N° 10981 du rôle Inscrit le 17 novembre 1998 Audience publique du 16 juin 1999
=========================
Recours formé par Monsieur … CASTAGNA et par son épouse, Madame …,..
contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Fischbach en présence de Madame X.
en matière de permis de construire
--------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 novembre 1998 par Maître Albert RODESCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CASTAGNA et de son épouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une autorisation de construire délivrée le 2 avril 1998 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Fischbach à Madame X., demeurant à L-…, autorisant cette dernière à construire une maison unifamiliale à … sur le lot n°1 du plan d’aménagement particulier, au lieu-dit «…», numéro cadastral 5/562, et contenant une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 17 novembre 1998, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de Fischbach et à Madame X.;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 1998 par Maître Roy REDING, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Fischbach;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 10 décembre 1998, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux époux CASTAGNA-…, ainsi qu’à Madame X.;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 1999 par Maître Valérie DUPONG, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame X.;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Albert RODESCH au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 1999, au nom des demandeurs;
1 Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 26 mars 1999, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de Fischbach, ainsi qu’à Madame X.;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Albert RODESCH, Valérie DUPONG et Roy REDING, en leurs plaidoiries respectives.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
----------
Par délibération du 17 juin 1993, le conseil communal de Fischbach approuva définitivement un projet de lotissement concernant des fonds, sis à…, commune de Fischbach, au lieu-dit «…», numéro cadastral 5/562. Le prédit projet prévoyait la construction de 7 maisons unifamiliales isolées sur les lots 1 à 7 avec « des marges d’isolement latérales de quatre mètres au moins de part et d’autre ».
Madame X., ayant acquis le lot n°1 dudit lotissement, introduisit en date du 31 janvier 1998 une demande d’autorisation de construire une maison unifamiliale sur son terrain.
L’autorisation de construire fut délivrée le 2 avril 1998 par le collège des bourgmestre et échevins.
Par lettres des 19 septembre et 23 octobre 1998, les époux CASTAGNA-…, propriétaires du terrain se situant du côté droit du terrain de Madame X., introduisirent des réclamations auprès de cette dernière, ainsi qu’auprès de l’administration communale de Fischbach, en faisant valoir que la construction, telle qu’elle était en train d’être exécutée, ne serait pas conforme au règlement des bâtisses et plus particulièrement à la disposition du règlement prévoyant une distance latérale minimale de 4 mètres par rapport à la propriété voisine.
Par requête déposée le 17 novembre 1998, les époux CASTAGNA-… concluent à l’annulation de l’autorisation de construire délivrée en date du 2 avril 1998 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Fischbach à Madame X.
et portant sur la construction d’une maison unifamiliale sur le lot n°1 des fonds sis à …, commune de Fischbach, au lieu-dit «… », numéro cadastral 5/562, en soulevant la violation de l’article 3 du règlement des bâtisses de la commune de Fischbach ainsi que la violation du plan d’aménagement particulier tel qu’autorisé dans le cadre du lotissement dont fait partie le lot de Madame X., qui imposerait également le respect d’un recul latéral d’au moins quatre mètres.
Dans cette même requête, les époux CASTAGNA-… sollicitent le sursis à l’exécution de l’autorisation de construction litigieuse.
L’administration communale de Fischbach, désignée ci-après « la commune », ensemble Madame X., contestent en premier lieu l’intérêt à agir des demandeurs en faisant valoir que s’il était vrai qu’en règle générale le propriétaire d’un immeuble contigu à une construction litigieuse aurait intérêt à attaquer un permis de construire 2 s’il était établi que ce dernier ne serait pas conforme au règlement des bâtisses, néanmoins faudrait-il encore que les irrégularités dont il fait état, devraient être susceptibles d’aggraver sa situation de voisin. Ils considèrent que dans le cas d’espèce, le pilier destiné à soutenir la toiture de l’immeuble de Madame X., seul élément de la construction qui ne respecterait pas le recul latéral de 4 mètres, ne serait pas susceptible d’aggraver leur situation de voisin. Madame X. relève encore que la maison des époux CASTAGNA-… n’aurait aucune vue directe sur la construction litigieuse, de sorte qu’en l’absence de vue directe, les demandeurs n’auraient pas intérêt à agir, et ceci d’autant plus qu’ils n’éprouveraient aucun préjudice direct en raison du fait notamment qu’ils n’y ont pas leur domicile fixe et permanent.
