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17/05/1999 | LUXEMBOURG | N°10918

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mai 1999, 10918


N° 10918 du rôle Inscrit le 22 septembre 1998 Audience publique du 17 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame … .

contre une décision de non-remboursement des retenues d’impôt sur salaires sinon contre une décision implicite de rejet du directeur de l'administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête déposée le 22 septembre 1998 au greffe du t

ribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre de...

N° 10918 du rôle Inscrit le 22 septembre 1998 Audience publique du 17 mai 1999

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Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame … .

contre une décision de non-remboursement des retenues d’impôt sur salaires sinon contre une décision implicite de rejet du directeur de l'administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête déposée le 22 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et … ., demeurant à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation « d’une décision de l'administration des Contributions directes sinon du bureau d’imposition suivant laquelle cette / ce dernier n’a pas procédé au remboursement de la somme de … .- francs, sinon contre une décision implicite de rejet de Monsieur le directeur des Contributions » rendue dans le cadre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 1998;

Vu le mémoire en réplique intitulé « mémoire en duplique » déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 1999 par Maître Marc KLEYR au nom des époux … .;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin d’impôt sur le revenu;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Marc KERGER, en remplacement de Maître Marc KLEYR, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur …, de nationalité française, a travaillé au courant de l’année … au Luxembourg pour compte de la … . Il a résidé, ensemble avec sa famille, au Grand-Duché de Luxembourg jusqu’au 31 août …, date à laquelle il a transféré sa résidence à … .

Pour la période allant du 1er janvier … au 31 août …, son employeur a opéré des retenues d'impôt sur son salaire au taux qui aurait été applicable s’il avait été contribuable résident au Grand-Duché de Luxembourg pendant toute l’année.

Lors de l’établissement définitif de l’impôt par voie de bulletin d'impôt sur le revenu, daté au 8 février …, il s’est dégagé un trop-perçu de … .- francs pour l’année …. Sur le prédit bulletin d’impôt, le bureau d’imposition a d’office ajouté comme « déduction non remboursable » [nichterstattungsfähige Abzüge] cette même somme de ….- francs au motif que le trop-perçu est « non remboursable en vertu de l’article 154 alinéa 6 L.I.R. Les retenues disproportionnées au revenu global de l’année sont restituables en équité par la voie de juridiction gracieuse du directeur des contributions sur simple demande justifiant de tous les revenus et dépenses à l’étranger pendant l’année considérée ».

Par lettre recommandée du 3 mai …, les époux … ont introduit une réclamation auprès de l'administration des Contributions directes, par laquelle ils ont demandé la restitution du montant de … .- francs en se prévalant de l’arrêt … rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 8 mai 1990 (C-175/88, Rec.p.1.-1779) qui a retenu l’incompatibilité de l’article 154 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », avec les dispositions de l’article 48 du traité de Rome. Le secrétaire de la « juridiction des impôts de la direction des Contributions, division du gracieux » a accusé réception le 17 juin … de la susdite lettre en informant les époux … que leur réclamation a été enregistrée en tant que remise gracieuse.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de la susdite réclamation du 3 mai …, un recours a été déposé au greffe du tribunal en date du 20 mai 1997. Ce recours a été déclaré irrecevable par jugement de ce même jour.

Un deuxième recours, tendant aux mêmes fins, a été introduit le 22 septembre 1998, dans lequel les époux …, par le biais de leur mandataire, demandent la réformation sinon l’annulation « d’une décision de l'administration des Contributions directes sinon du bureau d’imposition suivant laquelle cette / ce dernier n’a pas procédé au remboursement de la somme de … .- francs, sinon contre une décision implicite de rejet de Monsieur le directeur des Contributions » rendue dans le cadre de la retenue d’impôt sur le salaire de Monsieur … au titre de l’exercice ….

Concernant la recevabilité du recours, les demandeurs font valoir que « la décision administrative dont question se trouve en connexion étroite avec l’émission du bulletin d’imposition relatif à l’année …, notifié aux requérants en février … et, est de la sorte à contester dans le cadre du contentieux de la cote d’imposition ».

A titre subsidiaire, au cas où « la décision administrative en question ne se trouverait pas en connexion étroite avec l’émission du bulletin d’imposition, elle fait l’objet d’un recours distinct. La décision en question est attaquable en vertu du paragraphe 237 LGI».

