N° 10530 du rôle Inscrit le 26 janvier 1998 Audience publique du 9 juin 1999
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Recours formé par Monsieur … FRANSSENS contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Junglinster en matière de permis de construire
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 janvier 1998 par Maître Rhett SINNER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … FRANSSENS, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de deux décisions du bourgmestre de la commune de Junglinster, datées respectivement des 17 octobre et 5 décembre 1997, la première lui refusant l’autorisation de construire une véranda sur la toiture des garages appartenant à son immeuble situé à l’adresse précitée à …, et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 5 janvier 1998, portant signification de ce recours à l’administration communale de Junglinster;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 1998 par Maître Roger NOTHAR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Junglinster;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 29 octobre 1998, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … FRANSSENS;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 1999 par Maître Rhett SINNER au nom de Monsieur … FRANSSENS;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 21 décembre 1998 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Junglinster;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 1999 par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale de Junglinster;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, préqualifié, du 3 février 1999, portant signification de ce mémoire en duplique à Monsieur … FRANSSENS;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;
1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Rhett SINNER et Roger NOTHAR en leurs plaidoiries respectives.
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Par décision du 30 novembre 1977, le bourgmestre de la commune de Rodenbourg autorisa Monsieur et Madame … FRANSSENS-… à construire un immeuble comprenant deux appartements avec deux garages et chaufferie à L-…. Cette autorisation prévoyait au niveau du premier étage, la construction d’un balcon de 1,60 à 5,20 mètres sur la toiture des garages.
En date du 2 avril 1994, Monsieur FRANSSENS introduisit auprès du bourgmestre de la commune de Junglinster, comprenant notamment le territoire de l’ancienne commune de Rodenbourg, une demande en vue d’obtenir l’autorisation lui permettant d’aménager les combles de la maison d’habitation précitée. Cette autorisation lui fut refusée en date du 29 avril 1994, au motif que le projet d’aménagement en question serait contraire à l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses de la commune de Junglinster, qui fixe à 0,5 le rapport maximal entre la somme des surfaces des niveaux habitables et la surface totale de la parcelle (CMU), étant entendu que le terrain en question se trouve dans un secteur de moyenne densité.
Par lettre du 1er octobre 1997, Monsieur … FRANSSENS sollicita auprès du bourgmestre de la commune de Junglinster un permis de construire concernant « le montage d’une véranda sur la terrasse existante de l’immeuble situé au n° 15, rue de l’Eglise à … ».
Par décision du 17 octobre 1997, le bourgmestre de la commune de Junglinster refusa d’émettre l’autorisation de construction sollicitée au motif que « - les articles 677 à 679 du Code Civil prescrivent les vues sur la propriété de son voisin qui sont fixées à au moins 1,90 mètres; - d’après l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses le rapport maximal entre la somme des surfaces des niveaux habitables et la surface totale de la parcelle (CMU) est de 0,5. En plus vous ne vous êtes pas tenu au refus du 29 avril 1994 pour l’aménagement des combles, le CMU dépasse donc de loin les 50% ».
A la suite d’un recours gracieux introduit en date du 7 novembre 1997 par le mandataire de Monsieur FRANSSENS contre la décision précitée du 17 octobre 1997, le bourgmestre confirma sa décision initiale par courrier du 5 décembre 1997.
Par requête déposée le 26 janvier 1998, Monsieur … FRANSSENS a introduit un recours en annulation contre les deux décisions précitées du bourgmestre de la commune de Junglinster prises respectivement en dates des 17 octobre et 5 décembre 1997.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la terrasse qu’il souhaite voir couvrir par une véranda existerait déjà sur le toit des garages appartenant à son immeuble à l’adresse précitée. De ce fait, il n’y aurait pas création d’une vue nouvelle sur la propriété du voisin, et en conséquence les articles 677 à 679 du code civil ne sauraient trouver application en l’espèce.
De même, l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses de la commune de Junglinster ne serait pas non plus applicable en l’espèce, au motif qu’il n’y aurait pas création d’une nouvelle surface habitable.
2 Enfin, en ce qui concerne un prétendu aménagement non autorisé des combles de l’immeuble en question, le demandeur estime que cet aménagement aurait entretemps été entériné par le bourgmestre, étant donné que ce dernier lui aurait facturé une taxe pour l’obtention de l’autorisation de construire. Dans ce contexte, il fait encore valoir que de toute façon l’aménagement des combles en question ne serait pas lié à l’autorisation sollicitée par lui en vue de l’aménagement d’une véranda sur la terrasse de son immeuble.
Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de Junglinster conteste que Monsieur FRANSSENS ait été autorisé à aménager une terrasse sur toute la surface des garages, en insistant sur le fait que seule la construction d’un balcon de 1,60 à 5,20 mètres a été autorisée sur la toiture des garages en question. Il ne saurait partant être question de couvrir d’un toit une terrasse existante, alors que seul un balcon a légalement pu être construit à cet endroit.
La commune soutient encore, calculs à l’appui, non contestés par le demandeur, que du fait de l’aménagement des combles, le CMU serait actuellement de 0,66 et qu’il dépasserait partant celui de 0,50 prévu à l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses de la commune. Une augmentation de la surface habitable par l’aménagement d’une véranda sur la totalité de la surface de la toiture des garages ne pourrait donc être autorisée, puisqu’une telle construction augmenterait encore davantage la surface habitable, qui serait déjà à l’heure actuelle supérieure à celle légalement admissible.
En ce qui concerne la violation des articles 677 à 679 du code civil, la commune fait exposer que le demandeur n’aurait jamais reçu un permis de construire en vue de l’aménagement d’une terrasse sur la toiture de ses garages et que de toute façon une telle autorisation de construire n’aurait pas pu lui être délivrée, étant donné que cette terrasse aurait une surface supérieure au dixième de la surface de la façade, que sa saillie dépasserait 1,50 mètres et qu’elle ne respecterait pas un recul de 1,90 mètres par rapport à la limite latérale de la propriété du demandeur. Partant l’aménagement d’une telle terrasse violerait l’article 37 b) du règlement sur les bâtisses de la commune de Junglinster.
La commune estime encore que la demande d’autorisation serait contraire aux dispositions de l’article 39 a) du règlement sur les bâtisses dans la mesure où le bourgmestre ne pourrait autoriser la construction de dépendances (garages, remises, etc..) dans les espaces réglementaires entre bâtiments et entre les bâtiments et les limites latérales voisines, étant entendu que, en l’espèce, la marge de reculement latérale minimum serait de 3 mètres. Par ailleurs, une dérogation ne pourrait être accordée par le bourgmestre qu’à condition que le voisin ait marqué son accord avec la construction envisagée et qu’il s’agisse de la construction d’un garage dans un passage latéral. Comme en l’espèce la demande visait l’aménagement d’une véranda, le bourgmestre n’aurait pas compétence, conformément aux dispositions du règlement sur les bâtisses, en vue d’accorder une quelconque dérogation à la marge de reculement latérale précitée.
Enfin, la commune soutient que ce serait à bon droit que le bourgmestre s’est basé sur l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses, au motif que l’installation d’une véranda sur une terrasse aurait nécessairement pour conséquence l’augmentation des surfaces habitables. Une telle augmentation de la surface habitable ne pourrait toutefois pas être autorisée en l’espèce, 3 étant donné que déjà à l’heure actuelle le CMU, fixé à 0,5 par l’article en question, serait déjà dépassé et atteindrait 0,66.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait encore exposer que sa demande du 1er octobre 1997 n’aurait pas eu pour objet l’autorisation d’installer une terrasse sur son immeuble, étant donné que cette terrasse aurait déjà existé à l’époque, mais qu’il aurait été simplement question de munir la terrasse d’une « couverture » pour la préserver des intempéries. Il soutient en effet que la commune de Junglinster aurait, lors de la construction de l’immeuble, autorisé la construction de la terrasse en question.
En ce qui concerne l’aménagement de la véranda, il fait exposer que celle-ci serait constituée de piliers en bois et que la terrasse existante serait clôturée. Il conteste par ailleurs que cette construction soit destinée à devenir un jardin d’hiver, en soutenant qu’elle ne serait pas fermée sur les côtés et que partant on ne saurait parler d’une augmentation du CMU.
Dans son mémoire en duplique, la commune conteste avoir autorisé l’aménagement d’une terrasse sur la toiture des garages, en retenant que seule la construction d’un balcon de 1,60 à 5,20 mètres sur la toiture en question aurait été autorisée par le permis de construire délivré en date du 30 novembre 1977.
En ce qui concerne l’augmentation du CMU, la commune fait encore valoir que la véranda envisagée serait accessible à partir du 1er étage de la maison, qu’elle serait couverte et fermée des quatre côtés, de sorte qu’elle serait de nature à servir de pièce d’habitation pendant toute l’année.
Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Le tribunal constate que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si, déjà à l’heure actuelle, le demandeur dispose d’une autorisation de la part du bourgmestre en vue de l’aménagement d’une terrasse sur les garages de son immeuble.
Il ressort des plans de construction de l’immeuble litigieux, approuvés par le bourgmestre de la commune de Rodenbourg en date du 30 novembre 1977, que seul un balcon a été autorisé sur la toiture des garages en question, ayant une dimension de 1,60 à 5,20 mètres. Le bourgmestre n’a donc pas, dans le permis de construire originaire, autorisé l’aménagement d’une terrasse sur la totalité de la surface de la toiture des garages.
