N° 10998 du rôle Inscrit le 27 novembre 1998 Audience publique du 24 mars 1999
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Recours formé par Madame … SCHROEDER, … contre des décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et du directeur administratif du Centre universitaire de Luxembourg en matière d’indemnités
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 1998 par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SCHROEDER, employée de l’Etat auprès du Centre universitaire de Luxembourg, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1. d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 29 octobre 1998 portant refus de la faire bénéficier de l’allongement de son traitement de dix points indiciaires, 2. pour autant que de besoin, d’une décision du même ministre du 16 septembre 1998 renvoyant à un avis négatif du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ainsi que, 3. pour autant que de besoin, d’une décision du directeur administratif du Centre universitaire de Luxembourg du 25 juin 1998 par laquelle ce dernier se déclare incompétent pour décider de l’octroi de la faveur légale en question;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 1999 par Maître Monique WATGEN pour compte de Madame … SCHROEDER;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 1999.
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1 Madame … SCHROEDER, demeurant à L…, est engagée en qualité d’employée de l’Etat dans la carrière B1 comme secrétaire à l’établissement public Centre universitaire de Luxembourg, ci-après appelé “ CUNLUX ”. Par lettre du 28 septembre 1987 le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après appelé “ le ministre de l’Education nationale ”, approuva la désignation par le directeur du CUNLUX des dames X. et … SCHROEDER comme secrétaires de direction, conformément à l’article 1er c), du règlement du gouvernement en conseil du 8 mai 1987 modifiant le règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat, et en informa le ministre de la Fonction publique.
Dans la mesure où l’indemnité prévue au bénéfice des secrétaires de direction n’a pas été attribuée à Madame SCHROEDER à la suite de cette désignation, celle-ci s’adressa par lettre du 5 juillet 1993 au ministre de l’Education nationale aux fins de se voir attribuer le bénéfice de l’allongement de traitement en question. Cette demande, dont réception fut accusée par lettre du 8 juillet 1993, étant restée sans autre suite, Madame SCHROEDER s’adressa au directeur du CUNLUX par lettre de son mandataire du 10 juin 1998 pour lui rappeler sa désignation en tant que secrétaire de direction intervenue en date du 28 septembre 1987 et solliciter l’attribution rétroactive de l’indemnité afférente.
Le directeur administratif du CUNLUX répondit par courrier du 25 juin 1998 qu’il serait indispensable que le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle se prononcât dans cette affaire. Le ministre de l’Education nationale, également saisi de la demande formulée par le mandataire de Madame SCHROEDER en date du 10 juin 1998, répondit le 23 juillet 1998 avoir constitué un dossier et transmis celui-ci au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après appelé “ le ministre de la Fonction publique ”, avec prière de lui indiquer la suite à donner à l’affaire visée.
Le même ministre s’adressa à Madame SCHROEDER par lettre du 16 septembre 1998 pour lui transmettre la réponse du ministre de la Fonction publique, elle-même datée du 13 août 1998 et basée sur un avis de l’administration du personnel de l’Etat du 3 août 1998 libellé comme suit:
“ En réponse à votre demande d’avis du 24 juillet 1998 dans l’affaire sous rubrique, j’ai l’honneur de vous informer que suivant les critères généraux fixés par décision du gouvernement en conseil du 13 novembre 1987 “ le poste de secrétaire de direction est limité à une unité par administration et par département ”.
En ce qui concerne particulièrement la répartition de tels postes au Centre universitaire, la fonction de secrétaire de direction est partagée entre deux employés travaillant à mi-temps et touchant de ce fait chacun d’eux la moitié de la prime rattachée à l’exercice de cette fonction.
Par conséquent, l’allocation d’une prime supplémentaire n’est pas possible dans le cadre de cette répartition. Je ne puis donc réserver une suite favorable à la présente demande ”.
En date du 7 octobre 1998 Madame SCHROEDER s’adressa encore une fois au ministre de l’Education nationale par l’intermédiaire de son mandataire pour lui demander de 2 prendre position quant à sa demande en tant que ministre du ressort. Par lettre du 29 octobre 1998 le ministre répondit comme suit:
“ D’après les renseignements recueillis auprès du Centre Universitaire, il apparaît que votre mandante n’a jamais réellement exercé les fonctions de secrétaire de direction auprès de la direction du Centre.
