N° 10823 du rôle Inscrit le 4 août 1998 Audience publique du 20 avril 1999
===========================
Recours formé par Monsieur … RECH, … contre deux décisions du comité de direction de l’entreprise des Postes et Télécommunications en présence de Madame X., … en matière de nomination
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---
Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10823 et déposée en date du 4 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RECH, fonctionnaire, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du comité de direction de l’entreprise des Postes et Télécommunications du 10 avril 1998 écartant sa candidature pour le poste de surveillant au bureau Luxembourg-Echange, ainsi que contre un arrêté de nomination du 23 avril 1998 conférant ledit poste à Madame X., fonctionnaire, demeurant à L-…;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 2 décembre 1998 portant signification de ce recours à l’entreprise des Postes et Télécommunications et à Madame X. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 1999 par Maître Georges KRIEGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’entreprise des Postes et Télécommunications;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 19 février 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … RECH;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 1999 par Maître Jean-Marie BAULER pour compte de Monsieur … RECH;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL du 9 mars 1999 portant signification de ce mémoire en réplique à l’entreprise des Postes et Télécommunications et à Madame X.;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Nadia JANAKOVIC et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 1998.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---
Par circulaire numéro 22 datée du 25 février 1998, la direction générale de l’entreprise des Postes et Télécommunications, ci-après appelée “ l’entreprise des P & T ”, a “ mis au concours ” une série d’emplois vacants dans la carrière du rédacteur dont notamment un emploi de surveillant au bureau Luxembourg-Echange, classé dans le cadre fermé, grades 11 à 13. Monsieur … RECH, inspecteur au service informatique auprès de l’entreprise des P & T, demeurant à L-…, posa sa candidature pour ledit poste par courrier du 3 mars 1998. Par décision du 23 avril 1998 le comité de direction de l’entreprise des P & T décida d’attribuer le poste brigué par Monsieur RECH à Madame X., chef de bureau au bureau Luxembourg-
Echange. Cette décision fut notifiée au service informatique par un courrier du 4 mai 1998 émanant du directeur général adjoint de l’entreprise des P & T et portée à la connaissance de Monsieur RECH en date du 10 juin 1998.
A l’encontre de ces deux décisions datant respectivement du 23 avril et du 4 mai 1998 Monsieur … RECH fit introduire un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation par requête déposée le 4 août 1998.
A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’en vertu des dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal du 27 août 1981 concernant l’organisation des examens-
concours pour l’admission au stage dans les carrières de l’expéditionnaire administratif et du rédacteur des administrations de l’Etat et des établissements publics, il aurait été en droit de se voir attribuer le poste en question, alors qu’il s’était classé en rang utile, en l’occurrence premier, à l’examen-concours. Il reproche encore aux décisions déférées une insuffisance, voire l’inexistence de motifs traduisant une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
Il conclut en outre à une violation de l’article 5 du même règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce que l’acte de nomination de Madame X. n’aurait pas fait l’objet d’une publicité adéquate.
Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le tribunal n’a pas compétence pour connaître du recours principal en réformation.
Quant à la recevabilité La partie défenderesse conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, estimant que le délai de recours aurait en l’espèce commencé à courir à partir de la connaissance que le demandeur admet avoir obtenu en date du 10 juin 1998 du contenu des décisions déférées.
De l’accord des parties quant à la date à partir de laquelle le demandeur a eu connaissance des décisions litigieuses, en l’occurrence le 10 juin 1998, il se dégage que le délai du recours contentieux a commencé à courir à partir de cette date. Dans la mesure où ce délai est de trois mois en la matière, le moyen tendant à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté n’est pas fondé en l’espèce, alors que le dépôt de la requête introductive d’instance effectué en date du 4 août 1998 se situe bien avant l’expiration dudit délai.
Il s’ensuit que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans le délai et par ailleurs dans les formes prévus par la loi.
Quant au fond Il est reproché aux décisions déférées de ne pas avoir fait l’objet d’une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens conformément aux dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.
