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26/04/1999 | LUXEMBOURG | N°10689

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 1999, 10689


N° 10689 du rôle Inscrit le 4 mai 1998 Audience publique du 26 avril 1999

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Recours formé par la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I.

contre deux décisions du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 1998 par Maître Luc SCHANEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de lâ€

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N° 10689 du rôle Inscrit le 4 mai 1998 Audience publique du 26 avril 1999

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Recours formé par la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I.

contre deux décisions du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 1998 par Maître Luc SCHANEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation de deux décisions du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette datées respectivement des 28 octobre 1997 et 5 février 1998, la première lui refusant le permis de construire sollicité en vue de l’aménagement d’une terrasse sur une annexe se trouvant derrière le bâtiment situé à Esch-sur-Alzette, … et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 6 mai 1998, portant signification de ce recours à l’administration communale d’Esch-sur-Alzette;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 1998 par Maître Jean TONNAR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, préqualifiée, du 27 octobre 1998, portant signification de ce mémoire en réponse à la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I.;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 1998 par Maître Luc SCHANEN au nom de la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, préqualifiée, du 20 novembre 1998, portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 1998 par Maître Jean TONNAR au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-

Alzette;

1 Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, en remplacement de Monsieur Pierre KREMMER, huissier de justice, demeurant tous les deux à Luxembourg, du 21 décembre 1998, portant signification de ce mémoire en duplique à la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I.;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Luc SCHANEN et Mathias PONCIN, en remplacement de Maître Jean TONNAR, en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 22 octobre 1996, le bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, dénommé ci-après « le bourgmestre », autorisa la société civile immobilière PINTO et PINTO S.C.I., dénommée ci-après « la société PINTO », à démolir une annexe existante située derrière la maison se trouvant … à Esch-sur-Alzette.

Le bourgmestre autorisa la société PINTO, par décision du 5 décembre 1996, à reconstruire l’annexe au sujet de laquelle le permis de démolition avait été accordé par l’autorisation précitée du 22 octobre 1996.

Au cours des travaux de reconstruction de l’annexe litigieuse, la société PINTO introduisit auprès du bourgmestre une demande tendant à être autorisée à remplacer le toit oblique à poser sur l’annexe en question, suivant le permis de construire du 5 décembre 1996, par une terrasse à aménager au niveau de la dalle supérieure de l’annexe en question.

Par lettre du 28 octobre 1997, le bourgmestre refusa à la société PINTO la demande en vue de l’aménagement de la terrasse sur l’annexe en question en citant textuellement, comme unique motivation, une partie de l’article 11 du règlement général sur les bâtisses de la Ville d’Esch-sur-Alzette, de la manière suivante: « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation des conditions spéciales, ou si l’aspect extérieur et intérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ».

A la suite d’un recours gracieux introduit par le mandataire de la société PINTO par lettre du 20 janvier 1998, le bourgmestre l’informa, par courrier du 5 février 1998, qu’ « une terrasse pourrait engendrer des activités diverses, qui heurteraient la sensibilité ou le mode de vie du voisinage (grillades, jeux, bruits), sensibilité qui m’a déjà été manifestée.

Les services de police locale et les miens sont souvent sollicités pour des situations analogues, alors ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir? Ma décision est de nature quasi réglementaire dont les effets s’imposent indistinctement à toutes les propriétés foncières qui par leur situation de coin, par leur parcellaire, par le manque d’espaces, sont propices à des conflits d’intérêts.

2 …. Je suis chargé pour ma part de tenir compte de l’intérêt collectif et de prévenir tout conflit ultérieur et à défaut de réglementation détaillée en la matière il me reste l’article 11 du règlement général sur les bâtisses de la Ville.

Je considère dès lors que l’une des conditions au moins, prévue à l’article 11 du règlement général sur les bâtisses est objectivement donnée.

En ce qui concerne l’argumentation que la terrasse était déjà existante et autorisée, je vous joins copie des plans ayant servis à l’autorisation de construire des maisons 20 et 22 rue de Belvaux du 2 juillet 1928, mentionnant une annexe avec toiture …. ».

Par requête déposée le 4 mai 1998, la société PINTO a introduit un recours en annulation contre les deux décisions précitées du bourgmestre prises respectivement en date des 28 octobre 1997 et 5 février 1998.

Dans son mémoire en réponse, la partie défenderesse expose deux moyens d’irrecevabilité, après avoir présenté les faits de l’espèce.

C’est à tort que la partie demanderesse entend voir écarter les reproches tenant à l’irrecevabilité du recours au motif que ces moyens auraient dû être invoqués in limine litis, étant donné que la partie défenderesse a utilement pu invoquer ces moyens dans son mémoire en réponse, peu importe qu’ils aient été présentés après l’exposé des faits relatifs au litige.

Le bourgmestre soutient en premier lieu que le recours serait irrecevable au motif qu’il aurait été introduit plus de trois mois après la notification de la décision initiale du 28 octobre 1997.

D’après l’article 11 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, une partie intéressée peut, dans le délai du recours contentieux, adresser une réclamation à l’autorité compétente auquel cas le délai du recours contentieux commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision à intervenir suite à la réclamation.

En l’espèce, la demanderesse a introduit un recours gracieux par lettre du 20 janvier 1998 auprès de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette et, comme la décision contre laquelle la réclamation a été introduite, date du 28 octobre 1997, ladite réclamation a été formée dans le délai contentieux de trois mois. La nouvelle décision étant intervenue en date du 5 février 1998 et le recours contentieux ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 1998, le recours a été introduit dans le délai légal.

