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26/01/1999 | LUXEMBOURG | N°10154

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 1999, 10154


N° 10154 du rôle Inscrit le 18 juillet 1997 Audience publique du 26 janvier 1999

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Recours formé par Madame … von HOININGEN-

HUENE, Luxembourg contre le ministre de l’Environnement en présence de la Ville de Luxembourg en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 1997 par Maître Georges MARGUE, avocat inscrit à la liste

I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … von HOININGEN-HUENE, demeurant à...

N° 10154 du rôle Inscrit le 18 juillet 1997 Audience publique du 26 janvier 1999

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Recours formé par Madame … von HOININGEN-

HUENE, Luxembourg contre le ministre de l’Environnement en présence de la Ville de Luxembourg en matière d’aménagement des agglomérations

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 1997 par Maître Georges MARGUE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … von HOININGEN-HUENE, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 16 novembre 1994;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg du 11 juillet 1997 portant signification de ce recours à la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mai 1998;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 1998 par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 18 mai 1998 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … von HOININGEN-

HUENE;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 1998 par Maître Georges MARGUE au nom de Madame … von HOININGEN-HUENE;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick HOSS, demeurant à Luxembourg, du 23 octobre 1998 portant signification de ce mémoire en réplique à la Ville de Luxembourg;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Georges MARGUE et Jean MEDERNACH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives en l’audience publique du 30 novembre 1998.

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Madame … von HOININGEN-HUENE, demeurant à L-…, est propriétaire, entre autres, d’une bande de terrains située … Luxembourg, et y qualifiée de “ terre labourable ”.

Ces terrains étaient classés suivant l’ancien plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, dit plan “ Vago ”, dans un secteur d’habitation de faible densité. Suite à la révision de ce plan d’aménagement général, lesdits terrains furent classés, lors de l’adoption provisoire du plan d’aménagement général dit “ Joly ” par vote du conseil communal du 4 novembre 1991, en zone verte. Le ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, en l’occurrence le ministre de l’Environnement, approuva ce classement provisoire par arrêté du 6 juillet 1993. Par la suite, sur réclamation de Madame … von HOININGEN-HUENE contre le vote provisoire du plan Joly, le conseil communal, lors de l’adoption définitive de la partie graphique dudit plan par vote du 12 juillet 1993, classa lesdits terrains en zone d’habitation H2;

Par arrêté du 16 novembre 1994, notifié à Madame von HOININGEN-HUENE sur sa demande par les soins de l’administration communale le 7 mars 1995, le ministre de l’Environnement décida que les terrains en cause, parmi d’autres y énumérés, “ restent classés zone verte au sens de l’article 2, alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ”.

A l’encontre de cette décision, Madame … von HOININGEN-HUENE a fait déposer un recours en annulation par requête du 18 juillet 1997.

Compétence Afin de déterminer sa compétence pour connaître du présent litige, le tribunal est tenu d’examiner dans un premier temps la nature juridique de l’acte déféré par rapport à son contenu, étant entendu que la forme extérieure ne s’impose pas pour la qualification à opérer.

La partie demanderesse fait valoir à ce sujet que ce serait à tort que le ministre de l’Environnement a donné à sa décision l’apparence d’un acte réglementaire, dans le but de se soustraire aux recours admis par la législation en vigueur à l’époque. Il s’agirait au contraire d’un acte de nature individuelle, illégal, susceptible du recours prévu par l’article 31 de la loi du 8 février 1961 portant organisation du Conseil d’Etat, remplacé entretemps par l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, en ce que le ministre de l’Environnement aurait statué en dehors de l’habilitation légale lui confiée par l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après appelée “ la loi du 11 août 1982 ”.

Elle expose à cet effet que la bande de terrains litigieuse n’aurait jamais été classée en zone verte et que partant le conseil communal, en l’absence d’une modification d’une zone verte, n’aurait pas créé les prémisses permettant l’intervention du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, en l’occurrence le ministre de l’Environnement. Elle soutient ensuite que l’auteur de l’acte déféré aurait encore statué en dehors de l’habilitation légale inscrite à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 en ce qu’il aurait 2 procédé non pas à l’approbation pure et simple d’un règlement communal portant sur une zone déterminée du territoire communal, envisagée d’une façon globale, mais imposé une interdiction de construire sur une étendue restreinte de places à bâtir, dont notamment la parcelle faisant l’objet du présent litige, comprise dans une zone d’habitation.