Mme Schroeder était en effet toujours attachée en tant que secrétaire à un administrateur d’un département du Centre Universitaire, mais non au directeur du Centre.
D’après la circulaire du ministre de la Fonction publique du 30 juin 1987 (jointe en annexe) pris suite au règlement du gouvernement en conseil du 8 mai 1987, la prime pour les secrétaires de direction doit rester réservée à l’exercice effectif de la fonction. Il est en outre nécessaire de l’appliquer de façon restrictive, c’est-à-dire de faire correspondre le nombre des secrétaires de direction au nombre des postes de direction.
Au vu des dispositions de cette circulaire et de la situation de fait de votre mandante, je ne puis réserver une suite favorable à votre demande et je me rallie à l’avis de Monsieur le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 13 août 1998 ”.
Par requête déposée le 27 novembre 1998, Madame SCHROEDER fit alors déposer un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Education nationale du 29 octobre 1998 ainsi que, pour autant que de besoin, contre la décision du même ministre du 16 septembre 1998 et la décision prévisée du directeur administratif du CUNLUX du 25 juin 1998.
A l’appui de son recours elle fait valoir qu’elle aurait eu droit à l’allocation de l’allongement de son traitement depuis sa désignation en tant que secrétaire de direction, approuvée par le ministre de l’Education nationale en date du 28 septembre 1987, estimant que ni une décision du gouvernement en conseil, ni une circulaire du ministre de la Fonction publique ne sauraient modifier, voire restreindre l’application d’une disposition réglementaire, dans la mesure où le texte légal, en l’occurrence le règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974, ne prévoirait pas la restriction ajoutée par le gouvernement en conseil le 13 novembre 1987. En ordre subsidiaire, elle signale que la décision du gouvernement en conseil du 13 novembre 1987 est postérieure en date à la décision du ministre de l’Education nationale du 28 septembre 1987, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’incidence sur cette dernière. En ordre plus subsidiaire encore, elle fait valoir que même si un allongement de traitement de dix points indiciaires ne pourrait être accordé qu’à une seule secrétaire de direction par administration ou par département, en l’occurrence le plus ancien en rang, elle aurait en tout état de cause satisfait à cette condition depuis le départ de Madame X.
le 1er septembre 1993.
Quant à l’argument invoqué par le ministre de l’Education nationale tendant à dire qu’elle n’aurait en fait jamais exercé la fonction de secrétaire de direction, elle estime que cette attitude ne correspondrait pas à la pratique des services de l’Etat suivant laquelle l’indemnité en question serait généralement allouée à l’agent le plus ancien en fonction, indépendamment de la fonction spéciale exercée en fait. Elle fait valoir en outre à ce sujet qu’en sa qualité d’employée de l’Etat elle serait aux ordres de ses supérieurs et devrait accomplir les fonctions qui lui sont confiées, sous peine de s’exposer à des sanctions disciplinaires, de sorte que le 3 défaut de son chef hiérarchique de lui confier la fonction de secrétaire de direction malgré l’existence d’une décision administrative antérieure afférente ne l’habiliterait pas à refuser de faire tout autre travail que celui de secrétaire de direction.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant que dirigé contre la lettre du ministre de l’Education nationale du 16 septembre 1998 au motif que celle-ci ne constituerait pas une décision administrative. Il signale en outre qu’en vertu des dispositions de l’article 33, 1) de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l’enseignement supérieur, la seule autorité compétente pour prendre une décision en l’espèce aurait été le directeur administratif du CUNLUX et que partant le recours dirigé contre la décision du ministre de l’Education nationale du 29 octobre 1998 serait devenu sans objet.
Quant à la décision déférée du directeur administratif du CUNLUX du 25 juillet 1998, le représentant étatique fait valoir qu’il ne s’agirait pas d’une véritable décision administrative, de sorte que le recours serait également irrecevable à cet égard.
