La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/1999 | LUXEMBOURG | N°10716

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 1999, 10716


N° 10716 du rôle Inscrit le 20 mai 1998 Audience publique du 22 mars 1999

===========================

Recours formé par GAMMA INTERNATIONAL S.A. et Monsieur X.

contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation de faire le commerce

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 1998 par Maître Michel MOLITOR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL S.A., établie et ayan...

N° 10716 du rôle Inscrit le 20 mai 1998 Audience publique du 22 mars 1999

===========================

Recours formé par GAMMA INTERNATIONAL S.A. et Monsieur X.

contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation de faire le commerce

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 1998 par Maître Michel MOLITOR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, et de Monsieur X., sans état particulier, demeurant à L-…, avenue Grande-

Duchesse Charlotte, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme, datées respectivement des 23 décembre 1997 et 20 février 1998, la première refusant à la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL l’autorisation de faire le commerce et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 4 août 1998;

Vu la lettre déposée le 19 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc REDING, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, par laquelle il a informé le tribunal qu’il a été mandaté par les demandeurs en remplacement de Maître Michel MOLITOR, préqualifié;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Luc REDING le 19 novembre 1998 au nom de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL et de Monsieur X.;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Luc REDING, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Par demande présentée par lettre du 16 janvier 1997, la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, sollicita auprès du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle l’autorisation d’exercer, sous la responsabilité de son gérant Monsieur X., sans état particulier, demeurant à L-…, les activités 1 d’installations sanitaires et de chauffage. Par une lettre de transmission datée du 14 mars 1997, le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle soumit la demande précitée pour attribution au ministre des Classes moyennes et du Tourisme.

Suite à plusieurs échanges de courriers en vue de compléter le dossier, cette demande fut soumise à la commission prévue à l’article 2 de la loi du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée « la loi d’établissement », qui l’avisa négativement le 11 décembre 1997 en raison d’un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef de Monsieur X., en se référant à un avis du parquet économique de Luxembourg du 14 novembre 1997, tout en retenant que Monsieur X. remplit les conditions de qualification professionnelle pour l’exercice du métier d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que d’installateur sanitaire.

Sur base de cet avis défavorable, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme refusa l’autorisation sollicitée par décision du 23 décembre 1997 dans laquelle il exposa que « la commission [prévue à l’article 2 de la loi d’établissement] a estimé à l’unanimité que vous ne remplissez plus les garanties requises d’honorabilité professionnelle en raison de votre responsabilité comme gérant dans la société [Unitherm s.à r.l.] déclarée en faillite, se ralliant ainsi dans ses conclusions aux renseignements défavorables fournis par les parquets.

Comme je fais miennes ces prises de position, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3 de la loi sus-

mentionnée.

A toutes fins utiles, je vous signale que vous remplissez la condition de qualification professionnelle requise pour l’exercice des métiers d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi que d’installateur sanitaire ».

Par lettre du 20 janvier 1998, le mandataire de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL et de Monsieur X. introduisit un recours gracieux devant le ministre des Classes moyennes et du Tourisme en le priant de reconsidérer sa décision de refus du 23 décembre 1997 précitée. Il ressort encore de cette lettre que ses mandants renoncent à la demande formulée initialement pour compte de la société, en le priant de délivrer l’autorisation à titre personnel à Monsieur X., et en arguant de ce que la décision querellée reposerait sur des motifs qui ne seraient pas clairement établis et qui ne sauraient partant justifier légalement la décision en question.

Après une nouvelle saisine par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement, celle-ci a procédé à une nouvelle instruction du dossier et formula, lors de sa réunion du 2 février 1998, un nouvel avis négatif en maintenant expressément son avis antérieur.

Sur base de ce nouvel avis défavorable, le ministre confirma sa décision antérieure, en spécifiant qu’après un réexamen du dossier par la commission spéciale, et en l’absence de tout élément probant nouveau, il ne pouvait que maintenir sa décision du 23 décembre 1997, en précisant encore que sa décision valait également pour Monsieur X. à titre personnel.

2 Par jugement rendu en date du 27 mars 1998, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a prononcé la faillite de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL.

Par requête déposée le 20 mai 1998, la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL et Monsieur X. ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions précitées des 23 décembre 1997 et 20 février 1998.

