Numéro 10431 du rôle Inscrit le 26 novembre 1997 Audience publique du 5 mai 1999 Recours formé par Monsieur … BOSCH, Hautbellain, et la société civile Communauté d’exploitation agricole X.-
BOSCH, Hautbellain contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de quotas laitiers
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10431, déposée le 26 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BOSCH, demeurant à L-…, et, pour autant que de besoin, par la communauté d’exploitation agricole X.-BOSCH, société civile, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation, et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 14 novembre 1997 supprimant avec effet au 1er avril 1998 la quantité de référence supplémentaire de 2.927 kg allouée à Monsieur BOSCH;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mai 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 1998 par Maître Fernand ENTRINGER au nom de Monsieur BOSCH;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Fernand ENTRINGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.
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Par arrêté du 4 février 1988, le Secrétaire d’Etat à l’Agriculture et à la Viticulture alloua à Monsieur … BOSCH, demeurant à L-…, numéro d’exploitant 482320, une « quantité de référence individuelle supplémentaire au titre de l’article 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 » de 3.105 kg.
Par convention du 4 juin 1992, Monsieur BOSCH a constitué, avec effet au 1er avril 1993, ensemble avec Monsieur X., demeurant à L-…, la société civile « communauté d’exploitation agricole X.-BOSCH », ci-après appelée « la société X.-BOSCH », dans laquelle Monsieur SCHANK se vit octroyer 200 parts et Monsieur BOSCH les 115 parts restantes. Par courrier du 9 juin 1992, le mandataire de la société X.-BOSCH a notifié au service d’économie rurale la constitution de cette société. Le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural décida en date du 23 avril 1993 qu’à « partir du 1er avril 1993 la communauté d’exploitation agricole X./BOSCH de Hautbellain bénéficie d’une quantité de référence de 315.537 kilogrammes conformément aux indications figurant à l’annexe de la présente décision » en considérant notamment « qu’à la suite de la constitution de cette communauté d’exploitation agricole, il y a lieu de comptabiliser en commun les quantités de référence attribuées aux producteurs concernés ».
Le ministre s’adressa à Monsieur BOSCH par lettre du 17 octobre 1997 pour l’informer de son intention de lui retirer la quantité de référence supplémentaire allouée par la décision prévisée du 4 février 1988 à concurrence de 2.927 kg.
Monsieur BOSCH fit présenter par courrier de son mandataire du 4 novembre 1997 ses observations en contestant le droit du ministre de procéder à ce retrait au motif qu’il ne s’agirait pas d’un quota supplémentaire au sens technique du terme.
Par décision du 14 novembre 1997, le ministre retira à Monsieur BOSCH la quantité de référence supplémentaire de 2.927 kg avec effet au 1er avril 1998 et la rapporta à la réserve nationale. Dans la lettre d’accompagnement portant la même date, le ministre précisa encore « dass Sie keine Einwände gegen die von mir beabsichtigte Entscheidung, betreffend die Aberkennung der Ihrem Betrieb zugeteilten Zusatzquoten, in der hierfür einberaumten Frist vorgebracht haben ».
A l’encontre de cette décision de retrait du 14 novembre 1997, Monsieur BOSCH et la société X.-BOSCH ont fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée en date du 26 novembre 1997.
Alors même que le demandeur a introduit principalement un recours en annulation et en ordre subsidiaire seulement un recours en réformation, le tribunal doit examiner en premier lieu ce dernier recours, étant donné que l’existence d’un recours au fond dans une matière donnée rend le recours en annulation irrecevable.
Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond en matière de retrait de quantités de référence, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement soulève le moyen de l’irrecevabilité du recours pour autant qu’introduit au nom de la société X.-BOSCH pour défaut d’intérêt, la décision attaquée 2 portant retrait d’une quantité de référence supplémentaire attribuée à l’époque au seul Monsieur BOSCH.
Le contrat de société du 4 juin 1992, constituant la société X.-BOSCH, stipule dans son article 1er que les associés ont décidé: « ihre landwirtschaftlichen Betriebe in einer « fusion totale » zusammenzulegen um gemeinsam dieselbe zu bewirtschaften ». Il résulte encore de l’article 4 dudit contrat que les deux associés apportent notamment l’ensemble de leurs vaches laitières à la société.
Aux termes de l’article 12 du règlement grand-ducal du 30 mars 1993 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, « lorsque deux ou plusieurs fournisseurs s’associent pour l’exploitation en commun de la production laitière, l’association créée à cet effet dispose de l’ensemble des quantités de référence individuelles revenant à chacun de ses participants », à condition que l’association réponde à certaines conditions y spécifiées plus amplement.
