N°11132 du rôle Inscrit le 18 février 1999 Audience publique du 1er mars 1999
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Recours formé par Monsieur … MAVRIC contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 1999 par Maître Serge MARX, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Isabelle SCHMIT, avocat inscrit à la liste II dudit tableau, au nom de Monsieur … MAVRIC, de nationalité yougoslave, actuellement placé au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 janvier 1999 ordonnant une mesure de placement à son égard;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Isabelle SCHMIT et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 20 octobre 1997, Monsieur … MAVRIC, né le …, de nationalité yougoslave, présenta une demande en vue de l’obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Il ressort d’un procès-verbal établi le 21 octobre 1997 par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, qu’à la date de la présentation de la demande précitée, Monsieur MAVRIC était en possession d’une carte d’identité yougoslave et qu’il était inscrit au Système Informatique Schengen sous la rubrique « étranger non admissible, refuser entrée/arrêter ». Il est encore indiqué dans ledit procès-verbal que suivant renseignements obtenus par les autorités compétentes en Allemagne Monsieur MAVRIC y avait présenté une demande d’asile, que cette demande avait été rejetée au mois d’avril 1997 et qu’avant que son refoulement ait pu être organisé, il avait disparu à partir du mois de mai 1997.
En date du 28 octobre 1997, le ministre de la Justice sollicita la reprise de Monsieur MAVRIC auprès des autorités allemandes sur base de l’article 10 paragraphe 1er point e) de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, signée à Dublin, le 15 juin 1990, ci-après dénommée « la Convention de Dublin », approuvée par une loi luxembourgeoise du 20 mai 1993.
L’Allemagne fit droit à la demande de reprise par un message par télécopieur du 11 novembre 1997 adressé au ministère luxembourgeois de la Justice.
Par courrier du 12 novembre 1997, le ministre de la Justice informa Monsieur MAVRIC « qu’en vertu des dispositions de l’article 10 § 1e de la Convention d’application de l’Accord de Dublin ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg mais la République Fédérale d’Allemagne qui est responsable du traitement de votre demande d’asile.
Le Grand-Duché de Luxembourg n’étant pas compétent pour examiner votre demande, je regrette de ne pas pouvoir réserver d’autres suites à votre dossier ».
Il ressort d’un procès-verbal établi en date du 4 décembre 1997 par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, qu’à la suite de l’accord intervenu entre les autorités allemandes et luxembourgeoises en vue de la remise de Monsieur MAVRIC aux autorités allemandes en date du 25 novembre 1997, ce dernier n’a pas pu être trouvé à l’auberge de jeunesse à Luxembourg où il avait été logé par les soins du service de l’immigration. D’après les informations contenues audit procès-verbal, il n’a pas été possible d’assurer la reprise de Monsieur MAVRIC le lendemain, 26 novembre 1997, alors que les officiers de police judiciaire n’ont pas pu le trouver à l’auberge de jeunesse. Ce n’est qu’en date du 4 décembre 1997 que la décision ministérielle précitée du 12 novembre 1997 a pu lui être notifiée et il a été transféré le même jour aux autorités allemandes.
Par lettre du 5 février 1998, le « Bundesamt für die Anerkennung ausländischer Flüchtlinge », qui constitue l’autorité compétente en Allemagne en vue d’assurer le traitement des demandes d’asile, a informé le ministère de la Justice qu’à l’expiration du délai fixé en vue de la reprise, Monsieur MAVRIC ne s’était pas présenté auprès de l’autorité allemande en question.
Il ressort d’un document versé par le délégué du gouvernement, intitulé « Blatt 7 zu Tb.
Nr. 014/99 », transmis par télécopieur en date du 15 janvier 1999 au ministère de la Justice, que lors d’un contrôle policier, l’identité de Monsieur MAVRIC a été vérifiée. Il ressort de ce document que Monsieur MAVRIC a indiqué habiter auprès de sa soeur à Luxembourg et qu’il n’était pas en possession de papiers d’identité.
