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19/05/1999 | LUXEMBOURG | N°10815

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 1999, 10815


N°s 10815 et 10816 Inscrits le 27 juillet 1998 Audience publique du 19 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … SCHALTZ, … 1. en obtention d’une indemnité de procédure et 2. à l’encontre d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’indemnité de procédure

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10815 et déposée en date du 27 ju

illet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau...

N°s 10815 et 10816 Inscrits le 27 juillet 1998 Audience publique du 19 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … SCHALTZ, … 1. en obtention d’une indemnité de procédure et 2. à l’encontre d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’indemnité de procédure

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10815 et déposée en date du 27 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de Monsieur … SCHALTZ, infirmier-psychiatrique, demeurant à L-…, tendant à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de 106.120.- francs à titre de frais et honoraires d’avocat en relation avec un procès antérieur sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10816 et déposée en date du 27 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de Monsieur … SCHALTZ, préqualifié, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 29 avril 1998 portant refus de lui rembourser sur base de l’article 32, paragraphe 5, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, la somme de …- francs correspondant aux frais et honoraires déboursés dans le cadre d’un litige antérieur;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL pour Monsieur … SCHALTZ en date du 15 mars 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascal PEUVREL et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 1999.

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Suivant jugement du 8 juillet 1997 dans l’affaire inscrite sous le numéro du rôle 9648, le tribunal administratif déclara recevable et fondé un recours introduit par Monsieur … SCHALTZ, infirmier-psychiatrique, demeurant à L-…, et procéda à la réformation d’une décision implicite de refus du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en disant que “ l’allocation de fin d’année 1995 du demandeur est à calculer en tenant compte de l’augmentation, à partir du 1er janvier 1995, de la valeur annuelle du point indiciaire de 1,35% telle qu’elle résulte de l’article 2, 1, a) de la loi du 8 juillet 1996 ”, étant précisé que dans le cadre de cette instance aucune indemnité de procédure n’avait été demandée sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile.

Par courrier de son mandataire du 28 juillet 1997, Monsieur SCHALTZ s’adressa au Premier ministre, ministre d’Etat, pour demander, sur base du chapitre 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelée “ le statut général ”, le remboursement de la somme de …- francs représentant le mémoire de frais et honoraires de son avocat relatif au litige prérelaté. Cette lettre étant restée sans réponse, il envoya, en date du 3 mars 1998, une lettre de rappel au Premier ministre.

Par courrier du 29 avril 1998, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après appelé “ le ministre ”, lui fit parvenir une réponse dont la teneur est la suivante:

“ J’ai l’honneur de revenir à votre lettre du 28 juillet 1997 à Monsieur le Premier Ministre dans l’affaire sous rubrique.

Lors de sa séance du 15 janvier 1998, le Conseil de Gouvernement s’est fixé une ligne de conduite générale déterminant les conditions et les modalités d’application de l’article 32 du statut général des fonctionnaires.

Suivant cette directive, le paiement d’honoraires d’avocat dans une affaire relevant de l’article 32 paragraphe 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat n’est pas prévu. Il est par ailleurs à remarquer que votre avocat n’avait pas demandé au juge administratif l’application de l’article 131-1 du code de procédure civile qui autorise le tribunal à condamner sous certaines conditions une partie à payer à l’autre les “ sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ”, c.-à-d.

entre autres les honoraires d’avocat ”.

Par requête inscrite sous le numéro 10815 du rôle et déposée le 27 juillet 1998, Monsieur … SCHALTZ demande au tribunal de condamner l’Etat sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile à lui payer la somme de …- francs qu’il indique avoir déboursée à titre de frais et honoraires d’avocat pour les besoins du procès prérelaté. Il demande en outre, relativement à la présente instance, que l’Etat soit condamné à lui payer une partie des sommes par lui exposées et non comprises dans les dépens évaluées à 50.000.- francs en application du même article 131-1 du code de procédure civile.

2 Par requête inscrite sous le numéro 10816 du rôle et déposée au greffe du tribunal également le 27 juillet 1998, Monsieur SCHALTZ a fait introduire un autre recours qu’il qualifie de subsidiaire par rapport au précédent et qui tend à l’annulation, sinon à la réformation de la lettre précitée du ministre du 29 avril 1998.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice il y a lieu de joindre les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 10815 et 10816 et d’y statuer par un seul jugement.

