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17/03/1999 | LUXEMBOURG | N°10553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 1999, 10553


Numéro 10553 du rôle Inscrit le 6 février 1998 Audience publique du 17 mars 1999 Recours formé par les époux … SCHARFFENORTH et … LIMBART, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10553, déposée le 6 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre BERNA, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Monique ADAMS, avocat inscrit à la liste II ...

Numéro 10553 du rôle Inscrit le 6 février 1998 Audience publique du 17 mars 1999 Recours formé par les époux … SCHARFFENORTH et … LIMBART, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10553, déposée le 6 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre BERNA, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Monique ADAMS, avocat inscrit à la liste II du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … SCHARFFENORTH et … LIMBART, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 novembre 1997 refusant de prendre en considération au titre de dépenses d’exploitation des intérêts débiteurs postérieurs à la dissolution d’une société de personnes;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Monique ADAMS, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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La société en commandite simple X….. Scharffenorth & Cie KG, appelée ci-après « la société X. », a été fondée par acte notarié du 5 novembre 1980 et Monsieur … SCHARFFENORTH, demeurant à L-…, en était depuis cette époque l’associé commandité.

Par convention du 30 novembre 1990 passée entre Monsieur SCHARFFENORTH et la société Y., ayant son siège à … en Chypre, cette dernière a transféré sur le chef du premier un crédit de … LUF accordé à l’origine à la société … Z. dont ledit cocontractant est administrateur. La même société Y. a octroyé directement à Monsieur SCHARFFENORTH un autre crédit de … LUF par convention du 21 décembre 1990. Ces deux crédits servaient à apurer le passif envers les tiers de la société X. qui se chiffrait à … LUF au 31 décembre 1989. Dans la suite, Monsieur SCHARFFENORTH a assuré le paiement des mensualités relatives à ces deux prêts jusqu’à leur apurement en 1996.

La société X. fut dissoute par acte notarié du 7 décembre 1992, toutes ses parts ayant été réunies entre les mains de Monsieur SCHARFFENORTH. Le même acte notarié retient que Monsieur SCHARFFENORTH reprend à son compte tous les actifs et passifs de la société X..

Ayant continué à assurer le service des dettes antérieurement contractées encore après cette dissolution, Monsieur SCHARFFENORTH a réglé au cours de l’année 1993 un total de … LUF au titre d’intérêts débiteurs.

Dans leur déclaration de l'impôt sur le revenu pour l’année 1993, les époux … et … SCHARFFENORTH-LIMBART ont déduit ledit montant de … LUF sous la rubrique des bénéfices commerciaux comme dépenses d’exploitation en rapport avec une entreprise collective. Par bulletin de l'impôt sur le revenu du 10 octobre 1996, le bureau d’imposition … a rectifié cette déclaration en requalifiant ces intérêts débiteurs en dépenses spéciales, le bulletin comportant pour ce redressement la motivation que « les intérêts débiteurs en relation avec X. AG … sont à déduire sub dépenses spéciales ».

Par courrier du 9 janvier 1997, le mandataire des époux SCHARFFENORTH-

LIMBART a introduit en leur nom une réclamation contre ce bulletin d’impôt devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné « le directeur ».

Le directeur rejeta cette réclamation comme étant non fondée par décision du 7 novembre 1997 et confirma pour les intérêts débiteurs versés durant l’année 1993 au titre des deux prêts précités la qualification fiscale de dépenses spéciales déductibles du total des revenus nets dans les conditions et limites de l’article 109 alinéa 1 n° 1a de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

Par requête déposée le 6 février 1998, les époux SCHARFFENORTH-LIMBART ont fait introduire « le recours qui leur est offert par la loi » à l’encontre de ladite décision directoriale.

Le délégué du Gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée Abgabenordnung (AO), et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Etant donné que les demandeurs indiquent exercer la voie de recours qui leur est ouverte par la loi, il y a lieu de qualifier leur requête de recours en réformation.