Par lettre du 15 janvier 1999, le ministre de la Justice sollicita une nouvelle fois la reprise de Monsieur MAVRIC par les autorités allemandes compétentes en vertu de l’article 10 paragraphe 1e de la Convention de Dublin.
Par décision du ministre de la Justice du 18 janvier 1999, notifiée le même jour à Monsieur MAVRIC, celui-ci a été placé au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.
2 La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:
« Considérant que l’intéressé a été contrôlé en date d’aujourd’hui par les forces de l’ordre;
- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables;
- qu’il n’est pas en possession de moyens d’existence;
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;
Considérant que l’intéressé a fait une demande d’asile en Allemagne;
- que l’Allemagne a déjà accordé une prise en charge en 1997;
- que selon la Convention dite de Dublin du 15 juin 1990, l’Allemagne reste responsable pour traiter la demande d’asile;
- qu’une nouvelle demande de prise en charge sera adressée aux autorités allemandes;
- que l’éloignement immédiat n’est pas possible;
Considérant que des raisons tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement; ».
Par arrêté ministériel du 12 février 1999, le placement de Monsieur MAVRIC a été prorogé pour une nouvelle durée d’un mois.
Par requête déposée le 18 février 1999, Monsieur MAVRIC a introduit un recours en réformation contre la seule décision ministérielle de placement du 18 janvier 1999.
A l’appui de son recours, il fait valoir que la mesure de placement dans un Centre pénitentiaire serait injustifiée et disproportionnée par rapport à la gravité des faits lui reprochés, dès lors qu’il n’existerait aucune mesure de contrainte extrême justifiant une telle décision d’incarcération, d’autant plus qu’il n’aurait aucun intérêt à se soustraire au contrôle des autorités luxembourgeoises en attendant la réponse des autorités allemandes, étant donné qu’il avait l’intention d’habiter au domicile de sa soeur à Luxembourg jusqu’au moment où les autorités allemandes auraient pris une décision.
Lors des plaidoiries, il a encore insisté sur le fait qu’il n’a commis aucune infraction et qu’il n’existerait partant aucune raison de l’incarcérer au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig.
Le représentant étatique conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur, étant donné que l’arrêté qui fait l’objet du présent recours, ayant été remplacé par celui du 12 février 1999, ne serait plus « valable ».
Quant au fond, il estime que contrairement aux affirmations faites par le demandeur, ce dernier risquerait de se soustraire au contrôle des autorités luxembourgeoises en attendant la réponse des autorités allemandes, au motif que déjà en novembre 1997, il se serait soustrait à une mesure de refoulement à la frontière allemande, qu’après sa remise à la frontière en décembre 1997, il ne se serait jamais présenté auprès des autorités allemandes compétentes en vue du traitement de sa demande d’asile et qu’il serait signalé au Système Informatique Schengen comme étranger inadmissible. Il résulterait de ces faits que Monsieur MAVRIC risquerait à nouveau de se soustraire à la mesure d’éloignement ayant pour objet sa remise aux autorités allemandes et que ce serait partant à bon droit que le ministre de la Justice a estimé qu’un risque de fuite existerait dans son chef.
3 Le délégué du gouvernement soutient encore que les autres conditions posées par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers;
2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère seraient remplies en ce que Monsieur MAVRIC aurait séjourné illégalement au pays et qu’il existerait une impossibilité immédiate de le refouler vers un pays où il pourrait être admis.
Quant à la recevabilité S’il est vrai que la décision de placement prise à l’égard du demandeur a pris fin après l’écoulement du délai d’un mois prévu par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, soit le 18 février 1999, et que le ministre de la Justice a prononcé une décision de prorogation de la mesure de placement, qui ne fait pas l’objet du présent recours, celui-ci est néanmoins valablement introduit contre la seule mesure de placement du 18 janvier 1999, étant donné qu’au moment de l’introduction du recours, soit le 18 février 1999, cette mesure déployait encore tous ses effets, de sorte que le demandeur possédait, au jour de l’introduction de son recours, un intérêt à attaquer la prédite mesure de placement. Il convient également de relever que la décision de placement initiale est à la base de la décision de prorogation subséquente et si elle est illégale, ce vice affecte également les décisions de placement subséquentes, dans la mesure où elles tirent leur existence légale de la mesure de placement initiale.
