N° 10876 du rôle Inscrit le 9 septembre 1998 Audience publique du 14 juin 1999
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Recours formé par la société civile immobilière Domaine Paul-… BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS, Bridel et Monsieur … BARTHELEMY, Bridel contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire
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Vu la requête inscrite sous le numéro 10876 du rôle et déposée en date du 9 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Tom WIRION, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilère Domaine Paul-… BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS, établie et ayant son siège social à L-… et pour autant que de besoin au nom de Monsieur … BARTHELEMY, …, demeurant à la même adresse, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 juin 1998 portant refus d’autorisation des transformations prévues aux plans remaniés déposés le 10 mars 1998 concernant le bâtiment annexe de l’immeuble appelé « Juegdschlass », désigné communément par « Försterhaus », situé à L-…;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 8 septembre 1998 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 1998 par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 26 novembre 1998 portant signification de ce mémoire en réponse aux parties demanderesses;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 avril 1999 par Maître Tom WIRION, au nom des parties demanderesses;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 14 avril 1999 par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 mai 1999 par Maître Jean MEDERNACH, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 11 mai 1999 par lequel ce mémoire en duplique a été signifié aux parties demanderesses;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Tom WIRION et Jean MEDERNACH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 juin 1999.
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Considérant que la société civile immobilière Domaine Paul-… BARTHELEMY-
JUEGDSCHLASS établie et ayant son siège social à L-…, ayant comme associés Monsieur … BARTHELEMY, … et gérant de la société civile, Madame X., sans état, Mademoiselle Y., …, Mademoiselle Z., …, les quatre demeurant à L-…, ainsi que Monsieur A., …, demeurant à L-…, appelée ci-après « société BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS », est propriétaire du domaine communément appelé « Juegdschlass » longeant la rue …, d’une superficie totale de 11,3992 hectares et comprenant outre l’immeuble Juegdschlass proprement-dit son annexe appelée « Försterhaus »;
Qu’à l’instar de l’ancien plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg communément appelé plan VAGO, le plan actuel, appelé plan JOLY, a maintenu le domaine Juegdschlass dans une zone rurale, malgré les réclamations introduites par ses propriétaires et rejetées en dernier lieu par le ministre de l’Intérieur le 6 février 1997, décision contre laquelle un recours est actuellement pendant devant la Cour administrative;
Que par décision du 26 mai 1997, la bourgmestre de la Ville de Luxembourg a autorisé la transformation de l’immeuble principal, Juegdschlass, tout en refusant celle-ci pour l’annexe, le Försterhaus, pour être contraire aux prescriptions de l’article G.2.2. de la partie écrite du projet général d’aménagement, ci-après désigné par « PGA » au motif qu’elle comporte un agrandissement important et aura pour effet d’altérer le caractère de la construction existante en précisant que ce volet de la demande ne pouvait faire l’objet d’une autorisation de bâtir;
Que sur recours gracieux de Monsieur … BARTHELEMY et de la société BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS introduit le 25 août 1997 et après réexamen du dossier, la bourgmestre de la Ville de Luxembourg, par courrier du 5 décembre 1997, a déclaré maintenir son refus, en soulignant notamment que l’agrandissement projeté et les affectations prévues étaient contraires aux dispositions de l’article G.2.2. PGA;
Qu’en date du 10 mars 1998 l’architecte …, se référant à l’article 9 des conditions relatives à l’autorisation de bâtir délivrée le 27 mai 1997, a soumis à la bourgmestre des plans remaniés pour l’annexe de l’immeuble en question, accompagnés d’une demande d’autorisation signée du conseil de Monsieur BARTHELEMY;
2 Que par décision du 12 juin 1998, la bourgmestre de la Ville de Luxembourg a déclaré devoir refuser encore l’autorisation demandée en se référant à l’examen du nouveau projet effectué par le service de la police des bâtisses relevant que les transformations envisagées comportent un agrandissement avec augmentation de la surface exploitable d’environ 50 m2 dans le but de l’aménagement d’un logement pour conclure à la non-conformité du projet à la fois à l’article G.2.1. PGA concernant l’augmentation de volume y prohibée et à l’article G.2.2.