La décision prémentionnée du ministre du 23 avril 1993, qui se réfère expressément à l’article 12 du règlement grand-ducal précité du 30 mars 1993, retient que la société X.-
BOSCH « bénéficie » des quantités de référence en provenance des exploitations individuelles X. et BOSCH avec effet, conformément à l’article 12 précité in fine, au 1er avril 1993 qui suit la constitution de cette société. Elle emporte ainsi le constat que les conditions fixées par ledit article 12 se trouvent vérifiées en l’espèce et que la société X.-BOSCH « bénéficie » des quantités de référence en provenance des deux exploitations prévisées jusqu’à hauteur de 315.537 kg.
Il s’ensuit que la société X.-BOSCH dispose d’un intérêt certain à contester la décision attaquée opérant retrait et transfert à la réserve nationale les quantités de référence litigieuses.
D’un autre côté, dans la mesure où l’article 12 prévisé n’opère pas un transfert définitif des quantités de référence dont dispose la société X.-BOSCH, Monsieur BOSCH conserve un intérêt à agir en tant qu’attributaire initial de ces droits.
Le moyen d’irrecevabilité est en conséquence à rejeter et le recours en annulation introduit au nom de Monsieur BOSCH et de la société X.-BOSCH, ayant par ailleurs été déposé dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Quant au fond Les parties demanderesses reprochent en premier lieu au ministre le non-respect de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, leur reconnaissant le droit de présenter leurs observations à l’autorité qui se propose de révoquer pour l’avenir une décision leur ayant reconnu des droits. Elles exposent à l’appui de ce moyen que leurs observations formulées par lettre recommandée de leur mandataire du 4 novembre 1997 n’auraient pas été prises en considération et renvoient à la décision déférée en ce qu’elle a retenu expressis verbis que Monsieur BOSCH « a été informé par courrier en date du 17 octobre 1997 qu’il va perdre le bénéfice de la quantité de référence supplémentaire avec effet au 1er avril 1998 du fait qu’il touche actuellement une pension de vieillesse; que le producteur concerné n’a pas réagi à ce courrier endéans le délai imparti ».
3 S’il est vrai qu’il n’a pas été établi en cause que le délai en question ait été observé par les parties demanderesses actuelles, il n’en reste pas moins que les parties au litige sont en accord pour admettre que le courrier du 4 novembre 1997 relatant la prise de position des parties demanderesses est arrivé en temps utile au ministère qui affirme, suivant les conclusions écrites du délégué du Gouvernement, en avoir dûment pris connaissance avant d’avoir statué le 14 suivant. Dès lors, l’objectif fixé par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité tendant à la participation de l’administré à la prise de décision en cas de modification de sa situation administrative a été atteint en l’espèce, de sorte que le moyen est à rejeter.
Les parties demanderesses critiquent en second lieu que la notification de la décision critiquée du 1er novembre 1997 a été accomplie à l’égard de Monsieur BOSCH seulement et non à l’égard de la société X.-BOSCH qui serait titulaire des quotas des deux exploitants.
Il se dégage des éléments du dossier que, suite à la réception du courrier ministériel prévisé du 17 octobre 1997, les deux parties demanderesses ont assuré la défense de leurs intérêts par un mandataire commun et que la notification de la décision critiquée a eu lieu à un des deux associés de la société X.-BOSCH. Dans la mesure où les parties demanderesses ont eu la possibilité de faire valoir leurs droits dans le cadre de la procédure contentieuse par elles déclenchée, il y a lieu d’admettre que la société X.-BOSCH a eu une connaissance effective et suffisante de la décision critiquée, de sorte qu’en l’absence de présentation de griefs précis afférents, ses droits de la défense sont à considérer comme n’ayant pas été affectés par le vice de notification soulevé par son mandataire. Le moyen laisse en conséquence d’être fondé.
Les parties demanderesses soutiennent ensuite que la quantité de référence litigieuse, allouée pour combler partiellement la perte essuyée suite au choix de l’année de référence 1983 par rapport à l’année de référence 1981, ne représente pas une quantité de référence supplémentaire dans le sens de la législation applicable en la matière pour ne pas avoir été accordée dans les conditions de l’article 2, c) du règlement grand-ducal précité du 14 mars 1996.
