N° 11063 du rôle Inscrit le 6 janvier 1999 Audience publique du 5 juillet 1999
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Recours formé par Monsieur … KAYO contre des décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 1999 par Maître Dominique PETERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KAYO, sans état particulier, déclarant demeurer à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 septembre 1998 lui refusant l’octroi d’une autorisation de séjour et de deux décisions confirmatives prises par ledit ministre en date des 7 octobre et 3 novembre 1998;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 1999;
Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au nom du demandeur le 31 mars 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Dominique PETERS et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par lettre du 9 septembre 1996, Monsieur … KAYO, sans état particulier, déclarant demeurer à L-…, introduisit devant le ministre de la Justice, ci-après dénommé le « ministre », une demande en renouvellement de son autorisation de séjour au Luxembourg.
Par lettre du 20 septembre 1996, le ministre l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif, d’une part, qu’il n’était pas inscrit à un centre d’études au Luxembourg, mais suivait des cours en Belgique, et d’autre part, qu’il n’avait pas d’adresse réelle au Luxembourg et habitait en fait en Belgique.
Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son litismandataire de l’époque en date du 27 septembre 1996, le ministre confirma par lettre du 7 octobre 1996 sa décision de refus au motif que l’inscription à des cours dispensés au Luxembourg était une condition préalable à la délivrance d’une autorisation de séjour.
Par requête déposée devant le Conseil d’Etat le 13 novembre 1996, Monsieur KAYO introduisit un recours en annulation contre la décision du ministre du 7 octobre 1996 et, pour autant que de besoin, contre la décision ministérielle précitée du 20 septembre 1996.
1 Par jugement du 27 janvier 1997, le tribunal administratif reçut ledit recours en la forme, mais, au fond, le déclara non justifié et en débouta Monsieur KAYO.
Le 13 août 1997, le ministre rejeta une nouvelle demande en obtention d’un permis de séjour introduite par Monsieur KAYO au motif qu’il ne justifiait pas de l’existence de moyens d’existence personnels suffisants lui permettant d’assurer son séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Par ailleurs, le ministre l’invita à quitter le territoire luxembourgeois.
Par lettre datée du 28 septembre 1997, Monsieur KAYO demanda au ministre de reconsidérer sa décision prévisée du 13 août 1997.
Par lettre du 26 mars 1998, Monsieur D. intervint auprès du ministre en faveur de Monsieur KAYO. Dans ledit courrier, Monsieur D. précisa entre autres que « je vous confirme que M. Kayo réside à ma connaissance à Bruxelles afin de poursuivre des études médicales.
Il voudrait régulariser son droit de séjour en Belgique. Une condition préalable à cette démarche consiste en la fourniture d’une preuve de résidence légitime dans un autre pays.
Dans ce contexte un permis de résidence au Luxembourg de brève durée suffirait à appuyer sa demande auprès des autorités belges ».
Par lettre du 22 juin 1998, à l’adresse de Monsieur D., le ministre informa ce dernier de ce qu’il ne pouvait pas réserver de suite favorable à sa demande en faveur de Monsieur KAYO, notamment aux motifs que « la résidence effective de l’intéressé se trouve en Belgique »;
« que je [le ministre] ne puis favoriser le séjour illégal de Monsieur Kayo en régularisant sa situation si ce n’est que par une autorisation temporaire » et « que le ministère de la Justice ne délivre pas d’autorisation de séjour aux étudiants qui poursuivent leurs études à l’étranger ». Par ailleurs, le ministre précisa qu’il confirmait sa décision du 13 août 1997.
Par lettre séparée en date du même 22 juin 1998, le ministre communiqua, en substance, la même réponse à Monsieur KAYO.
