N° 11036 du rôle Inscrit le 17 décembre 1998 Audience publique du 12 juillet 1999
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Recours formé par Monsieur … SCHMIT, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11036 du rôle, déposée en date du 17 décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … SCHMIT, demeurant à L-…, introduisant un recours à l’encontre d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 novembre 1998 par laquelle le directeur rejette comme n’étant pas fondée une réclamation datée au 18 mai 1998 dirigée contre trois bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 1993, 1994 et 1995, émis le 7 mai 1998 par le bureau d’imposition d’Ettelbrück de l’administration des Contributions directes;
Vu le mémoire en réponse déposé en date du 23 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur … SCHMIT en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries.
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Au cours des années 1993 à 1995, Monsieur … SCHMIT demeurant à L-…, acquit, respectivement 5, 4 et 4, soit un total de 13 obligations convertibles Kredietbank (KBL) et, chaque année, il les convertit en autant de parts sociales préférentielles (PSPR) de ladite banque. Les 13 PSPR furent ensuite déposées par Monsieur SCHMIT dans un dépôt-titres n° x auprès de la KBL.
Pour chacune desdites années, Monsieur et Madame … SCHMIT-X. bénéficièrent d’un abattement à l’investissement mobilier de 120.000.- francs, tel que prévu par l’article 129 c) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé LIR.
Par la suite, le 10 février 1997, Monsieur SCHMIT acheta une série d’autres valeurs mobilières, dont 100 PSPR et, dans ce contexte, comme l’a exposé Monsieur SCHMIT, pour mieux pouvoir suivre l’évolution de son portefeuille titres, il fit ouvrir un deuxième dépôt-titres auprès de la KBL, le n° y, dans lequel il déposa lesdites valeurs mobilières.
Monsieur SCHMIT céda, d’une part, en date du 25 août 1997, 50 PSPR, prélevés dans son dépôt-titres ouvert sous le n° y et, d’autre part, en date du 1er septembre 1997, 13 PSPR, prélevés dans son dépôt-titres ouvert sous le n° x. - Suite à ces opérations, il conserva un solde 1 de 50 PSPR dans le dépôt-titres précité n° y. Sur ce, - selon les dires non contestés de Monsieur SCHMIT - pour éviter des frais inutiles, il transféra l’ensemble de ses titres du dépôt-titres n° x dans le dépôt-titres n° y et il fit liquider le dépôt-titres n° x.
Suite à une demande de renseignements du bureau d’imposition d’Ettelbrück section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, Monsieur SCHMIT informa ledit bureau en date du 9 avril 1998 de ce qu’il avait cédé les 13 PSPR déposés dans le dépôt-titres ouvert sous le n° x.
Le 7 mai 1998, le susdit bureau d’imposition adressa à Monsieur et Madame … SCHMIT-X. trois bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour les années 1993, 1994 et 1995, leur retirant le bénéfice de l’abattement à l’investissement mobilier pour lesdites années.
Contre lesdits bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu, Monsieur SCHMIT introduisit le 18 mai 1998 une réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur ».
Le directeur rejeta ladite réclamation par décision du 17 novembre 1998.
Le 17 décembre 1998, Monsieur SCHMIT a introduit un recours contentieux contre la susdite décision directoriale.
Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant aux délais.
Dans ce contexte, il relève que le demandeur n’a pas indiqué s’il sollicitait l’annulation ou la réformation de la décision querellée et demande au tribunal d’en tirer les conséquences de droit.
En vertu des dispositions combinés de l’article 8 (3), 1 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », le tribunal est appelé à connaître comme juge du fond des recours dirigés contre les décisions du directeur statuant sur une réclamation en la matière, de sorte qu’il est compétent pour connaître du recours sous examen, qui, en l’absence de spécifications quant à sa nature, est à considérer comme un recours en réformation, la partie demanderesse étant censée avoir introduit le recours tel que prévu par la loi.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Le demandeur reproche au bureau d’imposition, ainsi qu’au directeur d’avoir déduit de l’ensemble des faits sus-énoncés que le bénéfice de l’abattement à l’investissement mobilier devait lui être retiré au motif qu’il n’aurait pas respecté les conditions légales de détention des 13 PSPR dont question, c’est-à-dire pour les avoir cédé prématurément au cours de la période obligatoire de détention.
