N° 10760 du rôle Inscrit le 17 juin 1998 Audience publique du 18 janvier 1999
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Recours formé par Monsieur … BARNES contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10760 et déposée le 17 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … BARNES, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l'administration des Contributions directes du 11 mars 1998;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1998;
Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision entreprise;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur … BARNES en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.
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Monsieur … BARNES s’est vu notifier le 13 juin 1997 trois bulletins de l’impôt sur le revenu émis le 12 juin 1997 par l'administration des Contributions directes, section des personnes physiques, bureau d’imposition Luxembourg 5, portant sur l’impôt sur le revenu des années 1993, 1994 et 1995. En bas du bulletin de l’année 1993 est apposée la notice que « l’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants: du point de vue fiscal, votre épouse est considérée comme non-résident: il n’y a donc pas d’imposition collective ».
Par courrier daté du 12 septembre 1997, adressé au bureau d’imposition Luxembourg 5, parvenu audit bureau le 29 septembre 1997, Monsieur BARNES a introduit une réclamation à l’encontre des prédits bulletins dans la mesure où il a été rangé dans la classe d’impôt I.
Par décision du 11 mars 1998, notifiée le 17 mars 1998, le directeur de l'administration des Contributions directes a rejeté sa réclamation pour cause de tardiveté.
A l’encontre de cette décision directoriale de rejet, le demandeur a introduit un recours contentieux par requête déposée le 17 juin 1998, dans lequel il fait valoir, quant à la 1 recevabilité de sa réclamation introduite devant le directeur de l'administration des Contributions directes, qu’il aurait réclamé par voie téléphonique en date du 13 juin 1997 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu portant sur les années 1993, 1994 et 1995 auprès du bureau d’imposition compétent. Il estime qu’un appel téléphonique constituerait une réclamation orale légalement admise et suffisante.
Quant au fond, il fait valoir que « l’inspecteur » l’ayant rangé dans la classe d’impôt I aurait commis une « erreur manifeste ». A ce titre, il expose: « vu que le bureau RTS a décidé de me classer dans la classe 2.1 sur base des documents fournis, et vu ma lettre du 23 mai 1997 dans laquelle j’ai clairement dit que ma femme était de résidence autrichienne, il n’y a aucune raison en loi pour sa décision (sic) ».
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours.
Il fait valoir que le recours serait à déclarer « nul » en raison de son libellé obscur, sinon pour violation de l’article 1er de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, tel qu’il a été modifié, applicable devant les juridictions administratives, prévoyant que la requête doit contenir l’exposé sommaire des faits et des moyens, les conclusions, les noms et demeures des parties, l’énonciation des pièces dont on entend se servir et qui seront jointes. En l’espèce, tel ne serait pas le cas, la demande ne précisant pas l’objet du recours, ni les moyens du demandeur, ni une quelconque disposition légale qui aurait été violée. Le demandeur n’aurait par ailleurs produit aucune pièce à l’appui de son recours.
Subsidiairement, il estime que le demandeur ne saurait, à ce stade, critiquer devant le tribunal administratif la cote d’impôt et partant la classe d’impôt dans laquelle il a été rangé, alors que ce point n’aurait pas été toisé dans la décision directoriale entreprise du 11 mars 1998. Le recours devrait donc être déclaré irrecevable omissio medio, le directeur n’ayant pas encore statué sur ce point, étant donné que dans sa prédite décision, il s’était limité à se prononcer sur la recevabilité du recours.
Plus subsidiairement, la décision directoriale serait à confirmer en ce qu’elle avait déclaré tardive la réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1993, 1994 et 1995, au motif que la réclamation date du 29 septembre 1997, soit plus de 3 mois après la notification des bulletins émis le 12 juin 1997.
Concernant la réclamation orale qui aurait été faite par le demandeur le 13 juin 1997, le délégué du gouvernement la conteste formellement et demande qu’elle soit écartée des débats.
A ce sujet, il indique qu’aucune preuve de la prétendue réclamation n’aurait été versée au dossier et qu’aucun procès-verbal n’aurait été dressé, notamment pour documenter le contenu de ses objections.
Plus subsidiairement encore, quant au fond, le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur aurait avoué dans sa requête que sa femme résiderait en Autriche, de sorte que les conditions de l’imposition collective avec le conjoint par application de l’article 3 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », ne seraient pas données et qu’il ne saurait partant être rangé dans la classe d’impôt 2.
