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03/06/1999 | LUXEMBOURG | N°10935

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 1999, 10935


N°10935 du rôle Inscrit le 30 septembre 1998 Audience publique du 3 juin 1999

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Recours formé par Monsieur … CONTER contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 septembre 1998 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur … CONTER, entrepreneur, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulatio...

N°10935 du rôle Inscrit le 30 septembre 1998 Audience publique du 3 juin 1999

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Recours formé par Monsieur … CONTER contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 septembre 1998 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CONTER, entrepreneur, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 14 août 1998, lui refusant l’autorisation d’aménager un dépôt de matériaux de construction sur un fonds sis à …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 1998;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé le 19 mars 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Henri FRANK et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 5 mars 1998, Monsieur … CONTER, entrepreneur, demeurant à L-…, sollicita auprès du ministre de l’Environnement l’autorisation d’aménager un entrepôt à ciel ouvert pour des matériaux de construction sur un fonds sis à ….

Le préposé forestier pour le triage de…, …, avisa cette demande négativement le 23 avril 1998 au motif que « la commune et l’Etat disposant d’une vaste zone industrielle non encore occupée et spécialement conçue pour ce genre d’activités, je suis d’avis que l’implantation d’un entrepôt de matériaux de construction devrait se faire en ces lieux. Un entrepôt sur le site indiqué, près des maisons unifamiliales, entraîne du trafic, des bruits, des poussières et d’autres nuisances et compromettra la qualité de vie du voisinage. D’autant plus, l’implantation d’un entrepôt à l’endroit indiqué ne contribuera certainement pas à une évolution esthétique du paysage ».

Le chef de l’arrondissement … de la conservation de la nature, Monsieur …, se rallia à cet avis et informa le directeur de l’administration des Eaux et Forêts en date du 10 juin 1998 que « lors d’une visite des lieux, j’ai dû constater que la décharge est toujours exploitée, que sa progression s’est faite au dépens de la forêt et qu’elle est utilisée comme dépôt pour matériaux ».

Le chef du service de la protection de la nature, Monsieur …, transmit les deux avis précités le 22 juillet 1998 au ministre de l’Environnement avec proposition de « procéder à une fermeture du chantier avec effet immédiat ».

Par décision du 14 août 1998, le ministre de l’Environnement refusa la demande de Monsieur CONTER au motif que « l’implantation d’un entrepôt à cet endroit porte gravement atteinte à la beauté du site et à la qualité de la vie des habitations se trouvant à proximité (trafic, bruit, poussière). La commune et l’Etat disposent de vastes zones industrielles non encore occupées et spécialement conçues pour ce genre d’activité. L’administration des Eaux et Forêts me signale que la décharge est toujours exploitée, que sa progression se fait au dépens de la forêt et qu’elle est utilisée par ailleurs comme dépôt pour matériaux ».

A l’encontre de cette décision Monsieur CONTER a fait déposer en date du 30 septembre 1998 un recours en réformation, sinon en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les motifs retenus dans la décision de refus du ministre de l’Environnement seraient erronés, dans la mesure où le dépôt en question serait situé à proximité d’une habitation, donc à proximité même de la localité de Contern, de sorte qu’il ne pourrait être soutenu ni que le dépôt porterait atteinte à la beauté du paysage ni que sa progression se ferait au dépens de la forêt, située loin du village. Il estime par ailleurs que « dans une société chacun doit supporter un certain incommodement provenant d’activités économiques », en soulignant cependant, qu’à son avis, l’exploitation d’un dépôt de matériaux ne serait pas de nature à causer des inconvénients anormaux de voisinage.

En dernier lieu, il relève que tous ses efforts pour trouver un autre site pour reloger l’exploitation de son entreprise de construction se seraient soldés par un échec et que dans la seule zone industrielle où il aurait reçu une autorisation pour s’y installer, le prix exigé pour le terrain en question aurait été exorbitant.

Le délégué du gouvernement soulève d’abord l’irrecevabilité du recours en annulation, un recours au fond étant prévu en la matière. Il conclut encore à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’une première décision de refus du ministre de l’Environnement serait déjà intervenue le 19 avril 1988, confirmée sur recours gracieux le 8 août 1988 et le 15 juin 1989. Comme la décision critiquée du 14 août 1998 confirmerait purement et simplement les décisions antérieures intervenues en 1988 et 1989, le recours aurait été introduit en-dehors du délai légal du recours contentieux.