Quant au recours inscrit sous le numéro 10815 du rôle Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours tendant à la condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre respectivement de …- francs et …- francs sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile, qu’il signale être devenu l’article 240 du nouveau code de procédure civile, en exposant que le tribunal a été dessaisi par son jugement du 8 juillet 1997 de l’affaire dans le cadre de laquelle ces frais ont été exposés. Il estime qu’à défaut d’avoir été formulée dans le cadre de l’affaire ayant abouti au dit jugement, la demande actuelle serait irrecevable pour cause de tardiveté et de dessaisissement de la juridiction compétente.

Le demandeur entend résister à cette argumentation en faisant valoir qu’à l’époque aucune demande en obtention d’une indemnité de procédure n’avait été formulée, de sorte que le tribunal n’aurait pas encore eu à trancher à ce sujet et qu’il serait partant encore en droit de formuler une telle demande.

Suivant l’article 98 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, l’article 131-1 du code de procédure civile est d’application devant les juridictions de l’ordre administratif. Il est encore constant qu’en vertu de l’article VI de la loi du 3 août 1998 portant modification I. des articles 25, 116 et 137 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, II. des articles 805-1, 847 et 875 du code de procédure civile, et de l’article 236 du code civil, III. des articles X, XIII et XI de la loi du 11 août 1996 sur la mise en état en matière de procédure civile contentieuse, le nouveau code de procédure civile a été rendu applicable à toutes les affaires introduites à partir du 16 septembre 1998 tant en première instance qu’en instance d’appel, tandis que pour les affaires introduites avant cette date, le code de procédure civile est resté applicable, de sorte que c’est à juste titre que le recours sous analyse, déposé en date du 27 juillet 1998, est basé sur l’article 131-1 du code de procédure civile.

Il n’en demeure pas moins que la possibilité de demander au juge de condamner une partie au litige à payer à l’autre les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, découlant du dit article 131-1 du code de procédure civile, est réservée aux seules parties aux litige et que cette qualité est appelée à disparaître lorsque l’instance ayant occasionné les frais en question vient à son terme.

A l’instar d’une condamnation aux frais et dépens en application de l’article 130 du code de procédure civile, qui est un accessoire obligé de la condamnation principale (cf.

Encyclopédie Dalloz, Procédure civile, v° frais et dépens, n° 90), une condamnation au paiement d’une indemnité de procédure sur base de l’article 131-1 du même code ne se conçoit que lorsque une demande afférente a été formulée dans le cadre du litige auquel elle se 3 rapporte quant à son objet et dans le cadre et dans les limites duquel le juge saisi est appelé à apprécier l'équité fondant cette condamnation.

En l’espèce il est constant que le jugement prérelaté du tribunal intervenu en date du 8 juillet 1997 a mis fin à l’instance ayant généré les frais litigieux, de sorte que la qualité de partie au dit litige n’est à l’heure actuelle plus vérifiée dans le chef du demandeur.

Il s’ensuit que le premier recours inscrit sous le numéro du rôle 10815 est irrecevable.

Quant au recours inscrit sous le numéro 10816 du rôle Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en matière de décisions refusant de faire droit à une demande en indemnisation formulée sur base de l’article 32,5. du statut général, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit sur cette base statutaire.

Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro du rôle 10816 pour cause de dessaisissement du tribunal, en renvoyant à l’argumentation par lui exposée au sujet du recours inscrit sous le numéro du rôle 10815.

L’article 32, 5. du statut général, en disposant que “ si le fonctionnaire, ou l’ancien fonctionnaire, subit un dommage en raison de sa qualité ou de ses fonctions, l’Etat l’en indemnise pour autant que l’intéressé ne se trouve pas, intentionnellement ou par faute ou négligence graves, à l’origine de ce dommage et n’a pu obtenir réparation de l’auteur de celui-ci ”, institue un régime de protection spécifique, propre à la fonction publique, qui se distingue fondamentalement du mécanisme prévu par l’article 131-1 du code de procédure civile.

Cette dernière disposition confère en effet au juge saisi d’un litige la faculté de condamner, dans un souci d’équité et à la demande d’une des parties, l’autre à lui payer une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, tandis que l’article 32, 5. du statut général consacre dans le chef du fonctionnaire un droit à indemnisation du dommage subi en raison de sa qualité ou de ses fonctions.

