N° 10629 du rôle Inscrit le 23 mars 1998 Audience publique du 26 avril 1999
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Recours formé par Madame … SCHAACK-HENTZEN et consorts contre trois bulletins émis par le bureau d’imposition Luxembourg 8 en matière d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10629 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 1998 par Madame … SCHAACK-HENTZEN, demeurant à L-
… et par Monsieur …HENTZEN, demeurant à L-…, tendant à la réformation des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 1993, 1994 et 1995, émis respectivement en dates des 24 mars 1994, 17 août 1995 et 28 juin 1996, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes face à leurs réclamations datant respectivement des 16 juin 1994, 14 septembre 1995 et 9 juillet 1996;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 1998;
Vu le mémoire, intitulé prise de position, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 1998 par Monsieur X., demeurant à L-…, par lequel il entend intervenir dans l’instance;
Vu le mémoire en duplique, intitulé observations complémentaires, déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur X. en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.
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Madame … SCHAACK-HENTZEN, demeurant à L-…, et Monsieur … HENTZEN, demeurant à L-…, sont copropriétaires de trois immeubles situés à Luxembourg, respectivement …. Dans leur déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1993, Madame SCHAACK-
HENTZEN et Monsieur HENTZEN, ci-après dénommés « les consorts HENTZEN », ont 1 déclaré un revenu total de 833.829.- francs du chef des loyers perçus des locataires des trois immeubles précités. A la suite du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1993, émis en date du 24 mars 1994 et adressé à Monsieur HENTZEN et consorts, ayant fixé le revenu total provenant de la location de biens à 833.829.-
francs, à répartir entre Monsieur HENTZEN et Monsieur X., demeurant à L-…, en raison de 50% pour chacun d’eux, Monsieur X. a introduit, en date du 16 juin 1994, une réclamation auprès du préposé du bureau d’imposition Luxembourg 8, en sollicitant un redressement des bases amortissables applicables aux immeubles concernés en conformité de l’article 106 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR ».
Dans leur déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1994, les consorts HENTZEN n’ont déclaré aucun revenu perçu au titre des trois immeubles en question. Il ressort des annexes à la déclaration en question (modèle 200) que deux des trois propriétés ont, à la suite de la déduction notamment de l’amortissement, produit des revenus négatifs respectivement de 112.870.- francs et de 18.518.- francs et que le troisième immeuble a, également après déduction d’un amortissement, produit un revenu au titre des loyers de 3.568.- francs. A la suite du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1994, émis en date du 17 août 1995 et adressé à Monsieur HENTZEN et consorts, ayant fixé le revenu total provenant de la location de biens à 910.318.- francs, à répartir par moitié entre Messieurs X. et HENTZEN, Monsieur X. a introduit une réclamation auprès du préposé du bureau d’imposition Luxembourg 8, par lettre du 14 septembre 1995, en reprenant à l’appui de celle-ci les mêmes moyens et arguments exposés dans sa réclamation précitée du 16 juin 1994.
Enfin, dans leur déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1995, les consorts HENTZEN ont indiqué, chacun en ce qui le concerne individuellement, des revenus négatifs provenant des loyers des trois immeubles en question respectivement de 147.548.- francs et de 147.549.- francs. A la suite de l’émission du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1995, émis en date du 28 juin 1996 et adressé à Monsieur HENTZEN et consorts, ayant fixé le revenu total provenant de la location de biens à 720.043.- francs, à répartir par parts égales entre Messieurs X. et HENTZEN, Monsieur X. a introduit une réclamation auprès du préposé du bureau d’imposition Luxembourg 8, par lettre du 9 juillet 1996, en se référant à la motivation figurant dans les deux réclamations introduites antérieurement.
En l’absence de décisions directoriales à la suite des susdites réclamations, les consorts HENTZEN ont déposé, le 23 mars 1998, une requête tendant à la réformation des trois bulletins précités relatifs aux années 1993, 1994 et 1995.