PGA concernant l’affectation y non prévue;
Considérant que c’est contre cette décision de refus du 12 juin 1998 que la société BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS, ainsi que pour autant que de besoin Monsieur … BARTHELEMY ont fait introduire un recours tendant principalement à son annulation, sinon à sa réformation suivant requête déposée le 9 septembre 1998;
Considérant que même si le recours en réformation a été formé seulement en ordre subsidiaire, l’examen y relatif amène le tribunal à analyser la question de sa compétence, laquelle doit être toisée avant tout autre progrès en cause;
Considérant que la loi ne prévoyant aucun recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire;
Considérant que la partie défenderesse déclare contester la recevabilité du recours en la pure forme, notamment pour tardiveté en ce qu’il aurait été introduit plus de trois mois après le rejet du recours gracieux par la bourgmestre en date du 5 décembre 1997;
Que faute de recours contentieux introduit contre ledit rejet de recours gracieux, le refus à sa base aurait acquis l’autorité de chose décidée, même en présence de l’introduction d’une demande basée sur des plans remaniés, étant donné qu’on ne saurait faire revivre le délai contentieux par l’introduction d’une nouvelle demande identique en principe et différente seulement sur certains détails;
Considérant que dans la mesure où il résulte des statuts de la société civile immobilière Domaine Paul-… BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS versés à la demande du tribunal ensemble les renseignements fournis que ladite société est propriétaire de l’immeuble dont la transformation a été refusée et que Monsieur … BARTHELEMY, bien qu’étant destinataire de la décision déférée à l’instar de celles antérieurement intervenues, n’a en dernière analyse agi qu’en tant que gérant de ladite société, le recours doit être déclaré irrecevable pour défaut de qualité dans la mesure où il concerne ledit gérant;
Considérant que s’il est vrai qu’en principe une nouvelle décision prise sur base d’une demande réitérée en dehors du délai de recours contre une décision antérieure n’est pas distincte de cette dernière et n’ouvre ainsi pas de nouveau délai de recours, dès lors que la nouvelle décision confirme purement et simplement la décision antérieure, il en est autrement, si la décision confirmative est basée, au moins partiellement, sur des éléments nouveaux à l’égard desquels l’administration prend position, ou encore si l’administration elle-même procède au réexamen du dossier (cf. trib. adm. 7 mai 1997, De Castro Freitas, n° 9322 du rôle, Pas. adm. 01/99, V° Procédure contentieuse, n° 36, p. 190 et autres décisions y citées);
3 Considérant qu’en l’espèce il résulte de la décision déférée même qu’elle est intervenue sur base de l’examen du « nouveau » projet par le service de la police des bâtisses, de sorte que du moins à un double titre en ce qu’il y a eu réexamen du dossier et en ce que de nouveaux plans remaniés ont été introduits, fussent-ils seulement légèrement différents de ceux antérieurement visés, la décision intervenue doit être considérée comme décision nouvelle ayant ouvert des délais de recours propres;
Que le recours n’est dès lors pas tardif;
Considérant que le recours ayant été introduit par ailleurs suivant les formes prévues par la loi il est recevable en tant que formé par la société BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS;
Considérant qu’à l’appui de son recours la société BARTHELEMY-JUEGDSCHLASS fait valoir que l’annexe Försterhaus, ayant servi entre 1873 et 1918 comme logement à un garde chasse qui s’occupait du domaine Juegdschlass, verrait, d’après les nouveaux plans déposés, sa destination liée de manière prépondérante à l’exploitation agricole en tant que pâturages, forêt, élevages d’animaux - notamment de paons, d’ânes et de bisons américains -
de sorte à rentrer pleinement sous les critères d’exploitation agricole prévus à l’article G.2.1.