Il invoque en premier lieu l’article 46 (3) du règlement général des opérations de la KBL, - auquel il se serait soumis lors de l’ouverture de ses comptes -, qui stipule que « les 2 valeurs sont conservées en un lieu déterminé par la banque. La banque peut décider librement et sous la responsabilité du client de mettre en dépôt les valeurs du client auprès d’un correspondant choisi par la banque à Luxembourg ou à l’étranger. La banque a la faculté conformément au règlement grand-ducal du 17 février 1971 tel que modifié concernant la circulation des valeurs mobilières, de déposer certaines catégories de valeurs dans son propre dépôt collectif ou d’en confier la garde à un centre de dépôt collectif à Luxembourg ou l’étranger. Le déposant reconnaît que la banque est autorisée à ne lui restituer que des valeurs de même nature, sans concordance de numéros », pour soutenir que la fongibilité resterait ainsi toujours acquise dans le chef de la banque, même si les titres ont été « comptabilisés » dans deux dépôts distincts. Dans cet ordre d’idées, il expose que la KBL, en tant que « banque dépositaire CEDEL pour (…) les PSPR, garde et ceci dans un dépôt collectif l’ensemble des PSPR traités par les banques qui adhèrent au système CEDEL », de sorte qu’« une identification d’un titre précis est dès lors impossible à établir ». Il estime encore qu’on ne saurait exiger que les titres achetés dans le cadre d’un investissement réalisé « sous la coupe de l’article 129 c L.I.R. » devraient physiquement rester les mêmes jusqu’au 31 décembre de la 4ième année qui suit leur achat, sous peine de supprimer de fait leur fongibilité, étant soutenu que cela obligerait le client à connaître les numéros de ses titres et la banque à les garder dans un dépôt-titres non fongible.
Ensuite, le demandeur soutient que, pendant toute la période prescrite par la disposition légale précitée, il a été propriétaire d’au moins 13 PSPR représentant l’investissement mobilier pour lequel un abattement lui a été accordé et que ceux-ci étaient déposés « dans l’un ou l’autre des deux dépôts-titres fongibles dont j’étais seul titulaire », de sorte qu’il estime avoir « respecté le but recherché et déclaré par la loi du 22.12.1993 art.129c L.I.R. ».
Le délégué du gouvernement estime que les moyens développés par le demandeur ne seraient pas fondés et que la décision directoriale litigieuse serait à confirmer.
Au voeu de l’article 129 c) LIR, tel qu’il a été introduit par l’article III de la loi du 22 décembre 1993 ayant pour objet la relance de l’investissement dans l’intérêt du développement économique, applicable à partir de l’année d’imposition 1993, dans sa version applicable à la présente espèce, c’est-à-dire dans sa teneur antérieure à la modification par l’article 1er, numéro 12 de la loi du 23 décembre 1997 modifiant certaines dispositions de la loi concernant l’impôt sur le revenu, de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs et la loi générale sur les impôts, les contribuables personnes physiques résidents (l’objet de la modification précitée de 1997 étant de supprimer la « condition » relative à la résidence au Luxembourg) qui achètent certains types de titres représentatifs d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux répondant aux conditions légalement fixées bénéficient d’un abattement de revenu imposable de 60.000.- francs par an, majoré de son propre montant en cas d’imposition collective.
Le bénéfice de cet avantage fiscal est, entre autres, conditionné par une détention des titres éligibles jusqu’à la fin de la quatrième année d’imposition qui suit l’année d’acquisition, et une aliénation des titres visés pendant la période obligatoire de détention donne lieu à imposition rectificative de l’année d’imposition concernée.
Il se dégage du libellé de l’article 129 c) LIR que lorsque des titres pour lesquels un abattement à l’investissement mobilier a été octroyé sont identifiables et identifiés, le contribuable a l’obligation de les conserver de façon continue tout au long de la période s’étendant du jour d’acquisition au 31 décembre de la quatrième année qui suit l’année 3 d’acquisition. - En effet, s’il peut y avoir fongibilité matérielle de titres d’une même série déposés dans un même compte et à l’intérieur de ce compte, la fongibilité matérielle est exclue et le caractère interchangeable disparaît en présence de titres individualisés.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation du demandeur basée sur l’article 46 (3) du règlement général des opérations de la KBL. En effet, cette argumentation manque de pertinence, étant donné que ledit règlement général de la KBL se limite à organiser les rapports entre la banque et son client, de sorte que même s’il est vrai qu’il institue une fongibilité juridique entre parties et plus précisément dans le chef de la banque, en instituant « un rapport d’équivalence entre des choses différentes qui peuvent être données l’une pour l’autre » (cf. Encyclopédie Dalloz, civil, V° Biens, n°31), il ne veut - ni ne peut - avoir pour objet d’instituer une fongibilité des titres valant erga omnes.
En l’espèce, force est de constater que les 13 PSPR, qui étaient à la base de l’avantage fiscal accordé au demandeur, avaient été nettement individualisés par rapport aux autres PSPR que le demandeur avait achetés par la suite, par leur dépôt dans des dépôts-titres différents et qu’ils sont de ce fait à considérer comme non fongibles, de sorte que la vente prématurée des 13 PSPR litigieux en date du 1er septembre 1997, c’est-à-dire au cours de la période obligatoire de détention devait entraîner une imposition rectificative dans le chef du demandeur au titre des trois années 1993 à 1995.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que la décision directoriale critiquée du 17 novembre 1998 est à confirmer.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, le dit cependant non fondé, partant le rejette, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 12 juillet 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 4