Numéro 10694 du rôle Inscrit le 8 mai 1998 Audience publique du 4 février 1999 Recours formé par Monsieur … LARKIN contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10694, déposée le 8 mai 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DUPONG, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LARKIN, retraité, demeurant à L-
…, tendant à l’annulation de l’arrêté du ministre des Transports du 9 février 1998 lui retirant son permis de conduire pour les catégories A, B et F;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sarah TURK, en remplacement de Maître Valérie DUPONG, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---
En date du 13 février 1997, la brigade de gendarmerie de Luxembourg fut avertie qu’une personne titubait sur la voie publique, pour ensuite se mettre au volant de sa voiture et se diriger, en zigzaguant, en direction de Dommeldange respectivement Eich. Après vérification des gendarmes, qui ont pu localiser la personne sur le parking de la clinique d’Eich, il s’est avéré qu’il s’agissait de Monsieur … LARKIN. Un rapport de la brigade de gendarmerie établi le 14 février 1997, ainsi qu’un procès verbal de la même brigade établi le 13 mars 1997, décrivent de manière détaillée l’incident et révèlent notamment que l’intéressé souffrait de troubles psychiques. Ils indiquent plus précisément que « LARKIN war des Gehens kaum mächtig und torkelte in Richtung Dkw. Ausserdem lallte er wirres Zeug und brachte keine vollständige Sätze hervor. (…) Wir fuhren alsdann zum Brigadebüro und Zweitberichtender führte mittels dem Gerät Ethylotest einen Atemlufttest durch. Dieser ergab einen Wert von 0.00 mg Alkohol pro Liter ausgeatmeter Luft. LARKIN erklärte hieraufhin, er sei in medizinischer Behandlung und müsse verschiedene Medikamente einnehmen ».
Monsieur LARKIN fut cependant d’accord pour laisser les clefs de sa voiture au bureau de la brigade pour être ramené en taxi chez soi. Il fut invité par les agents de la brigade de se présenter le lendemain dans leur bureau pour fournir des explications au sujet de cet incident. Le procès-verbal retient à ce sujet que « LARKIN erschien dann auch, derselbe befand sich jedoch in demselben gestörten Zustand wie Tags zuvor. Da LARKIN also weiterhin eine Gefahr für den Strassenverkehr darstellte und demselben seine Pkw-Schlüssel unter keinen Umständen ausgehändigt werden konnten, wurde die diensttuende Substitutin in Kenntnis gesetzt (…) ». Sur avis de son médecin traitant, Monsieur LARKIN fut amené à la clinique Ste.Thérèse, où il restait hospitalisé jusqu’au 8 mars 1997.
Par ordonnance du juge d’instruction du 20 février 1997, une interdiction de conduire provisoire fut prononcée à son encontre.
Par lettres des 5 mars et 30 juin 1997, le ministre des Transports, dénommé ci-après « le ministre », pria Monsieur LARKIN d’envoyer « au président de la commission médicale un certificat médical récent concernant votre aptitude à conduire. Les mesures à prendre en ce qui concerne votre permis de conduire dépendront en partie des certificats médicaux précités ».
Par lettres recommandées des 20 octobre et 17 décembre 1997, la commission médicale instituée par l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1995 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, invita Monsieur LARKIN à se présenter en ses bureaux afin de vérifier ses aptitudes physiques à la conduite. Après avoir examiné et entendu Monsieur LARKIN en ses explications, la commission, dans son avis du 7 janvier 1998, conclut, par application de l’article 2 sous 4) de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et de l’article 90 de l’arrêté grand-
ducal précité du 23 novembre 1995, au retrait du permis de conduire de la catégorie B.
Par arrêté du 9 février 1998, le ministre, se basant sur ledit avis de la commission médicale, retira le permis de conduire à Monsieur LARKIN, au motif que « Monsieur LARKIN souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ».
Par requête déposée le 8 mai 1998 par son litismandataire, Monsieur LARKIN a introduit un recours en annulation contre ledit arrêté ministériel du 9 février 1998 pour violation de la loi, et plus particulièrement pour erreur de fait sinon erreur manifeste d’appréciation.
A l’appui de son recours, il fait d’abord valoir qu’à l’époque des faits constatés par le procès-verbal du 13 mars 1997, il suivait un « traitement médical et médicamenteux ». Il expose que les médecins qui l’ont traité par la suite n’auraient à aucun moment constaté dans son chef une quelconque incapacité de conduire un véhicule. Le médecin spécialiste en gériatrie, qu’il aurait consulté en Angleterre, aurait au contraire constaté qu’il n’existerait aucune raison médicale l’empêchant de conduire un véhicule. Il estime dès lors qu’il n’existerait « aucune raison objective et médicalement établie de procéder au retrait du permis de conduire ».
Le délégué du gouvernement estime en premier lieu que le demandeur n’invoque aucun moyen de droit susceptible d’affecter la validité de la décision attaquée. Sur ce point, il se rapporte à prudence de justice concernant la recevabilité du recours, tout en relevant que dans un recours un annulation, le juge n’examinerait pas les faits et ne substituerait pas son appréciation à celle du ministre. Il constate ensuite que le demandeur ne mettrait pas en doute la matérialité des faits à la base de la décision, en précisant que le seul argument du demandeur consisterait à invoquer un certificat établi par un médecin de Cambridge.