Il résulte de la combinaison des articles 1, § 2 1° et 2, 1. de la loi du 4 novembre 1997 portant modification des articles 2, 12, 22 et 26 de la loi d’établissement, que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisations d’établissement, mais que le recours en annulation ne s’applique qu’aux requêtes déposées après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, en l’occurrence le 27 novembre 1997. Etant donné que la requête actuellement sous discussion a été déposée le 20 mai 1998, le tribunal est incompétent pour statuer sur le recours en réformation formulé à titre principal.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il a été introduit par la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL en soutenant qu’elle n’aurait aucun intérêt personnel et direct à l’issue du présent litige au motif qu’elle a été déclarée en faillite en date du 27 mars 1998 et qu’elle ne pourrait partant retirer de l’annulation éventuelle des décisions critiquées une satisfaction certaine et personnelle, étant donné qu’elle n’exercerait plus aucune activité.

S’il est vrai qu’à la date du dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif, la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL était en faillite, suivant un jugement antérieurement rendu en date du 27 mars 1998, il n’en reste pas moins qu’elle garde sa personnalité juridique et qu’elle peut, sous certaines conditions, continuer à exercer son activité commerciale. En outre, il échet de constater qu’au moment où les deux décisions critiquées ont été rendues, la faillite de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL n’avait pas encore été prononcée.

S’il est établi que ni la réformation, ni l’annulation d’une décision administrative ne saurait avoir un effet concret, la société demanderesse garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question. La société anonyme GAMMA INTERNATIONAL en faillite a donc intérêt à agir contre les décisions querellées et le moyen afférent invoqué par le délégué du gouvernement est à écarter.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été formé dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent à une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en contestant que les formalités prévues par la disposition réglementaire en question aient été observées par la commission spéciale et en soutenant que 3 l’irrégularité des avis émis par ladite commission devrait entraîner l’annulation des décisions critiquées, au motif que celles-ci se seraient exclusivement fondées sur lesdits avis viciés.

Quant au fond, ils estiment que le simple fait d’avoir été impliqué, fût-ce en qualité de gérant, dans une faillite, n’impliquerait pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du requérant. En l’espèce, ils soutiennent que Monsieur X. n’aurait pas posé d’actes personnels portant atteinte à son honorabilité professionnelle et le ministre aurait partant été dans l’impossibilité de fonder sa décision sur des éléments de fait existant réellement.

Ils soutiennent encore que le ministre se serait fondé sur des renseignements non publics qui lui ont été remis par le procureur général d’Etat, pour conclure à la responsabilité de Monsieur X., et qu’il aurait partant commis un excès de pouvoir en « s’érigeant en juridiction ayant le pouvoir de déclarer une telle responsabilité ».

En ce qui concerne le reproche tiré d’une violation de l’article 4 du règlement grand-

ducal précité du 8 juin 1979, le représentant étatique estime que l’avis de la commission spéciale pris en date du 11 décembre 1997 serait suffisamment motivé par un renvoi aux avis des parquets qui auraient été joints à l’avis de la commission. Par ailleurs, il soutient que même à supposer qu’un défaut de motivation soit établi, une telle absence d’indication des motifs n’entraînerait pas automatiquement l’annulation mais aurait comme conséquence que les délais de recours ne commenceraient pas à courir.

En se référant aux avis formulés par les autorités judiciaires, le délégué du gouvernement estime que du fait de son implication en sa qualité de gérant responsable de la société à responsabilité limitée Unitherm, Monsieur X. ne remplirait plus les garanties d’honorabilité requises par l’article 3 de la loi d’établissement. A ce sujet, il relève certains faits dont il est fait état dans l’avis du parquet économique de Luxembourg du 14 novembre 1997 concernant plus particulièrement l’aveu de faillite tardif, des manoeuvres irrégulières accomplies pour maintenir le crédit de la société, ainsi que l’omission de remettre du matériel au curateur de la faillite.

