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14/01/1999 | LUXEMBOURG | N°10627

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 janvier 1999, 10627


N° 10627 du rôle Inscrit le 23 mars 1998 Audience publique du 14 janvier 1999

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Recours formé par Monsieur … PADJEN contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 23 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître André LUTGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PADJEN, sans état particulier, demeurant

à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’E...

N° 10627 du rôle Inscrit le 23 mars 1998 Audience publique du 14 janvier 1999

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Recours formé par Monsieur … PADJEN contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 23 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître André LUTGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PADJEN, sans état particulier, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 janvier 1998 lui refusant l’octroi d’un permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 1998;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au nom du demandeur le 9 octobre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Joëlle GEHLEN, en remplacement de Maître André LUTGEN, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration datée du 14 octobre 1997, entrée à l’administration de l’Emploi, ci-

après dénommée « l’ADEM », le 21 octobre 1997, la société à responsabilité limitée X. a introduit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste de « cuisinier de spécialités croates », en faveur de Monsieur … PADJEN, …, de nationalité croate, demeurant à L-… Le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa la délivrance d’un permis de travail par arrêté du 26 janvier 1998 aux motifs suivants:

« - 6.544 demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi, dont 81 cuisiniers parmi lesquels 34 ont un CATP et 1 a un CCM;

1 - des demandeurs d’emploi appropriés sont dès lors disponibles sur place;

- augmentation inquiétante du nombre de demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi durant les quatre dernières années: 4.317 en 1993, 5.115 en 1994, 5.570 en 1995, 6.369 en 1996 et 6.544 en 1997;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (quelque 18 millions de chômeurs dans les Etats membres de l’Union Européenne);

- poste de travail non-déclaré vacant à l’Administration de l’emploi;

- occupation irrégulière depuis le 15 octobre 1997;

- recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par requête déposée le 23 mars 1998, Monsieur PADJEN a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 26 janvier 1998.

Quant au recours en réformation Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2/98, V° Recours en réformation, n° 4).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’un permis de travail, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Quant au recours en annulation Le demandeur soulève en premier lieu l’illégalité du refus ministériel pour défaut de motivation légale. Dans ce contexte, il soutient que la motivation énoncée dans la décision querellée se réduirait à un simple énoncé de considérations abstraites, alors qu’elle devrait être circonstanciée et préciser, par rapport au cas concret, notamment les éléments de fait qui sont à son origine.

Le délégué du gouvernement conclut au non fondé de ce moyen d’annulation.

Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-

d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

2 Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Pas. adm.

2/98, V° Travail, II. Permis de travail, n° 15 et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté du 26 janvier 1998 énonce sept motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 prévisé, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas su se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision critiquée.

Le demandeur conteste - outre la légalité de la décision incriminée, moyens sur lesquels le tribunal prendra position par la suite - l’opportunité de la décision du ministre, en faisant notamment valoir qu’il serait parfaitement intégré au Luxembourg, qu’il comprendrait et parlerait la langue luxembourgeoise, que toute sa famille serait installée au Luxembourg depuis de nombreuses années et que deux de ses frères, qui seraient mariés à des Luxembourgeoises, auraient déjà acquis la nationalité luxembourgeoise et qu’il pourrait se prévaloir d’un comportement irréprochable. Dans ce contexte, il soutient encore que le refus d’un permis de travail empêcherait le renouvellement de son permis de séjour, le contraignant ainsi à retourner dans son pays d’origine, où il lui serait pratiquement impossible de se réintégrer.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué. La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué. Il ne peut que vérifier, d'après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 2/98, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n°7 et autre référence y citée).

Par conséquent, le moyen et l’argumentation développés par le demandeur relativement au caractère opportun de la décision ministérielle litigieuse sont à rejeter, le tribunal n’étant pas compétent pour en connaître dans le cadre d’un recours en annulation.

Ensuite, le demandeur soutient qu’« en [lui] refusant (…) de régulariser sa situation en l’autorisant de rester travailler sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, le Ministre du Travail et de l’Emploi viole le principe constitutionnel du droit du travail tel qu’il est inscrit à l’article 11§4 de la Constitution luxembourgeoise, mais également un principe posé par la Proclamation Universelle des droits de l’homme. Ces deux textes ont un point commun: garantir dans toutes les situations un droit au travail. ».

