La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/1999 | LUXEMBOURG | N°10996

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 1999, 10996


N° 10996 du rôle Inscrit le 26 novembre 1998 Audience publique du 15 mars 1999

============================

Recours formé par Monsieur … PEPING, … contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de mutation

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro 10996 du rôle, déposée le 26 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre THIELEN, avocat inscrit à l

a liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PEPING, professe...

N° 10996 du rôle Inscrit le 26 novembre 1998 Audience publique du 15 mars 1999

============================

Recours formé par Monsieur … PEPING, … contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de mutation

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Vu la requête inscrite sous le numéro 10996 du rôle, déposée le 26 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre THIELEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PEPING, professeur, demeurant à L-…, tendant à l’annulation pour violation de la loi, ainsi que pour excès et détournement de pouvoir des décisions de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle des 28 juillet 1997 et 27 juillet 1998 ayant refusé de faire droit à ses demandes de mutation du Lycée Technique X. au Lycée Y.;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 janvier 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 1999 par Maître Pierre THIELEN, au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier WAGNER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 1999.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Considérant que Monsieur … PEPING, professeur de l’enseignement secondaire, classé au grade E7, demeurant à L-…, dont la première nomination remonte au 16 septembre 1986, a demandé successivement en dates des 13 juin 1997 et 22 juin 1998 sa mutation du Lycée Technique X. au Lycée Y. en indiquant comme motif du déplacement sollicité des « raisons personnelles »;

Qu’il a indiqué sur chacune de ses demandes qu’il bénéficie d’un congé pour travail à mi-temps pour raisons personnelles (élever un enfant de moins de quinze ans) pour la période du 15 septembre 1994 au 14 septembre 2000 et qu’au cas où les besoins de service du Lycée 1 Y. l’exigeraient, il serait disposé à abandonner le congé à mi-temps pour reprendre un cadre à plein temps;

Que les demandes ont été transmises à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle par le directeur du Lycée Technique X. avec avis favorable;

Que chacune de ces deux demandes a été rencontrée par une décision de refus de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle respectivement en dates des 28 juillet 1997 et 27 juillet 1998 au motif indiqué que « les besoins du service ne me permettent pas d’y donner une suite favorable »;

Que c’est contre ces deux décisions de refus que Monsieur … PEPING a fait introduire en date du 26 novembre 1998 un recours en annulation pour violation de la loi, ainsi que pour excès et détournement de pouvoir;

Considérant que le délégué du Gouvernement oppose en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, plus de trois mois s’étant écoulés depuis la notification de l’une et de l’autre des décisions déférées;

Considérant qu’il est constant en cause que les règles de la procédure administrative non contentieuse ont vocation à s’appliquer dans tout le domaine administratif et suppléent ou remplacent celles contraires des textes en vigueur à l’exception des procédures particulières organisées d’après les règles assurant au moins une égale protection des administrés;

Qu’ainsi un fonctionnaire de l’Etat, de même qu’un employé de l’Etat, dans ses relations avec l’administration, est un administré au sens du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes (cf. Cour adm. 25 février 1999, Schumacher, n° 10975C du rôle; trib. adm. 26 mai 1997, Friser, n° 9396 du rôle, Pas. adm. 01/99, V° Procédure administrative non contentieuse n° 1, page 170 et autres décisions y citées);

Considérant qu’en l’espèce aucune des décisions déférées n’était assortie d’une indication des voies de recours, de sorte que sur base de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 aucun délai de recours n’a commencé à courir;

Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le recours en annulation, introduit pour le surplus suivant les formes prévues par la loi, est recevable;

Considérant au fond que la partie demanderesse estime en premier lieu que les décisions déférées encourent l’annulation pour cause de violation de la loi, sinon pour le moins entraînent que les délais de recours n’ont pas commencé à courir, le tout pour défaut de motivation au regard de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979;

Que l’emploi de formules passe-partout identiques invoquées à la base de chacun des deux refus de mutation, sans précision concrète des motifs à la base des décisions déférées, n’aurait pas permis à l’administré d’avoir en l’espèce une connaissance effective d’iceux avant d’entamer un recours judiciaire et caractériserait un refus de motivation équivalent à une absence de motivation, au vu de leur excessive imprécision;

2 Considérant que le représentant étatique expose que le Gouvernement dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’enseignement public pour répartir les enseignants entre les différents lycées et lycées techniques;

Que sous peine d’être arbitraire, ce pouvoir serait soumis au contrôle juridictionnel, dans la mesure où le juge administratif serait appelé à se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels à la base de la décision attaquée et à vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée;

Que le délégué du Gouvernement de préciser que le poste vacant au Lycée Y. était un poste à plein temps et qu’en vertu de l’article 31.1 du statut général des fonctionnaires de l’Etat, le congé pour travail à mi-temps, tel celui de Monsieur PEPING, ne saurait prendre fin avant son terme, sauf circonstances exceptionnelles constatées par le Gouvernement en Conseil;

Qu’un changement de lycée ne sachant être considéré comme une circonstance exceptionnelle permettant de mettre fin au congé pour travail à mi-temps, il aurait été impossible à la ministre de retenir pour un poste à plein temps la candidature d’un professeur bénéficiant d’un congé pour travail à mi-temps jusqu’en septembre 2000;

Que la partie demanderesse réplique que ce ne serait qu’à partir des éléments ci-avant précisés qu’elle aurait pu obtenir l’ensemble des motifs à la base des décisions déférées lui permettant de préparer utilement ses arguments dans le cadre du recours déposé, de sorte que celles-ci encourraient l’annulation en ordre principal;