Le délégué du gouvernement fait d’abord remarquer que dans leur réclamation auprès du directeur de l'administration des Contributions directes, les demandeurs se seraient placés sur le terrain de la voie gracieuse, pour conclure ensuite à l’irrecevabilité de la requête « alors qu’on ignore si elle est basée sur le § 228 AO ou sur le § 237 AO. Ce cumul de recours ne répond pas aux exigences d’une procédure ordonnée. Le recours basé sur base du §237 pris ut singuli est également irrecevable alors qu’aucune des hypothèses d’application de cette disposition n’est donnée. Le recours sur base du § 228 ut singuli est également irrecevable sinon non fondé alors qu’en raison des critères de l’article 6 LIR et pour des raisons de droit international public le bureau d’imposition n’est compétent que pour déterminer le revenu mondial des contribuables résidents, pendant la période de leur résidence ».

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur le fait que dans leur réclamation introduite en date du 3 mai …, ils ont fait état d’une jurisprudence suivant laquelle l’article 154 alinéa 6 LIR, invoqué comme motif de non restitution des sommes perçues en trop dans le cadre des retenues d’impôt sur salaire opérées par l’employeur de Monsieur …, serait illégal et contraire au droit communautaire. « Par là-même, le requérant a manifesté, de façon non équivoque, sa volonté, justement, de ne pas se placer sur le terrain du gracieux ».

Quant à la recevabilité du recours Au voeu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », et de l’article 8 (3) 1. et 3. de la loi du 7 novembre … portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours contre le bulletin d’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur de plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable.

En l’espèce, le bulletin d'impôt émis en date du 8 février … fixe une cote d’impôt de … .- francs et porte en déduction le montant perçu au titre de la retenue d'impôt sur salaires et pensions, à savoir le montant de … .- francs. Le bulletin dégage ainsi un trop-perçu [Verbleibender Betrag] de … .- francs. Sur le même support matériel, le bureau d’imposition a encore indiqué qu’il refusait la restitution du trop-perçu au motif que « ce montant est non remboursable en vertu de l’article 154 alinéa 6 LIR ». Ainsi, en-dessous de la somme de … .-

francs, figurant à titre de trop-perçu sur le bulletin d'impôt sur le revenu, le bureau d’imposition a procédé à l’ajout du montant de … .- francs, pour aboutir à un montant, à reprendre au décompte, de … francs. Indépendamment du fait que le bulletin d'impôt sur le revenu et le bulletin refusant la restitution du trop-perçu sont réunis dans un même corps d’écriture, il s’agit néanmoins de deux décisions distinctes, ce qui implique que les conditions de recevabilité doivent être examinées par rapport à chaque bulletin séparément.

Force est de constater que le recours n’est pas dirigé contre le bulletin d’impôt sur le revenu et plus précisément contre la cote d'impôt, tel que les demandeurs semblent le soutenir, étant donné qu’ils ne font valoir aucun moyen relatif à la fixation de la cote d'impôt ou quant au principe de l’affirmation de leur imposabilité. En effet, les demandeurs acceptent la fixation de la cote d’impôt telle qu’elle se dégage du bulletin émis le 8 février … par le bureau d’imposition Luxembourg …, cote qui par ailleurs fait dégager un trop-perçu d'impôts en faveur des demandeurs.

La requête telle qu’elle se présente au tribunal est à qualifier d’action en restitution des impôts payés en trop. En effet, le recours est dirigé contre une décision qui est matérialisée sur le même support matériel que le bulletin d’impôt sur le revenu et dont il ressort que le bureau d’imposition refuse la restitution d'impôts. En l’espèce, les retenues d’impôts à la source, à savoir la retenue d'impôt sur les traitements et salaires, dépassent la créance d’impôt fixée par la voie d’assiette, matérialisée par le bulletin d’impôt émis en date du 8 février ….

Une telle action en restitution est prévue par le paragraphe 150 AO, qui dispose que « Kann die Rückzahlung entrichteter Steuern verlangt werden, so genügt zur Geltendmachung des Anspruchs, dass der Antrag rechtzeitig schriftlich oder mündlich bei einem Finanzamt gestellt wird. (…) Wird ein Erstattungsanspruch abgelehnt, so ist ein Bescheid zu erteilen (….) »..

La décision rejetant totalement ou partiellement la demande en restitution est susceptible, en vertu du paragraphe 235 (5) AO, d’un recours au fond tel que prévu par le paragraphe 228 AO. En effet, le paragraphe 235 (5) AO dispose: « Die Rechtsmittel der §§ 228 bis 230 sind ferner gegeben: (5) gegen Bescheide über Erstattungs- und Vergütungsansprüche, die aus Rechtsgründen zugelassen sind (…) ».

Le recours en réformation prévu par le paragraphe 235 AO est donc soumis à la condition qu’il existe un bulletin (ein Bescheid) par lequel le bureau d’imposition a manifesté son intention de refuser totalement ou partiellement la restitution des impôts réclamés, ce qui est, comme exposé ci-dessus, le cas en l’espèce.

