La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/1999 | LUXEMBOURG | N°11265

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 1999, 11265


N° 11265 du rôle Inscrit le 28 avril 1999 Audience publique du 2 juin 1999

===========================

Recours formé par Messieurs … JUNG et … BACK, Grevenmacher contre une décision du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher en présence de la société civile immobilière X.

en matière d’autorisation de construire - effet suspensif -



---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro 11265 du rôle et déposée en date du 28 avr

il 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau...

N° 11265 du rôle Inscrit le 28 avril 1999 Audience publique du 2 juin 1999

===========================

Recours formé par Messieurs … JUNG et … BACK, Grevenmacher contre une décision du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher en présence de la société civile immobilière X.

en matière d’autorisation de construire - effet suspensif -

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro 11265 du rôle et déposée en date du 28 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … JUNG, …, demeurant à Grevenmacher, …, ainsi que de Monsieur … BACK, …, demeurant à Grevenmacher, …, contenant une demande d’effet suspensif tendant a voir ordonner le sursis à l’exécution d’une autorisation de construire du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher accordée le 24 septembre 1998 à la société civile immobilière X., domiciliée à L-…, et autorisant la démolition et la construction d’une maison à appartements sur un terrain sis à L-

6761 Grevenmacher, 2, rue Pierre d’Osbourg, inscrit au cadastre de la Ville de Grevenmacher, section A, sous les numéros 837 et 838;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 29 avril 1999 portant signification de cette requête à la société civile immobilière X.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 29 avril 1999 portant signification de la même requête à l’administration communale de Grevenmacher;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 1999 par Maître … MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Grevenmacher;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Patrick KINSCH et … MEDERNACH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mai 1999.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

En date du 24 septembre 1998, le bourgmestre de la Ville de Grevenmacher a accordé une autorisation de construire à la société civile immobilière X., établie et ayant son siège 1 social à L-…, une autorisation relative à la démolition et à la construction d’une maison à appartements sur un terrain sis à Grevenmacher, 2, rue Pierre d’Osbourg et inscrit au cadastre de la Ville de Grevenmacher, section A du chef-lieu, sous les numéros 837 et 838.

Par requête déposée le 28 avril 1999, Monsieur … JUNG, …, demeurant à Grevenmacher, …, ainsi que Monsieur … BACK, …, demeurant à Grevenmacher, …, ont introduit un recours en annulation contre la prédite autorisation de construire du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher et demandé que, en attendant l’examen du fond du litige, le tribunal ordonne qu’il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée.

Quant à la recevabilité L’administration communale de Grevenmacher fait d’abord valoir que les demandeurs resteraient en défaut de démontrer qu’ils pourraient avoir un intérêt personnel, direct, légitime, effectif, né et actuel à l’annulation de l’autorisation de construire et cela surtout au regard des moyens qu’ils invoquent. En particulier Monsieur … BACK, en tant que propriétaire d’un immeuble situé à une distance appréciable de la construction litigieuse, de l’autre côté de la place du Marché, sans vue directe sur la nouvelle construction, ne justifierait pas d’un intérêt suffisant pour agir.

Il est constant que toute partie demanderesse introduisant soit un recours au fond contre une décision administrative, soit une demande de sursis à son exécution, doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (cf. Cour adm. 24 juin 1997, Wertheim, n° 9843C du rôle, et autres références y citées, Pas. adm. 1/99, V° Procédure contentieuse, I.

Intérêt à agir, n° 4).

En l’espèce, Monsieur … JUNG fait valoir qu’en tant que voisin direct il aurait un intérêt certain pour agir, dès lors que sa situation de voisin serait aggravée du fait de la construction projetée au regard notamment de son gabarit (hauteur, volume, nombre d’étages), ainsi que de l’absence de recul postérieur portant atteinte à l’ensoleillement de son terrain, de sorte que si les irrégularités alléguées de l’autorisation litigieuse ou certaines d’entre elles étaient retenues, celles-ci seraient le cas échéant de nature à avoir un impact certain sur sa dite situation, entraînant qu’il aurait un intérêt suffisant pour solliciter un sursis à exécution de l’autorisation de construire litigieuse en attendant que l’affaire soit tranchée au fond.

Quant à Monsieur BACK, il fait valoir qu’en tant que propriétaire d’un immeuble sur la place du Marché à Grevenmacher, il devrait bénéficier de la garantie afférente à la zone de protection du noyau historique dont font partie à la fois sa propre maison et la parcelle devant recevoir la construction litigieuse, alors que tant par ses dimensions que par le défaut de respect des caractéristiques propres au noyau historique de la ville, la construction projetée représenterait pour lui une nuisance esthétique certaine, ce d’autant plus qu’il aurait une vue directe sur l’immeuble en question.

Au stade actuel de l’instruction du dossier et au regard des explications orales fournies par les mandataires des parties à l’audience publique du 26 mai 1999, le tribunal est amené à 2 retenir que Monsieur BACK, s’il n’est certes pas, à l’instar de Monsieur JUNG, un voisin immédiat de la parcelle devant recevoir la construction litigieuse, dispose pour le moins en hiver, à travers les branches des arbres implantés sur la place du Marché ayant perdu leurs feuilles, d’une vue directe sur cette construction, ce qui justifie dans son chef un intérêt à agir.

