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10/02/1999 | LUXEMBOURG | N°10415

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 1999, 10415


Numéro 10415 du rôle Inscrit le 18 novembre 1997 Audience publique du 10 février 1999 Recours formé par la société à responsabilité limitée VITAVERDE, Luxembourg contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’heures d’ouverture des débits de boissons alcooliques

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10415, déposée le 18 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître René WEBER, avocat

inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la socié...

Numéro 10415 du rôle Inscrit le 18 novembre 1997 Audience publique du 10 février 1999 Recours formé par la société à responsabilité limitée VITAVERDE, Luxembourg contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’heures d’ouverture des débits de boissons alcooliques

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10415, déposée le 18 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître René WEBER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée VITAVERDE, établie et ayant son siège social à L-1449 Luxembourg, 26-30, rue de l’Eau, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 22 septembre 1997 rejetant sa demande du 28 avril 1997 en autorisation de tenir la discothèque « Down Under » située au sous-sol de l’immeuble par elle exploitée ouverte jusqu’à trois heures du matin les mercredis, vendredis et samedis;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 13 novembre 1997 portant signification dudit recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 1998 par Maître Roland MICHEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 1998 par Maître René WEBER au nom de la société VITAVERDE;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 14 décembre 1998 portant signification de ce mémoire à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Annette SEYLER et Roland MICHEL en leurs plaidoiries respectives.

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La société à responsabilité limitée VITAVERDE, établie et ayant son siège social à L-

1449 Luxembourg, 26-30, rue de l’Eau, exploite dans l’immeuble situé à cette même adresse au rez-de-chaussée une brasserie sous l’enseigne « Péckvillchen », au premier étage un restaurant sous l’enseigne « Vitaverde » et au sous-sol une discothèque sous la dénomination « Down Under ».

En date du 28 avril 1997, la société VITAVERDE a sollicité de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg l’autorisation de déroger aux heures normales d’ouverture des débits de boissons alcooliques pour la discothèque « Down Under », en ce que celle-ci serait maintenue ouverte les mercredis, vendredis et samedis jusqu’à trois heures du matin.

Par avis afférent du 26 mai 1997, l’office social de la Ville de Luxembourg a suggéré à la bourgmestre de prendre l’avis du commissariat de police territorialement compétent qui devrait notamment « examiner si l’établissement remplit toutes les conditions exigées par l’arrêté » autorisant l’établissement de cette discothèque remontant à l’année 1985.

Dans son rapport du 17 juin 1997, l’inspecteur-chef du commissariat de police Luxembourg Ville-Haute estime qu’ « en principe rien ne s’oppose que … la société VITAVERDE sàrl …. se voit accorder l’autorisation sollicitée », mais que cette demande « nécessite quelques réflexions » de sa part. Il signale ainsi les problèmes auxquels cette discothèque avait donné lieu sous son exploitant précédent et le risque d’encombrement des rues avoisinantes au vu du nombre très limité de places de stationnement disponibles dans ce quartier de la ville. Il renvoie encore au risque de dérangement des patients des deux cliniques St. Joseph et St. François par le tapage nocturne causé par des clients de l’établissement et la circulation de véhicules afférente. Enfin, il suggère de rendre l’autorisation, au cas où elle serait accordée, provisoire et limitée dans le temps « afin d’observer l’évolution de l’établissement ».

Suite à une demande complémentaire formulée par la bourgmestre, l’inspection des foires et marchés de la police précise dans son rapport du 11 août 1997 que l’actuel exploitant a installé de nouveaux réfrigérateurs et un système de ventilation travaillant, d’après leurs descriptions techniques, avec un minimum de bruit. Le commissaire de police auteur du rapport déclare encore avoir procédé à une descente sur les lieux et vérifié la conformité des installations de sécurité à l’autorisation commodo-incommodo.