Dans leur recours, les demandeurs reprochent au bureau d’imposition d’avoir violé l’article 106, paragraphe (2) LIR qui dispose qu’ « en ce qui concerne les biens acquis à titre gratuit, le prix d’acquisition ou de revient est remplacé par le prix que l’acquéreur aurait dû payer s’il avait acquis le bien à la même époque à titre onéreux », en appliquant le règlement ministériel du 29 juillet 1964 ayant pour objet de compléter le paragraphe 9 chiffre I de l’ordonnance d’exécution du 7 décembre 1941 relative à la loi de l’impôt sur le revenu, qui détermine dans son article 1er que « le paragraphe 9 de l’ordonnance d’exécution du 9 décembre 1941 relative à la loi de l’impôt sur le revenu tel qu’il a été modifié par l’article 2 1er de l’arrêté ministériel du 29 mai 1961, est complété par l’addition, in fine de son chiffre 1, de la disposition suivante: en ce qui concerne toutefois les meubles bâtis qui ont été construits ou acquis à titre onéreux après le 31 décembre 1940 et qui ont été dans la suite transmis à titre gratuit, la valeur à considérer comme base des amortissements se détermine comme s’il n’y avait pas eu de transmission à titre gratuit », en soutenant que ce règlement ministériel ne saurait plus trouver application à la suite de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu. En effet, ils estiment, d’une part, que seules les dispositions et les mesures d’exécution relatives aux lois abrogées par l’article 185 alinéa 2 lettre a) LIR resteront applicables jusqu’à la mise en vigueur des règlements grand-
ducaux et des règlements ministériels prévus par la loi précitée de 1967, que dans la mesure où ces dispositions et mesures d’exécution ne sont pas contraires à la loi de 1967 en question. En l’espèce, le règlement ministériel précité du 29 juillet 1964 serait contraire à l’article 106, paragraphe (2), introduit par la loi de 1967 et partant le règlement ministériel, en ce qu’il constitue une disposition et mesure d’exécution telle que prévue ci-avant, pris antérieurement à la loi de 1967, ne saurait plus trouver application après l’entrée en vigueur de ladite loi. Ils font valoir, d’autre part, que l’article 106 précité aurait été pleinement applicable dès l’entrée en vigueur de la loi de 1967 et qu’aucune mesure d’exécution n’aurait dû être prise afin de le rendre applicable, au motif que le paragraphe (4) dudit article prévoirait simplement la faculté de prendre un règlement grand-ducal afin de « fixer forfaitairement la base ou le taux de l’amortissement par référence, soit à la valeur unitaire, soit au prix d’acquisition ». Comme le paragraphe en question n’aurait aucun caractère contraignant, en ce qu’il se réfère à la faculté réservée au Grand-Duc de prendre un règlement d’exécution, l’absence d’un tel règlement pris sur base du paragraphe en question ne saurait enlever à l’article 106 LIR sa pleine applicabilité dès l’entrée en vigueur de la loi de 1967.
Le délégué du gouvernement conclut tout d’abord à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il a été introduit par Madame … SCHAACK-HENTZEN, en se basant sur un défaut de qualité en son chef en vertu du paragraphe 238 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », au motif qu’elle n’a pas été partie aux bulletins entrepris. Il conclut encore à la mise en intervention d’office de Monsieur X., en exposant que des deux destinataires des bulletins entrepris, seul Monsieur HENTZEN a exercé un recours contentieux et qu’en vertu du paragraphe 239 alinéa 3 AO, les décisions devraient être communes, même au contentieux, à toutes les parties, peu importe qu’elles aient ou non exercé leur droit de recours.
A la suite de ces observations présentées par le délégué du gouvernement, Monsieur X., préqualifié, est intervenu volontairement à la présente instance, en se basant sur le paragraphe 239 alinéa 1er, point 1 et 2 AO, en exposant qu’alors même que les trois déclarations précitées ont été effectuées au nom des consorts HENTZEN, les bulletins relatifs aux années 1993 à 1995 ont été émis au nom de Monsieur HENTZEN et en son nom propre. Il conclut encore à une violation du paragraphe 205 alinéa (3) AO en ce que, d’une part, le bureau d’imposition n’a pas indiqué les raisons qui l’ont amené à refuser l’amortissement pratiqué par les consorts HENTZEN et, d’autre part, la quote-part des revenus locatifs devant revenir à Madame … SCHAACK-HENTZEN, lui a été attribuée à titre personnel sans justification de la part du bureau d’imposition. Il conclut partant à l’annulation des trois bulletins déférés au tribunal.
3 Dans ses observations complémentaires ainsi intitulées, le délégué du gouvernement conclut d’abord à la recevabilité de l’intervention volontaire de Monsieur X., tout en rappelant l’irrecevabilité du recours présenté par Madame SCHAACK-HENTZEN.
Le représentant étatique soulève encore l’irrecevabilité du recours, tirée d’un défaut de réclamation préalable auprès du directeur de l’administration des Contributions directes par les demandeurs à la présente instance.