Ce même recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

2 Quant au fond, les demandeurs soutiennent qu’en droit des sociétés, la dissolution de la société ne ferait pas disparaître l’entité juridique qui subsiste jusqu’au jour de la clôture de la liquidation. La date de la clôture de la liquidation devant faire l’objet d’une décision expresse sujette à publication, la personnalité de la société X. aurait subsisté au cours des exercices litigieux en l’absence de constat de la clôture de la liquidation dans l’acte notarié de dissolution du 7 décembre 1992.

Dans le cadre de l'impôt sur le revenu, les demandeurs se fondent sur les articles 11 et 45 LIR en avançant que le premier texte cité, en visant les revenus nets, porterait tant sur les produits que les charges postérieurs à la cessation de l’entreprise commerciale. Les demandeurs signalent encore que ces mêmes textes prennent leur origine dans l’ancienne loi sur l'impôt sur le revenu du 27 février 1939 et sont restés inchangés depuis cette date au Luxembourg et en Allemagne, les textes luxembourgeois en question constituant toujours la « traduction fidèle » des textes allemands, et renvoient à l’interprétation de ces textes par la jurisprudence allemande des dernières décennies.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que la déduction des intérêts débiteurs litigieux au titre de dépenses d’exploitation ne serait possible après la dissolution de la société que dans trois hypothèses à savoir lorsque (1) l’entreprise commerciale collective subsiste après sa dissolution, (2) une nouvelle entreprise commerciale individuelle est exploitée par le coexploitant ou lorsque (3) les intérêts débiteurs sont échus avant la cessation de l’activité commerciale mais que le commerçant n’en a eu connaissance qu’après la cessation. La première hypothèse ne serait pas vérifiée en l’espèce, alors que la société X.

n’aurait eu qu’une activité très restreinte bien avant sa dissolution, date à laquelle elle n’aurait ainsi plus renfermé les bases essentielles d’une entreprise, et n’aurait plus participé à la vie économique au-delà de la dissolution. Le représentant étatique entend pareillement voir écarter l’argumentation des demandeurs basée sur le droit des sociétés en renvoyant au paragraphe 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée Steueranpassungsgesetz (StAnpG). Quant à la deuxième hypothèse, il considère que la reprise des actifs et passifs de la société par un coexploitant ne fonde pas en soi une entreprise commerciale individuelle et que les demandeurs n’établiraient pas autrement la constitution d’une entreprise commerciale depuis la date de la liquidation de la société X..

Les demandeurs ne sauraient, d’après le délégué du Gouvernement, pas non plus rentrer dans la troisième hypothèse susvisée, les intérêts débiteurs litigieux étant échus au cours de l’année d’imposition 1993 et donc postérieurement à la date de dissolution.

Le délégué du Gouvernement s’oppose encore à l’argumentation des demandeurs renvoyant à la jurisprudence fiscale allemande en avançant qu’ « une jurisprudence étrangère n’est pas susceptible de créer des droits au Grand-Duché ». Il signale pareillement que la législation allemande s’écarte depuis l’année 1974 de la loi luxembourgeoise suite à l’abolition par le législateur allemand de la déduction d’intérêts débiteurs comme dépenses spéciales.

La première hypothèse d’admissibilité de déduction de dépenses d’exploitation postérieures, telle que mise en avant par le délégué du Gouvernement, revient à exiger la subsistance d’une entreprise commerciale, malgré sa dissolution, au moment où les dépenses sont faites.

A cet égard, il échet de relever d’abord que le régime de prise en compte de dépenses d’exploitation postérieures est indépendant de la question de la survie en droit des 3 sociétés de la personnalité juridique d’une société de personnes au cours de sa liquidation, de sorte que cette argumentation des demandeurs est sans caractère pertinent en l’espèce. Il est en effet constant que d’un point de vue fiscal, par application du paragraphe 11bis StAnpG, la société X. ne peut être considérée comme ayant constitué au cours de son exploitation une entité distincte de ses associés, de sorte qu’un tel statut propre ne saurait avoir perduré suite à sa dissolution suivant acte notarié du 7 décembre 1992.