Par lettre du 22 septembre 1997, la bourgmestre a rejeté la demande de la société VITAVERDE au motif « qu’il y a lieu de craindre des troubles à l’ordre et à la tranquillité publics, ainsi que des inconvénients intolérables pour le voisinage. En effet, votre établissement se trouve dans une zone où le calme est de rigueur. Aussi tiens-je à vous rappeler qu’il est important de garantir le repos nocturne aux malades et aux personnes âgées hospitalisées dans les cliniques St. Joseph et St. François, situées tout près ».

A l’encontre de cette décision de refus du 22 septembre 1997, la société VITAVERDE a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 18 novembre 1997.

2 Un recours de pleine juridiction n’étant pas prévu par la loi modifiée du 29 juin 1989 portant réforme du régime des cabarets à l’encontre de décisions en matière d’heures d’ouverture des débits de boissons alcooliques, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Quant à la recevabilité La partie défenderesse soulève d’abord le moyen d’irrecevabilité tiré du fait que le recours est dirigé contre la bourgmestre de la Ville de Luxembourg, alors qu’il devrait être dirigé contre la Ville de Luxembourg représentée par son collège des bourgmestre et échevins, assignée en la personne de la bourgmestre, de sorte que le recours serait irrecevable pour défaut de qualité conformément à l’article 83 de la loi communale du 13 décembre 1988 et à l’article 163 du code de procédure civile.

L’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 avril 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, contient les règles de procédure actuellement applicables devant les juridictions administratives.

L’action susceptible d’être portée devant le tribunal administratif n’est dirigée ni contre l’auteur de la décision attaquée, ni encore contre le bénéficiaire de ladite décision, mais contre l’acte critiqué en tant que tel. Pour que le tribunal soit saisi valablement d’un recours contre une décision administrative, il faut que l’acte attaqué soit identifié dans la requête introductive d’instance (trib. adm. 30 juillet 1997, Pas. adm. 2/98, V° Procédure contentieuse, IV Requête introductive d’instance, n° 43, et autres références y citées). Une désignation incorrecte de la partie défenderesse ne saurait partant entraîner l’irrecevabilité du recours que dans la mesure où les droits de la défense de celle-ci se trouvent affectés en raison de cette lacune.

En l’espèce, la décision attaquée est clairement visée dans la requête introductive du 18 novembre 1997 et la partie défenderesse n’a pu se méprendre ni sur l’objet du recours, ni sur les moyens présentés. Elle était de surplus en mesure de présenter tels arguments et pièces que la défense de ses droits et intérêts lui faisait considérer comme utiles voire nécessaires et n’a fait état d’aucun grief précis.

En outre, au voeu des articles 1er et 2 du règlement de procédure, le recours en matière administrative doit être formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats de l’un des barreaux de Luxembourg ou de Diekirch et déposée au greffe du tribunal administratif et, aux termes de l’article 4 du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit être communiquée par un acte d’huissier aux parties intéressées.

Il découle des articles 1er et 2 du règlement de procédure que le tribunal administratif est valablement saisi d’une affaire par le seul dépôt de la requête.

Le moyen d’irrecevabilité laisse en conséquence d’être fondé et le recours en annulation, ayant par ailleurs été formé dans les formes et délai de la loi, est ainsi recevable.

Quant au fond La société demanderesse estime que la motivation de la décision de refus n’est pas justifiée et constate que le quartier en cause « a toujours été et est l’un de ceux où la vie 3 nocturne est la plus active avec huit café-bars et six restaurants, avec tout ce que cela comporte comme désagréments ».

En ce qui concerne les nuisances avancées par la bourgmestre, la société demanderesse déclare ne pas mettre en cause la nécessité de respecter la tranquillité nocturne des patients des hôpitaux avoisinants, mais estime que cette dernière ne serait pas troublée par les heures de fermeture plus tardives et entend voir opérer une distinction entre nuisances directes et indirectes.

