N° 10858 du rôle Inscrit le 27 août 1998 Audience publique du 27 janvier 1999
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Recours formé par les époux … THIBAL et … BARDOU, Diekirch contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Diekirch en présence de la société à responsabilité limitée X., … en matière de permis de construire
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10858 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 août 1998 par Maître Christian GAILLOT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … THIBAL et … BARDOU, demeurant ensemble à L-… Diekirch, 12…, tendant à l’annulation de l’autorisation de construire n° BA/311/1997 délivrée en date du 6 novembre 1997 par la bourgmestre de la Ville de Diekirch à la société à responsabilité limitée …, actuellement X. s. à r. l., établie et ayant son siège social à L-…, autorisant cette dernière à effectuer des travaux de démolition des immeubles existants et des travaux de construction d’un immeuble à appartements situé à Diekirch, 14, …;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 20 août 1998 par lequel ce recours a été signifié à la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 25 août 1998 par lequel ce même recours a été signifié à l’administration communale de Diekirch;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 septembre 1998 par Maître Claude SPEICHER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Rita HERBER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 22 septembre 1998 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux époux THIBAL-
BARDOU, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Diekirch;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 1998 par Maître Nicolas DECKER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Diekirch;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 1er octobre 1998 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux époux THIBAL-
BARDOU;
1 Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 5 octobre 1998 par lequel ce même mémoire en réponse a été signifié à la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu le mémoire en duplique intitulé mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 1998 par Maître Claude SPEICHER au nom de la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 11 décembre 1998 par lequel ce mémoire en duplique a été signifié aux époux THIBAL-
BARDOU, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Diekirch;
Vu le mémoire en réplique intitulé mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 décembre 1998 par Maître Christian GAILLOT, au nom des époux … THIBAL et … BARDOU;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 30 novembre 1998 par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de la Ville de Diekirch;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 2 décembre 1998 par lequel ce même mémoire a été signifié à la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 décembre 1998 par Maître Nicolas DECKER, au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 28 décembre 1998 par lequel ce mémoire en duplique a été signifié aux époux THIBAL-
BARDOU;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du même jour, par lequel ce même mémoire en duplique a été signifié à la société à responsabilité limitée X. s. à r.l.;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Christian GAILLOT, Nicolas DECKER et Claude SPEICHER en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 6 et 20 janvier 1999.
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Considérant qu’en date du 6 novembre 1997 la bourgmestre de la Ville de Diekirch a délivré à la société à responsabilité limitée …, ayant pris entretemps la dénomination X. s. à r.l., établie et ayant son siège social à …, l’autorisation d’effectuer des travaux de démolition des 2 immeubles existants et de construction d’un immeuble à appartements au 14, … à Diekirch, sous les conditions y plus précisément émargées;
Qu’après avoir contacté l’architecte du projet, Monsieur Marc SPEICHER, les époux … THIBAL et … BARDOU, demeurant au cinquième étage de la résidence voisine sise 12, …, se sont adressés à l’administration communale de Diekirch par courrier recommandé de leur mandataire du 13 mai 1998 en priant « Monsieur le bourgmestre » de leur faire parvenir dans les meilleurs délais une copie de l’autorisation de construire accordée, ainsi qu’un exemplaire du plan d’aménagement général, ensemble le règlement des bâtisses;
Que dans le courrier de leur même mandataire du 10 juin 1998 les époux THIBAL-
BARDOU ont accusé réception, à la date du 28 mai 1998, du règlement sur les bâtisses et d’une copie du permis de construire en faisant remarquer que parmi les documents envoyés ne figurait pas le plan de l’immeuble en construction;
Qu’il y est énoncé qu’entre autres qu’ « il semble que la construction de cet immeuble devrait avoir pour conséquence que deux fenêtres situées sur le côté de l’immeuble de mon mandant seraient murées… »;
Qu’en vue d’éclaircir cette question ils ont demandé la communication du plan de construction de l’immeuble litigieux et de tout autre document permettant d’établir si les fenêtres en question seraient murées ou non;
Que par courrier du 10 juin 1998 le même mandataire s’est adressé à la société à responsabilité limitée … aux mêmes fins;
Qu’un courrier du 16 juin 1998, comportant les signatures conjointes de la bourgmestre et du chef du service technique de la Ville de Diekirch, énonça entre autres qu’« il est étonnant de vous lire qu’un permis de construire aurait dû être refusé. Or, vous devez savoir que les transformations dans l’appartement de votre client ainsi que la création des deux fenêtres en question n’ont pas été autorisées par la commune et que ces ouvertures ont été simplement tolérées par l’ancien propriétaire du terrain.