La déduction de dépenses d’exploitation survenues après la cessation ou la cession d’une entreprise commerciale est visée par l’article 11, 3. LIR disposant que « les revenus nets, tels qu’ils sont spécifiés aux articles 14 à 108bis …, comprennent également dans les catégories respectives: … 3. les revenus tirant leur origine de l’une des activités visées à l’article 10 numéros 1 à 3 … et réalisés après la cessation de ladite activité …, même s’ils sont recueillis par l’ayant cause du bénéficiaire ».

La condition de la survie de l’entreprise commerciale se heurte ainsi au texte clair et univoque de l’article 11, 3. LIR précité qui vise précisément une réalisation de revenus après la cessation de l’activité, donc après la fin de l’entreprise commerciale au sens de l’article 14 LIR. Il s’ensuit que la première hypothèse admise par le délégué du Gouvernement ne saurait être invoquée afin de limiter la déduction de dépenses d’exploitation postérieures.

Etant donné que les demandeurs n’allèguent pas la constitution par eux d’une nouvelle exploitation suite la dissolution de la société X. et que la reprise de l’actif et du passif d’une entreprise dissoute n’en fonde pas automatiquement une nouvelle, il n’y a pas lieu d’évoquer autrement la seconde hypothèse dans laquelle le délégué du Gouvernement déclare admettre en principe la déduction d’intérêts débiteurs.

La troisième hypothèse admise par le délégué du Gouvernement revient à poser la condition que la dépense doit être venue à échéance au cours de l’exploitation de l’entreprise entretemps dissoute, mais matériellement réglée seulement après la dissolution, en raison du fait que l’exploitant n’en a eu connaissance qu’à ce moment.

Il y a lieu de préciser d’abord que l’article 11, 3. s’applique « également quand il s’agit de dépenses d’exploitation ou de frais d’obtention nés après l’abandon de l’activité ou après l’extinction du droit produisant des revenus nets » (doc. parl. 5714, ad art. 14, p.

13). Ce constat vaut même si le terme de « sommes » employé dans le projet initial de la loi précitée du 4 décembre 1967 a été remplacé par celui de « revenus », le Conseil d’Etat, auteur de cette modification, ayant tenu à préciser que « dans les cas visés on ne s’écarte pas de la règle générale, d’après laquelle l’imposition s’applique à des revenus nets et non à des recettes brutes » (doc. parl. 57116, avis du Conseil d’Etat, ad art. 14, p. 9).

L’article 11, 3. pose en outre la condition que les dépenses tirent leur origine de l’exploitation commerciale antérieure. Il s’ensuit qu’elles doivent constituer des dépenses d’exploitation dans le cadre d’une entreprise commerciale définies par l’article 45 (1) LIR comme « les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ». Etant donné cependant que les dépenses causées par la liquidation ou cession de l’entreprise sont obligatoirement prises en compte dans le cadre de la fixation du bénéfice de cessation ou de cession, la dépense d’exploitation doit se trouver en relation économique avec l’activité courante de l’entreprise antérieure à sa liquidation ou cession. La même relation économique entre un bien du passif et l’exploitation courante de l’entreprise dissoute ne saurait néanmoins 4 subsister que dans la mesure où le passif n’a pas pu être amorti par imputation du bénéfice de cession ou de cessation sinon par utilisation de l’actif restant. Ce n’est en effet que sous cette condition que subsiste un lien causal entre le passif et l’activité commerciale antérieure et que le passif reste un bien économique faisant partie du patrimoine d’affectation de l’ancienne entreprise commerciale, le remboursement des dettes devant se voir accorder une priorité sur la satisfaction des besoins privés de l’ancien exploitant notamment par prélèvements personnels de biens de l’actif investi de l’entreprise sans contre-partie équivalente.