Ayant été formé plus de six mois après l’entrée en vigueur, le 1er janvier …, de la loi précitée du 7 novembre …, sans que la réclamation du 3 mai … n’ait été toisée par le directeur de l’administration des Contributions directes, le recours en réformation contre le bulletin du 8 février …, en ce qu’il refuse la restitution du trop-perçu au titre de l’impôt sur le revenu, a été introduit dans le délai légal. Comme il a également été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire, est donc à déclarer irrecevable.

Quant au fond Les demandeurs concluent au bien-fondé de leur demande en restitution d'impôts en invoquant un arrêt … du Comité du contentieux du Conseil d’Etat, rendu le 24 mars 1992, (rôle n°7641), selon lequel l’article 154 (6) LIR, pris comme motif du refus de la restitution, serait contraire au droit communautaire, à savoir à l’article 48, paragraphe 2 du Traité de Rome garantissant la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.

Pour refuser la restitution du trop-perçu au titre de la retenue d’impôt sur salaires opérée pour l’année …, le bulletin entrepris s’est fondé sur l’article 154 (6) LIR qui dispose que les retenues de l'impôt sur les traitements et salaires opérées à charge des salariés qui sont contribuables résidents pendant une partie de l’année seulement, parce qu’ils s’établissent au pays ou parce qu’ils quittent le pays au courant de l’année, restent acquises au trésor et ne peuvent être sujettes à restitution.

Or, il se dégage de l’arrêt précité du 8 mai 1990 de la Cour de justice des Communautés européennes que « l’article 48, paragraphe 2, du traité, fait obstacle à ce que la législation fiscale d’un Etat membre prévoie que les retenues d’impôt sur les traitements et salaires opérées à charge d’un salarié ressortissant d’un Etat membre, qui est contribuable résident pendant une partie de l’année seulement parce qu’il s’établit au pays ou parce qu’il quitte le pays au courant de l’année fiscale, restent acquises au trésor et ne puissent pas être sujettes à restitution ».

Il résulte donc de l’arrêt du 8 mai 1990 que l’article 154 (6) LIR, dans sa teneur applicable pour l’exercice fiscal …, est contraire au droit communautaire et que, par conséquent, il ne peut pas servir de fondement légal pour refuser la restitution du trop-perçu d'impôts réclamée par les demandeurs.

En l’absence d’une autre disposition légale ou réglementaire invoquée par le délégué du gouvernement, permettant de justifier le refus de remboursement du trop perçu au titre de la retenue d'impôt sur les salaires, cette restitution ne saurait être refusée par le bureau d’imposition et partant le recours est à déclarer fondé et il y a lieu d’ordonner la restitution de la somme de … .- francs.

Les demandeurs réclament également l’allocation d’intérêts légaux « tels que de droit » sur la somme à restituer. Une telle demande avait également été présentée devant le directeur de l'administration des Contributions directes, de sorte que cette demande est recevable.

Il résulte cependant de l’article 20 (3) de la loi d’adaptation fiscale, dite « Steueranpassungsgesetz », que « Der Staat zahlt keine Steuerzinsen (weder bei Erstattung oder Vergütung noch bei Hinterlegung baren Geldes) ».

En présence d’une disposition relevant du régime du droit fiscal défendant expressément l’allocation d’intérêts sur le trop-perçu, le tribunal doit déclarer la demande en obtention d’intérêts légaux non fondée.

Concernant la demande tendant à la condamnation de l’Etat au paiement de la somme … .- francs, avec les intérêts légaux tels que de droit, le tribunal doit en premier lieu examiner s’il est compétent pour en connaître.

En vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l’article 95 bis (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge (trib.adm. 15.12.97, Pas.adm. n°2/1998, V°Compétence, n°23).

En l’espèce, la demande tendant à obtenir la condamnation de l’Etat à payer aux demandeurs les sommes réclamées par eux a pour objet une question de droit civil relevant de la compétence des autorités judiciaires et partant le tribunal administratif est incompétent pour en connaître.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare partiellement justifié, par réformation de la décision de refus de restitution du bureau d’imposition telle qu’elle est matérialisée dans le bulletin du 8 février …, dit que les demandeurs ont droit à la restitution des retenues d'impôt opérées en … sur le salaire de Monsieur … , dans la mesure où ces retenues excèdent le montant de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité dont les demandeurs sont redevables pour l’exercice …, dit la demande en allocation d’intérêts légaux non fondée, se déclare incompétent pour connaître de la demande en condamnation de l’Etat à payer la somme de … .- francs, fait masse des frais et les impose pour quatre cinquièmes à l’Etat et pour un cinquième aux demandeurs.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 17 mai 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10918
Date de la décision : 17/05/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-05-17;10918 ?

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