N° 10427 du rôle Inscrit le 24 novembre 1997 Audience publique du 17 mai 1999
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Recours formé par Monsieur … SCHMIT contre un arrêté du ministre de l’Environnement et un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société anonyme X. S.A.
en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes
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Vu la requête déposée en date du 24 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHMIT, …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation, d’une part, d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 9 septembre 1997, et, d’autre part, d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 1997, autorisant tous les deux la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, à transformer son dépôt pétrolier, situé à l’adresse précitée;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 21 novembre 1997, par lequel cette requête a été signifiée à la société anonyme X. S.A.;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 1998 par Maître Roger NOTHAR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X. S.A.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, préqualifié, du 9 juin 1998, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à Monsieur … SCHMIT;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Fernand ENTRINGER et Dominique BORNERT, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par lettre du 5 mai 1997 adressée à l’inspection du Travail et des Mines du ministère du Travail et de l’Emploi, le mandataire de la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège 1 social à L-…, sollicita l’autorisation de procéder à la modification de son exploitation située à l’adresse de son siège social, en se basant sur la loi modifiée du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Il était indiqué dans la demande en question que « l’exploitation future du dépôt [pétrolier] est définie en stockage dormant d’hydrocarbures à destination de réserves stratégiques ne faisant l’objet d’aucun transfert excepté lors du rafraîchissement de stock pour des raisons de qualité de produits ou de maintenance d’urgence, puisque les travaux de réaménagement prévus ne comprennent pas d’éléments nouveaux à autoriser et améliorent la protection de l’environnement et la sécurité et qu’il n’y a par conséquent pas d’accroissement de risque, ni pour la sécurité, ni pour la santé … ».
Il ressort d’un procès-verbal d’une réunion du collège échevinal de la commune de …, qui s’était tenue en date du 25 juillet 1997, qu’au cours de l’enquête publique ayant eu lieu du 10 au 24 juillet 1997, aucune réclamation n’avait été formulée à l’encontre du projet en question et que le conseil échevinal décida partant d’émettre à l’unanimité un avis favorable quant à l’octroi de l’autorisation sollicitée.
Par décisions respectives des 9 septembre et 15 octobre 1997, le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail et de l’Emploi ont autorisé ladite exploitation.
Par requête déposée le 24 novembre 1997, Monsieur … SCHMIT, …, demeurant à L-
…, a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des décisions précitées des 9 septembre et 15 octobre 1997, émises respectivement par le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail et de l’Emploi.
A l’appui de son recours, Monsieur SCHMIT fait exposer qu’alors même qu’il n’habite pas sur le territoire de la commune de …, il est propriétaire d’un terrain situé aux alentours immédiats du dépôt pétrolier de la société anonyme X. S.A. à …, étant entendu que seuls les rails du chemin de fer séparent son terrain de celui appartenant à la société pétrolière.
Il fait encore valoir que dans le cadre de la modification des installations pétrolières de la société anonyme X. S.A., son terrain a été classé en zone verte par décision du ministre de l’Intérieur, qui fait l’objet d’un recours contentieux séparé devant le tribunal administratif.
Il estime que du fait de ce reclassement de son terrain, il subit un préjudice affectant directement l’utilisation de sa propriété, qui trouverait sa source dans les autorisations déférées par le présent recours au tribunal administratif.
Il soutient enfin que « s’il y a dangerosité des installations X. pour le voisinage, celle-
ci doit être enlevée ou pour le moins amoindrie en raison des conditions d’exploitations appropriées ».
X. S.A. ainsi que le délégué du gouvernement concluent à l’irrecevabilité du recours en annulation, introduit en ordre principal par le demandeur, étant donné que la loi précitée du 9 mai 1990 prévoirait un recours en réformation en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes.
Encore que le demandeur entend exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence 2 d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions.
En vertu de l’article 13 de la loi précitée du 9 mai 1990, le tribunal administratif a compétence pour statuer comme juge du fond en matière de recours dirigés contre des décisions portant autorisation pour des établissements de la classe I. L’établissement faisant l’objet de la demande introduite auprès de l’inspection du Travail et des Mines par la lettre précitée du 5 mai 1997 étant à ranger sous la classe I d’après la liste figurant à l’annexe du règlement grand-ducal modifié du 18 mai 1990 déterminant la liste et le classement des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, seul un recours en réformation a pu être introduit auprès du tribunal administratif. Le tribunal administratif est partant compétent pour connaître du recours en réformation, étant donné qu’un recours en annulation n’est ouvert, d’après l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, que contre les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements.
Un recours au fond étant prévu en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes, le recours en annulation est donc à déclarer irrecevable.
Le délégué du gouvernement ainsi que X. S.A. invoquent encore un moyen d’irrecevabilité tiré du libellé obscur de la requête introductive d’instance dans la mesure où celle-ci ne précise ni en quoi les décisions critiquées violeraient les dispositions légales applicables, ni les dangers éventuels résultant de l’exploitation desdites installations. L’absence d’indication, même sommaire, des faits et des moyens ainsi que des conclusions sur lesquels le demandeur entend se baser en vue d’obtenir la réformation des décisions critiquées mettrait les parties défenderesses dans l’impossibilité de présenter leur défense de façon complète et utile, étant donné qu’elles ignoreraient les dispositions légales ou réglementaires qui auraient été violées par les décisions critiquées.
L’article 1er, paragraphe 2 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, dispose que la « requête contiendra l’exposé sommaire des faits et des moyens, les conclusions, les noms et demeures des parties, l’énonciation des pièces dont on entend se servir et qui y seront jointes ».
S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à l’appui de la réclamation, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions (v. C.E. 19 avril 1961, Pas. 18, p. 457).
L’omission d’indiquer des moyens entraîne l’irrecevabilité de la demande pour violation des droits de la défense, étant donné que la partie défenderesse ne saurait utilement préparer et assurer sa défense, a fortiori, l’absence d’une demande met le juge dans l’impossibilité pure et simple de statuer (v. trib. adm. 22 janvier 1998, Pas. adm. 01/99, V° Procédure contentieuse, n° 53, p. 193).
En l’espèce, force est de constater que le demandeur se borne à indiquer dans la requête introductive d’instance que son terrain, situé aux abords immédiats du dépôt pétrolier de la société anonyme X. S.A., aurait été classé en zone verte en raison du prétendu impact desdites installations pétrolières, et à faire allusion à une dangerosité hypothétique des 3 installations pétrolières en question, sans fournir un quelconque fait ou motif permettant d’établir une quelconque dangerosité des installations visées, sans préciser les dispositions légales ou réglementaires qui auraient le cas échéant pu être violées par les décisions déférées au tribunal administratif et sans tenter d’expliquer en quoi les autorisations en question violeraient la loi précitée du 9 mai 1990 ainsi que ses règlements d’exécution.
Ces lacunes de la requête introductive d’instance ont mis les parties défenderesses dans l’impossibilité de préparer utilement leur défense et elles mettent, par ailleurs, le tribunal administratif dans l’impossibilité de vérifier la légalité et le bien-fondé des décisions querellées.
La requête déposée ne suffisant pas aux exigences posées par l’article 1er du règlement de procédure, le recours est à déclarer irrecevable, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en annulation irrecevable;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;
le déclare irrecevable;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 17 mai 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 4