De là je crois que la commune n’est nullement engagée dans cette affaire et je vous prie donc de bien vouloir vous en tenir au nouveau propriétaire et maître de l’ouvrage de la nouvelle résidence à construire tel qu’il est inscrit aux stipulations du Code Civil sur cette matière »;
Que par le recours déposé en date du 27 août 1998 les époux … THIBAL et … BARDOU sollicitent l’annulation de l’autorisation de construire précitée du 6 novembre 1997, tout en demandant qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision;
Qu’à l’appui de leur recours ils invoquent l’inobservation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ainsi que des articles 637 à 710 du code civil, ensemble l’article 544 du même code, pris en combinaison avec les articles 78 et 86 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Diekirch, en ce que d’après ces deux dernières dispositions les salles de bain et les garde-manger devraient être équipés d’un système d’aération s’appliquant également aux constructions existantes;
3 Considérant que l’administration communale de Diekirch soulève en premier lieu l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours comme portant exclusivement sur des droits civils;
Que pareillement le bourgmestre n’aurait pas le pouvoir d’édicter des prescriptions qui ont pour objet exclusif des droits civils;
Qu’en l’espèce les fenêtres litigieuses de l’appartement THIBAL-BARDOU, par eux récemment acquis ne reposeraient que sur une simple tolérance accordée à leur auteur par l’ancien propriétaire de l’immeuble dont la destruction a été autorisée par la décision déférée;
Que ces fenêtres ne reposeraient sur aucune autorisation communale, pourtant impérativement requise d’après le règlement sur les bâtisses de la Ville de Diekirch;
Que l’autorisation déférée ayant été délivrée sous réserve des droits des tiers, dont les droits civils, la commune de Diekirch ne serait nullement engagée dans l’affaire actuellement sous analyse, relevant exclusivement de la compétence des tribunaux civils;
Que la société X. se joint à cette argumentation;
Que les parties demanderesses de répliquer que la compétence du tribunal serait fondée en ce que principalement la violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est invoquée, de même que celle de l’article 78 du règlement sur les bâtisses de la commune de Diekirch, la violation des articles 637 à 710, ainsi que de l’article 544 du code civil pris plus précisément en ce qu’ils visent l’atteinte à la servitude de vue des demandeurs n’étant invoquée qu’en ordre subsidiaire;
Considérant que primordialement le tribunal est amené à vérifier sa compétence d’attribution;
Considérant qu’en vertu de l’article 84 de la Constitution les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que son article 95bis dévolue le contentieux administratif aux juridictions de l’ordre administratif;
Considérant que la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s’opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l’objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge;
Considérant qu’au niveau de l’examen de sa compétence, le tribunal est amené à analyser le recours porté devant lui de façon globale par rapport à la décision administrative déférée, au-delà des droits spécifiquement visés par les différents moyens invoqués à l’appui de la demande;
Considérant que les demandeurs ont formé « un recours en annulation pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ainsi que pour violation du règlement communal sur les bâtisses de 4 Diekirch » contre l’autorisation de construire de la bourgmestre de la Ville de Diekirch du 6 novembre 1997 déférée;
Qu’étant saisi de la sorte d’un recours en annulation basé sur différents cas d’ouverture prévus par la loi et dirigé contre une décision administrative individuelle, le tribunal est compétent pour en connaître;
Considérant qu’en second lieu les parties défenderesses soulèvent l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt légitime, sinon pour cause de tardiveté;
Que plus particulièrement la Ville de Diekirch invoque l’absence de grief tenant à l’absence de violation d’un droit juridiquement protégé impliquant l’irrecevabilité du recours introduit pour défaut d’intérêt;
Que le fait invoqué par les requérants tendrait à un droit à la lumière et à l’aération, lequel droit n’aurait pas été légalement acquis par les époux THIBAL-BARDOU et ne constituerait dès lors nullement un droit juridiquement protégé;
Que la partie X. s.à r.l. se joint à cette argumentation tout en précisant en fait que les deux fenêtres actuellement présentes dans le pignon de la résidence …, 12, …, au niveau de l’appartement THIBAL-BARDOU n’auraient jamais été autorisées par la commune de Diekirch et se baseraient sur une simple tolérance, ainsi qu’il vient d’être précisé au niveau de la question de la compétence ci-avant développée;
Que les parties demanderesses font valoir que du fait de la construction litigieuse autorisée par la décision déférée il serait porté atteinte à leur servitude de vue sur le terrain voisin, de même que leur appartement deviendrait non conforme au règlement sur les bâtisses concernant les obligations d’aération et d’accès à la lumière, de même que les dispositions des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’auraient pas été observées à leur égard, toutes ces questions fondant leur intérêt actuel à agir;
Considérant que fondamentalement l’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif ne doit pas seulement être personnel et direct, effectif, né et actuel, mais encore être légitime et ne pas viser à voir consacrer une situation contraire à la loi;
Considérant qu’une satisfaction certaine et personnelle ne saurait être tirée de l’annulation de l’acte déféré que dans la mesure où ce dernier a posé une lésion d’un droit légalement établi, se trouvant à la base de l’intérêt du recourant;
Considérant qu’en l’espèce les parties demanderesses n’ont pas réussi à énerver devant ce tribunal les éléments de fait et de droit invoqués par les parties défenderesses, en ce que les deux fenêtres actuellement ouvrantes dont s’agit n’étaient pas prévues dans les plans de construction initiaux de la résidence de la Sûre en question, qu’elles n’ont jamais été autorisées par la suite par la commune de Diekirch, pareille exigence étant formellement posée par son règlement sur les bâtisses, qu’elles reposent sur une simple tolérance accordée à l’auteur des demandeurs actuels par l’ancien propriétaire de l’immeuble dont la destruction a été autorisée par la décision déférée et ne fondent dès lors aucune servitude de vue de nature à constituer un droit légalement établi dans le chef des époux THIBAL-BARDOU;
5 Que dans la mesure où les parties demanderesses sont ainsi restées en défaut d’étayer le caractère légalement établi des droits par eux invoqués, l’intérêt légitime requis dans leur chef en tant que condition de recevabilité de leur recours fait par voie de conséquence défaut, étant entendu qu’ils ne sont également pas à considérer comme tiers intéressés pouvant valablement invoquer à leur bénéfice les dispositions des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979;
Que le recours encourt dès lors l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir;
Que la demande de sursis à exécution devient dès lors sans objet, l’analyse des autres moyens proposés se révélant être superfétatoire;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
se déclare compétent pour connaître du recours;
dit le recours irrecevable pour défaut d’intérêt légitime;
dit la demande d’effet suspensif sans objet;
condamne les parties demanderesses aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 janvier 1999 par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 6