En agissant ainsi au préjudice d’un particulier quant à un immeuble isolé, le ministre aurait porté une atteinte non prévue par la loi à la propriété privée et partant commis un excès, sinon un détournement manifeste de pouvoir justifiant l’annulation de l’acte déféré.

La partie demanderesse émet en outre des doutes quant à la conformité de la base légale du prétendu pouvoir réglementaire du ministre de l’Environnement en la matière par rapport à la Constitution, en ce que les ministres ne disposent en principe pas d’un pouvoir réglementaire, celui-ci appartenant au Grand-Duc, et, exceptionnellement, dans les cas prévus par la loi, aux autorités communales, étant entendu que tout texte prévoyant le pouvoir d’approbation en matière réglementaire doit s’interpréter de manière stricte, puisque, dans le cas où l’autorité de surveillance est autre que le Grand-Duc, il constitue une exception au principe général de l’article 36 de la Constitution.

Le représentant étatique conclut à l’irrecevabilité du recours, alors qu’il s’agirait d’un recours contre un acte réglementaire dont seule la Cour administrative pourrait connaître. Il fait valoir à cet effet que dans la mesure où la décision ministérielle est appelée à confirmer ou infirmer une délibération d’un conseil communal en matière d’urbanisme, l’acte en question serait à considérer comme acte de tutelle qui rétroagit et fait corps avec la délibération communale, de manière à participer, quant à sa nature, au caractère réglementaire de l’acte approuvé.

La Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Il est constant que le ministre de l’Environnement est investi, au voeu du législateur, d’une compétence légale de tutelle d’approbation en matière d’aménagement du territoire communal, greffée a posteriori sur la procédure d’établissement d’un plan d’aménagement consacrée à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après appelée “ la loi du 12 juin 1937 ”, en ce que l’article 2 de la loi du 11 août 1982 dispose dans son alinéa final que “ Toute modification de la délimitation d’une zone verte découlant du vote provisoire, selon l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 (précitée), est soumise à l’approbation du ministre (ayant dans ses attributions l’Administration des eaux et forêts). Cette approbation est également requise pour toute création d’une zone verte en vertu de l’adoption d’un premier projet d’aménagement. Le projet d’aménagement définitivement adopté est, pour autant qu’il a été modifié, également soumis à l’approbation du ministre. ” Il est admis que la délibération par laquelle un conseil communal adopte un plan d’aménagement a le caractère d’un acte réglementaire. Il en est de même de la décision du ministre de l’Intérieur, qu’il approuve la délibération du conseil communal ou qu’il refuse de l’approuver (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n°9481C du rôle, Pas. adm. 2/98, v° Compétence, n°15).

3 Les auteurs de la loi du 11 août 1982 ont entendu faire participer le ministre de l’Environnement en tant qu’autorité de tutelle, à l’instar du ministre de l’Intérieur, au pouvoir réglementaire des conseils communaux en la matière, par le biais d’un pouvoir d’approbation qui, venant s’ajouter à la procédure d‘établissement des plans d’aménagement communaux instituée par la loi du 12 juin 1937, permet certes des interrogations quant à sa conformité au seul cadre d’exception prétracé en la matière à l’article 107 (6) de la Constitution, ainsi qu’à la nature même d’un pouvoir de tutelle, eu égard notamment à la considération que ledit ministre est non pas appelé à contrôler la légalité de l’acte soumis à tutelle par rapport au champ d’activité qui s’impose au conseil communal, mais par rapport à sa propre sphère de compétence qui en diffère, alors que la tutelle a pour but de veiller à ce que l’autorité autonome reste dans la légalité et que l’approbation n’est partant qu’un certificat de légalité et de conformité avec la loi ou l’intérêt général (cf. A. Buttgenbach, Manuel de droit administratif, 2e éd. n° 148 et ss).