PGA;
Que plus particulièrement les espaces réaménagés seraient réservés au stockage des engins et outils agricoles et forestiers nécessaires à ladite exploitation, tandis qu’il serait prévu également un logement pour l’aide agricole, ainsi que pour Monsieur BARTHELEMY, lequel s’occuperait lui-même de certains travaux agricoles;
Que ce ne serait que très accessoirement que l’annexe serait destinée à la brasserie Juegdschlass en ce sens qu’une salle de séjour, une douche et un garage seraient prévus pour le personnel hôtelier de la brasserie;
Que la décision déférée aurait dès lors à tort refusé de prendre en considération le caractère et la destination principalement agricole du Försterhaus en le qualifiant de simple annexe à la brasserie restaurant Juegdschlass;
Que la bourgmestre se serait ainsi basée sur des faits matériellement inexacts, ou du moins non légalement établis, de sorte que la décision déférée serait à annuler, pour violation de la loi respectivement excès et détournement de pouvoir;
Considérant qu’il est constant en cause que l’immeuble litigieux Försterhaus se trouve en zone rurale, laquelle est définie à la section G.2. PGA;
Considérant que l’article G.2.1. PGA dispose comme suit: « Les zones rurales comprennent les parties du territoire de la ville qui sont destinées principalement à l’exploitation agricole ou maraîchère. Elles sont marquées en blanc dans la partie graphique.
Dans les zones rurales est admise la construction de bâtiments et d’installations nécessaires à l’exploitation agricole ou maraîchère avec leurs habitations annexes, à condition qu’ils ne modifient pas le caractère du paysage.
4 Sont interdites dans ces zones les constructions et installations servant à des fins de commerce, d’artisanat et d’industrie, de dépôt et de toute forme d’habitation qui n’est pas liée à l’exploitation agricole ou maraîchère »;
Que l’article G.2.2. PGA retient à son tour que « Les constructions existantes qui ne remplissent pas les conditions définies à l’article G. 2.1. ne pourront subir des transformations qu’à condition que ces travaux n’augmentent pas le volume et n’aient pour effet d’altérer ni le caractère ni la destination de ces constructions »;
Qu’il échet de relever à ce stade que c’est suite à une réclamation de Monsieur … BARTHELEMY que le ministre de l’Intérieur, statuant dans le cadre de la procédure d’adoption du nouveau plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, a fait changer les termes initiaux « les maisons d’habitations existantes » en « constructions existantes »;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble des pièces versées, ensemble les informations fournies au dossier que la construction « Försterhaus » ne remplit pas les conditions définies à l’article G.2.1.PGA, en ce que notamment il n’a pas été établi en cause qu’elle soit actuellement ou ait été en dernier lieu affectée à l’exploitation agricole ou maraîchère;
Considérant par ailleurs que l’affectation agricole mise en avant dans son recours par la partie demanderesse est contredite par les éléments même du dossier en ce que d’une part la même partie, sinon Monsieur BARTHELEMY lui-même ont insisté dans leur première réclamation du 25 août 1987 précitée que les transformations projetées pour le bâtiment annexe au bâtiment principal du Juegdschlass constituent des « transformations par agrandissement », qui « n’ont qu’un seul but: assurer le développement économique indispensable de l’établissement « brasserie restaurant Juegdschlass » » et au vu par ailleurs des modifications somme toute peu importantes intervenues concernant les plans remaniés, du moins pour justifier de façon crédible un changement d’affectation par rapport au but ci-avant avoué, de sorte que c’est encore à juste titre que la bourgmestre a pu retenir que l’affectation agricole ou maraîchère requise par l’article G.2.1. PGA laissait à être remplie sur base des plans nouvellement soumis;
Considérant qu’il y a lieu d’abjuger la demande de la société BARTHELEMY-
JUEGDSCHLASS tendant à une visite des lieux en vue d’établir la destination principalement agricole de l’annexe Försterhaus, étant donné que l’ensemble des pièces versées au dossier et plus particulièrement le constat de destination Ostyn versé permettent au tribunal de retenir que pareille destination n’est pas donnée en l’espèce;
Considérant qu’il résulte encore des éléments du dossier et notamment des plans versés que les transformations projetées comportent une augmentation du volume des bâtiments actuellement existants;
Considérant qu’il découle des éléments qui précèdent que c’est à juste titre que la bourgmestre s’est placée dans le cadre de l’article G.2.2. PGA pour refuser les travaux de transformation projetés pour une construction ne remplissant pas les conditions définies à l’article G.2.1. PGA et comportant une augmentation du volume existant;
Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé;
5 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
déclare le recours en annulation irrecevable en tant qu’introduit par Monsieur … BARTHELEMY;
le dit recevable pour le surplus;
au fond le dit non justifié et en déboute;
condamne les parties demanderesses aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juin 1999 par:
M. Delaporte, premier vice-président M. Campill, premier juge Mm Lenert, premier juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 6