Enfin, en ce qui concerne le moyen tiré d’un excès de pouvoir commis par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, tiré de ce que les décisions critiquées auraient été prises sur base d’avis et d’informations non publics fournis par les parquets, il estime que ce moyen ne serait pas fondé, alors que les avis des parquets et celui du curateur de la faillite de la société à responsabilité limitée Unitherm se trouvent au dossier administratif et que conformément à l’article 11 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, le demandeur aurait pu prendre inspection du dossier et plus particulièrement des avis en question.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs contestent que les faits retenus à charge de Monsieur X. soient suffisamment graves pour motiver les décisions prises par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme. Ils estiment encore que Monsieur X. aurait dû être entendu par le ministre, avant la prise des décisions, afin qu’il ait pu s’expliquer sur les faits qui lui ont été reprochés.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 pose la question de savoir si l’avis de la commission spéciale pris en date du 11 décembre 1997 remplit les conditions de forme et de fond exigées par la disposition réglementaire en 4 question, qui dispose que « les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.

Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs ».

La commission spéciale constituant un organisme collégial, il y a non seulement lieu de vérifier si l’avis remplit les conditions posées par l’alinéa 1er de l’article 4 précité, mais en outre s’il est conforme aux exigences de l’alinéa 2 du même article. En l’espèce, l’avis précité du 11 décembre 1997 indique la composition de la commission par l’indication des noms des membres effectifs et des membres suppléants, les noms des membres ayant assisté à la délibération, par l’apposition de la signature par ceux des membres ayant été présents lors de la réunion du 11 décembre 1997 et le nombre des voix exprimées, en ce que l’avis spécifie que les six membres présents ont émis, à l’unanimité, un avis favorable quant à la qualification professionnelle de Monsieur X. et un avis défavorable quant à son honorabilité professionnelle.

Partant, l’avis en question remplit les conditions posées par l’alinéa 2 de l’article 4 précité.

Quant aux exigences posées par l’alinéa 1er de l’article 4 en question, il échet de constater que l’avis ne contient ni une motivation propre ni une énonciation des éléments de fait et de droit sur lesquels il se base. L’avis en question fait simplement référence aux avis des parquets tels qu’ils ont été annexés à l’avis de la commission spéciale. Les membres de la commission spéciale se sont partant basés sur l’avis du procureur général d’Etat du 18 novembre 1997 qui s’est rallié à l’avis défavorable du procureur d’Etat à Luxembourg qui, dans son avis du 14 novembre 1997, a conclu que Monsieur X. ne disposait plus de l’honorabilité professionnelle requise.

S’il est vrai que dans l’intérêt d’une bonne instruction du dossier, il échet d’éviter que la consultation d’un organisme consultatif ne dégénère en une simple formalité et afin d’assurer que les membres d’un tel organisme procèdent à un examen circonstancié des éléments du dossier qui leur est soumis pour avis, en les obligeant à indiquer les motifs qui leur servent de fondement, cette motivation peut néanmoins résulter d’actes antérieurs annexés à l’avis litigieux.

En l’espèce, la commission spéciale s’est basée sur les deux avis précités du procureur général d’Etat et du procureur d’Etat à Luxembourg, qui ont été annexés à l’avis du 11 décembre 1997, et dont elle a fait siens non seulement les éléments en droit et en fait, mais également l’argumentation se trouvant à la base d’un refus de reconnaissance de l’honorabilité professionnelle.

Le reproche tiré d’une irrégularité des décisions critiquées, en ce que l’avis de la commission spéciale aurait été pris en violation de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 est partant à abjuger, dès lors que l’avis critiqué ensemble avec les deux avis précités du procureur général d’Etat et du procureur d’Etat à Luxembourg indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels les parquets se sont basés pour justifier le refus de reconnaître à Monsieur X. l’honorabilité professionnelle en vue de l’exercice du métier d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que 5 d’installateur sanitaire, ces motifs ayant ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance de l’administré.

Aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au cas où l’autorisation est à émettre au nom d’une société, la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise devra satisfaire, conformément à l’alinéa 2 du même article 3, les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux particuliers en vertu de l’alinéa 1er précité.

Au voeu de l’alinéa final du même article 3 « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre pour admettre ou récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur d’une autorisation. Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du demandeur, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant ou de l’administrateur-délégué à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (v. trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 1/99, V° Autorisation d’établissement n° 20, p. 37).