Par courrier daté du 1er août 1998, entré au ministère de la Justice le 10 août 1998, Monsieur KAYO sollicita une « autorisation de séjour provisoire pour étudiant ». Il exposa notamment qu’après avoir terminé, avec succès, sa première année d’études universitaires en médecine, il aurait poursuivi ses études à l’étranger tout en séjournant pendant les week-ends et les vacances au Luxembourg, en précisant encore qu’« aujourd’hui j’ai terminé mes candidatures à l’université catholique et j’ai opté pour un cycle d’ingénieur biomédical. Pour cela je dois suivre une formation en informatique appliquée à l’I.S.T (institut supérieur de technologie) ici au Luxembourg ».
Par lettre du 17 septembre 1998, le ministre déclara maintenir ses refus antérieurs.
Le 21 septembre 1998, le ministre prit un arrêté refusant l’entrée et le séjour de Monsieur KAYO sur le territoire luxembourgeois au motif qu’il était en séjour irrégulier.
Par lettre du 21 septembre 1998, entrée au ministère de la Justice le 28 septembre 1998, l’Association de Soutien des Travailleurs Immigrés Asbl, ci-après dénommée « ASTI », intervint en faveur de Monsieur KAYO.
2 Par lettre du 1er octobre 1998, le mandataire actuel de Monsieur KAYO introduisit un recours gracieux contre les décisions ministérielles prévisées des 22 juin et 17 septembre 1998.
Il y est notamment exposé que suite à une longue maladie, le service d’orientation scolaire lui aurait déconseillé « de continuer - pour des raisons de santé - un long et fastidieux cursus à la faculté de médecine » et que, sur ce, il aurait « décidé de se tourner vers une formation de sciences informatiques appliquées à la médecine » et se serait inscrit à l’Institut Supérieur de Technologie au Grand-Duché de Luxembourg.
Par lettres des 7 octobre et 21 octobre 1998, à l’adresse respectivement du mandataire de Monsieur KAYO et de l’ASTI, le ministre les informa de ce qu’il n’entendait pas revenir sur son arrêté de refus d’entrée et de séjour du 21 septembre 1998.
Par lettre du 3 novembre 1998 à l’adresse du mandataire de Monsieur KAYO, en réponse à un courrier de ce dernier du 19 octobre 1998, le ministre refusa une nouvelle fois la délivrance d’une autorisation de séjour à Monsieur KAYO au motif que le dossier ne contenait pas « d’éléments pertinents nouveaux ».
Suite à une nouvelle intervention de l’ASTI en faveur de Monsieur KAYO, le ministre, par lettre du 12 mars 1999 à l’adresse de l’ASTI, confirma à nouveau sa décision de refus.
Ladite lettre précise notamment que « les raisons pour lesquelles l’entrée et le séjour ont été refusés à Monsieur KAYO ressortent pleinement du dossier-même que vous m’avez fait remettre fin du mois dernier (voir notamment mes lettres des 22 juin et 17 septembre 1998);
je n’ai plus besoin d’y revenir une nouvelle fois! Que le dossier administratif de l’intéressé soit au complet en ce moment ne change rien à cette situation.
En effet une (autre) nouvelle demande d’autorisation, celle d’automne 1998, ne doit pas avoir pour effet la régularisation d’une situation irrégulière antérieure qui perdure depuis ma décision de refus du 20 septembre 1996, décision confirmée par ailleurs par un jugement du Tribunal administratif en date du 27 janvier 1997.
Si l’arrêté de refus d’entrée et séjour n’a pas encore été notifié à Monsieur KAYO, la raison en est double:
- d’abord, le service de police judiciaire n’a pas été en mesure de contacter l’intéressé à l’adresse qu’il a indiquée comme étant celle de sa résidence;
- ensuite, parce que jusque là j’ai refusé de faire faire [sic] la notification sur le campus de l’IST. (…) ».
Par requête déposée le 6 janvier 1999, Monsieur KAYO a introduit un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision prévisée du ministre du 17 septembre 1998, ainsi que des deux décisions susvisées des 7 octobre et 3 novembre 1998.
QUANT A LA COMPETENCE ET A LA RECEVABILITE Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre subsidiaire, au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu en la matière.
