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29/04/1999 | LUXEMBOURG | N°10644

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 avril 1999, 10644


N° 10644 du rôle Inscrit le 27 mars 1998 Audience publique du 29 avril 1999

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Recours formé par BRECHER LUXEMBOURG & DEUTSCHLAND GMBH contre un bulletin émis par le bureau d’imposition Sociétés V en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10644 et déposée le 27 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat inscrit à la lis

te I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société BRECHER LUXEMBOUR...

N° 10644 du rôle Inscrit le 27 mars 1998 Audience publique du 29 avril 1999

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Recours formé par BRECHER LUXEMBOURG & DEUTSCHLAND GMBH contre un bulletin émis par le bureau d’imposition Sociétés V en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10644 et déposée le 27 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société BRECHER LUXEMBOURG & DEUTSCHLAND GMBH, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin d’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 1992, émis le 2 décembre 1993;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 1998;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement le bulletin entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Alain STEICHEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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La société BRECHER LUXEMBOURG & DEUTSCHLAND GMBH, anciennement …, établie et ayant son siège social à L-…, dénommée ci-après « BLD », ayant comme objet le commerce de machines industrielles et plus spécialement de concasseurs, représentée par son associé-gérant Monsieur X., déposa au début de l’année 1993 sa déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités concernant l’année 1992. Il ressort du dossier fiscal qu’en date du 22 juin 1993, BLD faisait l’objet d’un contrôle fiscal par le bureau d’imposition sociétés V concernant les années d’imposition 1989-1992. En date du 13 juillet 1993, une réunion eut lieu dans les bureaux de la fiduciaire …, en charge des intérêts de BLD.

Il ressort d’une lettre du 22 juillet 1993 adressée par le bureau d’imposition à BLD que « lors de la vérification fiscale de vos livres comptables, conformément au paragraphe 162 alinéa 9 de la loi générale des impôts par les vérificateurs Monsieur … et Madame … en date du 22 juin 1993 en présence de Monsieur X. et de Madame …, il a été constaté que votre comptabilité n’est pas conforme quant à la forme et quant au fond. Votre comptabilité présente en effet les défauts suivants: - comptabilisation en bloc ne permettant pas un contrôle efficace - pièces comptables classées pêle-mêle sans indication de comptabilisation 1 ni de numéros de référence - en général la comptabilité ne se présente pas d’une façon claire et nette (…) ».

Par lettre du 27 juillet 1993, la prédite fiduciaire communiqua les informations et documents qui manquaient au bureau d’imposition pour clôturer les impositions des années 1989 à 1992. Suite à un entretien téléphonique que le vérificateur Madame … a eu avec l’associé-gérant Monsieur X., une copie du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 15 mars 1993, fixant une commission revenant à Monsieur X. à 2% du chiffre d’affaires pour l’année 1992, fut transmise au bureau d’imposition compétent.

Le bureau d’imposition Sociétés V émit en date du 2 décembre 1993 le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités ayant trait à l’année 1992. En bas du prédit bulletin a été apposée notamment la notice suivante: « détail concernant l’imposition: - Distribution cachée de bénéfice, voir explication sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux - (…) Les commissions d’un montant de 8.000.000.- ont été jugées être trop élevées, d’où la reprise de 2.000.000.- Veuillez adapter votre bilan commercial au bilan fiscal à partir de 1993. Les bilans ainsi que le tableau d’amortissement vous seront envoyés par l’administration ».

Par courrier daté du 17 décembre 1993, adressé au directeur de l'administration des Contributions directes, la fiduciaire …, introduisit au nom et pour compte de BLD une réclamation à l’encontre du prédit bulletin dans la mesure où le bureau d’imposition a refusé la déduction d’une partie de la commission versée à Monsieur X. et ce à hauteur de 2.000.000.-

francs, et dans la mesure où le bureau d’imposition a considéré comme distribution cachée de bénéfices une part privée des frais de voitures pour le montant de 600.000.- francs.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de la susdite réclamation du 17 décembre 1993, BLD, par le biais de son mandataire, a déposé le 27 mars 1998 une requête tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités relatif à l’année 1992.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer qu’elle a versé une commission à Monsieur X. en raison des efforts accomplis et du succès obtenu par ce dernier pour développer son chiffre d’affaires au cours de l’exercice 1992. Lors d’une réunion de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de BLD en date du 15 mars 1993, le montant de la commission à allouer à Monsieur X. fut fixé à 2% du chiffre d’affaires, soit à la somme de 8.000.000.- francs pour l’année 1992. La demanderesse estime que cette commission n’est pas exagérée en tenant compte, d’une part, du salaire modeste de Monsieur X. qui s’élevait à 1.230.918.- pour l’année 1992 et, d’autre part, du travail presté par ce dernier qui a su augmenter le chiffre d’affaires de 119 millions en 1991 à 436 millions en 1992.

Elle fait encore valoir que Monsieur X. ne recherchait pas un avantage fiscal par ce biais, étant donné que la commission serait imposée dans le chef de Monsieur X.. Il appartiendrait par ailleurs à l’administration fiscale de démontrer le caractère excessif de la commission, preuve qu’elle n’aurait pas rapportée.

La demanderesse estime ensuite que la reprise de 600.000.- francs à titre de part privée des frais de voiture exposés par BLD ne serait pas justifiée, étant donné que la voiture prise en leasing par BLD serait exclusivement utilisée par Monsieur X. pour ses déplacements professionnels. S’il était encore vrai que la voiture prise en leasing serait une voiture de luxe, il n’appartiendrait pourtant pas à l’administration de s’ériger en juge quant à la gestion de l’entreprise.

2 Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours faute d’intérêt, étant donné que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1992 fixe l’impôt à zéro francs et que le recours ne tend pas à la fixation d’une cote d’impôt positive.

Au voeu des dispositions combinées des articles 8 (3) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur les recours contre des bulletins de l’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par BLD.

Aux termes du paragraphe 232, alinéa 1er AO, le contribuable ne peut réclamer contre un bulletin d’impôt que pour autant que la cote d’impôt ou l’affirmation de l’imposabilité y contenues lui causent grief.

Un bulletin ne fixant pas de cote d’impôt positive ne saurait en principe ouvrir le droit à réclamation, faute de charge fiscale imposée au contribuable lui causant grief. La disposition précitée procède du principe de droit que la force et l’autorité d’un bulletin d’impôt définitif s’attachent au seul dispositif qui arrête le montant de l’impôt et non pas aux motifs retenus pour justifier la cote d’impôt. Dans cette mesure, un recours dirigé contre les motifs d’un bulletin, c’est-à-dire les divers éléments pris en considération pour aboutir à la fixation de l’impôt, n’est recevable que si la modification de ces motifs a une incidence sur le dispositif, à savoir la cote d’impôt constatée par le bulletin.

En l’espèce, la cote d’impôt sur le revenu des collectivités a été fixée à zéro franc, le résultat de l’exploitation du bilan fiscal ayant été déficitaire pour l’année 1992. Ainsi, s’il est vrai que les moyens et arguments développés par la demanderesse tendent en fait à une augmentation de la perte d’exploitation mise en compte par le bureau d’imposition, il n’en reste pas moins qu’il n’existe pas de conflit concernant la cote d’impôt proprement dite. En effet, une demande en augmentation du résultat déficitaire, retenu par le bureau d’imposition dans le bulletin d’impôt litigieux, restera nécessairement sans influence sur la cote d’impôt fixée à zéro francs.

Il est encore de principe que la perte retenue dans un bulletin au titre de l’exercice en question n’a pas la valeur d’une décision définitive et irrévocable pour les années d’imposition ultérieures au cours desquelles la perte donnera lieu à un report de perte. La détermination définitive et irrévocable de cette perte n’aura lieu que dans le bulletin relatif à l’année d’imposition pendant laquelle le report de perte sera pris en considération pour se répercuter sur la cote d’impôt (Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in Etudes fiscales n°81-85, p. 103). Le contribuable ne peut dès lors introduire un recours directement contre le bulletin fixant une cote d’impôt égale à zéro, mais doit contester le montant de la perte retenue dans le cadre d’une réclamation contre le bulletin opérant report de la perte reconnue par imputation sur le bénéfice imposable de cet exercice et fixant pour la première fois une cote d’impôt supérieure à zéro (trib. adm. 4 février 1998, Pas. adm. 1/99, V° Impôts, VII procédure contentieuse, n°83, p.144).

3 Il se dégage des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement oppose l’exception d’irrecevabilité sur la base du paragraphe 232, alinéa 1er, précité, la demanderesse n’ayant, en l’état actuel, aucun intérêt né et actuel à agir.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation irrecevable, met les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 29 avril 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10644
Date de la décision : 29/04/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-04-29;10644 ?

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