Par ailleurs, le demandeur garde en tout état de cause un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé, le cas échéant, aux particuliers par les décisions en question.
Etant donné que l’article 15, alinéa 9 de la loi précitée du 28 mars 1972 institue un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, la demande en réformation dirigée contre la décision ministérielle entreprise du 18 janvier 1999 est recevable pour avoir été introduite par ailleurs dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner les domaines d’application respectifs de la loi précitée du 28 mars 1972 et de la Convention de Dublin pour examiner si elles sont compatibles entre elles et si elles ne comprennent pas des dispositions contradictoires, dans la mesure où dans le cas d’espèce, elles sont d’application concomitante.
Il convient de relever, d’un côté, que la loi précitée du 28 mars 1972 a pour vocation de réglementer l’entrée et le séjour des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg, le contrôle médical des étrangers, ainsi que l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et ses dispositions sont, en principe, applicables à toute personne qui ne rapporte pas la preuve qu’elle possède la nationalité luxembourgeoise. L’article 15 de ladite loi dispose plus spécifiquement dans son alinéa 1er que « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de ladite loi] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ». Ledit article 15 organise encore, entre autres, la procédure d’une telle mesure de placement et il énonce les droits dont bénéficie l’étranger qui en est frappé.
4 De l’autre côté, la Convention de Dublin a pour objet de déterminer l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile, au sens de la Convention de Genève, présentée dans l’un des Etats membres de l’Union européenne, ainsi que de déterminer les conditions de la reprise d’un étranger dont il a rejeté la demande d’asile et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre.
Il se dégage de la juxtaposition respectivement des dispositions de la Convention de Dublin, de celles de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 et de celles auxquelles ce dernier renvoie, que ces textes ont non seulement des objets différents, mais encore qu’il n’existe pas de contrariété de principe entre leurs dispositions. En d’autres termes, le processus de détermination de l’Etat membre qui, en vertu de la Convention de Dublin, est responsable de l’examen de la demande d’asile, processus qui est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un Etat membre, ne tient pas en échec le recours à une mesure de placement, décidée dans le respect des dispositions légales nationales afférentes.
Il convient partant, en l’espèce et dans un premier temps, de vérifier l’existence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure, étant donné qu’il s’agit des conditions préalables à la légalité de toute décision de placement, au sens de l’article 15, alinéa 1er, précité.
Il est constant en cause que la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la mesure en question est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence:
« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage;
2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour;
3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972];
4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis;
5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».
Le tribunal est partant amené à vérifier s’il existe un procès-verbal tel que visé par l’article 12 précité, constatant l’un ou plusieurs des faits visés à l’énumération contenue audit article, susceptible de justifier une décision de refoulement et de servir ainsi de base à la mesure de placement prise en exécution de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972.
La décision ministérielle déférée du 18 janvier 1999 ne fait pas expressément référence à un procès-verbal pris sur base de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972. Il y est simplement fait référence à un contrôle de Monsieur MAVRIC effectué par les forces de l’ordre à la date de la prise de la décision de placement sans que toutefois le dossier administratif versé par le délégué du gouvernement ne contienne un procès-verbal portant la date du 18 janvier 1999.