Ces dépenses doivent encore avoir été « réalisées » après la cessation de l’activité.

Le contenu de la notion de « réalisation » ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi précitée du 4 décembre 1967: « Pour déterminer à quel moment ces recettes sont réalisées, il faut se reporter aux dispositions de l’article 124 du projet de loi (qui correspond à l’article 108 du texte promulgué). Il s’ensuit qu’en règle générale c’est au moment de la perception par le bénéficiaire ou de la mise à sa disposition » (doc. parl. 5714, ad art. 14, p. 13). En vertu de ce renvoi général aux dispositions de l’article 108 LIR pour déterminer les règles d’imputation ratione temporis de recettes ou de dépenses ou de frais relatifs à toutes les catégories de revenus visées à l’article 10 LIR, une dépense d’exploitation postérieure est à prendre en considération pour l’année d’imposition au cours de laquelle elle est faite, en l’occurrence au moment du déboursement effectif par le contribuable. La date d’échéance d’une dépense d’exploitation ne constitue par contre, d’après les articles 11, 3. et 108 (1) 2. LIR, point un critère pour limiter sa déductibilité, de sorte que cette condition sous-jacente à la troisième hypothèse mentionnée par le représentant étatique ne saurait être opposée pour refuser une telle déduction.

La date de l’échéance d’une dépense ne saurait conditionner la déductibilité que dans la mesure où une dépense échue au cours du dernier exercice d’exploitation a été comptabilisée, conformément aux principes comptables, comme charge de cet exercice. Une dépense ainsi mise en compte ne peut plus donner lieu à déduction ultérieure, le réglement d’une dépense antérieurement comptabilisée, et ayant par ce biais déjà influé sur le bénéfice commercial soumis à l'impôt sur le revenu, ne constituant qu’une modification de patrimoine sans incidence sur le résultat.

Il résulte des développements qui précèdent que l’argumentation du délégué du Gouvernement tendant à limiter aux trois hypothèses par lui citées le droit à déduction de dépenses d’exploitations postérieures à la cessation de l’activité n’est pas fondée.

Concernant le statut particulier d’une société de personnes en droit fiscal déjà prévu par le paragraphe 11bis StAnpG, il y a lieu d’ajouter qu’en vertu de l’article 57 LIR, les dispositions relatives aux entrepreneurs individuels s’appliquent aux associés d’une entreprise commerciale collective, dont les sociétés en commandite simple, comme si chaque associé exploitait individuellement. Chaque associé d’une société de personnes est ainsi censé, du point de vue de l'impôt sur le revenu, exploiter lui-même une entreprise individuelle et le bilan de l’entreprise commerciale collective ne représente partant que la somme des bilans individuels des associés (« Bilanzbündeltheorie »). L’application de l’article 57 LIR peut notamment faire admettre que chaque coexploitant « peut réaliser des produits d’exploitation et subir des dépenses d’exploitation qui ne sont pas retenus comme tels dans le chef de la société de personnes » (doc. parl. 5714, ad article 62, p. 96).

5 Il est constant que « les éléments nécessaires du capital d’exploitation (notwendiges Betriebsvermögen) font obligatoirement partie de l’actif net investi et que le contribuable n’a pas la faculté de les considérer comme éléments du capital d’exploitation par option (gewillkürtes Betriebsvermögen) », tout comme « les dettes sont à considérer comme charges de l’exploitation lorsqu’elles sont en relation économique avec celle-ci et que, dans ces cas, elles doivent figurer au passif du bilan » (cf. C.E. 28 juillet 1965, Gantenbein, n° 5931). La circonstance qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation de faire figurer ce passif au bilan de l’entreprise ne saurait énerver cette qualification et les conséquences fiscales qui en résultent. En application de ces principes, une dette à laquelle un associé commandité d’une société de personnes s’engage afin de combler le passif de la société est un bien investi par destination du patrimoine d’exploitation particulier admis fiscalement dans le chef de cet associé et conserve cette qualité, si elle n’est pas reprise par la société, même si elle ne figure pas au bilan final de la société ou dans un bilan particulier de l’associé. Les intérêts débiteurs réglés en vertu de cette dette après la dissolution de la société de personnes sont susceptibles de représenter des dépenses d’exploitation postérieures.