A titre subsidiaire et quant au fond, il expose que le règlement du gouvernement en conseil du 8 mai 1987, modifiant le règlement du 1er mars 1974 précité, a introduit pour les secrétaires de direction de la carrière B1 un allongement des échelons de dix points indiciaires et qu’une circulaire du ministre de la Fonction publique du 30 juin 1987 a été prise afin de préciser ces nouvelles dispositions. Il signale qu’en vertu de cette circulaire, le bénéfice de la nouvelle disposition devrait rester réservé aux employés exerçant effectivement la fonction de secrétaire de direction et qu’il serait en outre nécessaire de l’appliquer de façon restrictive, en faisant correspondre le nombre des secrétaires de direction au nombre des postes de direction.
Dans ce contexte, le directeur administratif du CUNLUX aurait désigné deux employées, à savoir la demanderesse ainsi que Madame X., étant entendu que ce serait sans doute en raison de la circulaire précitée du 30 juin 1987 ainsi que de la décision du gouvernement en conseil du 13 novembre 1987 que le ministre de la Fonction publique n’aurait pas mis en oeuvre la désignation intervenue en date du 28 septembre 1987 dans le chef de la demanderesse. Il signale en outre que Madame SCHROEDER n’aurait jamais travaillé effectivement en tant que secrétaire auprès de la direction du CUNLUX, de sorte qu’elle ne remplirait pas la condition d’une application restrictive de la nouvelle disposition voulue par le ministre de la Fonction publique.
Quant à la compétence L’objet du présent litige est constitué par des arriérés de rémunération auxquels la demanderesse estime avoir droit depuis sa désignation en tant que secrétaire de direction par le directeur administratif du CUNLUX, approuvée par le ministre de l’Education nationale en date du 28 septembre 1987. Etant constant que Madame SCHROEDER a opté, en application de l’article 33,1. de la loi précitée du 11 août 1996, pour le maintien de son statut public, elle est à considérer comme employée de l’Etat au sens de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat. En vertu de l’article 11 de cette loi, les contestations résultant du contrat d’emploi et de la rémunération des employés de l’Etat sont de la compétence du juge administratif, statuant comme juge du fond.
Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.
4 Quant au recours dirigé contre la décision du directeur administratif du CUNLUX du 25 juin 1998 En réponse à la demande de Madame SCHROEDER du 10 juin 1998 tendant à l’attribution rétroactive du bénéfice de l’indemnité des secrétaires de direction qu’elle estime être en droit de recevoir depuis sa désignation à cette fonction le 28 septembre 1987, le directeur du CUNLUX a répondu que “ …comme vous m’adressez le courrier en même temps qu’une copie au Ministère de l’Education Nationale, et comme à l’époque le Centre universitaire dépendait directement du Ministère (certains éléments se situent en effet avant le 1.9.97 date d’entrée en vigueur de la loi du 11.8.96 portant réforme de l’enseignemnt supérieur), il est indispensable que le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle se prononce dans cette affaire. ” Cette décision s’analyse en substance en une décision d’incompétence avec renvoi implicite de la demande à l’autorité supposée compétente en la matière, en l’occurrence le ministre de l’Education nationale, étant entendu qu’il y est relevé que ledit ministre a déjà été saisi directement par la demanderesse, circonstance rendant un renvoi exprès de la demande inutile.
Il est constant qu’une réponse fournie par l’administration consistant à refuser de faire droit à une demande, au motif que l’administration est incompétente pour intervenir en la matière, s’analyse en une décision négative de nature à faire grief à l’administré, qui comme telle est susceptible d’un recours contentieux (cf. trib. adm. 2.2.98, Pas. adm. 1/99, Actes administratifs, v° Décisions susceptibles d’un recours, n°7).
Le moyen du délégué du gouvernement tendant à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’introduit à l’encontre de cette décision directoriale n’est partant pas fondé, ledit recours, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, étant recevable.