Les demandeurs font répliquer qu’ils auraient intérêt à agir, étant donné que leur situation de voisin serait aggravée par le fait que le pilier litigieux « surplombe leur maison et la cour de leur immeuble, les privant ainsi de toute intimité ».
Il est constant que toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. S’il est vrai que les proches voisins ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation ne constitue qu’un indice pour l’intérêt à agir, alors qu’elle ne suffit pas à elle seule pour le fonder.
Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner l’aggravation concrète de la situation de voisin dans le chef de la partie demanderesse en question (Cour adm. 24 juin 1997, Pas. adm. 01/99, V° Procédure contentieuse n°4 et autres références y citées).
En se basant sur des arguments relatifs au recul et à l’implantation de la construction du titulaire d’une autorisation de construire, ensemble le fait que la construction litigieuse se situe sur un terrain qui est surélevé d’un mètre par rapport à leur terrain, les époux CASTAGNA-… en tant que voisins directs et immédiats, justifient d’un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur, dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver leur situation de voisins, leur intérêt ne se confondant pas avec l’intérêt général (cf. trib.adm. 20 octobre 1997, Pas. adm.
01/99, V° Procédure contentieuse n°6 et autres références y citées).
Dans cet ordre d’idées, il est indifférent de savoir si les époux CASTAGNA-… résident de manière permanente et effective dans leur immeuble, du moment qu’il est établi que leur situation en tant que propriétaires du terrain voisin est aggravée par la nouvelle construction.
Le recours ayant par ailleurs été introduit dans le délai et les formes de la loi, il est recevable.
Quant au fond, la commune et Madame X. contestent que l’immeuble soit implanté à une distance inférieure à 4 mètres par rapport à la propriété voisine des demandeurs. Ils font valoir que la construction actuelle respecterait les plans de construction et l’implantation tels qu’autorisés et approuvés par la commune et que seul semble être en cause un pilier de 30 cm x 30 cm, se situant dans la marge de recul de 4 mètres. Comme le règlement des bâtisses permettrait que l’espace entre propriétés 3 voisines pourrait recevoir des constructions dites ouvertes, le pilier, destiné à supporter la toiture, devrait tomber sous cette qualification et ne saurait dès lors être considéré comme une construction proprement dite.
Madame X. fait encore préciser que les dispositions de l’article 13 du règlement des bâtisses devraient trouver application, dans la mesure où la construction litigieuse serait à qualifier d’avant-toit.
Il ressort de l’extrait du registre aux délibérations de la commune de Fischbach, concernant l’approbation définitive du plan d’aménagement particulier par le conseil communal en date du 17 juin 1993 qu’une « marge d’isolement latérale de quatre mètres au moins de part et d’autre » est imposée comme condition d’octroi d’une autorisation de construire. Cette disposition du plan d’aménagement particulier se recoupe par ailleurs avec les dispositions de l’article 3 du règlement des bâtisses, qui impose également une marge de reculement latérale de 4 mètres.
En l’espèce, il ressort des plans de construction versés par Madame X. que la maison se présente sous une forme rectangulaire et que l’originalité réside au niveau de la toiture qui répose sur quatre piliers, ces derniers étant situés à une distance d’environ 2 mètres par rapport aux murs de la maison même et étant implantés au milieu des différents côtés de la façade. La toiture dépasse ainsi la construction, pour reposer sur lesdits piliers, d’environ de 1,91 centimètres de chaque côté de la façade.
La question à trancher par le tribunal, telle que présentée par les parties à l’instance, consiste à analyser si les piliers ainsi visés font partie intégrante de la construction même pour déterminer si le recul latéral d’au moins 4 mètres aurait dû être respecté par Madame X. en ce qui concerne l’implantation desdits piliers. Il convient partant de qualifier la nature de la partie de la toiture reposant sur les quatre piliers.