3 En outre, en ce qui concerne le recours en annulation, il conclut à son irrecevabilité pour cause de tardiveté dans la mesure où il est dirigé contre la décision du 17 septembre 1998. Il soutient dans ce contexte que ladite décision ne ferait que confirmer celle prise antérieurement par le ministre en date du 22 juin 1998, cette dernière se référant à un refus antérieur du 13 août 1997. Comme un recours gracieux aurait été introduit à l’encontre de la décision du 13 août 1997 par lettre du demandeur en date du 28 septembre 1997, le délai du recours contentieux aurait recommencé à courir à partir du 22 juin 1998, date à laquelle le ministre aurait répondu audit recours gracieux. Sur ce, il estime que le recours dont le tribunal est actuellement saisi aurait été introduit tardivement.
En ordre subsidiaire, il estime que le recours en annulation serait irrecevable au motif que les faits soumis au tribunal seraient identiques à ceux qui avaient donné lieu au jugement précité du 27 janvier 1997 et que ce dernier aurait acquis autorité de chose jugée.
Le demandeur relève que la décision du 22 juin 1998 ne contiendrait aucune information sur les voies et délais de recours et il demande au tribunal de « constater que ce courrier n’est à considérer ni comme décision ni comme réponse au recours gracieux ». Il en conclut qu’aucun délai de recours n’aurait pu commencer à courir et que le moyen d’irrecevabilité manquerait de fondement.
Il soutient encore que l’autorité de la chose jugée s’effacerait « devant une situation nouvelle créatrice de droits » et que tel serait le cas en l’espèce où le demandeur « poursuit pour des raisons médicales dûment justifiées ses études au Luxembourg, et non pas comme à l’époque en Belgique ».
Quant au recours en réformation Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions.
Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées.
Quant au recours en annulation Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner la nature des trois décisions critiquées.
- En l’espèce, face au moyen d’irrecevabilité tiré de l’écoulement des délais de recours, il s’agira plus spécialement d’examiner, à la lumière de l’historique de la présente affaire, si les trois décisions litigieuses constituent des décisions purement confirmatives de décisions antérieures ou si elles sont à qualifier de décisions nouvelles prises sur base d’une situation nouvelle.
Dans ce contexte, il convient de relever qu’il est constant en cause que le demandeur, 4 1) au cours d’une première phase, antérieure à l’année académique 1994/1995, a résidé et suivi des cours au Grand-Duché de Luxembourg, 2) au cours d’une deuxième phase, allant de l’année 1994 à l’année 1998, a poursuivi des études en Belgique, période pendant laquelle il sollicita à différentes reprises des autorisations de séjour au Luxembourg, d’une part et dans un premier temps, au motif qu’il ne ferait que suivre des cours de médecine en Belgique, mais qu’il retournerait au Luxembourg pendant les week-ends et pendant les vacances universitaires et, d’autre part et par la suite, au motif qu’il lui faudrait une autorisation de séjour au Luxembourg pour lui permettre de régulariser sa situation en Belgique, demandes qui lui furent toutes refusées par le ministre compétent, 3) a introduit, en date du 1er août 1998, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour lui permettre de suivre des cours au Grand-Duché de Luxembourg, étant précisé que, depuis le 28 septembre 1998, il est inscrit à titre provisoire au département d’informatique appliquée à l’I.S.T. au Luxembourg, en première année d’études.
Il appert à l’examen du dossier administratif que si la décision du 22 juin 1998 à l’adresse du demandeur constitue une itérative réponse du ministre à une demande émanant du demandeur, d’un côté, et de Monsieur D., qui est intervenu en sa faveur, d’un autre côté, tendant à ce que le ministre délivre une autorisation « temporaire » afin que Monsieur KAYO puisse régulariser sa situation en Belgique, tel n’était plus le cas de la décision du 17 septembre 1998, laquelle a été prise suite à la demande de Monsieur KAYO en date du 1er août 1998 dans laquelle il précisa que sa situation personnelle avait changé et qu’il n’entendait plus poursuivre ses études de médecine en Belgique, mais qu’il avait « opté pour un cycle d’ingénieur biomédical. Pour cela je dois suivre une formation en informatique appliquée à l’I.S.T (institut supérieur de technologie) ici au Luxembourg », et, en raison de cette situation de fait, il sollicita une autorisation de séjour « provisoire pour étudiant » au Luxembourg.