Dans la mesure où il n’est pas contesté en cause que l’autorisation litigieuse n’avait fait l’objet d’aucun affichage sur le chantier et que les consorts JUNG et BACK n’ont obtenu connaissance suffisante de ses éléments essentiels qu’en février 1999, il y a lieu de retenir que la demande d’effet suspensif a été introduite dans le délai de la loi. Il s’ensuit que cette demande est recevable pour avoir été par ailleurs introduite dans les formes de la loi.

Quant à la déclaration d’effet suspensif A l’appui de leur demande d’effet suspensif, les consorts JUNG et BACK font valoir que les travaux relatifs à la construction projetée ont été entamés et progressent rapidement, de sorte que cette construction risque de leur causer un préjudice grave et difficilement réparable en attendant que le jugement définitif soit intervenu.

Ils soutiennent en outre que les moyens présentés à l’appui du recours au fond, à savoir la violation de la partie écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Grevenmacher, pris plus particulièrement en ses articles 17 exigeant pour la zone en question l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, sinon, pendant la durée de l’élaboration de ce plan, la soumission de tout projet de démolition ou de construction à une commission d’hommes de l’art nommée par le conseil communal, 4, b), en ce que la construction projetée dépasserait en hauteur à la corniche les maison avoisinantes, 7, g), en ce qu’elle dépasserait avec ses quatre niveaux projetés le nombre maximum des niveaux y fixé à trois, et 18, en ce qu’elle ne comporterait aucune marge de reculement, seraient sérieux.

La partie défenderesse soutient de son côté que la demanderesse resterait en défaut d’établir que l’exécution de la décision attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif en faisant valoir que dans l’hypothèse où le permis de construire accordé serait annulé, il serait parfaitement possible au demandeur en sursis de poursuivre la démolition des constructions effectuées, la remise en état des lieux aux frais du constructeur et la réparation du préjudice subi, tandis qu’en cas de rejet de la demande introduite au principal, le constructeur ne disposerait pas d’une action en justice susceptible de lui procurer la réparation du dommage qu’il subirait du fait de l’interruption des travaux de construction, des retards dans l’achèvement et de la livraison de la construction, du bouleversement du planning des travaux et des défections et demandes en dédommagement des corps de métiers.

Il découle tant de l’article 8 (3) alinéa cinquième de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif que de l’article 3 de l’arrêté royal grand-

ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 alinéa premier de ladite loi du 7 novembre 1996, que le recours contentieux n’aura pas d’effet suspensif, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par la juridiction administrative saisie.

Il est, en outre, de principe que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et difficilement réparable, et que, d’autre part, les moyens invoqués à 3 l’appui du recours apparaissent comme sérieux (cf. Trib. adm. 29.9.1997, numéro 10158 du rôle, Pas. adm. 1/99, v° Procédure contentieuse, V° Effet suspensif, n°62).

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances éventuelles de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

En l’espèce, à ce stade de la procédure et en l’état actuel de l’instruction du dossier devant le tribunal administratif, les moyens et arguments avancés par les consorts JUNG et BACK ayant trait au non-respect des dispositions de la partie écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Grevenmacher et plus particulièrement notamment de l’article 17 d’après lequel tout projet de démolition ou de construction en zone de protection du noyau historique doit être soumis, en l’absence d’un plan d’aménagement particulier couvrant la dite zone, avouée en l’espèce, pour avis par le collège échevinal à une commission d’hommes de l’art nommée par le conseil communal conformément à la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, paraît de nature à justifier l’annulation du permis de construire litigieux, dans la mesure où la saisine de pareille commission reste à être établie.

Il ne suffit cependant pas que les moyens invoqués, ou l’un au moins d’eux, soit sérieux, mais il faut encore que l’exécution de la décision attaquée entraîne un préjudice difficilement réparable.

Tel est encore le cas en l’espèce, l’exécution de l’autorisation de construire entraînant, pour l’état des lieux, des conséquences sur lesquelles il sera difficile par la suite de revenir, notamment dans la mesure où les décisions des juridictions judiciaires, pénales et civiles, ne prononcent que rarement le rétablissement des lieux dans leur pristin état (cf. Trib. adm., 22.7.1998, n° 10728 du rôle, Pas. adm. 1/99, v° Procédure contentieuse, V. Effet suspensif, n°63).

Dans la mesure où il est constant que les travaux de construction entamés sur base de l’autorisation de construire litigieuse n’ont pas encore été achevés, le sursis à exécution conserve toute son utilité pour garantir qu’une poursuite des travaux de construction et leur achèvement n’aggrave un état de fait qu’il serait d’autant plus difficile de modifier en pratique en cas d’annulation de l’autorisation de construire litigieuse.

Il résulte des considérations qui précèdent que la demande de sursis à exécution de l’autorisation de construire litigieuse est fondée, de sorte qu’il y a lieu d’y faire droit.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant par défaut à l’égard de la société civile immobilière X. et contradictoirement pour le surplus;

reçoit la demande d’effet suspensif en la forme;

4 la dit justifiée ;

partant ordonne le sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la Ville de Grevemacher du 24 septembre 1998 autorisant la société civile immobilière X. établie et ayant son siège social à L…, à la démolition et la construction d’une maison à appartements sur un terrain sis à Grevemacher, 2, rue Pierre d’Osbourg, jusqu’à la décision du tribunal statuant sur le recours au fond;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juin 1999 par:

M. Ravarani, président M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11265
Date de la décision : 02/06/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-06-02;11265 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award