Il est constant que la quantité de référence en cause avait été allouée à Monsieur BOSCH par décision du 4 février 1988 sur base de l’article 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987.
Les conditions de retrait de quantités de référence sont précisées comme suit par l’article 12 du règlement grand-ducal du 14 mars 1996: « Sauf dérogation à accorder par le Ministre de l’Agriculture dans des circonstances exceptionnelles, les quantités de référence supplémentaires accordées sont rapportées à la réserve nationale: …. - à partir du moment où l’exploitant bénéficie d’une pension de vieillesse, la disposition de ce dernier tiret n’étant applicable qu’à partir du 1er avril 1998 ».
La notion de quantité de référence supplémentaire est définie par l’article 2, c) du même règlement grand-ducal comme suit: « Au sens du présent règlement on entend par: … c) quantité de référence supplémentaire de lait: la partie de la quantité de référence dont le producteur dispose en vertu d’une décision du Ministre de l’Agriculture et qui provient de l’attribution de quantités supplémentaires en provenance - de la réserve nationale et allouées dans le cadre du règlement grand-ducal modifié du 7 juillet 1987 précité et du règlement grand-ducal modifié du 30 mars 1993 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait et du présent règlement au titre de la réalisation d’un plan de développement ou d’un 4 plan d’amélioration matérielle, au titre de l’installation d’un jeune exploitant ou au titre d’une situation exceptionnelle du point de vue social, - du pool national instauré en application de l’article 16 du présent règlement ».
La quantité de référence litigieuse allouée à Monsieur BOSCH répond à cette définition pour lui avoir été allouée par décision ministérielle sur base de l’article 8 du règlement grand-
ducal prévisé du 7 juillet 1987 qui autorise un tel octroi à un producteur « à qui l’introduction du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait a porté un préjudice particulièrement grave du point de vue social », en l’occurrence le choix de l’année 1983 au lieu de l’année 1981 comme année de référence, hypothèse qui est précisément visée à l’article 2, c) précité.
Etant donné que les parties demanderesses ne contestent point que Monsieur BOSCH bénéficie d’une pension de vieillesse, les conditions d’application de l’article 12 sont remplies et le ministre était en droit de retirer la quantité de référence supplémentaire litigieuse sur base de cette disposition.
Les parties demanderesses présentent en dernier lieu le moyen selon lequel « sauf erreur ou omission, l’article 12 dernier tiret du règlement grand-ducal du 14 mars 1996 sur base duquel la décision litigieuse est intervenue n’a de base légale ni dans une loi luxembourgeoise, ni dans une disposition communautaire » et estiment qu’ « au besoin il échet de saisir la Cour de l’Union Européenne d’une question préjudicielle sur base de l’article 177 du Traité ».
L’article 1er du règlement CEE n° 3950/92 du 28 décembre 1992 établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers dispose à cet égard dans son alinéa 1er qu’ « à l’intérieur des quantités visées à l’article 3, l’Etat membre peut alimenter la réserve nationale, à la suite d’une réduction linéaire de l’ensemble des quantités de référence individuelles, pour accorder des quantités supplémentaires ou spécifiques à des producteurs déterminés selon des critères objectifs établis en accord avec la Commission ».
L’article 6 du règlement CEE n° 536/92 de la Commission du 9 mars 1993 fixant les modalités d’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, pris sur base de l’article 11 du règlement CEE n° 3950/92 précité, se limite à préciser qu’ « à la réserve nationale visée à l’article 5 du règlement CEE n° 3950/92 sont affectées les quantités de référence qui n’ont pas ou qui n’ont plus d’affectation individuelle. Les quantités de référence livraisons et ventes directes sont comptabilisées de façon distincte ».
Cette dernière disposition, laissant une large marge d’appréciation aux Etats membres quant aux hypothèses dans lesquelles une quantité de référence « n’a plus d’affectation individuelle » constitue, en l’absence d’autres textes confinant davantage cette latitude en faveur des Etats membres, une base habilitante suffisante, ensemble l’article 37 alinéa 4 de la Constitution, pour le Grand-Duché de déterminer, conformément à son droit interne, les cas dans lesquels certaines quantités de référence sont à réaffecter à la réserve nationale, sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes. Ce moyen est dès lors également à rejeter.
Il résulte des développements qui précèdent que le recours introduit par Monsieur BOSCH et la société X.-BOSCH laisse d’être fondé.
5 PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, et lu à l’audience publique du 5 mai 1999 par le premier vice-président en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
SCHMIT DELAPORTE 6