En d’autres termes, force est de constater que la décision querellée du 17 septembre 1998 est intervenue suite à une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de séjour après que le demandeur avait décidé d’abandonner, pour des raisons qui lui sont personnelles, ses études de médecine en Belgique, et pour entamer des études en informatique appliquée au Luxembourg, c’est-à-dire que ladite décision est intervenue à la suite d’un élément nouveau qui a modifié la situation juridique du demandeur - appelant l’autorité compétente à prendre position quant à cette situation nouvelle - et qu’elle doit partant être qualifiée de décision nouvelle, ouvrant de nouvelles voies de recours.
Etant donné que cette décision ne contient pas d’information sur les voies et délais de recours ouverts au demandeur à son encontre, alors que cette indication est requise par l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, applicable en l’espèce, il s’ensuit qu’aucun délai pour agir n’a pu commencer à courir et que, sous ce rapport, le recours n’est pas tardif. -
Par ailleurs, le recours ne se heurte non plus au principe de l’autorité de la chose jugée, dès lors qu’il est dirigé contre une décision nouvelle prise à la suite d’un changement de situation et que ni cette décision ni cette situation juridique n’ont fait l’objet du jugement précité du 27 janvier 1997.
5 Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est recevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision prévisée du 17 septembre 1998, pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes de la loi.
Le recours est encore recevable en ce qu’il est dirigé contre les deux décisions ministérielles des 7 octobre et 3 novembre 1998, qui s’analysent en des décisions purement confirmatives de la décision de refus de délivrer un permis de séjour et qui se confondent, dans cette mesure et en l’absence de délais contentieux qui ont commencé à courir, avec la décision précitée du 17 septembre 1998.
Enfin, le tribunal relève encore que, dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, le demandeur demande acte « qu’il recherche également l’annulation, sinon la réformation de l’avis du 22 juin 1998 pour autant qu’il vaille décision, le tout pour les mêmes motifs ». Il semblerait que le demandeur entende encore diriger son recours en annulation -
étant rappelé qu’il résulte des développements qui précèdent que le tribunal est en tout état de cause incompétent pour connaître du recours en réformation - à l’encontre de la lettre prévisée du ministre du 22 juin 1998 à son adresse, c’est-à-dire le courrier par lequel le ministre, tout en confirmant une décision antérieure prise par lui en date du 13 août 1997, informe Monsieur KAYO de ce qu’il ne peut pas réserver de suite favorable à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour au Luxembourg étant donné que sa résidence effective se trouve en Belgique, qu’il ne veut pas favoriser un séjour illégal au Luxembourg, voire régulariser une situation illégale même « si ce n’est que par une autorisation temporaire » et, enfin, « que le ministère de la Justice ne délivre pas d’autorisation de séjour aux étudiants qui poursuivent leurs études à l’étranger ». Or, dans la mesure où il est constant en cause qu’à l’heure actuelle, le demandeur n’entend plus poursuivre ses études en Belgique, mais sollicite une autorisation de séjour au Luxembourg pour y suivre des cours, il s’ensuit que, abstraction faite de toutes autres considérations devenues surabondantes, son recours est à déclarer irrecevable faute d’objet dans la mesure où il est dirigé contre la décision ministérielle du 22 juin 1998.
QUANT AU FOND Le demandeur soutient que la motivation des décisions critiquées serait insuffisante sinon « fallacieuse ».
En outre, il soutient qu’il aurait sa résidence effective au Luxembourg, depuis le jour de l’introduction de sa demande en obtention d’un permis de séjour, qu’il serait régulièrement inscrit à l’I.S.T. à Luxembourg et qu’il suivrait assidûment les cours y proposés, qu’il justifierait de l’existence de ressources suffisantes, que son domicile serait connu et qu’il aurait justifié du paiement des loyers.