En l’espèce, la demande en vue de l’obtention d’une autorisation d’établissement a été sollicitée, dans une première phase, pour compte de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL avec la spécification que Monsieur X. serait chargé de la direction de l’entreprise, et, dans une deuxième phase, par Monsieur X. à titre personnel. Dans les deux cas, il y a lieu d’analyser l’honorabilité professionnelle dans le chef de Monsieur X..

Les éléments fournis par un curateur de faillite, le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat constituent une base suffisante pour apprécier l’honorabilité professionnelle d’une personne, même en l’absence de poursuites pénales.

En l’espèce, l’autorisation d’établissement a été refusée aux demandeurs au motif que Monsieur X. ne posséderait pas l’honorabilité professionnelle requise à la suite de son implication dans la faillite de la société à responsabilité limitée Unitherm.

Il y a donc lieu d’analyser le rôle de Monsieur X. dans le cadre de la gestion de cette société, déclarée en faillite par la Cour supérieure de Justice en date du 21 mars 1995.

Il ressort des pièces du dossier que Monsieur X. était le gérant unique de la société à responsabilité limitée Unitherm, fonction qu’il a exercée jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt de faillite. Le curateur de la faillite de la société à responsabilité limitée Unitherm, a indiqué, dans son rapport établi en date du 20 octobre 1997, à la demande du parquet, dans le cadre de la demande en autorisation d’établissement introduite par les demandeurs, que la faillite fut prononcée sur base d’une assignation lancée par l’un des principaux créanciers de la société à la suite du non-respect par la société de ses arrangements de paiement convenus antérieurement. Le curateur a encore précisé dans ledit rapport que « la société avait été mal gérée », et que « les dettes provenaient surtout du fait qu’un associé s’était retiré de la société pour fonder une autre société [et que] cet associé n’aurait pas pris d’engagement 6 quant au paiement des dettes de la société Unitherm ». Le curateur a encore relevé que les dettes du centre commun de la sécurité sociale et du fournisseur principal seraient substantielles et, qu’en ce qui concerne d’éventuels autres créanciers, il n’a pas eu connaissance d’une assignation ou d’une ordonnance de paiement ni de chèques sans provision ou de traites protestées. Quant au gérant de la société, le curateur a estimé que « Monsieur X.

n’est pas un bon gestionnaire » et que « d’après ses constatations, l’aveu de la faillite a été fait tardivement alors que la société était déjà en état de cessation de paiements ». Il ressort encore du rapport du curateur, que Monsieur X. « avait omis de … remettre [au curateur] le matériel de travail se trouvant initialement dans les camionnettes de la société [et qu’il] a continué par la suite à exercer le commerce à titre individuel sous la dénomination Unitherm ce qui a conduit à une mise en demeure de … [la part du curateur] et des mises en garde répétées ».

Le procureur d’Etat, dans sa prise de position du 14 novembre 1997, a estimé que Monsieur X. ne disposait plus de l’honorabilité professionnelle requise, en soutenant qu’il aurait dû faire l’aveu de la faillite beaucoup plus tôt au vu du passif considérable de la société.

Il a encore souligné qu’au vu des arriérés de salaire s’élevant à 1.800.000.- francs, un ou plusieurs salariés n’auraient pas pu percevoir leur salaire intégral pendant plusieurs mois. Enfin, le procureur d’Etat a encore fait valoir que le fait d’avoir un retard accumulé auprès du centre commun de la sécurité sociale constituait un moyen irrégulier pour maintenir le crédit de la société faillie et ne concorderait pas avec les agissements honnêtes de la profession.

En date du 18 novembre 1997, le procureur général d’Etat se rallia à l’avis défavorable précité du procureur d’Etat.

La commission spéciale, dans sa séance du 11 décembre 1997, émit à l’unanimité un avis défavorable quant à l’honorabilité professionnelle de Monsieur X. en se référant aux avis émis par le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat de Luxembourg. Cet avis a été maintenu par la commission spéciale lors de sa séance du 2 février 1998, à la suite du recours gracieux introduit par les demandeurs.

Les demandeurs s’appuient sur le casier judiciaire vierge de Monsieur X. et sur le fait que ce dernier n’aurait pas posé des actes personnels portant atteinte à son honorabilité professionnelle. A titre subsidiaire, ils estiment qu’au cas où de tels actes existeraient, ils ne seraient pas suffisamment graves pour justifier la décision prise par le ministre.