La requête ne spécifiant pas si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre, d’après les données de l’espèce, que le demandeur a 2 entendu introduire le recours admis par la loi. Etant donné qu’en vertu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO) et de l’article 8 (3) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours de pleine juridiction contre les décisions du directeur de l'administration des Contributions directes est prévu, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation ainsi introduit.
Le tribunal est encore appelé à vérifier la recevabilité du recours au regard de la pure forme de la requête introductive d'instance.
Au voeu de l’article 1er du règlement de procédure du 21 août 1866, précité, le recours devant le tribunal administratif contiendra notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens ainsi que les conclusions du demandeur.
S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à l’appui du recours, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions (v. C.E. 19 avril 1961, Pas.18, p.457).
En l’espèce, le demandeur fait valoir à l’appui de son recours que le directeur de l'administration des Contributions directes aurait à tort déclaré irrecevable sa réclamation contre les bulletins querellés, au motif qu’il aurait réclamé valablement le lendemain de l’obtention des bulletins entrepris, soit le 13 juin 1997, au moyen d’un appel téléphonique, en soutenant que cette forme de réclamation serait admise.
Comme la requête définit avec une précision suffisante la décision faisant l’objet du recours et comme il s’agit d’une décision du directeur de l'administration des Contributions directes se prononçant exclusivement sur la question de la recevabilité de la réclamation, le tribunal peut examiner le bien-fondé de la demande sur ce point.
Le demandeur ayant par ailleurs invoqué un moyen et développé un argument à l’appui de son recours, le recours est recevable pour avoir, par ailleurs, été déposé dans le délai de la loi.
Aux termes des paragraphes 245 et 246 AO, dont les dispositions ont été reprises dans l’instruction sur les voies de recours jointe aux bulletins litigieux, le délai de réclamation est de trois mois à partir de la notification des bulletins.
Par sa décision du 11 mars 1997, le directeur a jugé irrecevable, pour cause de tardiveté, la réclamation introduite par le demandeur. Cette décision est intervenue à bon droit, étant donné que les bulletins d’impôts litigieux, émis le 12 juin 1997, ont été notifiés le 13 juin 1997 et que la réclamation à l’encontre des prédits bulletins n’est parvenue au bureau d’imposition qu’en date du 29 septembre 1997. Même si la lettre de réclamation est datée du 12 septembre 1997, il est cependant de principe que la réclamation est supposée être interjetée au moment où elle se trouve en un lieu où l’administration en a le droit de disposition. Dans l’hypothèse où la réclamation a été déposée par le contribuable ou son mandataire dans les bureaux de l’administration ou dans l’hypothèse où elle a été jetée dans la boîte aux lettres de l’administration, c’est la date de ce dépôt ou de cette remise qui doit être prise en considération pour déterminer la date à laquelle l’administration était en possession de la réclamation (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes 3 fiscales novembre 1989, pages 74 et s., n°122). En l’espèce, le tampon officiel d’entrée au bureau d’imposition Luxembourg 5 indique la date du 29 septembre 1997.
Comme il appartient au demandeur de prouver qu’il a introduit la réclamation dans le délai de la loi et à défaut de fournir le moindre élément de preuve que l’envoi de la lettre a été effectivement réalisé à la date indiquée sur la lettre, notamment par la production d’un récépissé d’envoi avec accusé de réception, et à défaut d’avoir contesté la date de réception retenue par le directeur de l'administration des Contributions directes dans sa décision de rejet, le tribunal considère que la réclamation n’a été introduite qu’en date du 29 septembre 1997, soit plus de 3 mois après la réception des bulletins litigieux.
La décision directoriale est donc à confirmer sur ce point.
L’allusion faite par le demandeur à une réclamation téléphonique en date du 13 juin 1997 auprès du bureau d’imposition compétent, à la supposer établie, ne constitue pas une réclamation valablement intervenue dans le délai légal, étant donné qu’elle n’a pas fait l’objet d’un procès-verbal conformément au paragraphe 249 (1) AO et c’est partant à bon droit que le directeur de l'administration des Contributions directes a rejeté la réclamation du demandeur (cf. CE 8 juillet 1953, n°5316 du rôle).
Le demandeur n’ayant par ailleurs ni demandé un relevé de forclusion ni a fortiori fourni un argument justifiant un tel relevé de forclusion, le recours en tant qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 11 mars 1997 est à rejeter.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, le déclare cependant non fondé et en déboute;
met les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 18 janvier 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 4