Il conclut enfin à l’annulation des trois bulletins déférés au motif que l’établissement séparé d’un revenu commun à plusieurs copropriétaires est indivisible et qu’il doit être commun à tous les copropriétaires. Il estime qu’il appartiendrait au bureau d’imposition de prendre de nouvelles décisions conformément au paragraphe 219 alinéa 1er première phrase AO, en ce qu’il n’appartiendrait pas au tribunal ni d’imputer des revenus à un tiers, en l’occurrence Madame SCHAACK-HENTZEN, ni de réformer l’imputation à une partie, en l’occurrence Monsieur X., en relevant encore qu’il n’appartient pas au tribunal d’élargir le cercle des parties à une décision.
Quant à la recevabilité Au voeu des dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. et 3.
de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours contre des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, en cas de silence du directeur de plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par les consorts HENTZEN. Etant donné que les réclamations respectives des 16 juin 1994, 14 septembre 1995 et 9 juillet 1996 étaient pendantes devant le directeur au 1er janvier 1997 et que le recours prévisé a été déposé plus de six mois après cette date, celui-ci a été introduit sous respect des dispositions de l’article 97 (2) de la loi précitée du 7 novembre 1996.
Le représentant étatique conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il a été formé par Madame SCHAACK-HENTZEN au motif qu’elle n’aurait pas été partie aux bulletins d’impôt afférents.
Il échet de relever que les trois bulletins de l’impôt déférés, relatifs aux années 1993 à 1995, étaient notifiés à Monsieur HENTZEN et consorts. Conformément au paragraphe 219 AO, ces notifications ont donc été valablement faites également à l’égard de Madame SCHAACK-HENTZEN, étant donné qu’elle est copropriétaire des immeubles visés aux bulletins déférés, tel que cela résulte par ailleurs des déclarations pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 1993 à 1995.
D’après le paragraphe 238 AO, a seule qualité pour réclamer la personne à laquelle le bulletin ou la décision ont été notifiés (v. paragraphe 91 (1) AO) ou encore à laquelle le bulletin ou la décision sont destinés d’après leur contenu ou contre laquelle le bulletin ou la décision sont dirigés.
Il découle du paragraphe 238 précité et des faits de l’espèce, que, dans la mesure où les trois bulletins déférés ont été notifiés à Madame SCHAACK-HENTZEN, elle a qualité pour agir à l’encontre des bulletins en question. Le moyen d’irrecevabilité invoqué par le délégué du 4 gouvernement tiré d’un défaut de qualité de Madame SCHAACK-HENTZEN en vertu du paragraphe 238 AO est partant à rejeter.
Il échet ensuite d’analyser si le recours contentieux introduit par Monsieur HENTZEN et par Madame SCHAACK-HENTZEN est recevable au vu du moyen invoqué par le délégué du gouvernement tiré d’une éventuelle irrecevabilité per saltum des critiques formulées par les deux demandeurs à l’encontre des bulletins d’imposition entrepris.
Au voeu du paragraphe 228 AO et de l’article 8 paragraphe (3) de la loi précitée du 7 novembre 1996, un recours contentieux dirigé contre un bulletin d’impôt est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n’ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur de l’administration des Contributions directes (trib. adm.
6 août 1997, Pas. adm. 1/99, V° impôts - VII procédure contentieuse, n° 96, p. 146).
Les réclamations datées des 16 juin 1994, 14 septembre 1995 et 9 juillet 1996, dirigées contre les différents bulletins entrepris, ont toutes été introduites par Monsieur X. en son nom personnel. Il ne ressort par ailleurs ni des éléments et pièces du dossier, ni des explications fournies à l’audience, que Monsieur HENTZEN et Madame SCHAACK-HENTZEN aient introduit une réclamation contre les bulletins entrepris auprès du directeur de l’administration des Contributions directes.
Le recours principal est partant à déclarer irrecevable omisso medio dans la mesure où il a été introduit par Monsieur HENTZEN et Madame SCHAACK-HENTZEN.
Le sort de l’intervention volontaire introduite par Monsieur X., par dépôt au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 1998, suivant le sort de l’affaire principale, le recours de Monsieur X. est également à déclarer irrecevable.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
se déclare compétent pour connaître des recours en réformation;
déclare les recours irrecevables;
laisse les frais à charge des demandeurs.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 5 et lu à l’audience publique du 26 avril 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 6