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31/05/1999 | LUXEMBOURG | N°10934

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 1999, 10934


N° 10934 du rôle Inscrit le 29 septembre 1998 Audience publique du 31 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête déposée le 29 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître François BILTGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADRO

VIC, ressortissant du Monténégro, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annula...

N° 10934 du rôle Inscrit le 29 septembre 1998 Audience publique du 31 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête déposée le 29 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître François BILTGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, ressortissant du Monténégro, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice datées respectivement des 18 mai et 26 juin 1998, la première lui refusant la délivrance d’une autorisation de séjour, et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 26 février 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Marie-Anne MEYERS, en remplacement de Maître François BILTGEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … ADROVIC, ressortissant du Monténégro, est parti le 26 novembre 1991 de Ivangrad au Monténégro, afin d’éviter qu’il soit enrôlé dans l’armée yougoslave. A Sarajevo, il a acquis un passeport établi au nom de X. pour venir ensuite au Luxembourg, où des membres de sa famille étaient déjà établis. Lors de son arrivée au Luxembourg, il a déclaré être célibataire. Il a bénéficié du « statut particulier » réservé aux réfugiés de l’ex-Yougoslavie sous le nom de X.. Sous cette même identité, il a bénéficié d’une autorisation de séjour dont la dernière prorogation a expiré le 15 septembre 1996.

Son épouse, Madame Y. et son enfant sont arrivés au Grand-Duché de Luxembourg en mars 1993, mais ils n’ont pas indiqué le lien de famille existant avec Monsieur ADROVIC alias X.. Madame Y. a en effet soutenu que son époux se trouverait toujours en Yougoslavie.

Ils furent enregistrés comme des personnes non-accompagnées et ont été pris en charge par les services sociaux. Le 16 mars 1994 est né un deuxième enfant du couple ADROVIC-Y..

1 Par lettre du 23 octobre 1995, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC alias X. de ce qui suit: « Il résulte de votre dossier administratif que vous avez fait des déclarations mensongères au sujet de votre identité en faisant usage de 2 noms, à savoir ADROVIC … et X.. Compte tenu du fait que j’envisage de vous retirer l’autorisation de séjour accordée en date du 10 juillet 1995, alors que vous et votre famille avez abusé de l’hospitalité du Grand-Duché de Luxembourg, je vous prie de me faire parvenir dans la quinzaine vos observations écrites sur cette affaire ».

Monsieur …, qui était intervenu au nom de l’ASTI en faveur de Monsieur ADROVIC, fut informé par lettre du 6 février 1997 que l’autorisation de séjour de ce dernier ne serait plus prorogée. Contre cette décision, un recours gracieux fut introduit en date du 4 mars 1997 par le mandataire de Monsieur ADROVIC. Ce recours gracieux a été rejeté par lettre du 21 mars 1997.

Une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur ADROVIC fut introduite le 20 mars 1998.

Par arrêté ministériel du 18 mai 1998, l’autorisation d’entrée et de séjour est refusée à Monsieur … ADROVIC. La décision est motivée comme suit: « - a été condamné le 7 janvier 1998 par le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 6 mois pour faux, usage de faux, circulation sans être titulaire d’un permis de conduire valable ainsi qu’à une amende de 15.000.- LUF; - est démuni de moyens d’existence propres; -

constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ».

Le recours gracieux introduit le 3 juin 1998 contre cet arrêté fut rejeté par décision du ministre de la Justice du 26 juin 1998.

Par requête déposée le 29 septembre 1998, Monsieur ADROVIC a introduit un recours en réformation sinon en annulation contre les décisions des 18 mai et 26 juin 1998.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en réformation, la loi ne prévoyant pas un recours au fond en matière de refus d’autorisations de séjour. Il conclut également à l’irrecevabilité du recours en annulation introduit à titre subsidiaire au motif qu’il aurait été introduit en-dehors du délai légal de trois mois.

Lors de l’audience, les parties étaient d’accord pour retenir comme date de notification de la décision confirmative du 26 juin 1998, le 29 juin 1998.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière d’autorisations de séjour, le tribunal administratif n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Concernant le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement, en ce que le recours en annulation aurait été introduit en-dehors du délai légal de trois mois, le tribunal constate que le recours est dirigé contre deux décisions du ministre de la Justice datées respectivement des 18 mai et 26 juin 1998, la première lui refusant la délivrance d’une autorisation de séjour, et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale.

2 En vertu de l’article 11, alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, tel qu’il a été modifié, la réclamation faite dans les trois mois contre une décision administrative a pour effet de reporter le point de départ du délai du recours contentieux à la date de la notification de la nouvelle décision statuant sur cette réclamation.

En l’espèce, le recours gracieux du 3 juin 1998, formé dans le délai du recours contentieux, a pu conserver celui-ci, qui n’a commencé à courir qu’à compter de la décision confirmative du 26 juin 1998, notifiée le 29 juin 1998, pour expirer le 29 septembre 1998, date du dépôt du présent recours.

Par conséquent, le recours en annulation, dans la mesure où il est dirigé contre la décision ministérielle du 18 mai 1998, confirmée sur recours gracieux le 26 juin 1998, a été introduit dans le délai légal. Comme il a par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu la violation du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers.