Dans la mesure où Monsieur RECH a posé en date du 3 mars 1998 sa candidature pour le poste litigieux déclaré vacant par circulaire du 25 février 1998 et que la décision déférée du comité de direction de l’entreprise des P&T du 23 avril 1998 a pour objet d’écarter cette demande et de porter à la connaissance du demandeur le nom du candidat auquel ledit poste fut attribué, cette décision, ensemble celle de nomination de Madame X., ont trait à une seule et même procédure de nomination relative à l’attribution du poste brigué par Monsieur RECH.
Il s’ensuit que le demandeur n’est pas à considérer comme une tierce personne intéressée par rapport aux décisions déférées globalement considérées, mais en est directement partie en sa qualité de candidat à l’attribution du poste en question. En tant que partie aux décisions intervenues, il ne peut par conséquent pas se prévaloir de la protection prévue au bénéfice des tierces personnes consacrée par l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 dont la particularité réside précisément dans la prémisse de l’extériorité des personnes en question par rapport à une décision administrative pourtant de nature à affecter leurs droits et intérêts.
Le demandeur conclut encore à l’annulation des décisions déférées pour cause d’insuffisance de motifs au sens des dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979. En vertu de cet article toute décision administrative refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit baser sur des motifs légaux et indiquer formellement les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.
Par lettre du 4 mai 1998 le directeur général adjoint de l’entreprise des P&T a indiqué que “ le comité de direction a décidé dans sa réunion du 16 avril 1998 d’attribuer le poste en question à Madame X., classée en deuxième rang.
Le comité de direction a jugé que Madame X. se prédispose mieux pour ce poste de responsabilité et correspond au profil souhaité pour la tâche en question. Monsieur RECH, qui a déjà occupé le poste de surveillant de 1981 à 1986 et de 1991 à 1993, a plutôt été à l’origine de dysfonctionnements de par sa façon d’aborder ses tâches et de par ses méthodes de travail des fois peu orthodoxes. En plus, il n’est pas indiqué de renoncer à la collaboration de Monsieur RECH au service informatique à l’heure actuelle … ”.
Il découle du libellé de cette lettre portée à la connaissance du demandeur en date du 10 mars 1998 et corroborée par les explications fournies en cours d’instance par la partie défenderesse, que la décision d’écarter la candidature de Monsieur RECH au bénéfice de Madame X. est motivée par des considérations tenant à la fois au passé professionnel des candidats et au profil recherché pour le poste, de sorte que le reproche tiré d’une absence de motivation est à abjuger, les raisons fournies étant suffisamment explicites pour permettre au demandeur d’apprécier les motifs réels à la base des décisions déférées avant d’entamer un recours judiciaire.
En vertu des dispositions de l’article 24(1) de la loi du 10 août 1992 portant création de l’entreprise des P & T “ le régime des agents de l’entreprise est un régime de droit public ” et “ les dispositions actuelles et futures du statut général, des régimes des traitements, indemnités et pensions, de la législation sur les fonctionnaires et employés de l’Etat s’appliquent en principal et accessoires, modalités, délais et recours aux agents respectifs de l’entreprise. ” La demande de Monsieur RECH tendant à l’attribution du poste de surveillant au bureau Luxembourg-Echange mis au concours par circulaire du 3 mars 1998, est à qualifier de demande de changement d’affectation au sens de l’article 6, 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé “ le statut général ”, le changement d’affectation étant défini comme “ l’assignation au fonctionnaire d’un autre emploi correspondant à la fonction dont il est investi au sein de son administration ”.
Le même article 6 précise dans son alinéa 2 que “ le changement d’affectation peut intervenir d’office dans l’intérêt du service ou à la demande de l’intéressé ”. Il est constant qu’en l’espèce il ne s’agit non pas de l’hypothèse d’un changement opéré d’office, mais d’une décision intervenue suite à la demande de Monsieur RECH tendant à l’attribution d’un autre poste déclaré vacant par voie de circulaire. La nécessité d’une motivation reposant sur l’intérêt du service n’est partant pas requise au regard de cette disposition.
