N° 10668 du rôle Inscrit le 15 avril 1998 Audience publique du 26 avril 1999
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Recours formé par Monsieur … BERTRAND contre un extrait de compte établi par le service de recette - bureau Luxembourg principal de l’administration des Contributions directes en matière d’intérêts de retard
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10668 et déposée en date du 15 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … BERTRAND, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un extrait de compte daté du 7 avril 1998 établi par le service de recette - bureau Luxembourg principal de l’administration des Contributions directes;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé par le demandeur en date du 27 novembre 1998;
Vu la note de plaidoiries remise par le demandeur au tribunal en date du 27 janvier 1999;
Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur … BERTRAND en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.
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Monsieur … BERTRAND s’est vu notifier un extrait de compte au 6 avril 1998 émis en date du 7 avril 1998 par le service de recette - bureau Luxembourg principal de l’administration des Contributions directes indiquant, d’une part, un arriéré d’impôts de …-
francs au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune au sujet des années 1996 à 1998 et, d’autre part, un montant de ….- francs à payer en tant qu’intérêts de retard calculés sur les arriérés précités.
Par requête déposée le 15 avril 1998, Monsieur … BERTRAND a introduit un recours contre l’extrait de compte précité.
Il estime que le fait pour l’administration des Contributions directes d’exiger le paiement d’intérêts de retard sur les arriérés d’impôt constituerait une violation flagrante de l’article 11 de la Constitution, qui prévoit notamment l’égalité des citoyens devant la loi, au motif que l’Etat ne serait pas obligé à payer des intérêts sur les sommes à rembourser au contribuable.
1 Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce que, d’une part, un extrait de compte du receveur ne constituerait pas une décision susceptible de recours, et, d’autre part, le demandeur n’aurait pas soumis sa contestation préalablement pour examen et décision au directeur de l’administration des Contributions directes.
Quant au fond, le représentant étatique estime que les intérêts de retard réclamés par le service de recette - bureau Luxembourg principal de l’administration des Contributions directes au demandeur, qui ne seraient d’ailleurs pas contestés quant à leur quantum, seraient dus par application de l’article 155 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR ».
Il conteste que la mise en compte d’intérêts conformément à l’article 155 précité constitue une violation de l’article 11 de la Constitution, au motif que la loi fiscale « aurait une portée générale », d’autant plus que le paragraphe 20 alinéa 3 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après dénommée « StAnpG », dispose expressément qu’en matière d’impôts directs, aucune allocation d’intérêts sur le trop perçu n’est accordé aux contribuables.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur prie le tribunal administratif de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle afin de savoir si les dispositions légales exigeant de la part du contribuable le paiement d’intérêts de retard sur les arriérés d’impôts sont compatibles avec l’article 11 de la Constitution dans la mesure où l’Etat n’est pas obligé à payer de tels intérêts sur les sommes à rembourser aux contribuables. Dans ce contexte, il rappelle que le droit fiscal allemand a modifié le StAnpG, qui a été introduit au Luxembourg sous l’occupation nazie, en ce sens que tout comme le contribuable, l’Etat allemand doit également payer des intérêts de retard sur les sommes à rembourser aux contribuables. Ces arguments sont encore plus amplement développés dans la note de plaidoirie remise au tribunal lors des plaidoiries.
Le délégué du gouvernement ne s’étant pas opposé à la remise d’une note de plaidoirie écrite par le demandeur, le tribunal administratif prendra en considération cette note du demandeur, d’autant plus qu’elle ne contient pas de moyens nouveaux.
La requête ne spécifiant pas si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de l’extrait de compte critiqué, il y a lieu d’admettre, d’après les données de l’espèce, que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi. Le tribunal est partant amené à analyser sa compétence, notamment au vu du moyen invoqué par le délégué du gouvernement en vertu duquel aucun recours ne serait admissible contre un extrait de compte établi par le bureau de recette de l’administration des Contributions directes.
En vertu de l’article 8 paragraphe (3) alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours au fond contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes n’est admissible qu’au cas où les lois en matière d’impôts directs ne prévoient expressément un tel recours.
Les paragraphes 228 et 235 AO ne visent pas, parmi les décisions susceptibles d’un recours en réformation, les extraits de compte. Aucune autre disposition légale ou réglementaire n’accordant au juge administratif compétence pour statuer au fond dans des 2 instances portant sur des décisions rendues en matière d’impôts directs, un recours en réformation n’a pas pu être introduit par le demandeur.
Il s’agit ensuite d’analyser si un recours de droit commun en annulation a valablement pu être introduit par le demandeur.
D’après le paragraphe 237 AO, les décisions non visées par les paragraphes 228 et 235 AO sont susceptibles d’une réclamation. Au voeu de l’article 8 paragraphe (3) alinéa 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996, ensemble l’article 2 de la même loi, un recours de droit commun en annulation est susceptible d’être dirigé contre les décisions à rendre à la suite d’une réclamation introduite sur base du paragraphe 237 précité.
L’extrait de compte, notamment en ce qu’il constitue la seule matérialisation de la décision sous-jacente de la fixation des intérêts de retard, tombant sous le champ d’application du paragraphe 237, à défaut d’être visé par les paragraphes 228 et 235 AO, seul un recours en annulation a pu être formé par le demandeur contre la décision à rendre à la suite d’une réclamation introduite contre l’extrait de compte en question.
Il se dégage des développements qui précèdent que le demandeur aurait dû introduire, avant d’intenter une action devant les juridictions administratives, une réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes. En l’espèce, il ne ressort ni des éléments et pièces du dossier ni des renseignements soumis au tribunal par le demandeur, qu’une telle réclamation a été introduite auprès du directeur de l’administration des Contributions directes et, partant, à défaut d’une telle réclamation, le recours est à déclarer irrecevable omisso medio sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens et arguments invoqués par les deux parties.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours en annulation irrecevable;
laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 avril 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 3