L’article 20 du règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat dispose que “ les administrations ou départements ministériels pourront désigner un employé pour remplir les fonctions de secrétaire de direction pour autant que les nécessités du service l’exigent. Le classement et l’indemnité des secrétaires de direction sont fixés conformément au tableau I annexé. ” S’il est vrai qu’en vertu de cette disposition, la désignation des secrétaires de direction relève de la compétence de l’autorité de nomination, donc actuellement, en ce qui concerne le CUNLUX, du directeur administratif, et ouvre le droit à l’indemnité afférente, il n’en reste pas moins que le calcul et l’assignation d’une indemnité due aux employés de l’Etat relèvent d’une manière générale de l’administration du personnel de l’Etat, en vertu de l’article 3,2. de la loi du 1er février 1984 portant création d’une administration du personnel de l’Etat, laquelle relève du ministre ayant dans ses attributions la Fonction publique.
L’objet du litige portant plus particulièrement sur la mise en oeuvre d’une désignation à la fonction de secrétaire de direction, c’est à juste titre que le directeur administratif du CUNLUX s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de Madame SCHROEDER du 10 juin 1998, étant entendu qu’il n’a en tout état de cause pas compétence pour connaître 5 d’une question relative à l’assignation d’une indemnité, quelle que soit par ailleurs sa compétence pour connaître, depuis l’entrée en vigueur de la loi précitée du 11 août 1996, d’une demande tendant à l’obtention d’une désignation en tant que secrétaire de direction au sein du CUNLUX.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé à cet égard.
Quant à la décision du ministre de l’Education nationale du 16 septembre 1998 Après avoir transmis la demande de Madame SCHROEDER du 10 juin 1998 au ministre de la Fonction publique avec prière de lui indiquer la suite à donner à l’affaire visée, le ministre de l’Education nationale transmit la réponse entretemps obtenue dudit ministre à la demanderesse par courrier du 16 septembre 1998.
Cette démarche du ministre s’analyse en substance d’abord en une décision d’incompétence, le ministre signalant dans sa lettre du 23 juillet 1998 adressée au mandataire de la demanderesse, avoir transmis le dossier au ministre de la Fonction publique et affichant dès ce moment son intention de s’en tenir dans ce dossier aux indications de ce dernier. Cette intention se trouve vérifiée par la suite par le fait qu’elle se limite à transmettre la réponse du ministre de la Fonction publique à la demanderesse sans autrement prendre position par rapport à la demande initiale en cause, son rôle se résumant à ce stade à la simple communication d’une prise de position émanant d’une autre autorité administrative.
Il s’ensuit que le recours dirigé formellement contre la décision du ministre de l’Education nationale du 16 septembre 1998 est en réalité dirigé contre l’acte véhiculé à travers cette décision, à savoir la lettre du ministre de la Fonction publique datée du 13 août 1998. Il se dégage du contenu de cette lettre qu’au-delà de constituer un simple avis ou une prise de position, le ministre de la Fonction publique, en faisant sienne la réponse de l’administration du personnel de l’Etat datée du 3 août 1998, a entendu statuer sur la demande de Madame SCHROEDER du 10 juin 1998, le ministre de conclure que “ par conséquent, l’allocation d’une prime supplémentaire n’est pas possible dans le cadre de cette répartition. Je ne puis donc réserver une suite favorable à la présente demande. ” La décision ainsi déférée contenant clairement un élément décisionnel de nature à faire grief à la demanderesse, le moyen d’irrecevabilité soulevé par le représentant étatique n’est pas fondé à cet égard. Dans la mesure où ce recours a également été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Quant au fond, la motivation de la décision ainsi déférée repose sur la considération “ que suivant les critères généraux fixés par décision du gouvernement en conseil du 13 novembre 1987, le poste de secrétaire de direction est limité à une unité par administration et par département ”, et, qu’eu égard à la circonstance qu’un poste de ce type serait déjà partagé entre deux employés travaillant à mi-temps et touchant de ce fait chacun d’eux la moitié de la prime rattachée à l’exercice de cette fonction, l’allocation d’une prime supplémentaire à la demanderesse ne serait pas possible dans le cadre de cette répartition.
Cette motivation est complétée en cours d’instance par le délégué du gouvernement en ce sens qu’une circulaire du ministre de la Fonction publique du 30 juin 1987 préciserait qu’en 6 vertu de la disposition introduite par le règlement du gouvernement en conseil du 8 mai 1987, modifiant le règlement du 1er mars 1974 précité en son article 20 également précité, l’indemnité due aux secrétaires de direction “ devra rester réservée à l’exercice effectif de la fonction de secrétaire de direction ” et qu’en outre il serait “ nécessaire de l’appliquer de façon restrictive, c’est-à-dire de faire correspondre le nombre de secrétaires de direction au nombre des postes de direction ”.