Il soutient encore qu’ « en obligeant les employeurs à donner priorité à l’emploi aux ressortissants de l’espace économique européen, il les oblige à subordonner leurs offres d’emploi à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 454 du Code Pénal tel que modifié par la loi du 19 juillet 1997 complétant le Code Pénal en modifiant l’incrimination du racisme. En effet, par ce biais, le Gouvernement opère une véritable 3 discrimination entre ressortissants de l’espace économique européen d’une part et les étrangers d’autre part qui se voient refuser toute garantie au travail ».

Le demandeur fait encore soutenir que le refus d’un permis de travail « cautionne une violation du principe de la libre circulation des personnes posé par la Convention européenne des droits de l’homme. Les ressortissants d’Etats tiers ne sont pas systématiquement exclus par la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, le droit de séjour reconnu au ressortissant s’étend à sa famille. Le ministre aurait dû tenir compte de la situation familiale tout à fait particulière de Monsieur PADJEN avant de lui refuser le permis litigieux. Muni d’un permis de travail régulier, Monsieur PADJEN aurait pu effectuer toutes les démarches pour obtenir un permis de séjour et lui permettre de vivre et de travailler dignement. ».

Par ailleurs, tout en relevant qu’il aurait reçu une formation de cuisinier et qu’il serait spécialisé dans la préparation de mets croates, le demandeur conteste la disponibilité concrète de demandeurs d’emploi appropriés sur le marché de l’emploi.

Ensuite, il reproche une erreur d’appréciation au ministre en soutenant que le motif tiré de l’augmentation inquiétante du nombre de demandeurs d’emploi, c’est-à-dire tiré de l’évolution et de l’organisation du marché de l’emploi ne saurait justifier le refus, dès lors que s’il était vrai que la situation du marché de l’emploi n’est pas idéale, elle ne serait cependant pas « dramatique à tel point de refuser à un croate le droit de travailler au Luxembourg ».

Quant aux obligations communautaires relativement à la priorité à l’emploi aux ressortissants d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen, le demandeur estime que, d’une part, elles seraient tenues en échec par le principe constitutionnel du droit au travail, ainsi que le droit universel afférent « ancré dans la proclamation universelle des droits de l’homme » et, d’autre part, elles n’impliqueraient nullement le refus systématique de toute demande de permis de travail à des ressortissants d’Etats tiers.

Il soutient encore que les fautes de l’employeur consistant à ne pas déclarer le poste vacant et le non respect par l’employeur des autres obligations lui imposées par les dispositions légales ne devraient pas être prises en considération pour décider de l’octroi ou du refus d’une autorisation de travail, le demandeur d’emploi ne devant pas subir les conséquences résultant de la négligence de l’employeur.

Enfin, d’après le demandeur, sa présence irrégulière sur le territoire luxembourgeois ne saurait justifier un refus d’un permis de travail. Dans ce contexte, il fait critiquer le cercle vicieux dans lequel il se trouverait, étant donné qu’il n’obtiendrait pas de permis de séjour sans justifier d’un permis de travail et qu’on lui refuserait le permis de travail au motif qu’il ne dispose pas d’un permis de séjour.

Le délégué du gouvernement fait valoir en premier lieu que le ministre peut refuser le permis de travail s’il existe des motifs réels qui ont trait à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi. Or, tant la situation sur le marché luxembourgeois que celle sur le marché européen de l’emploi, avec un taux croissant de chômage et avec de nombreuses demandes de travail émanant surtout d’ouvriers non qualifiés, permettraient de prendre une telle décision.

Il relève encore que tous les demandeurs d’emploi seraient par définition concrètement disponibles sur le marché de l’emploi et tous les candidats (81 cuisiniers inscrits aux bureaux de placement, parmi lesquels 34 auraient un CATP et 1 aurait un CCM) auraient pu être 4 assignés à l’employeur, mais, faute de déclaration de poste vacant aux services de placements publics avant l’engagement du demandeur, l’ADEM n’aurait plus été tenue d’assigner de demandeurs d’emploi.