C’est encore à tort que le bourgmestre entend se baser sur la date de signification de la requête introductive d’instance du 6 mai 1998 afin de voir déclarer le recours tardif, étant donné que la signification du recours au défendeur ne constitue pas une formalité substantielle sanctionnée de nullité, mais une simple formalité complémentaire qui a pour objet essentiel de faire courir les délais pour la production des mémoires et de permettre la mise en état des litiges tout en sauvegardant les droits de la défense. Dès lors, le délai du recours est observé si le dépôt est effectué avant son expiration, quelle que soit, par ailleurs, la date de la signification de la requête au défendeur.

3 Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

La demanderesse soutient en premier lieu que la décision initiale du 28 octobre 1997 violerait l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que la décision ne contiendrait aucune motivation.

En l’absence de conclusions de la part de la partie défenderesse quant au moyen tiré d’un éventuel défaut de motivation de la décision initiale du 28 octobre 1997, le tribunal est amené à analyser si la décision querellée du 28 octobre 1997 indique les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Les décisions du bourgmestre des 28 octobre 1997 et 5 février 1998 doivent être considérées comme formant un ensemble tendant au refus de l’autorisation de construire sollicitée par la demanderesse et, il s’agit ainsi de considérer les motifs dans leur ensemble, sans avoir égard à la circonstance qu’ils sont énoncés dans la première ou la deuxième décision en date du bourgmestre, ce dont il sera tenu compte dans les développements ci-après quant au fond du litige.

En l’espèce, alors même que le bourgmestre s’est borné, dans sa décision du 28 octobre 1997, à citer un extrait de l’article 11 du règlement général sur les bâtisses de la Ville d’Esch-

sur-Alzette, sans indiquer en quoi la situation de l’espèce violerait la disposition réglementaire en question, il n’en reste pas moins que dans sa décision du 5 février 1998, il a fourni une motivation détaillée, en ce qu’il a énoncé des éléments de fait permettant de justifier, à son avis, l’application de l’article 11 du règlement général sur les bâtisses. Cette motivation a d’ailleurs été reprise dans les deux mémoires versés en cours d’instance par le litismandataire de la défenderesse. Partant, le moyen tiré d’une absence de motivation est à écarter.

Quant au fond, la demanderesse conteste que l’aspect extérieur de la terrasse soit de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, en soutenant que de toute façon la terrasse ne saurait porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques.

La partie défenderesse, tout en contestant qu’il ait existé dans le passé une terrasse sur l’annexe en question, tel qu’allégué par la demanderesse, estime que « la situation des lieux serait telle que l’aménagement d’une terrasse à cet endroit poserait un grave préjudice aux maisons avoisinantes et que par conséquent elle modifierait le caractère et toucherait aux intérêts des lieux avoisinants ». Dans ce contexte, elle signale que la maison dont l’annexe serait munie de la terrasse litigieuse se trouverait à un coin de rue et que par conséquent la terrasse projetée toucherait directement les maisons situées dans la rue perpendiculaire et qu’elle aurait une vue directe sur ces maisons.

Il se dégage non seulement de la motivation contenue dans la décision querellée du 5 février 1998, mais également des développements faits par le litismandataire de la défenderesse dans ses mémoires écrits, que le bourgmestre s’est opposé à la construction de la terrasse litigieuse en raison de l’utilisation qui risquerait d’en être faite.

L’article 11 du règlement général sur les bâtisses de la Ville d’Esch-sur-Alzette n’a toutefois pour objet que de réglementer l’aspect extérieur ou intérieur des bâtiments ou 4 ouvrages à édifier ou à modifier et son champ d’application ne vise en aucune manière l’utilisation qui est susceptible d’en être faite soit à l’extérieur soit à l’intérieur. Le bourgmestre, en se basant sur des motifs tirés de l’utilisation éventuelle de la terrasse, sans indiquer en quoi l’aspect extérieur ou intérieur de la terrasse risquerait de porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, n’a pas pu fonder ses décisions querellées sur l’article 11 précité. Par ailleurs, il ne résulte d’aucun autre élément ou pièces du dossier en quoi la terrasse risquerait de violer l’article 11 en question.

Partant, le bourgmestre a commis une erreur de droit en se fondant sur une motivation en droit qui ne peut s’appuyer sur la disposition réglementaire invoquée à l’appui de ses décisions de refus d’accorder le permis de construire sollicité.

Le bourgmestre se base encore sur son pouvoir de police et ses compétences générales en vue du maintien de la sécurité, de la salubrité et de l’ordre publics, pour refuser le permis de construire sollicité, en ce qu’il entend prévenir, par ses décisions déférées, une atteinte à la tranquillité et à l’ordre publics, au motif que des activités risquant de porter atteinte « au mode de vie » des voisins seraient susceptibles d’avoir lieu sur la terrasse projetée. Une telle motivation hypothétique ne saurait toutefois fonder un refus de construire une terrasse, étant donné que de simples craintes d’une utilisation de la terrasse en vue d’y exercer des activités risquant de troubler le voisinage, activités qui pourraient être interdites ou auxquelles il pourrait être mis fin par d’autres moyens qu’un refus de permis de construire, sans qu’une telle utilisation ne résulte d’ores-et-déjà des faits de l’espèce, ne sauraient constituer une motivation légale.

Les décisions attaquées des 28 octobre 1997 et 5 février 1998 encourent partant l’annulation sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande formée par la partie défenderesse tendant à l’institution d’une visite des lieux, une telle mesure n’étant ni pertinente ni concluante au vu des développements qui précèdent.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare justifié;

partant annule les décisions du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette délivrées en dates des 28 octobre 1997 et 5 février 1998 et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette;

rejette la demande en vue de l’institution d’une visite des lieux;

condamne la commune d’Esch-sur-Alzette aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 5 et lu à l’audience publique du 26 avril 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10689
Date de la décision : 26/04/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-04-26;10689 ?

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