Il y a néanmoins lieu d’admettre, à ce stade, qu’une décision dudit ministre intervenue dans les limites des pouvoirs lui conférés par l’article 2 in fine précité de la loi du 11 août 1982 participe en principe quant à sa nature juridique au caractère réglementaire de l’acte soumis à approbation au même titre qu’une décision du ministre de l’Intérieur intervenue sur base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937.

S’il est vrai que l’approbation du ministre de l’Environnement telle qu’envisagée par le législateur en 1982 diffère déjà quant à son principe de l’approbation du ministre de l’Intérieur en ce qu’elle ne concerne en tout état de cause qu’une partie bien circonscrite du territoire communal, en l’occurrence la zone verte, voire seulement des points de modification de celle-ci opérés par le projet de plan d’aménagement, alors que celui-ci “ bien que comportant des sections et des zones distinctes, forme un tout, qui exprime la vision globale que l’autorité communale, qui a seule compétence en la matière, entend donner à l’aménagement du territoire communal ” (cf. C.E. 18.3.1992, Pas. 29., page 231), il reste néanmoins que même par rapport à son objet ainsi défini, l’acte de tutelle ne doit pas se présenter comme un acte d’ingérence ou de participation directe, par voie de substitution de décision, au pouvoir réglementaire qui a été dévolu au conseil communal.

En l’espèce, le ministre de l’Environnement a arrêté en date du 16 novembre 1994 que “ le plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, adopté définitivement par le conseil communal en date du 12 juillet 1993, est approuvé, cependant les aires ci-après énumérées et délimitées en pointillés sur les extraits de plans joints restent classés zones vertes au sens de l’article 2, alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles : … ”.

Dans la mesure où l’arrêté ministériel litigieux énumère des parties du territoire communal comme restant classées zone verte, dont notamment celle litigieuse appartenant à la demanderesse, il ne consacre ni une approbation, ni un refus d’approbation pur et simple de la décision du conseil communal du 12 juillet 1993, mais procède à une modification partielle du plan d’aménagement tel qu’arrêté définitivement par le conseil communal en ce que le ministre de l’Environnement affirme que les parcelles en question “ restent classées zone verte ”.

Or, l’approbation par l’autorité ministérielle d’un acte soumis à son contrôle doit en principe être pure et simple, cette autorité ne pouvant en règle générale rien ajouter, ni rien retrancher à la décision soumise à son contrôle. A titre d’exception, l’approbation partielle 4 d’un acte soumis au contrôle de l’autorité investie du pouvoir d’approbation est néanmoins permise à la condition que les dispositions approuvées et celles non approuvées ne soient pas liées entre elles au point de former un ensemble indissociable (Cour adm. 25.11.1997, n° 9477C du rôle, Pas. adm. 2/98, v° Tutelle administrative, n° 5 et autres références y citées).

Abstraction faite de la question de savoir si le conseil communal a en l’espèce créé les prémisses pour l’intervention du ministre de l’Environnement sur base du dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 11 août 1982 in fine, la décision de maintenir classées en zone verte au total quatorze aires distinctes, non reliées entre elles, est d’une envergure territoriale telle qu’elle ne saurait en tout état de cause valoir approbation partielle portant sur un acte détachable.

Il y a au contraire lieu de retenir que la décision de maintien de classement, globalement considérée, dénature l’ensemble des modifications opérées à la zone verte par rapport au plan d’aménagement tel qu’arrêté pour l’ensemble du territoire de la Ville par vote provisoire en 1993.

Il découle des considérations qui précèdent que l’acte du ministre de l’Environnement posé par la décision litigieuse du 16 novembre 1994 ne rentre pas dans les prévisions de l’article 2 précité de la loi du 11 août 1982 et ne saurait partant, à défaut d’autre base légale conférant un quelconque pouvoir réglementaire en la matière au ministre de l’Environnement, être qualifée d’acte à caractère réglementaire.

Il s’en suit que le tribunal est tenu de pousuivre l’examen de sa compétence pour connaître de l’acte déféré intervenu en date du 16 novembre 1994 au regard de son caractère non réglementaire dégagé ci-avant.

En l’espèce, si le recours contentieux a été introduit après l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après appelée “ la loi du 7 novembre 1996 ”, qui a eu lieu le 1er janvier 1997, l’arrêté litigieux du 16 novembre 1994 a été pris avant cette date.

Dans la mesure où l’article 96 (1) de la loi du 7 novembre 1996 organise exclusivement une ventilation des litiges pendants devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat entre les deux juridictions nouvellement créés qui lui succèdent, d’après les règles qui délimitent leurs compétences respectives, cette loi laisse intacts les autres principes de droit commun des conflits de loi dans le temps, et en particulier celui selon lequel les voies de recours contre une décision sont régies par la loi en vigueur au moment où la décision a été prise.

Il suit de ce qui précède que l’admissibilité et l’étendue des voies de recours contre l’arrêté ministériel du 16 novembre 1994 sont régies par les dispositions légales en vigueur à cette date (cf. trib. adm. 25 juin 1997, n° 9799 et 9800 du rôle, Pas. adm. 2/98, v° Compétence, n° 14).

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996, les recours contre les décisions administratives étaient régis par les articles 29 et suivants de la loi modifiée du 8 février 1961 portant organisation du Conseil d’Etat, celle-ci ayant été abrogée avec effet au 1er janvier 1997, par l’effet combiné des articles 36 et 37 de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat.

5 L’article 31 de ladite loi disposait que le Comité du contentieux était appelé à statuer sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’était admissible d’après les lois et règlements.

Il se dégage des travaux préparatoires de la loi précitée que le législateur voulait, en 1961, par consécration législative de la jurisprudence élaborée en la matière par le Comité du contentieux du Conseil d’Etat, exclure du recours devant le juge administratif les actes réglementaires (v. travaux préparatoires de la loi du 8 février 1961, proposition de loi modificative de la loi du 16 janvier 1866 sur l’organisation du Conseil d’Etat, avis du Conseil d’Etat, commentaire des articles, doc. parl. n° 6002, page 12), étant entendu que pareille exclusion doit s’interpréter de manière restrictive, alors qu’elle conduit dans des domaines particuliers à ce qu’ “ aucun recours effectif ” devant une instance nationale ou “ devant un tribunal qui décidera ” sur les contestations n’existe, pour reprendre les formules des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et les libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (cf. projet de loi portant réforme du Conseil d’Etat, doc. parl. n° 39401, avis du Conseil d’Etat du 7 novembre 1995, p. 8).

Ainsi, même si la catégorie des actes non réglementaires, dans laquelle range l’arrêté ministériel déféré, regroupe des actes qui, s’ils sont homogènes négativement en ce qu’ils ne constituent pas des actes réglementaires, ne sont pas pour autant assimilables positivement, alors qu’ils regroupent notamment tant des décisions strictement individuelles que des décisions collectives (v. Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, v. Acte administratif n° 236; Dewost et Denoix de Saint-Marc, Chronique générale de jurisprudence administrative française, Actes législatifs et administratifs A.J.D.A. 1969, page 428), cette seule qualification d’acte non réglementaire est néanmoins suffisante pour considérer l’acte déféré comme constitutif d’une décision administrative susceptible du recours en annulation prévu à l’article 31 de la loi modifiée du 8 février 1961.

Il convient encore d’examiner quelle juridiction est compétente pour connaître d’un tel recours depuis le remplacement du Comité du contentieux du Conseil d’Etat comme juge du contentieux administratif, par les juridictions de l’ordre administratif, par la loi du 12 juillet 1996 portant révision des articles 83bis et 95bis de la Constitution, entrés en vigueur le 1er janvier 1997.

La loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif a, entre autres, réparti la connaissance du contentieux administratif dévolu auparavant au Comité du contentieux, entre les deux juridictions nouvellement créés.

Concernant le recours en annulation, espèce de recours dont le tribunal se trouve actuellement saisi, l’article 2 (1) dispose que “ le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ”.