Le dossier administratif contient toutefois le procès-verbal précité du 21 octobre 1997 établi par le service de police judiciaire, dont il ressort qu’à la date de sa présentation au 5 service des réfugiés du ministère de la Justice le 20 octobre 1997, Monsieur MAVRIC n’était en possession que d’une carte d’identité yougoslave et qu’il ne disposait pas d’un passeport de voyage. Ce procès-verbal ne saurait toutefois servir de base à la mesure de placement étant donné qu’il a été établi environ quinze mois avant la mesure de placement décidée par le ministre de la Justice en date du 18 janvier 1999 et que les faits qui ont pu exister à l’époque de l’établissement de ce procès-verbal ne sont pas nécessairement vrais quinze mois plus tard, d’autant plus qu’au cours de cette période, Monsieur MAVRIC a été repris par les autorités allemandes sur base de la Convention de Dublin et que par ailleurs de nouveaux faits ont pu se produire au cours de cette période.
Lors des plaidoiries, et sur question du tribunal, le délégué du gouvernement a informé le tribunal que le document intitulé « Blatt 7 zu Tb. Nr. 014/99 » devait être considéré comme constituant le procès-verbal tel que visé par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, dans la mesure où il y serait notamment fait référence au fait que Monsieur MAVRIC n’a pas été en possession de papiers de légitimation au moment du contrôle policier.
Un procès-verbal constitue, en procédure pénale, « un acte par lequel une autorité habilitée pour ce faire, … constate directement une infraction ou consigne le résultat des opérations effectuées en vue de rassembler des preuves.
Les procès-verbaux dressés par certains agents publics et constatant des infractions font foi jusqu’à preuve contraire, d’autres jusqu’à inscription de faux ». (v° lexique de termes juridiques, éd. Dalloz) Un procès-verbal doit partant faire ressortir la date exacte à laquelle les constatations ont été faites ainsi que les identités et qualités des agents qui ont procédé aux constatations et vérifications en question, notamment afin que la valeur à accorder à un tel procès-verbal puisse être déterminée avec exactitude. En l’espèce, le prétendu procès-verbal ne renseigne ni la date à laquelle il a été rédigé, ni la date à laquelle les constatations ont été faites et il ne contient par ailleurs aucune indication sur les identités et qualités du ou des agents qui ont procédé à sa rédaction. Enfin ce ou ces agent(s) n’ont pas procédé à sa signature. Ce document, qui semble représenter des notes prises par une ou des personne(s) appartenant aux forces de l’ordre au cours de leur contrôle, ne saurait donc être qualifié de procès-verbal susceptible d’établir l’existence d’un fait requis par la loi. A défaut d’autre procès-verbal versé par le délégué du gouvernement, il y a lieu de conclure de ce qui précède qu’il n’existe aucun procès-verbal tel que visé par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972.
Il se dégage des considérations qui précèdent que Monsieur MAVRIC n’a pas été sous le coup d’une décision de refoulement légalement prise qui aurait pu constituer une base légale à la décision de placement.
Il convient ensuite de vérifier si la demande de reprise adressée en date du 15 janvier 1999 par le ministre de la Justice aux autorités allemandes compétentes en vertu de l’article 10 paragraphe 1er, e) de la Convention de Dublin est susceptible de servir de base légale à une mesure de placement.
Or, il échet de constater que l’article 15 paragraphe 1er se réfère exclusivement et de manière limitative à une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prises qui peuvent servir de base légale à la mesure de placement. La disposition législative en question ne faisant référence à aucune autre circonstance, fait ou décision pouvant servir de base à une telle mesure de placement, le ministre n’a pas pu se fonder sur la Convention de Dublin pour décider le placement du demandeur dans un établissement approprié en attendant sa reprise par des autorités étrangères.
6 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice n’a pas pu se baser sur l’article 15 paragraphe 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 en vue de prendre sa décision de placement étant donné qu’il n’existait au moment de la prise de décision, ni une mesure d’expulsion ni une décision de refoulement légalement prise et qu’aucune autre circonstance ou procédure n’est susceptible de justifier une telle décision de placement. La décision de placement n’était dès lors pas légalement justifiée.
Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate du demandeur.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond le déclare justifié;
partant annule la décision ministérielle du 18 janvier 1999;
ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … MAVRIC;
condamne l’Etat aux frais;
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 1er mars 1999, par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 7