Le régime ainsi tracé de déduction de dépenses d’exploitation postérieures à la cessation ou cession d’une entreprise commerciale correspond également à celui applicable en droit fiscal allemand. A cet égard, l’argument du délégué du Gouvernement tendant à écarter la référence au droit allemand tombe à faux. S’il est en effet bien vrai qu’une jurisprudence étrangère, pas moins que la jurisprudence indigène, ne peut créer directement des droits au Luxembourg, il n’en est pas moins constant que le juge luxembourgeois peut utilement s’en inspirer pour l’interprétation de textes tirant leur origine du droit national en cause et s’insérant dans une législation comparable, pareille approche étant de nature à contribuer à la sécurité juridique en l’absence de sources nationales exhaustives. Etant donné que l’article 11, 3. LIR reprend les dispositions du paragraphe 24, 2. de l’ancienne loi sur l’impôt sur le revenu du 27 février 1939, d’origine allemande, que ce dernier paragraphe a été maintenu sans changements majeurs par la loi sur l'impôt sur le revenu actuellement applicable en Allemagne et que ces deux textes s’insèrent dans le cadre de législations allemande et luxembourgeoise sur l'impôt sur le revenu fondamentalement comparables, le recours à la jurisprudence et à la doctrine allemandes se justifie en l’espèce. A cet égard, le moyen du délégué du Gouvernement tiré de l’écart entre les textes luxembourgeois et allemand du fait du changement de la législation allemande en 1974 par l’abolition de la déductibilité d’intérêts débiteurs comme dépenses spéciales n’est pas fondé, dans la mesure où, par l’abolition d’une catégorie de dépenses spéciales déductibles, les règles fondamentales sur la distinction entre dépenses d’exploitation et dépenses privées n’ont pas été touchées. Il échet finalement de remarquer que les travaux parlementaires relatifs à la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu ne fournissent aucune indication que notre législateur ait entendu rompre le parallélisme existant avec le texte correspondant allemand.

La jurisprudence allemande soumet la déduction de dépenses d’exploitation postérieures (« nachträgliche Betriebsausgaben »), et notamment celle d’intérêts débiteurs déboursés après la dissolution de l’entreprise, à une première exigence de relation économique avec l’activité commerciale courante, en ce que la dette doit avoir été contractée au cours de l’existence de l’entreprise (cf. Bundesfinanzhof 12 novembre 1997, XI R 98/96, BB 1998, 463: « Voraussetzung für das Vorliegen nachträglicher Betriebsausgaben ist aber, dass die nicht getilgten Verbindlichkeiten während des 6 Bestehens des Betriebs begründet wurden und damit als zurückbehaltenes passives Betriebsvermögen fortwirken .. »), et d’absence de prise en compte dans les comptes finaux de l’entreprise (cf. Bundesfinanzhof 19 janvier 1982, VIII R 150/79, BStBl. 1982, II,321:

« So werden von der Vorschrift des § 24 Nr. 2 EStG Vorgänge erfasst, die in der auf den Zeitpunkt der Betriebsaufgabe zu erstellenden Steuerbilanz und während der sich möglicherweise anschliessenden Liquidationsphase nicht hinreichend berücksichtigt werden konnten, aber durch die frühere gewerbliche Tätigkeit veranlasst sind »).