Il analyse les décisions attaquées en décisions portant révocation de l’autorisation de séjour temporaire sinon en un retrait de la carte d’identité d’étranger, de sorte qu’un avis aurait obligatoirement et préalablement dû être pris auprès de la commission consultative. Or, il n’aurait pas été convoqué devant ladite commission et cette dernière n’aurait rendu aucun avis dans le cas d’espèce.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’obligation de consulter la commission consultative telle que prévue par le règlement grand-ducal précité ne trouverait pas application au cas d’espèce.

L’article 1er du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972 dispose que « l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement pris avant toute décision portant 1° refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger; 2° retrait de la carte d’identité; 3° expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable; 4° révocation de l’autorisation temporaire de séjour; 5° éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou d’un apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays ».

En l’espèce, les deux décisions attaquées refusent au demandeur le renouvel ement d’une autorisation de séjour dont les effets venaient à expiration. En effet, l’autorisation de séjour du demandeur avait expiré le 15 septembre 1996 et n’a plus été prolongée depuis cette date.

L’expiration d’une autorisation temporaire de séjour entraîne l’obligation de sol iciter une nouvel e autorisation et le seul fait que le demandeur se soit vu accorder dans le passé des renouvel ements successifs n’a pas pour effet d’imprimer aux décisions attaquées la nature de décisions de retrait d’une autorisation de séjour ou de la carte d’identité d’étranger. (trib. adm. 27 janvier 1997, Pas. adm. 1/99, V° Etrangers, II autorisation de séjour, n°57, p.89).

3 La consultation préalable n’était donc pas obligatoire et le moyen de nul ité invoqué est dès lors à écarter.

Le demandeur conteste ensuite qu’il soit démuni de moyens d’existence propres, étant donné que si sa situation était régularisée, il obtiendrait un emploi auprès d’une société de construction en tant que maçon-coffreur, affirmation qu’il étaie par la production d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Il fait encore contester qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics. A cet effet, il fait valoir que ses condamnations judiciaires résulteraient du fait qu’il aurait utilisé une fausse identité lors de son arrivée au Grand-Duché de Luxembourg, que « ce fait n’est pas constitutif en lui-même d’un danger pour l’ordre public et qu’il a été expliqué précédemment les raisons de l’utilisation de cette fausse identité lors de son départ de Yougoslavie ». Il conclut dès lors que les motifs du refus de l’autorisation d’entrée et de séjour ne seraient pas fondés.

Le délégué du gouvernement estime qu’il serait constant en cause que le demandeur ne disposait pas de moyens d’existence au moment où les décisions attaquées ont été prises et que par ailleurs la preuve de l’existence de tels moyens ne serait, à l’heure actuelle, toujours pas rapportée.

Quant au danger pour l’ordre et la sécurité publics, il souligne que le demandeur aurait utilisé une fausse identité lors de son arrivée au pays et il aurait continué à faire usage de cette fausse identité, notamment dans le but de toucher des avantages pécuniaires qui normalement ne lui seraient pas dus.

Concernant le motif de refus tiré de l’absence de moyens d’existence propres, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'oeuvre étrangère, telle que modifiée par la suite, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ». Une autorisation de séjour peut donc être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué. La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué. Il ne peut que vérifier, d'après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 1/99, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n°7 et autre référence y citée).

Il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que le demandeur ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où les décisions attaquées ont été prises.

C’est en effet à tort que le demandeur entend justifier l’existence de moyens personnels suffisants par la production d’un contrat d’emploi, qui est soumis à la condition suspensive d’obtention d’un permis de travail. En effet, au moment de la prise de décision, il n’était pas en 4 possession d’un permis de travail et il n’était dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher légalement des revenus provenant de cet emploi.

Le demandeur n’invoque ni, a fortiori, ne prouve l’existence d’autres moyens personnels.

Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a refusé l’autorisation de séjour sollicitée.

Etant donné que la décision se justifie pour le motif analysé ci-dessus, l’examen des autres motifs sur lesquels le ministre a encore basé sa décision de refus du 18 mai 1998, confirmée le 26 juin 1998, devient surabondant et le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Cette conclusion ne saurait être ébranlée par l’affirmation du demandeur qui relève dans son recours que « de plus la famille du requérant à savoir une femme et deux enfants, dont l’un est né au Luxembourg, vit légalement au Luxembourg, de sorte qu’il n’y a aucun sens à expulser Monsieur ADROVIC ».

Cette affirmation n’est pas constitutive d’un moyen susceptible d’être analysé par le tribunal et ce dernier se trouve ainsi dans l’impossibilité de statuer à son égard, à défaut par le demandeur d’avoir fourni des précisions quant à la portée à lui attribuer et quant à la disposition légale qui aurait été éventuellement violée. Par ailleurs, aucune conclusion quant aux conséquences à attribuer à ce « moyen » n’a été énoncée ni dans la requête initiale ni dans le mémoire en réplique. Enfin, ces lacunes ont mis le délégué du gouvernement dans l’impossibilité de préparer utilement sa défense.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 5 et lu à l’audience publique du 31 mai 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10934
Date de la décision : 31/05/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-05-31;10934 ?

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