S’il est vrai que Monsieur X. n’a exercé que la fonction de gérant technique à partir du 17 avril 1987, date de la constitution de la société à responsabilité limitée Unitherm, jusqu’au 21 mai 1993, et que pendant cette période une deuxième personne exerçait les fonctions de gérant administratif de ladite société, il n’en reste pas moins qu’à partir de la date précitée du 21 mai 1993, Monsieur X. a non seulement repris la majeure partie des parts de l’ancien gérant administratif et il a également été nommé gérant unique de la société pour une durée indéterminée jusqu’à la date du prononcé de la faillite. Il a ainsi été responsable de la gestion de la société Unitherm sàrl, ensemble avec le co-gérant jusqu’à la date du 21 mai 1993 et en tant que gérant unique à compter de cette date jusqu’au 21 mars 1995, date du prononcé de l’arrêt déclaratif de faillite. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments et pièces du dossier, que son ancien associé et gérant administratif ait été exclusivement à l’origine de la mauvaise gestion et des dettes encourues par la société. D’ailleurs, Monsieur X. n’a à aucun moment estimé qu’une telle responsabilité exclusive devrait incomber à son ancien associé et co-gérant.

7 Il a, au contraire, déclaré au curateur de faillite, tel que cela ressort du rapport de ce dernier du 20 octobre 1997, que lors du départ de son ancien associé en 1993, la société accusait des dettes importantes rendant tout redressement à moyen terme impossible et que nonobstant cette situation de fait, il a continué à gérer la société jusqu’à la date du prononcé de la faillite.

Cette situation financière malsaine est par ailleurs confirmée par les dettes élevées accumulées par la société faillie auprès du centre commun de la sécurité sociale. Ce procédé, qui consiste à maintenir le crédit de la société afin d’être à même de payer les dépenses courantes avec des fonds qui ne lui appartiennent pas, en ce qu’elle n’a pas transmis à l’organisme de sécurité sociale les sommes retenues sur les salaires de son personnel, ne concorde pas avec les agissements honnêtes d’un professionnel et fait preuve d’un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du gérant à la société faillie.

Ces considérations, ensemble le comportement de Monsieur X. après le prononcé de la faillite de la société à responsabilité limitée Unitherm, en ce qu’il a « omis » de remettre au curateur de faillite la matériel de travail se trouvant initialement dans les camionnettes de la société et le fait qu’il a continué à exercer le commerce de la société à responsabilité limitée Unitherm à titre individuel sous la dénomination Unitherm sont de nature à entamer l’honorabilité professionnelle de Monsieur X. en vue de l’obtention, en nom personnel, voire en tant que gérant de la société anonyme GAMMA INTERNATIONAL, d’une autorisation d’établissement en vue de l’exercice de l’activité du métier d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que d’installateur sanitaire, c’est-à-dire, dans un domaine dans lequel il avait exercé, auparavent, les fonctions d’associé et de gérant unique d’une société déclarée en faillite.

Il résulte de ce qui précède que le ministre a légitimement pu justifier sa décision de refus en se basant sur les implications de Monsieur X. dans la faillite de la société à responsabilité limitée Unitherm.

Quant au moyen tiré d’un excès de pouvoir commis par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, en ce qu’il se serait basé sur des avis et informations des parquets non rendus publics, il échet de relever que les avis du curateur, du procureur d’Etat ainsi que du procureur général d’Etat ont été adressés au ministre des Classes moyennes et du Tourisme en vue de l’émission, d’une part, de l’avis de la commission spéciale, et, d’autre part, de la décision du ministre et qu’ils se trouvaient partant au dossier administratif accessible aux demandeurs conformément à l’article 11 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, qui dispose, en son alinéa 1er, que « tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être ».

Le ministre ne s’est partant pas basé sur des pièces non accessibles aux demandeurs et en l’absence d’une disposition légale ou réglementaire prescrivant qu’une autorité administrative qui prend une décision soit tenue d’y joindre les avis des autorités consultées, le moyen afférent est à rejeter.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’autorisation d’établissement respectivement à GAMMA INTERNATIONAL et à Monsieur X. à titre personnel et le recours est donc à déclarer non fondé.

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 22 mars 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s.

Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10716
Date de la décision : 22/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-03-22;10716 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award