Il s’y ajoute qu’en second lieu, la déduction d’intérêts débiteurs en tant que dépenses d’exploitation postérieures n’est admise que dans la mesure où la dette afférente n’a pas pu être amortie par imputation du bénéfice de cession ou de cessation sinon par utilisation de l’actif restant (« nicht getilgte Verbindlichkeiten »). Ce n’est en effet que sous cette condition que la jurisprudence allemande reconnaît la subsistance d’un lien causal entre la dette ensemble les intérêts débiteurs d’une part et l’activité commerciale antérieure d’autre part et que la dette reste un bien économique faisant partie du patrimoine d’affectation de l’ancienne entreprise commerciale (cf. Bundesfinanzhof 27 novembre 1984, VIII R 2/81, BStBl. 1985, II, 323; 13 février 1996, VIII R 18/92, BStBl. 1996, II, 292: « Hat der Steuerpflichtige aber den für betriebliche Zwecke aufgenommenen Kredit nach Aufgabe seines Betriebs nicht getilgt, obwohl ihm hierfür ausreichende Mittel aus der Abwicklung des Betriebsvermögens zur Verfügung gestanden hätten, kann er die auf den Kredit entfallenen Zinsen nicht als Betriebsausgabe abziehen. Diese Zinszahlungen sind nicht mehr betrieblich veranlasst. …. Dem liegt wie in Veräusserungs- und Aufgabefällen, die sich auf einen Gesamtbetrieb beziehen, die Erwägung zugrunde, dass bei der Beendigung einer gewerblichen Tätigkeit die Schuldentilgung Vorrang vor einer privaten Bedürfnisbefriedigung hat. Wer sich anders verhält, muss sich so behandeln lassen, als ob er die erhaltenen und zurückbehaltenen Aktivwerte voll zur Schuldentilgung verwandt hätte »).

La jurisprudence allemande admet pareillement qu’une dette contractée pour les besoins d’une entreprise commerciale constitue un bien d’exploitation par destination et que cette qualification n’est pas énervée par un défaut de comptabilisation (cf. Bundesfinanzhof 19 janvier 1982, VIII R 150/79, BStBl. 1982, II, 321: « Der Nichtansatz einer betrieblich veranlassten Verbindlichkeit in der auf den Zeitpunkt der Betriebsveräusserung oder -

aufgabe zu erstellenden Steuerbilanz kann nicht als Entnahme gewertet werden. Eine Schuld, deren Aufnahme betrieblich veranlasst ist, gehört zum notwendigen Betriebsvermögen und bleibt es auch nach der Veräusserung oder Aufgabe des Betriebs, soweit die unter 1 a), b) angegebenen Voraussetzungen erfüllt sind »).

Il résulte des développements qui précèdent que les dettes telles celles en cause sont en principe déductibles en tant que dépenses d’exploitation postérieures si toutes les conditions de fond dégagées ci-avant se trouvent être remplies en l’espèce.

Il ressort des éléments du dossier que Monsieur SCHARFFENORTH a emprunté en novembre et décembre 1990 auprès de la société de droit chypriote Y. un total de … LUF. Il résulte encore des comptes annuels de la société X. versés au dossier directorial que le passif de LUF…, inscrit au bilan de l’exercice 1989, ne figure plus au bilan de l’exercice 1990.

Le tribunal ne dispose néanmoins pas d’informations suffisantes concernant l’activité réelle antérieure de la société X., l’origine du passif cumulé en cause, la preuve du transfert 7 effectif de la somme empruntée par Monsieur SCHARFFENORTH à la société X., le transfert effectif de l’actif et du passif de celle-ci à Monsieur SCHARFFENORTH et l’amortissement partiel du passif au moyen de l’actif restant.

Il y a en conséquence lieu de fixer l’affaire à une audience ultérieure pour continuation des débats afin de permettre aux demandeurs de fournir des précisions complémentaires quant à l’application en l’espèce des principes dégagés ci-avant et de permettre au délégué du Gouvernement d’y prendre position.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, avant tout autre progrès en cause, les droits des parties étant réservés, fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 21 avril 1999, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 1999 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10553
Date de la décision : 17/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-03-17;10553 ?

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