Seules des nuisances directes pourraient, selon la société demanderesse, justifier un refus d’autorisation. Or, l’insonorisation de la discothèque serait parfaite et aurait déjà fait l’objet de contrôles, de sorte que les bruits provenant de cet établissement donnant sur la rue de l’Eau ne seraient pas perceptibles du côté des hôpitaux. La question des nuisances indirectes serait étrangère la matière des autorisations visée en l’espèce. La partie demanderesse renvoie à ce sujet à un arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 18 juillet 1986 (n° 7715 du rôle), ayant eu pour objet le même établissement, qui aurait retenu que le maintien de l’ordre général et de la tranquillité sur la voie publique incomberait à l’autorité communale et ne saurait servir de motif de refus.

L’article 17 de la loi précitée du 29 juin 1989 dispose que « les heures normales d’ouverture des débits de boissons alcooliques sont fixées de six heures du matin à une heure du matin du jour suivant.

Des dérogations individuelles prorogeant les heures d’ouverture jusqu’à trois heures du matin peuvent être accordées, sur demande, par le bourgmestre, lorsqu’il n’y a lieu de craindre ni des troubles à l’ordre et à la tranquillité publics ni des inconvénients intolérables pour le voisinage. Cette autorisation peut être accordée soit pour tous les jours, soit pour certains jours de la semaine, soit pour des jours à déterminer par le débitant (….) ».

En matière d’autorisation d’ouverture d’un débit de boissons alcooliques jusqu’à trois heures du matin, le bourgmestre dispose d’un pouvoir d’appréciation concernant l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation en question, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire.

En l’espèce, les considérations tirées de la crainte de troubles à l’ordre et à la tranquillité publics et d’inconvénients intolérables pour le voisinage, en renvoyant en particulier à la nécessité d’assurer la tranquillité des patients des hôpitaux St. Joseph et St. François, constituent en tant que telles des motifs valables et légitimes pour refuser l’autorisation sollicitée. A cet égard, il est bien vrai que l’arrêt précité du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 18 juillet 1986 a retenu que « le maintien de l’ordre général et de la tranquillité sur la voie incombe en effet à l’autorité communale, obligée de garantir l’observation des lois et règlements en matière de circulation, de stationnement irrégulier et de tapage nocturne » et que ces considérations ne peuvent fonder un refus d’autorisation en matière de législation sur les établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Par contre, dans le cadre des autorisations d’ouverture d’un débit de boissons alcooliques jusqu’à trois heures du matin, l’autorité communale compétente est en droit de tenir compte des risques de troubles ou d’inconvénients sur les lieux publics que peut engendrer l’exploitation d’un établissement jusqu’à trois heures du matin, étant donné que ces troubles ou inconvénients sont de nature à mettre en cause la mission de maintien de l’ordre général et de la tranquillité sur la voie publique qui lui incombe d’après l’arrêt précité.

4 La bourgmestre a également fait une application non arbitraire de son pouvoir d’appréciation, dans la mesure où il résulte d’un courrier du 29 janvier 1999 de sa part, fourni suite à une question afférente posée à l’audience par le tribunal, « qu’aucun autre établissement situé dans ce quartier où le calme est de rigueur ne bénéficie d’une autorisation de nuit blanche ». La bourgmestre de préciser encore « que les hôpitaux St François et St Joseph hébergent toujours des malades, surtout des personnes âgées » mais que, d’après ses informations, « l’immeuble abritant la clinique St Joseph a été acquis par l’Etat qui a l’intention de le remettre dans son pristin état après avoir relogé les personnes qui y vivent encore ». A cet égard, les transgressions telles qu’alléguées, au vu de la « vie nocturne » qui régnerait en fait dans ce quartier de la ville, même à les supposer établies, ne sauraient conférer un quelconque droit au demandeur à l’octroi d’une autorisation.

Il s’ensuit qu’en se fondant sur les prédites considérations, la bourgmestre de la Ville de Luxembourg n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi précitée du 29 juin 1989 et qu’elle a refusé à bon droit à la société demanderesse l’autorisation de tenir ouverte sa discothèque jusqu’à trois heures du matin les mercredis, vendredis et samedis.

Le recours laisse en conséquence d’être fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 1999 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

5 s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10415
Date de la décision : 10/02/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-02-10;10415 ?

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