Il expose que dans la mesure où ces conditions n’auraient pas été remplies à l’époque dans le chef de la demanderesse, cette carence aurait sans doute constitué la raison ayant conduit le ministre de la Fonction publique à ne pas mettre en œuvre la désignation de la demanderesse comme secrétaire de direction documentée par la lettre du ministre de l’ Education nationale du 28 septembre 1987.
Il découle des pièces versées au dossier et les parties sont en accord pour admettre que tant la demanderesse que la dame X. furent désignées par le directeur administratif du CUNLUX comme secrétaires de direction et que le ministre de l’Education nationale approuva cette désignation et en informa le ministre de la Fonction publique par décision du 28 septembre 1987.
Dans la mesure où l’article 20 du règlement du gouvernement en conseil du 1er mars 1974, dans sa teneur lui conférée par règlement du même conseil du 8 mai 1987, investit les administrations ou départements ministériels du pouvoir de désigner un employé pour remplir les fonctions de secrétaire de direction sans autrement conditionner ce pouvoir que par rapport aux seules nécessités de service, la désignation ainsi intervenue en date du 28 septembre 1987 émane d’une autorité dûment habilitée à cet effet, étant constant qu’avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 11 août 1996, le CUNLUX relevait directement du ministre de l’Education nationale, qui, en tant que ministre du ressort, était compétent pour désigner, par voie d’approbation, des employés du CUNLUX pour remplir lesdites fonctions.
Il s’ensuit qu’à défaut de toute autre condition de validité posée par le texte réglementaire en question, la qualité de secrétaire de direction fut acquise dans le chef des deux employées en question dès leur désignation, en l’occurrence à partir du 28 septembre 1987, et que la compétence du ministre de la Fonction publique en la matière se résume en une compétence liée, ayant trait exclusivement à la mise en œuvre de cette désignation au niveau de la rémunération des employées concernées.
Dans la mesure où la décision du gouvernement en conseil du 13 novembre 1987, invoquée à l’appui de la décision de refus déférée pour justifier une limitation du poste de secrétaire de direction à une unité par administration et par département, est postérieure en date à la décision opérant désignation de la demanderesse comme secrétaire de direction, elle ne saurait en tout état de cause servir ex post de motivation à cette dernière.
Quant à la circulaire du ministre de la Fonction publique du 30 juin 1987, versée au dossier et invoquée par le délégué du gouvernement pour justifier le refus dudit ministre de mettre en œuvre la désignation litigieuse intervenue dans le chef de la demanderesse au motif notamment qu’elle n’aurait pas exercé effectivement la fonction de secrétaire de direction, il échet de relever que s’il est certes loisible au dit ministre de préciser par voie de circulaire la portée pratique d’une disposition réglementaire, voire de l’interpréter afin d’en faciliter l’application, une circulaire ministérielle ne constitue toutefois qu’une simple instruction 7 interne qui ne s’impose ni aux tribunaux, ni aux personnes étrangères à l’administration. Faute de caractère obligatoire à l’égard des administrés, elle ne saurait ainsi en aucun cas rajouter à la loi ni a fortiori relativiser les compétences consacrées par la voie réglementaire dans le chef d’autres autorités administratives.
Il découle de ces considérations que la dite circulaire ministérielle du 30 juin 1987 ne confère en tout état de cause aucun pouvoir de contrôle au ministre de la Fonction publique sur la manière dont les administrations ou départements ministériels exercent la compétence leur conférée par l’article 20 précité du règlement modifié du 1er mars 1974, quelle que soit par ailleurs sa valeur au regard de l’exercice de cette compétence.
Vu les développements qui précèdent c’est partant à tort que le ministre de la Fonction publique entend tirer argument de la considération que faute d’avoir été avalisée par ses soins, la désignation comme secrétaire de direction de la demanderesse en date du 28 septembre 1987 n’aurait pas pris effet à cette date, alors qu’aucun texte légal ou réglementaire ne l’habilite à mettre en échec une désignation intervenue conformément aux dispositions de l’article 20 précité du règlement modifié du 1er mars 1974.