Aux termes de l’article 7 (1) de la même loi, la Cour administrative est appelée à connaître des recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation 6 de la loi ou des formes destinées à proteger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.

En opérant la répartition entre, d’une part, les décisions administratives, et, d’autre part, les actes administratifs à caractère réglementaire, le législateur de 1996 a entendu parer à l’absence antérieure de recours juridictionnel effectif contre les actes réglementaires. Dans la mesure où l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 réserve à la seule Cour administrative la connaissance des recours dirigés contre les actes à caractère réglementaires, cette disposition attributive de compétence doit s’interpréter restrictivement, alors qu’elle constitue une exception à la garantie générale du double degré de juridiction.

Il s’ensuit que la compétence de la Cour administrative, ancrée au dit article 7 (1), ne peut s’étendre qu’aux seuls actes revêtant un caractère réglementaire stricto sensu, à l’exclusion de l’ensemble des actes administratifs non réglementaires.

Le tribunal est, par voie de conséquence, compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.

Recevabilité Il a été dégagé suivant les développements qui précèdent qu’à défaut de rentrer dans les prévisions de l’article 2 in fine de la loi du 11 août 1982, l’acte déféré n’est pas à considérer comme étant intervenu en matière de tutelle administrative. Il constitue par contre, du moins en tant qu’il concerne directement une bande de terrains appartenant à la demanderesse, une décision individuelle à l’égard d’un administré au sens des dispositions de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, de manière que le respect de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, faisant obligation à l’administration d’instruire l’administré sur les voies de recours ouvertes contre l’acte en cause, s’imposait en l’espèce au ministre de l’Environnement.

C’est partant à juste titre que la partie demanderesse retient dans sa requête introductive d’instance qu’aucun délai de recours n’a pu courir à son encontre, alors que la décision attaquée, devant être analysée entre autres comme opérant révocation ou modification d’office d’une décision antérieure lui ayant reconnu des droits, n’a pas été assortie des informations prescrites par l’article 14 prévisé du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Il se dégage des considérations qui précèdent, corroborées par les pièces versées au dossier, que le recours est recevable pour avoir été introduit dans le délai et, par ailleurs, dans les formes prévues par la loi.

Quant au fond En décidant par arrêté du 16 novembre 1994 que quatorze aires différentes du territoire communal restent classées en zone verte, dont notamment la bande de terrains litigieuse appartenant à la demanderesse, le ministre de l’Environnement a modifié l’étendue de la zone verte par rapport à la partie graphique du plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg telle qu’arrêtée définitivement par vote du conseil communal du 12 juin 1993.

7 Au-delà de la question de savoir si à la base le ministre de l’Environnement se trouve valablement investi d’un pouvoir de tutelle sur l’action réglementaire des conseils communaux en matière d’aménagement du territoire, - question relative à la validité d’un acte réglementaire échappant à la compétence du tribunal saisi par voie d’action, à l’opposé de celle susceptible d’être portée devant lui par voie d’exception -, il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que, tel que libellé, l’arrêté ministériel déféré ne constitue pas un acte d’approbation rentrant dans les prévisions de l’article 2 in fine de la loi du 11 août 1982, en ce que l’approbation qu’il renseigne n’est pas pure et simple et ne rentre par ailleurs pas dans le cadre d’exception relatif aux actes détachables.

A défaut de tout autre texte légal conférant au dit ministre le pouvoir de participer à la compétence d’exception dont se trouvent investis les conseils communaux en matière d’aménagement du territoire communal, le ministre de l’Environnement n’avait partant pas compétence pour décider de la manière dont il l’a fait.

Il s’ensuit que le recours est fondé et que l’arrêté ministériel déféré encourt l’annulation dans la mesure sollicitée par la partie demanderesse.

Par ces motifs :

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, recoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule l’arrêté ministériel déféré du 16 novembre 1994 en ce qu’il a décidé que les terrains en cause “ restent classés zone verte au sens de l’article 2, alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ”;

renvoie l’affaire devant le ministre de l’Environnement;

met les frais à charge de l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 1999 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10154
Date de la décision : 26/01/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-01-26;10154 ?

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