Il note encore que la procédure suivie par le ministre pour aboutir à un retrait du permis de conduire aurait été conforme à celle prévue par l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 2 1995 et que la commission médicale, dont fait partie notamment le Dr. …, s’était prononcée sur l’état de santé du demandeur en se basant sur le résultat de son propre examen médical ainsi que sur les rapports des médecins traitants, le Dr. … et le Dr. … Il conclut que les constatations, ainsi que les examens et analyses auxquels avaient procédé trois hommes de l’art, ne sauraient être mis en doute par un certificat établi par un médecin du département « medecine for elderly ». Il relève que, comme ce médecin n’avait pas connu le dossier médical du demandeur, la conclusion retenue consistant à dire qu’il n’y aurait aucune contre-indication quant à la conduite d’un véhicule automoteur, serait erronée.
Concernant la recevabilité du recours, le tribunal note que le demandeur ne conteste pas la légalité de la procédure du retrait du permis de conduire, mais exclusivement l’appréciation des faits effectuée par le ministre, en soulevant notamment que « les différents médecins traitants n’ont à aucun moment constaté dans le chef de l’exposant une quelconque incapacité de conduire un véhicule ». Comme le tribunal, saisi d’un recours en annulation, doit vérifier si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, en vérifiant si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, le demandeur, en mettant en doute la matérialité des faits à la base de la décison litigieuse et l’appréciation que le ministre en a faite, a donc soulevé un moyen de droit et le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est partant recevable.
Quant au fond, l’article 2 de la loi précitée du 14 février 1955 prévoit que le ministre ou son délégué peuvent retirer un permis de conduire notamment lorsque l’intéressé « 4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ».
L’incident du 13 février 1997, relaté de manière détaillée dans le procès-verbal du 13 mars 1997 de la brigade de gendarmerie de Luxembourg, dénote que le comportement du demandeur était troublé à un point tel qu’il n’avait plus les qualités physiques requises pour conduire un véhicule. Ainsi le demandeur fut hospitalisé le 14 février 1997 en raison de son état de santé défectueux consistant notamment en des troubles psychiques avec phases de confusion mentale et troubles de l’équilibre, tel que cela ressort d’un certificat médical établi par le Dr. … en date du 9 octobre 1997. Il ressort encore d’une lettre établie le 27 octobre 1997 par le médecin qui traitait le demandeur à l’époque de l’incident du 13 février 1997, que ce dernier souffrait d’une insuffisance cardiaque et d’une dépression grave. Ce diagnostic avait été établi une première fois lors de son hospitalisation du 18 au 26 juillet 1994 par le cardiologue Dr. …, appuyé sur un avis psychiatrique, qui avait été demandé à l’époque.
Il est encore constant que la commission médicale, conformément à la procédure prévue par l’article 90 de l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 1995, a procédé à un examen médical afin de vérifier les aptitudes physiques du demandeur pour conduire un véhicule automoteur. Il ressort de l’avis du 7 janvier 1998, établi par la prédite commission après avoir entendu le demandeur en ses explications, que ce dernier souffre de « troubles de l’élocution, de la mémoire évidents. Aspect mal soigné, clochardisé. Désorientation. cf avis neurologique:
Leucoencéphalopathie, phases de confusion mentale, troubles de l’équilibre. Insuffisance cardiaque décompensée. Dépression grave ».
Au vu du résultat de cet examen et des pièces lui soumises, la commission médicale, statuant à l’unanimité, avait considéré qu’il est établi que le demandeur souffrait d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, de sorte qu’elle proposa dans son avis, par application de l’article 2 sous 4) de la loi précitée du 14 février 1955, de lui retirer le permis de conduire.
3 Il se dégage sans aucune équivoque des prédits certificats médicaux, ainsi que de l’avis de la commission médicale, que le demandeur souffrait de troubles mentaux graves justifiant une mesure de retrait du permis de conduire.
Le ministre n’a dès lors pas fait une erreur manifeste d’appréciation des faits en retenant que Monsieur LARKIN souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.
Cette conclusion ne saurait être énervée par la production d’un certificat établi à la demande de Monsieur LARKIN par un médecin britannique travaillant dans le « department of Medicine for the Elderly » et qui retient que « in the absence of any episodes of loss of consciousness; recent heart problems; history of diabetes, epilepsy or severe Parkinson’s disease; and as you do not appear to have significant memory impairment, I can see no medical reason to recommend that you do not drive ». En effet, en présence des avis concordants des autres médecins, le ministre a légalement pu baser sa décision sur les conclusions retenues par ceux-ci et il n’était pas obligé de suivre les conclusions d’un médecin qui ne connaissait pas le dossier médical et n’était pas le médecin traitant du demandeur.
Il ressort des considérations qui précèdent, que l’appréciation du ministre dans sa décision de retrait du permis de conduire n’encourt partant pas de reproche devant conduire à l’annulation de cette décision. Le recours en annulation est donc à rejeter comme non fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 4 février 1999, par le vice-président, en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.
s. Wiltzius s. Schockweiler 4