Pour soutenir que le poste brigué aurait dû lui revenir, le demandeur invoque les dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 27 août 1981 en vertu desquelles “ les candidats classés en rang utile à l’examen-concours sont admis au stage dans les administrations de l’Etat et dans les établissements publics dans l’ordre de leur classement et dans la limite des emplois vacants ” et reproche au comité de direction de ne pas avoir tenu compte de son classement en premier rang à l’examen concours pour l’admission au stage.
Il est constant que ledit règlement grand-ducal est intervenu sur la base légale de l’article 2 du statut général s’inscrivant dans le chapitre 2 intitulé “ Recrutement, entrée en fonctions ” et disposant sub 3) que “ des règlements grand-ducaux fixent les conditions et formalités à remplir par les postulants au stage, et modalités du stage, ainsi que le programme et la procédure du concours et de l’examen de fin de stage prévu par le présent article ”. Il s’ensuit que la réglementation invoquée du 27 août 1981 est circonscrite, quant à son objet, aux seules conditions d’admission au stage et ne saurait être utilement invoquée en l’espèce, alors que les décisions litigieuses ont trait à un changement d’affectation sollicité par Monsieur RECH postérieurement à l’accomplissement du stage.
Il échet de constater en outre que le règlement grand-ducal modifié du 13 avril 1970 déterminant pour l’entreprise des P&T 1. les conditions d’admission au stage, de nomination et de promotion du personnel des cadres inférieur et moyen, 2. la durée du stage des candidats fonctionnaires recrutés parmi les volontaires de l’armée, maintenu en application par le biais de l’article 38 de la loi du 10 août 1992 portant création de l’entreprise des P&T, dispose plus particulièrement dans son article 24 (4) que “ pour les avancements et mutations, il est tenu compte du rang d’ancienneté, du zèle et de la conduite des candidats, ainsi que de l’aptitude qu’ils présentent pour assurer les attributions que comporte le poste brigué ”.
S’il est bien vrai qu’en vertu de cette disposition la mutation à un poste doit être dictée, au-delà du critère de l’ancienneté de service, par une série de critères légalement définis, réservés à l’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination, il n’en reste cependant pas moins que le critère du classement à l’examen-concours général pour l’admission au stage n’a pas été retenu à ce titre.
S’il est encore loisible à l’administration de s’imposer à elle-même des critères à travers le libellé retenu dans la circulaire de mise au concours, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce le texte de la circulaire, au-delà de son intitulé de “ mise au concours d’emplois vacants dans la carrière du rédacteur ”, ne se réfère pas spécifiquement au résultat de l’examen-concours général pour l’admission au stage, ni ne fait état d’autres critères de sélection pour le poste litigieux.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’autorité de nomination, en l’occurrence le comité de direction, n’était pas tenue de prendre en considération le classement à l’examen-concours général pour l’admission au stage des différents candidats au poste à pourvoir.
Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consistant à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué, sa mission exclut le contrôle des considérations d’opportunité à la base de l’acte administratif attaqué.
Dans la mesure où il est permis à l’autorité de nomination d’apprécier la conduite des candidats ainsi que l’aptitude qu’ils présentent pour assurer les attributions que comporte le poste brigué, le comité de direction a usé en l’espèce de son pouvoir d’appréciation de manière non arbitraire et dans le cadre légal tracé, en motivant sa décision par la circonstance que Madame X. se prédispose mieux pour le poste en cause et correspond au profil souhaité pour cette tâche.
Il s’ensuit que le recours en annulation dirigé contre les décisions déférées des 23 avril et 4 mai 1998 est à abjuger comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant par défaut à l’égard de Madame X.
et contradictoirement pour le surplus;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
reçoit le recours en annulation en la forme;
au fond le dit non justifié et en déboute;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 avril 1999 par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte