N° 11088 du rôle Inscrit le 20 janvier 1999 Audience publique du 26 avril 1999
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Recours formé par Monsieur … ZEIEN, … contre une décision de la commission des pensions en matière de mise à la retraite
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Vu la requête inscrite sous le numéro 11088 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 1999 par Maître Georges PIERRET, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … ZEIEN, facteur en chef, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la commission des pensions du 26 octobre 1998, numéro 24/98 du registre, l’ayant déclaré hors d’état de continuer ses fonctions et de les reprendre dans la suite, ainsi que d’occuper un autre emploi;
Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges PIERRET et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries. respectives à l’audience publique du 19 avril 1999.
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Considérant que par courrier du 2 avril 1998 adressé au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative aux fins de transmission à la commission des pensions, l’entreprise des Postes et Télécommunications a sollicité l’examen de la question de savoir si Monsieur … ZEIEN, facteur en chef au bureau des postes principal à…, demeurant à L-…, était encore à même d’exercer sa profession ou s’il devait être mis à la retraite;
Que dans leur rapport médical du 8 mai 1998, les médecins adjoints à la commission des pensions, à savoir le docteur X., neuro-psychiatre, et le docteur Y., médecin spécialisé en maladies internes, sont venus à la conclusion que l’intéressé était capable d’exercer ses fonctions actuelles, mais « vu que le climat de travail est assez mauvais, il serait préférable pour tous les intéressés de lui accorder une autre possibilité de travail »;
Que par décision avant dire droit du 6 juillet 1998, la commission des pensions a chargé le docteur Z., médecin spécialiste en psychiatrie à Luxembourg, de la mission d’examiner Monsieur … ZEIEN sur son état psychique et de lui faire rapport sur la question de savoir si l’intéressé était capable d’exercer ses fonctions actuelles, de les reprendre ou d’exercer une autre fonction publique, ordonnant le réexamen de l’affaire en septembre 1998 sur la base du 1 nouveau rapport médical et accordant un congé de maladie à l’intéressé jusqu’à la décision à intervenir à la suite de ce réexamen;
Que sur base du rapport du docteur Z., déposé en date du 23 septembre 1998, la commission des pensions a statué par décision du 26 octobre 1998 en retenant que par l’instruction du dossier à l’audience du 28 septembre 1998 elle disposait de données suffisantes pour conclure que Monsieur ZEIEN n’était plus à même d’exercer valablement une fonction publique;
Que par voie de conséquence, la commission des pensions a déclaré que Monsieur … ZEIEN était hors d’état de continuer ses fonctions et de les reprendre dans la suite et qu’il était également hors d’état d’occuper un autre emploi;
Considérant que Monsieur … ZEIEN a fait introduire en date du 20 janvier 1999 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prérelatée du 26 octobre 1998 au motif que celle-ci reposerait sur les seules conclusions du docteur Z., unique médecin à certifier au recourant une incapacité d’exercer une fonction publique;
Que les conclusions de l’expert ainsi commis par la commission des pensions seraient opposées à celles des médecins traitants, ceux-ci recommandant chaudement la continuation du travail au requérant, tout en soulignant qu’une affectation auprès d’une autre administration serait indiquée;
Que la partie demanderesse verse à la base de son recours notamment un certificat médical du docteur A., médecin généraliste suivant son cas depuis de nombreuses années, daté du 10 novembre 1998, ainsi qu’un certificat du docteur B., médecin spécialiste en psychiatrie, du 14 décembre 1998, étayés par la suite par un autre certificat du docteur C., psychiatre, du 31 mars 1999, lequel déclare traiter Monsieur ZEIEN depuis fin décembre 1998 et conclut que du point de vue psychiatrique il n’y a pas de contre-indication à une reprise du travail, pareille reprise étant positive pour l’équilibre psychique du patient;
Qu’en ordre principal, le recours tend à voir réformer la décision déférée en déclarant le demandeur apte à une fonction publique;
Qu’en ordre subsidiaire l’affectation auprès d’une autre administration est sollicitée;
Qu’en ordre plus subsidiaire l’institution d’une mission d’expertise est demandée afin de délimiter concrètement les facultés de travail de Monsieur ZEIEN, tout en concluant en ordre plus subsidiaire à l’annulation de la décision déférée du chef de violation de la loi;
Considérant que le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité de la demande subsidiaire en annulation, étant donné que la loi prévoit un recours de pleine juridiction en la matière;
Qu’il renvoie par la suite aux antécédents étoffés de l’affaire, les débuts des difficultés psychiques de Monsieur ZEIEN remontant à vingt ans et la première saisine de la commission des pensions ayant eu lieu en 1980;
2 Qu’il relève pour l’essentiel les problèmes psychiques du recourant, ensemble ses difficultés d’adaptation d’un point de vue social, professionnel et relationnel, y compris les tensions ayant regné entre lui et ses supérieurs, pour souligner que la décision déférée n’aurait pas été prise sur base des seules conclusions du docteur Z., mais sur base des certificats de ce dernier, ensemble ceux des docteurs Y. et X.;
Que s’il était vrai qu’à première vue les conclusions du docteur Z. d’une part, et des médecins adjoints à la commission d’autre part, seraient opposées, il n’en resterait pas moins que le rapport Z. tiendrait compte des conclusions de ses confrères pour conclure en définitive que les troubles de la personnalité du recourant se caractérisant par « la méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes » et ses « énormes difficultés à manier les relations interpersonnelles » ne permettraient pas la continuation de l’exercice d’une fonction publique;
Que d’après le représentant étatique les motifs à la base de la décision critiquée ne sauraient être contestés, dès lors qu’elle reposeraient sur les constatations d’un homme de l’art spécialisé en psychiatrie;
Que le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation de la décision déférée, étant précisé que lors des plaidoiries à l’audience, il ne s’est pas opposé à une nouvelle mesure d’instruction consistant en une expertise par un collège de spécialistes sur les aptitudes actuelles de Monsieur ZEIEN à exercer une fonction publique;
Considérant qu’il est constant en cause qu’en date du 20 janvier 1999, Monsieur … ZEIEN a également fait déposer au greffe de la Cour administrative un recours dirigé contre la même décision de la commission des pensions du 26 octobre 1998, considéré comme subsidiaire à celui actuellement sous analyse;
Considérant que la question de la compétence du tribunal administratif ainsi posée a été librement discutée par les mandataires des parties à l’audience publique du 19 avril 1999, ceux-
ci renvoyant entre autres à la jurisprudence du tribunal ayant retenu sa compétence en la matière;
Considérant que liminairement le tribunal est appelé à examiner sa compétence d’attribution relativement au recours lui soumis;
Considérant que tant suivant son libellé antérieur à la loi modificatrice du 3 août 1998 entrée en vigueur le 1er janvier 1999, que suivant sa version actuelle, l’article 50 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat prévoit que les décisions de la commission des pensions peuvent faire l’objet d’un recours dont les modalités sont fixées par son article 32;
Que l’article 32 en question a également vu son libellé changer par ladite loi du 3 août 1998;
Que ledit article 32, ancienne version disposait que « le Conseil d’Etat, comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond sur les recours dirigés par l’administration ou par les intéressés contre les décisions relatives à la mise à la retraite ou à la pension »;
3 Que l’article 100 (1) de la loi du 7 novembre 1996 a porté que dans tous les textes de loi et de règlement la référence au comité du contentieux du Conseil d’Etat, si la fonction juridictionnelle du Conseil d’Etat est visée, s’entend comme référence au tribunal administratif;
Qu’il en découle qu’à la date de la notification de la décision déférée, le 27 octobre 1998, un recours de pleine juridiction était ouvert devant le tribunal administratif;
Qu’à partir du 1er janvier 1999, l’article 32 de la loi modifiée du 26 mai 1954 dispose que « le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions y compris celles émises par la commission des pensions, relatives aux pensions et autres prestations prévues par la présente loi »;
Considérant qu’il est de principe que les modalités des voies de recours sont régies par la loi applicable au moment de la prise de la décision donnant ouverture au recours en question, à défaut de dispositions contraires;
Considérant que s’il est vrai que le délai de recours utile ayant commencé à courir à partir de la notification de la décision déférée en date du 27 octobre 1998, ensemble l’indication des voies de recours y contenue, se trouve à cheval entre les plages d’application dans le temps des deux législations en question en vigueur respectivement avant et après le 1er janvier 1999, la question ne porte pas à conséquence, étant entendu que le nouveau libellé de l’article 32 en question ne fait qu’entériner la jurisprudence antérieure du tribunal administratif (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, Geier-Felten, n° 9662 du rôle; trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699 du rôle; trib. adm. 14 janvier 1998, Braun, n° 10185 du rôle, Pas. adm. 01/99, V° compétence, n° 35 et 36, page 53), telle que découlant de la combinaison de l’article 32 précité, considéré dans sa version d’avant la loi du 3 août 1998 et de l’article 100 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ensemble l’article 86 de la Constitution (cf. doc. parl. 43385, avis du Conseil d’Etat, p.6 et 43387 Rapport de la Commission de la Fonction Publique de la Chambre des Députés, p. 18);
Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal;
Considérant que ce recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est également recevable;
Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est irrecevable;
Considérant au fond que le tribunal est amené à constater que la question de l’aptitude de Monsieur ZEIEN à occuper son poste actuel, voire un autre poste au sein de l’entreprise des Postes et Télécommunications, sinon un poste adapté au sein de la fonction publique relève de son état psychique et partant de données essentiellement médicales;
Considérant que la commission des pensions, dans sa décision déférée retient que sur base de l’instruction du dossier à l’audience du 28 septembre 1998 elle disposait de données suffisantes pour conclure que Monsieur ZEIEN n’était plus à même d’exercer valablement une fonction publique;
4 Qu’il appert des éléments du dossier versés au tribunal que le rapport médical du docteur Z., commis par décision de la commission des pensions du 6 juillet 1998 est le seul à conclure à pareille inaptitude, étant donné que tous les autres certificats médicaux versés, certes par le recourant, tendent vers une solution de réaffectation, essentiellement au sein d’une autre administration;
Considérant qu’il échet dès lors de se référer plus en détail aux conclusions du rapport médical Z. et notamment aux éléments de synthèse contenus dans ses trois derniers alinéas libellés comme suit: « Monsieur ZEIEN voudrait continuer de travailler de préférence dans le service extérieur comme facteur, mais il serait d’accord aussi d’accepter un poste de huissier dans la douane volante.
Je rejoins ainsi en partie la proposition de mes deux collègues, X. et Y., disant que le mieux serait de l’utiliser dans une administration comme huissier, encore que je doute, qu’il ne puisse avoir des conflits aussi dans ce poste à plus au moins brève échéance.
Je conclus donc que Monsieur ZEIEN … est invalide au sens de la loi pour des raisons psychiatriques, et que la maladie dont il souffre justifie une mise à la retraite ».
Considérant que le tribunal relève que l’avant dernier alinéa du rapport médical du docteur Z., par lequel ce dernier rejoint, du moins en partie, les conclusions des docteurs X. et Y., adjoints à la commission des pensions, et le simple doute y exprimé quant aux chances d’une réaffectation réussie de Monsieur ZEIEN ne permettent pas la conclusion dirimante exprimée au dernier alinéa suivant laquelle le recourant serait invalide au sens de la loi pour des raisons psychiatriques, partant inapte à une quelconque fonction publique;
Considérant que même si le docteur Z. a été commis par la commission des pensions pour départager les opinions divergentes des parties à l’époque, ses conclusions isolées, nécessitant pour le surplus une relativisation telle que ci-avant dégagée, compte tenu de l’avis des médecins adjoints à la commission des pensions auxquels il se réfère du moins en partie, ensemble ceux par ailleurs fournis au dossier, dénotent la nécessité pour le tribunal d’avoir recours à la prise de position circonstanciée d’un collège de spécialistes, susceptible de faire autorité en la matière sur une question d’ordre non juridique, considérée au stade actuel de l’état médical de Monsieur ZEIEN;
Considérant que le tribunal est ainsi amené, avant tout autre progrès en cause, de recourir à l’avis d’un collège de trois experts en la matière, composé compte tenu de la question présentée, à raison de deux médecins spécialistes et d’un psychologue;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
avant tout autre progrès en cause nomme experts 1. …, médecin spécialiste en neuro-psychiatrie,… 2. …, médecin spécialiste en psychiatrie, … 3. …, psychologue diplômée,… 5 avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur l’état psychique actuel de Monsieur … ZEIEN préqualifié, considéré en relation avec la question de savoir si l’intéressé est capable d’exercer ses fonctions actuelles, de les reprendre ou d’exercer une autre fonction publique;
autorise les experts à entendre de tierces personnes toujours dans le respect du contradictoire;
invite les experts à déposer leur rapport le 10 juin 1999 au plus tard;
ordonne au demandeur de déposer une provision de 45.000.- francs à la caisse des consignations, sinon auprès d’un établissement d’un crédit à convenir avec l’autre partie et dont il justifie au greffe du tribunal;
déclare le recours en annulation irrecevable;
réserve les frais;
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 26 avril 1999 par le premier vice-président, en présence de M.
Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 6