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21/06/1999 | LUXEMBOURG | N°11116

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 1999, 11116


Numéro 11116 du rôle Inscrit le 8 février 1999 Audience publique du 21 juin 1999 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11116, déposée le 8 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain GROSS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

eur … MURIC, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Trava...

Numéro 11116 du rôle Inscrit le 8 février 1999 Audience publique du 21 juin 1999 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11116, déposée le 8 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain GROSS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 2 février 1999 lui refusant le renouvellement de son permis de travail venu à échéance le 11 décembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 1999 par Maître Alain GROSS au nom de Monsieur MURIC;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Kirstin SCHMIT, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Etant arrivé au Grand-Duché de Luxembourg en date du 1er août 1996, Monsieur … MURIC, de nationalité yougoslave, originaire du Montenegro, demeurant actuellement à L-…, contracta mariage en date du 23 septembre 1996 avec Madame X., également de nationalité yougoslave, titulaire d’une carte d’identité d’étranger.

Le ministre du Travail et de l’Emploi délivra le 11 août 1997 à Monsieur MURIC un permis de travail de la catégorie A en qualité d’ouvrier auprès de la société Y. SA, la date limite de la validité de ce permis étant le 6 décembre 1997.

Ce même permis fut renouvelé, pour le même emploi auprès du même employeur, par décision ministérielle du 12 décembre 1997, jusqu’au 11 décembre 1998.

En date du 19 février 1998, le divorce des époux MURIC-X. fut prononcé. D’après les indications fournies par sa mandataire à la barre, Monsieur MURIC se remaria en septembre 1998.

La demande en renouvellement de son dernier permis présentée conjointement par Monsieur MURIC et son employeur et arrivée à l’administration de l’Emploi le 4 décembre 1998 fut rejetée par le ministre en date du 2 février 1999 aux motifs suivants:

« Je tiens à vous faire savoir qu’il résulte de l’avis de la commission compétente en matière de permis de travail que l’intéressé est divorcé de son épouse X. depuis le 19 février 1998. Or, la seule raison qui m’avait déterminé en 1997 à délivrer une autorisation de travail à Monsieur MURIC était le fait qu’il s’était marié le 23 septembre 1996 à une personne qui était titulaire d’une carte d’identité d’étranger.

Cette raison n’existant plus, je ne me vois plus en mesure de délivrer une autorisation de travail à l’intéressé d’autant plus que des demandeurs d’emploi susceptibles d’exercer la fonction d’ouvrier de production sont disponibles sur place et peuvent vous être assignés sur simple demande.

Je vous invite dès lors à contacter l’Administration de l’Emploi et de communiquer au placeur compétent la date et la plage horaire pour l’assignation de candidats retenus ».

A l’encontre de cette décision négative, Monsieur MURIC a fait introduire un recours en annulation par requête déposée le 8 février 1999.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur reproche à la décision attaquée le caractère manifestement illégal du motif retenu qui équivaudrait à un abus de pouvoir, voire un détournement de pouvoir, qui devrait être sanctionné par son annulation. Le critère du divorce avec son ex-épouse ne saurait en effet justifier, à son avis, la décision en cause, la législation applicable n’établissant point une condition pour le demandeur d’emploi d’être marié.

Le délégué du Gouvernement souligne d’abord que, dès l’expiration d’un permis de travail, le ministre recouvrerait son droit de refuser le renouvellement en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation. La décision attaquée du 2 février 1999, tout en expliquant les raisons qui ont amené le ministre à ne pas invoquer la situation et l’évolution du marché de l’emploi lors de la délivrance des permis antérieurs, préciserait bien que des demandeurs d’emploi pouvant exercer la fonction d’ouvrier de production, laquelle ne suppose pas de qualification particulière, étaient disponibles sur place et pouvaient être assignés à l’employeur.

Il renvoie en second lieu à la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen résultant de l’article 1er du règlement CEE 1612/68 du Conseil du 15 2 octobre 1968 relatif à la circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté et qui imposerait une obligation positive au Grand-Duché.

Le délégué du Gouvernement se fonde en dernier lieu sur la situation concrète du marché du travail luxembourgeois, résultant notamment de statistiques officielles, et l’inscription, au 31 janvier 1999, de 2.612 ouvriers non qualifiés auprès des bureaux de placement publics et à la recherche d’un emploi. Le représentant étatique fait encore état de l’engagement par la société Y. SA, suite à la déclaration par celle-ci en date du 9 novembre 1998 de plusieurs vacances de postes d’ouvriers de production, de 16 des 57 personnes assignées par l’administration de l’Emploi, outre 8 autres demandeurs engagés suite à l’intervention de placeurs allemands. Ces faits démontreraient à suffisance la disponibilité concrète sur place de chômeurs à la recherche d’un poste d’ouvrier de production.

