAUFMANN bénéficie cependant de l’assimilation contenue au deuxième alinéa dudit article 8.1. en ce que le même droit de changement du régime de pension existe pour l’employé engagé avant l’âge de cinquante-cinq ans sous contrat à durée déterminée, avec la précision que ce droit ne prend naissance qu’à partir du moment où l’employé obtient un contrat à durée indéterminée et à la condition que les différentes périodes de travail concernées se succèdent de façon ininterrompue;

Considérant qu’il découle des dispositions claires de l’article 8.1. prérelaté que dans le chef d’un employé de l’Etat engagé initialement suivant un ou plusieurs contrats à durée 4 déterminée, le bénéfice du changement de régime de pension ne peut être acquis qu’à partir du moment où il obtient un contrat à durée indéterminée, tout en remplissant par ailleurs les conditions de durée et de continuité de ses relations de travail avec l’Etat prévues audit article, telles que précisées par ailleurs à l’article 10.1.a) précité;

Considérant que le principe appliqué par le ministre en ce que le bénéfice du changement de régime de pension n’était acquis dans le chef de Madame KAUFMANN au service continu de l’Etat depuis plus de 20 ans, qu’à partir de la date de début de relation de travail à durée indéterminée avec l’Etat est à confirmer;

Considérant que devant les critiques apportées quant à son début de relation de travail à durée indéterminée il convient de retenir liminairement qu’il n’a pas été établi en cause par Madame KAUFMANN que dès le 2 mai 1988, soit après vingt années de service à compter de l’entrée en vigueur de son contrat de travail, elle aurait bénéficié d’un engagement à durée indéterminée;

Que le recours n’est dès lors pas fondé en son ordre principal, tel que présenté par la demanderesse;

Considérant qu’en ordre subsidiaire Madame KAUFMANN fait valoir que ce serait à partir du 5 décembre 1995, date du seul contrat écrit de louage de services pour chargé de cours produit, elle aurait droit à la qualification de sa relation de travail avec l’Etat comme étant à durée indéterminée;

Considérant que le contrat versé est signé à la fois par Madame KAUFMANN elle-

même, par le directeur du Lycée technique d’Ettelbruck, et par le professeur-attaché agisant pour compte de la ministre et prévoit que Madame KAUFMANN est engagée en qualité de chargée de cours à titre temporaire avec une tâche de 26,1 (22) leçons hebdomadaires à l’école Lycée technique d’Ettelbruck sans préciser toutefois ni le commencement, ni l’aboutissement de la période de louage de service ainsi visée;

Considérant que la décision du Conseil de gouvernement en exécution de laquelle le contrat en question a été établi mentionne la date du 8 août 1996;

Considérant qu’il est de pratique courante et constante que les contrats de louage de service pour chargés de cours à titre temporaire couchés sur papier à entête du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, tel celui sous analyse, ont été conclus pour l’année scolaire concernée sauf indication spécifique contraire y expressément apportée;

Considérant que dans la mesure où d’après le certificat prémentionné du directeur du Lycée technique d’Ettelbruck du 26 juin 1998 Madame KAUFMANN bénéficie d’un engagement comme chargée de cours audit établissement à partir du 20 septembre 1975 « jusqu’à aujourd’hui sans interruption », et que le ministre lui-même a admis une durée de plus de vingt ans de travail ininterrompue au service de l’Etat, l’existence d’une prestation de travail au début de l’année scolaire 1995/1996, soit à la date du 15 septembre 1995 peut être retenue comme étant établie à suffisance de droit en l’espèce;

Considérant qu’en vertu des articles 4 (1) et 6, alinéas premier et second de la loi modifiée du 24 mai 1989 concernant le contrat de travail, applicable en l’espèce à travers 5 l’article 4 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée, l’exigence d’un écrit documentant le contrat de travail à durée indéterminée est posée au moment de l’entrée en service de l’employé de l’Etat pour la période en question;

Qu’à défaut d’écrit existant à ce moment précis, le contrat est présumé conclu pour une durée indéterminée, la preuve contraire n’étant pas admissible d’après les dispositions légales sous revue (cf. trib. adm. 23 décembre 1997, Maillet-Heisbourg, n° 9938 du rôle, confirmé par Cour adm. 14 juillet 1998, n° 10528C du rôle, Pas. adm. 01/99, V° Fonction publique, n° 82, p. 121 et autres décisions y citées);

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut d’autres contrats de louage de service pour chargés de cours, - instrumenta -, produits en cause et de moyens tirés de cette absence, l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée est dégagée avec effet à partir du 15 septembre 1995;

Que partant par réformation de la décision déférée, le changement du régime de pension visé par l’article 8.1. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée est intervenu dans le chef de Madame KAUFMANN à compter du 15 septembre 1995, date à laquelle se cristallise son obtention d’un contrat à durée indéterminée et pour laquelle vingt années de service sont accomplies de façon ininterrompue dans son chef;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le dit justifié;

réformant, dit que c’est à partir du 15 septembre 1995 que Madame KAUFMANN est titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée engendrant dans son chef à partir de cette date le bénéfice du changement du régime de pension prévu à l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972, les autres conditions y prévues étant par ailleurs remplies;

renvoie l’affaire devant le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative pour exécution;

déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 1999 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

6 s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11109
Date de la décision : 12/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-12;11109 ?

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