Aucune décision administrative de retrait, ni aucune voie de recours exercée à l’encontre de la décision opérant désignation de la demanderesse comme secrétaire de direction au CUNLUX, telle qu’approuvée en date du 28 septembre 1987 par le ministre de l’Education nationale, n’ayant été établie ou alléguée en l’espèce, c’est partant à tort que le ministre de la Fonction publique a refusé de faire droit à la demande de Madame SCHROEDER du 10 juin 1998, celle-ci ayant eu droit au bénéfice de l’indemnité prévue pour les secrétaires de direction à partir de sa désignation à cette fonction, sous réserve de considérations tenant à la prescription.
Quant à la prescription Le délégué du gouvernement invoque l’article 2277 du code civil pour soutenir qu’en tout état de cause un recalcul rétroactif de l’allongement en traitement sollicité par la demanderesse ne pourrait pas porter sur une période supérieure à trois ans.
La demanderesse fait rétorquer à cet égard que s’il est vrai que l’article 2277 du code civil prévoit une prescription de trois ans quant aux salaires et traitements, un quelconque délai de prescription ne saurait toutefois commencer à courir qu’à partir du jour où la créance réclamée aurait acquis un caractère certain, condition qui ne serait pas remplie en l’espèce, alors que le débiteur n’aurait pas encore reconnu l’existence de la créance quant à son principe.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la prescription triennale tirée de l’article 2277 du code civil baserait sur une présomption de paiement de la créance réclamée, présomption renversée en l’espèce en raison de la contestation avouée de la créance dans le chef du débiteur.
S’il est bien vrai qu’aux termes de l’article 2248 du code civil “ la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ”, il est constant en cause que ni le ministre de l’Education nationale, ni le ministre de la Fonction publique n’ont opéré une quelconque reconnaissance du droit de la demanderesse à l'indemnité litigieuse depuis la naissance de cette créance en date du 28 septembre 1987, date à partir de laquelle la créance a par ailleurs acquis un caractère certain suivant les développements qui précèdent.
8 Les causes qui interrompent ou qui suspendent le cours de la prescription étant limitativement énumérées aux articles 2242 à 2259 du code civil et n’englobant pas celle invoquée par la demanderesse basant sur une contestation simplement avouée de la créance dans le chef du débiteur, la prescription triennale prévue à l’article 2277 du code civil n’a en l’espèce pas été valablement interrompue.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision du ministre de la Fonction publique du 13 août 1998, portée à la connaissance de la demanderesse par la lettre déférée du ministre de l’Education nationale du 16 septembre 1998, est à réformer en ce sens que l’indemnité prévue au bénéfice des secrétaires de direction à l’article 20 du règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974 est due à la demanderesse à partir du 28 septembre 1987, sous réserve de la prescription triennale prévue à l’article 2277 du code civil.
Il s’ensuit que le recours en réformation dirigé contre la décision du ministre de l’Education nationale du 29 octobre 1998 est devenu sans objet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur administratif du CUNLUX du 25 juin 1998 en la forme ;
au fond le déclare non fondé à cet égard et en déboute dans la mesure où il est dirigé contre la prédite décision ;
reçoit le recours en réformation dirigé contre la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 13 août 1998, portée à la connaissance de la demanderesse par la lettre déférée du ministre de l’Education nationale du 16 septembre 1998, en la forme;
au fond le dit partiellement justifié;
partant, par voie de réformation, dit que l’indemnité prévue à l’article 20 du règlement du gouvernement en conseil modifié du 1er mars 1974 pour les secrétaires de direction est due à la demanderesse à partir du 28 septembre 1987, sous réserve de la prescription triennale prévue à l’article 2277 du code civil;
dit que le recours est sans objet pour autant que dirigé contre la décision du ministre de l’Education nationale du 29 octobre 1998 ;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
renvoie l’affaire au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative pour exécution ;
condamne l’Etat aux frais.
9 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mars 1999 par:
M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Schockweiler 10