Le demandeur réplique qu’au moment de la délivrance des premiers permis de travail en août et décembre 1997, le taux de chômage était sensiblement le même qu’en décembre 1998 et qu’une variation éventuelle de ce taux n’a pu influencer la décision de refus déférée.

L’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, dispose dans son alinéa 1er que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés au travailleur étranger pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi ».

Il s’ensuit que la délivrance du permis de travail, son renouvellement et son retrait sont conditionnés par la situation du marché de l’emploi (doc. parl. 13872, rapport de la commission juridique, ad art. 26, p. 8) et que le ministre est en droit, tout comme lors de la première délivrance d’un permis de travail, d’apprécier s’il y a lieu de le renouveler au vu de la situation, de l’évolution et de l’organisation du marché du travail (cf. doc. parl. 2097, avis du Conseil d’Etat, p. 11, et 20971, rapport de la commission des affaires sociales, p. 1).

Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le ministre peut encore délivrer un permis de travail en considération d’éléments spécifiques à la demande lui soumise. Dès lors que ces mêmes éléments ne sont plus donnés, le ministre est en droit de refuser le renouvellement du permis antérieurement accordé sur base des éléments ainsi devenus défaillants, si par ailleurs la situation, l’évolution et l’organisation du marché du travail justifient cette mesure.

En l’espèce, le ministre déclare expressis verbis dans la décision contestée du 2 février 1999 s’être fondé sur la circonstance spécifique du mariage du demandeur avec une titulaire de carte d’identité d’étranger pour lui octroyer les permis de travail en août et décembre 1997.

Dans la mesure où le divorce intervenu le 19 février 1998 a mis fin à cette circonstance ayant justifié les mesures prises, le ministre a valablement pu estimer que ce fait nouveau l’amène à apprécier la demande lui soumise au regard des critères généraux relatifs au marché de l’emploi prévus par l’article 27 précité. Par ailleurs, le demandeur a omis de faire utilement état de son remariage en tant que circonstance de nature à amener, le cas échéant, le ministre à lui concéder le renouvellement sollicité.

Les motifs tirés des critères généraux susvisés se dégagent du contenu de la décision déférée du 2 février 1999 tel qu’il a été valablement complété par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé en date du 3 juin 1999.

3 Le représentant étatique invoque comme motifs de refus la priorité à accorder à l’emploi de ressortissants de l’E.E.E., en soutenant en outre que de tels demandeurs d’emploi seraient disponibles sur place. Le tribunal est partant amené à analyser ces deux motifs pris en leur ensemble.

Il est vrai que le ministre peut se baser sur le motif de la priorité à l’emploi à accorder aux ressortissants de l’E.E.E., sur base de l’article 10 (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Aux termes de la disposition en question, « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Ce texte trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 1er du règlement CEE N° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, qui dispose que « 1. tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2.

Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles », ainsi que dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, prérelaté.

Il est encore vrai que le ministre doit en règle générale établir, in concreto, la disponibilité de ressortissants de l’E.E.E. sur place, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé.

En l’espèce, le délégué du Gouvernement fait état d’une opération de recrutement de 16 ouvriers de production par la société Y. SA suite à une déclaration de vacance de plusieurs postes par elle introduite le 9 novembre 1998, un total de 57 personnes ayant été assignées par l’administration de l’Emploi. Ces faits, non autrement mis en cause par le demandeur, démontrent à suffisance la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi sous référence de demandeurs d’emploi pour un poste d’ouvrier de production, de sorte que le ministre a valablement pu se fonder sur ce motif pour justifier sa décision de refus. L’argument du demandeur tiré de l’absence de variation sensible du taux de chômage entre les dates respectives de délivrance des autorisations antérieures et la date de la décision litigieuse de refus ne saurait, dans cette mesure, énerver la légalité de celle-ci.

Il résulte des considérations qui précèdent que les moyens avancés à l’encontre de la décision déférée laissent d’être fondés et que le recours est à rejeter.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, 4 reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juin 1999 par:

M DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11116
Date de la décision : 21/06/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-06-21;11116 ?

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