Il estime encore qu’on ne saurait lui reprocher un séjour irrégulier sur le territoire « Schengen ».
Le délégué du gouvernement rétorque que les décisions ministérielles seraient suffisamment motivées « dès lors que la décision attaquée ensemble avec les lettres antérieures au même destinataire indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels l’administration s’est basée pour justifier sa décision, ces motifs ayant ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance de l’administré ».
6 Selon le représentant étatique les motifs justificatifs sont: - l’absence de résidence effective du demandeur au Luxembourg; - le défaut de moyens d’existence personnels et suffisants, étant précisé qu’outre la garantie bancaire de 100.000.- francs, le demandeur omettrait de prouver l’existence d’autres moyens personnels suffisants; - son séjour irrégulier sur le territoire « Schengen » depuis 1996, au motif qu’il serait dépourvu du visa requis depuis le 15 septembre 1996.
Le tribunal doit en premier lieu relever que bien que les décisions litigieuses n’aient pas expressément pris position quant à la situation modifiée du demandeur qui, à l’heure actuelle, entend à nouveau poursuivre des études au Luxembourg, le délégué du gouvernement a utilement suppléé à cette omission en produisant les motifs à la base du refus au cours de l’instruction de la présente instance. Il s’ensuit que les décisions n’encourent pas de reproche en ce qui concerne l’existence de motifs.
L’existence de motifs ayant été vérifiée, il convient cependant encore de contrôler si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle de refus.
Le tribunal procédera ci-après en premier lieu à l’examen de la légalité du motif tiré du défaut de preuve de l’existence de moyens personnels suffisants.
L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant: 1° l’entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers; 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère dispose que: « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) -
qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».
Il se dégage dudit article 2 qu’une autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 1/99, V° Etrangers, II Autorisation de séjour -
Expulsion, n°64, et autre référence y citée). - Il convient d’ajouter que ni l’article 2 précité, ni une quelconque autre disposition légale ou réglementaire ne prévoit une exception ou exemption en faveur des étudiants et il n’existe pas de réglementation spécifique qui leur serait applicable, de sorte que les exigences dudit article s’appliquent nécessairement et dans toute leur rigueur aux étudiants.
En l’espèce, le tribunal doit constater qu’il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis que le demandeur ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où les décisions attaquées ont été prises.
En effet, c’est à tort qu’il entend justifier l’existence de moyens personnels suffisants par une aide financière que lui apporte un tiers, en l’occurrence une aide procurée par Madame R. F., documentée par une attestation testimoniale versée en cause, une telle aide n’étant pas à considérer comme constituant des moyens personnels.
Par ailleurs, une garantie bancaire émise au profit du ministère de la Justice n'est pas à considérer comme constituant des moyens personnels, étant donné que pareille garantie bancaire a pour objet de garantir le paiement du voyage de retour du demandeur dans son pays d'origine et n'a par conséquent pas pour finalité de servir comme moyens personnels permettant 7 de financer son séjour au Luxembourg (cf. trib. adm. 13 août 1997, n°9928 du rôle, Pas. adm.
1/99, V° Etrangers, II Autorisation de séjour - expulsion, n°66).
Comme le demandeur n’invoque, ni a fortiori ne prouve l’existence d’autres moyens personnels, c’est donc à bon droit et conformément à l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, que le ministre a pu refuser l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée en se basant sur l’absence de preuve de moyens personnels pour supporter ses frais de séjour.
Le refus ministériel se trouvant justifié à suffisance de droit par ledit motif, l’examen des autres motifs invoqués à l’appui du refus ministériel de délivrer un permis de séjour au demandeur devient superflu et le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
déclare le recours en annulation irrecevable faute d’objet dans la mesure où il est dirigé contre la décision du ministre de la Justice du 22 juin 1998;
déclare le recours en annulation recevable pour le surplus;
au fond le déclare non fondé et en déboute;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 5 juillet 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 8