La protection ainsi instaurée par le statut général est une protection directe, conférant au fonctionnaire un droit à indemnisation qui n’est ni conditionné dans son exercice par l’existence d’un litige pendant au sujet du fait dommageable, ni encore affecté dans son existence par la clôture d’un litige éventuellement engagé à ce même sujet.

Il s’ensuit que le moyen du délégué du Gouvernement tendant à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté et de dessaisissement de la juridiction compétente n’est pas fondé.

Le recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 29 avril 1998 ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond 4 Le demandeur fait valoir à l’appui de son recours que c’est à tort que le ministre a refusé de lui rembourser les frais d’avocat par lui engagés pour défendre sa cause dans le litige prérelaté l’ayant opposé au ministre, alors que ces frais constitueraient un dommage subi en raison de sa qualité et de ses fonctions au sens de l’article 32,5. du statut général.

Il reproche en outre à la décision déférée de se référer à une ligne de conduite générale du Gouvernement en conseil qui serait “ privée de toute valeur juridique ” et “ conduirait à priver l’article 32, 5. du statut général de sa plus élémentaire substance ”, pour conclure à son absence de motivation juridique valable.

Si une simple ligne de conduite du Gouvernement en conseil ne saurait en tout état de cause rajouter à la loi, voire réglementer l’exécution de celle-ci, il n’en reste pas moins qu’une ligne de conduite, à l’instar d’une circulaire ministérielle, peut apporter aux autorités chargées d’exécuter la loi des éclaircissements quant à l’interprétation de celle-ci, sans que le contenu de ces instructions ne lie pour autant le juge ou les tiers au-delà du contenu des dispositions légales qui en font l’objet.

Il est par ailleurs constant que la motivation de la décision déférée, explicitée en cours d’instance par le délégué du Gouvernement, repose en substance sur la considération que les frais d’avocat engagés pour défendre une cause ne constituent pas un dommage ouvrant le droit à indemnisation au sens de l’article 32, 5. précité du statut général, de manière à ce que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée de cette décision et la disposition légale invoquée à sa base.

S’il est bien vrai que, face notamment à l’impossibilité de déférer une affaire administrative au tribunal administratif sans l’assistance d’un avocat, le demandeur a nécessairement dû exposer des frais d’avocat pour soutenir l’instance par lui engagée et clôturée par jugement non appelé du tribunal du 8 juillet 1997 et qu’il existe partant un lien de causalité entre, d’une part, la décision implicite du ministre ayant fait l’objet du litige et, d’autre part, les frais d’avocat afférents du demandeur, il reste cependant que le fait dommageable, en l’occurrence la décision ministérielle ayant fait l’objet du litige toisé par jugement du 8 juillet 1997, est étranger, quant à sa nature, au champ d’application de l’article 32, 5. du statut général.

La protection statutaire instituée par ledit article 32, 5. est en effet limitée dans sa finalité par l’exigence que le dommage sujet à indemnisation soit subi par l’agent “ en raison de sa qualité ou de ses fonctions ” et tend à protéger le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire dans la mesure où il a subi un dommage en agissant ès-qualités, dans l’exercice de la fonction publique lui confiée, ceci pour faciliter le processus d’indemnisation.

En l’espèce, le fait générateur du préjudice allégué par le demandeur trouve par contre sa source dans un litige opposant Monsieur SCHALTZ en tant qu’administré, destinataire d’une décision administrative lui faisant grief, à la puissance publique considérée en tant que son employeur, de sorte que les frais d’avocat litigieux ont été engendrés par un litige l’opposant à son employeur concernant ses droits patrimoniaux personnels découlant des dispositions légales relatives à son traitement. La rémunération n’étant que la contrepartie de la fonction exercée, une contestation y relative ne saurait partant se résoudre en un dommage subi à l’occasion de l’exercice de ladite fonction.

5 Il s’ensuit que c’est à bon droit que la décision déférée a retenu que ces frais ne peuvent pas faire l’objet d’une indemnisation sur base de la disposition statutaire invoquée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile est à rejeter, les conditions d’application n’étant pas remplies au regard de l’issue du présent litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours inscrit sous le numéro du rôle 10815 irrecevable;

reçoit le recours inscrit sous le numéro du rôle 10816 en la forme;

au fond le dit non justifié et en déboute;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 1999 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10815
Date de la décision : 19/05/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-05-19;10815 ?

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