A cet effet, il s’agit d’analyser en premier lieu si la partie de la construction en question, située du côté du terrain des demandeurs, rentre dans le champ d’application de l’article 13 alinéa 1er du règlement des bâtisses, qui a vocation à s’appliquer à défaut de dispositions afférentes du plan d’aménagement particulier et qui dispose que « 1. Hauptgesimse und Vordächer dürfen 70 cm über die Bauflucht vorragen.».
Il est constant en cause que la toiture dépasse de 1,91 cm les murs de la construction principale pour reposer sur le pilier litigieux implanté du côté du terrain des demandeurs. Il ressort en outre d’une inscription sur les plans de construction que « les 4 poutres principales combinées supportant l’ensemble de la toiture reposent sur les 4 piliers extérieurs et la dalle plate-forme de l’étage ». Il est donc constant que c’est la toiture principale qui dépasse la construction principale, de sorte que la partie litigieuse de la construction n’est pas à qualifier d’avant-toit [Vordach]. Par ailleurs, comme la corniche [Hauptgesimse] est à définir comme un élément de la construction qui est constitutif d’un porte-à-faux qui ne nécessiste aucun support au sol, la construction litigieuse ne saurait pas non plus être qualifiée de corniche, de sorte que les dispositions dérogatoires de l’alinéa 1er de l’article 13, ayant trait aux avant-toits et aux corniches, ne trouvent pas application.
4 Concernant le moyen consistant à soutenir que le pilier en question aurait trait à une construction ouverte, qui serait à qualifier d’auvent, défini par le dictionnaire micro-Robert comme « petit toit en saillie pour garantir de la pluie », il découle des développements qui précèdent que tel n’est pas le cas. En effet, les piliers font partie de la construction principale en ce qu’ils sont destinés à soutenir la toiture de cette dernière. Ce raisonnement est corroboré par l’inscription précitée sur les plans de construction. Le pilier se trouvant du côté de la propriété des demandeurs étant implanté à une distance inférieure à 4 mètres de la limite latérale des deux propriétés, il y a lieu d’en conclure que la maison de Madame X. ne respecte pas le recul latéral de 4 mètres imposé tant par le plan d’aménagement général que par l’article 3 du règlement des bâtisses.
Il convient encore de relever, à titre complémentaire, que la fenêtre en saillie du côté des époux CASTAGNA-… se situe également à une distance latérale inférieure à 4 mètres de la limite des deux terrains et qu’elle dépasse la limite de 50 cm telle que retenue par l’article 13 alinéa 4 du règlement des bâtisses, qui dispose que « Erker und andere Vorbauten dürfen eine Auskragung von 50 cm nicht überschreiten (…) », de sorte que le permis de construire délivré ne respecte ni les dispositions impératives de l’article 3 ni celles de l’article 13 alinéa 4 du règlement sur les bâtisses.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent qu’en autorisant une construction ne respectant pas une marge de recul latérale d’au moins 4 mètres, sans justifier une quelconque dérogation afférente, l’autorisation de construire déférée du 2 avril 1998 encourt l’annulation.
Quant à la demande en sursis à exécution, les parties défenderesses, dans leur mémoire en réponse, avaient conclu au rejet de cette demande au motif que l’exécution de l’acte attaqué ne causerait pas un préjudice grave et irrécouvrable à la partie demanderesse et que le recours aurait vocation à être tranché rapidement, vu que « le dossier ne présente pas de complexité particulière ».
Comme le recours introduit est en l’état d’être toisé à ce stade par l’annulation de la décision déférée, la demande en sursis à exécution du permis de construire, telle que présentée, est devenue sans objet, de sorte qu’il échet d’en débouter la partie demanderesse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le dit justifié;
partant annule la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Fischbach du 2 avril 1998 déférée et renvoie l’affaire devant ledit collège;
dit la demande en effet suspensif sans objet;
5 condamne l’administration communale de Fischbach aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 16 juin 1999 par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 6