Quant au fond, il relève que le dépôt se situe en zone résidentielle d’aménagement différé. Il ressortirait par ailleurs d’un jugement du tribunal correctionnel du 25 novembre 1997, par lequel Monsieur CONTER a été condamné à 50.000.- francs d’amende ainsi qu’au rétablissement des lieux pour infraction à la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, quel’aménagement du dépôt aurait commencé en 1981 et qu’il aurait été agrandi depuis cette date et qu’une partie du terrain aurait été bétonnée pour permettre l’accès aux camions. Il relève que le dépôt se situe près de maisons unifamiliales, ce qui entraînerait nécessairement des nuisances et compromettrait la qualité de vie du quartier. Il constate enfin que le dépôt se serait développé ces dernières années au dépens de la forêt, de sorte qu’il serait établi que le dépôt porte préjudice à la beauté du paysage et qu’il constitue un danger pour le milieu naturel.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement estime qu’une visite des lieux permettrait d’apprécier les répercussions du dépôt sur le milieu avoisinant.

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l’article 38 de la loi précitée du 11 août 1982, pour statuer au fond en la matière.

Concernant la recevabilité du recours, il est constant que le recours est dirigé contre une décision du ministre de l’Environnement du 14 août 1998. Le moyen tendant à soutenir qu’il s’agirait d’une décision confirmative d’une décision antérieure du même ministre prise en date du 19 avril 1988 est à rejeter, étant donné qu’il ressort du dossier administratif que cette première décision avait trait à une demande d’autorisation portant sur un autre terrain que celui actuellement sous discussion. Ceci est par ailleurs confirmé par courrier du 22 février 1999 du délégué du gouvernement qui fait préciser que « les décisions de 1998 et 1988 visent en fait 2 terrains différents ».

Le recours principal en réformation, déposé en date du 30 septembre 1998 est dès lors recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable, étant donné qu’un recours en annulation n’est ouvert, d’après l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, que contre les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements.

Il est constant en cause que le fond sur lequel l’aménagement du dépôt est projeté est situé en zone d’aménagement différé suivant le plan d’aménagement général de la commune de Contern, de sorte qu’en vertu des dispositions de l’article 8 (3) de la loi précitée du 11 août 1982 « l’autorisation du ministre est également requise pour l’aménagement de dépôts industriels et de dépôts de matériaux situés en dehors de zones industrielles prévues par des projets ou des plans d’aménagement tels que mentionnés à l’article 2. L’autorisation sera refusée si le dépotoir ou le dépôt est de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s’il constitue un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ».

Le ministre a basé sa décision de refus notamment sur la considération que l’implantation d’un entrepôt à cet endroit porte gravement atteinte à la beauté du site et à la qualité de la vie des personnes vivant dans les habitations se trouvant à proximité (trafic, bruit, poussière).

Si les dispositions concernant l’aménagement de dépôts pouvant être autorisés en dehors des zones industrielles sont à interpréter restrictivement, le ministre ne saurait pour autant adopter une attitude qui reviendrait à exclure en fait la possibilité d’aménager un dépôt de matériaux de construction en-dehors des prédites zones.

Cependant le tribunal a pu se rendre compte sur place, lors de la visite des lieux du 19 mars 1999, que le site dans lequel s’inscrit le fond devant recueillir le dépôt litigieux, fait partie d’un milieu rural et résidentiel, qui s’intègre harmonieusement dans le paysage qui, globalement considéré, a été préservé de toute atteinte quant à sa valeur esthétique. Un dépôt de matériaux de construction, de par sa nature, porterait atteinte à la beauté du site pris dans son ensemble en tant que quartier rural et résidentiel, de sorte que le recours laisse à être fondé.

Les considérations du demandeur ayant trait à l’impossibilité de trouver un site approprié pour implanter son entreprise de construction sont étrangères à l’objet du présent recours, de sorte que ce moyen ne saurait être pris en considération par le tribunal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le dit non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 3 juin 1999 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10935
Date de la décision : 03/06/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-06-03;10935 ?

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