Qu’elle constate le défaut de précision par le législateur des « circonstances exceptionnelles » prévues par l’article 31.1 du statut général précité, le texte ne prévoyant pas à quel niveau celles-ci devraient s’appliquer, savoir à celui du fonctionnaire ou de l’administration;

Que face à ce silence des textes, les circonstances exceptionnelles en question devraient pouvoir être admises également dans le chef du fonctionnaire concerné;

Que Monsieur PEPING de constater qu’à deux reprises l’exigence de circonstances exceptionnelles dans son chef n’aurait causé aucun problème, la première fois pour lui accorder un congé à mi-temps pour raisons personnelles et la seconde fois à l’occasion de l’arrêté grand-ducal du 13 décembre 1995 opérant un renouvellement dudit congé pour 5 ans supplémentaires en vue de pouvoir élever un enfant de moins de quinze ans, dans la mesure où ces deux séries de motifs de demandes de congé seraient indistinctement visées par l’article 31.2 du statut général;

Qu’en retenant ainsi comme critère d’interprétation l’intérêt légitime du demandeur, pareille application du texte aurait dû également prévaloir face aux demandes de mutation par lui posées;

Que la partie demanderesse en dégage que les décisions critiquées ont été prises en dehors des conditions légales et constituent ainsi un excès sinon un détournement de pouvoir dans le chef de l’autorité ministérielle concernée;

3 Considérant qu’il se dégage des éléments de fait produits à l’appui du dossier que les deux décisions déférées contiennent une motivation expresse en ce qu’elle se réfèrent aux besoins du service;

Que cette motivation a été spécifiquement précisée par les éléments de fait soumis au tribunal par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse;

Considérant qu’il est patent qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité une décision administrative de refus doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique lui servant de fondement et des circonstances de fait à sa base;

Qu’une omission de motivation suffisante n’est cependant pas sanctionnée par une annulation automatique, la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consistant en principe dans la suspension des délai de recours, cette décision restant valable en tant que telle et l’administration pouvant compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif;

Qu’en l’espèce le renvoi aux besoins du service, certes non autrement spécifiés, a permis à la partie demanderesse d’entamer utilement son recours judiciaire, de sorte que les décisions déférées n’encourent pas l’annulation de ce chef;

Considérant que les délais de recours ayant été suspendus au voeu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’analyse approfondie d’une suspension également donnée à titre de sanction de l’article 6 du même règlement est devenue sans objet;

Considérant au fond que l’article 6.6 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, appelé ci-après le « statut général », prévoit qu’au sens des dispositions dudit article 6 concernant l’affectation du fonctionnaire, les enseignements secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire sont à considérer comme formant une seule administration;

Considérant qu’à l’intérieur du cadre personnel ainsi fixé, le droit de l’administration d’apprécier l’existence et l’exactitude des besoins de service, ainsi que de choisir le personnel qui, à ses yeux, remplit le mieux ces besoins, est discrétionnaire;

Considérant que tout en étant discrétionnaire le droit de l’administration en question n’en est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel, dans ce sens que sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif saisi d’un recours en annulation est appelé à se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et à vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (cf. Cour adm. 17 juin 1997, commune de Bourscheid, n° 9481C du rôle, Pas. adm. n° 1/99, V° Recours en annulation, n° 5, page 209 et autre décision y citée);

Considérant que le congé pour travail à mi-temps, accordé sur sa demande à un fonctionnaire de l’Etat, ne peut prendre fin avant son terme, ni être renouvelé, « sauf circonstances exceptionnelles constatées par le Gouvernement en Conseil » conformément à l’article 31.1 alinéa 3 du statut général;

4 Considérant que si le législateur n’a pas précisé les circonstances exceptionnelles par lui visées, il n’en reste pas moins que cette notion se posant à contre-pied de la situation qui se passe normalement et en règle générale présuppose des éléments de fait qui, au moment où le congé pour travail à mi-temps a été accordé, étaient pour le moins raisonnablement imprévisibles;

Considérant en fait que la tendance générale des mutations demandées et opérées dans l’enseignement secondaire va dans le sens de l’enseignement secondaire technique vers l’enseignement secondaire;

Considérant qu’il n’a pas été établi par la partie demanderesse qu’au moment du renouvellement de son congé pour travail à mi-temps par elle obtenu en 1995, constituant en lui-même un fait exceptionnel, une mutation pour raisons personnelles non autrement spécifiées vers l’enseignement secondaire classique avant le terme du congé en question - 14 septembre 2000 -, eût été un fait raisonnablement imprévisible, de sorte qu’elle ne justifie pas à ce stade d’éléments suffisants pouvant normalement aboutir à mettre fin avant son terme au congé en question;

Considérant que par voie de conséquence les exigences du service mises en avant par l’administration se révèlent être justifiées en ce qu’il n’y a pas lieu de retenir la candidature d’un professeur ne disposant que d’une demi-tâche jusqu’à la fin de l’année scolaire 1999/2000 pour pourvoir à un poste à plein temps vacant dès l’année scolaire 1997/1998, abstraction faite d’autres critères déterminants en la matière, tenant notamment à l’ancienneté;

Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que pour chacune des décisions déférées la ministre a établi, à suffisance, les raisons de service de nature à justifier légalement les décisions de refus de mutation prises, sans par voie de conséquence violer la loi, ni excéder ou détourner les pouvoirs à elle conférés;

Que le recours laisse dès lors d’être fondé en tous ses moyens;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le dit non justifié;

partant en déboute;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mars 1999 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge 5 en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10996
Date de la décision : 15/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-03-15;10996 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award