Les parties n’ayant produit aucun autre permis de construire, en vertu duquel l’aménagement de la terrasse aurait pu être autorisé, le tribunal conclut que jusqu’à l’heure actuelle, un aménagement d’une terrasse sur la totalité de la toiture des garages n’a pas été autorisé.
Etant donné que les parties à l’instance sont en désaccord sur le type de construction à ériger sur la toiture des garages appartenant à l’immeuble de Monsieur FRANSSENS, et comme il existe plus particulièrement des divergences de vue quant à la question de savoir si la véranda projetée sera fermée des quatre côtés et si elle peut partant servir de surface habitable, et comme cette question revêt une importance au vu de l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses de la commune de Junglinster, qui dispose qu’en ce qui concerne les prescriptions 4 dimensionnelles le rapport maximal entre la somme des surfaces des niveaux habitables et la surface totale de la parcelle (CMU) est fixé à 0,5, pour le secteur de moyenne densité, dans lequel l’immeuble en question est situé d’après les affirmations des parties, il appartient au tribunal de déterminer, sur base des plans soumis au bourgmestre à l’appui de la demande d’autorisation du 1er octobre 1997, et versé au tribunal, le type de construction qui est envisagé par le demandeur.
Il ressort des plans annexés à la demande d’autorisation de construire du 1er octobre 1997 que la construction de la véranda aurait une hauteur totale entre 2,50 et 2,70 mètres, calculée à partir de la toiture plate existant actuellement sur les garages. Il ressort encore des plans en question que la partie de la véranda donnant vers l’arrière de la propriété, sera munie d’une verrière et que les trois autres côtés de la véranda seront fermés en partie par des constructions en dur et en partie par des vitres.
Il découle des constatations qui précèdent que contrairement aux affirmations du demandeur, la véranda sera fermée des quatre côtés et qu’elle peut parfaitement servir à des besoins d’habitation, d’autant plus que sa hauteur correspond aux hauteurs généralement admises pour des pièces habitables. Par ailleurs, l’affirmation du demandeur selon laquelle la toiture servirait exclusivement à protéger les garages des intempéries est difficilement compréhensible lorsqu’on constate l’envergure de la construction projetée, étant donné que si la construction devait exclusivement servir aux fins invoquées par le demandeur, il ne serait pas nécessaire de construire le toit de la véranda à une hauteur située entre 2,50 et 2,70 mètres calculée à partir de la toiture actuelle des garages. Il résulte de ce qui précède que la véranda projetée par le demandeur est destinée à servir à des besoins d’habitation et que de ce fait la surface habitable afférente devra être ajoutée à la surface habitable actuelle en vue du calcul du CMU.
Au voeu de l’article 27 i) du règlement sur les bâtisses, le CMU applicable pour l’immeuble en question est de 0,5. D’après les calculs non contestés de la commune, le CMU actuel est de 0,66.
Il résulte des considérations qui précèdent que, quelle que soit la surface habitable de la véranda projetée, celle-ci ne pourra pas faire l’objet d’une autorisation de construire, étant donné que déjà à l’heure actuelle le CMU dépasse celui prévu par le règlement sur les bâtisses.
Par ailleurs, du fait que la véranda à aménager sur la totalité de la surface de la toiture des garages existants sera construite à la limite latérale de la propriété du demandeur, étant donné que déjà en 1977, les garages en question ont été érigés, avec l’autorisation afférente du voisin en question, à la limite latérale en question, la véranda ne respectera pas le recul latéral de 1,90 mètres tel que prévu par l’article 678 du code civil, qui dispose que « on ne peut avoir des … balcons ou autres semblables saillies sur l’héritage clos ou non clos de son voisin, s’il n’y a 19 décimètres (six pieds) de distance entre le mur où on les pratique et le dit héritage ».
La véranda en question violerait encore l’article 37 b) du règlement sur les bâtisses, qui dispose que « les balcons pourront avoir une surface égale au dixième de la surface de la façade afférente, leur saillie ne pourra dépasser 1,50 mètres. Toutefois ils devront respecter un recul de 1,90 mètres sur les limites latérales », en ce que, d’une part, la surface totale de la terrasse excédera le dixième de la surface de la façade et en ce que, d’autre part, la terrasse ne respectera pas le recul de 1,90 mètres précité.
5 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, sans qu’il y ait à prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance, que la construction de la véranda projetée par le demandeur viole non seulement l’article 678 du code civil, mais encore les articles 27 i) et 37 b) du règlement sur les bâtisses de la commune de Junglinster et que partant le recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en annulation en la forme;
au fond le dit non justifié et en déboute;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 9 juin 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 6