Le représentant étatique relève en deuxième lieu que la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen constitue une obligation imposée aux Etats membres de l’Union européenne par le droit communautaire et qu’en cas de non-respect de cette obligation, l’Etat luxembourgeois risquerait d’être sanctionné par la Cour de justice des communautés européennes suite à un recours en manquement.

Ladite priorité ne constituerait donc pas une discrimination fondée sur la nationalité mais l’application d’un texte légal.

Il relève encore spécialement qu’en omettant de déclarer la vacance de poste, l’employeur aurait manqué tant à l’article 9 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi qu’à l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972. Or, l’omission de déclarer vacant un poste de travail constituerait un empêchement légal à la formation d’un contrat d’emploi entre le patron et le travailleur ressortissant d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen.

Ensuite, le délégué soutient que la présence irrégulière du demandeur sur le territoire luxembourgeois constituerait un motif de refus du permis de travail.

Par ailleurs, cette présence irrégulière sur le territoire luxembourgeois aurait pour conséquence que le demandeur serait à considérer juridiquement comme un « travailleur recruté à l’étranger », de sorte que l’employeur aurait manqué à l’article 16 le la loi précitée du 21 février 1976 en omettant de solliciter auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger. Le délégué en conclut que le refus de délivrer un permis de travail serait partant justifiée.

Concernant l’article 11 (4) de la Constitution, il soutient qu’il ne serait pas applicable au demandeur, qui a la nationalité croate et qui ne dispose pas d’une autorisation de séjour.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précité dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés au travailleur étranger pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2. Ils bénéficient 5 notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, page 2).

Au voeu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen sont dispensés de la formalité du permis de travail.

C’est à tort que le demandeur estime que cette réglementation serait tenue en échec par le principe constitutionnel du droit au travail, ainsi que par le droit universel afférent « ancré dans la proclamation universelle des droits de l’homme ». En effet, l’article 11 (4) de la Constitution, qui détermine que « la loi garantit le droit au travail et assure à chaque citoyen l’exercice de ce droit », s’applique d’abord aux ressortissants luxembourgeois et, ensuite, par assimilation, sur base de la réglementation communautaire, aux ressortissants des Communautés Européennes voire aux ressortissants de l’Espace Economique Européen. S’il est vrai que l’article 111 de la Constitution dispose que les étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché jouissent des mêmes droits que les nationaux, il n’en demeure pas moins que, en vertu de ladite disposition constitutionnelle, la loi peut prévoir des exceptions, comme c’est le cas en la présente matière. En outre, ni la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale de l’O.N.U. le 10 décembre 1948, qui semble être visée par le demandeur, ni encore la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950, ni une quelconque autre disposition de droit international ne consacrent un droit subjectif au travail tenant en échec la susdite réglementation.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Espace Economique Européen se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité croate, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen.

Cette conclusion n’est pas affectée par les arguments développés par le demandeur et basés, d’une part sur un droit au séjour, découlant, le cas échéant, pour lui de la Convention européenne des droits de l’homme et, d’autre part, sur une éventuelle violation de l’article 454 du code pénal. En effet, comme les demandes d'autorisation de séjour et en obtention d’un permis de travail relèvent de la compétence de deux ministres différents et comme les conditions d'octroi de l'autorisation de séjour et du permis de travail sont appréciées selon des critères différents, l’argumentation développée par le demandeur et basée sur un droit au séjour, découlant, le cas échéant, pour le demandeur de la Convention européenne des droits de l’homme, est à écarter, pour rester sans incidence sur la légalité du refus du permis de travail. De même, l’argumentation fondée sur une éventuelle violation de l’article 454 du code pénal est à écarter, étant donné que, d’une part, le tribunal administratif n’est pas compétent, ratione materiae, pour qualifier une infraction pénale et, d’autre part, même à admettre qu’une 6 infraction pénale ait été perpétrée et établie devant qui de droit, elle ne saurait être de nature à conférer au demandeur un droit en vue de l’obtention d’un permis de travail.

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Espace Economique Européen est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il est vrai, en effet, que le ministre doit, en principe, établir, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que, par l’effet combiné des articles 9 de la loi précité du 21 février 1976, qui pose une obligation générale de déclarer toute vacance de poste à l’ADEM et 4 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, qui interdit l’occupation d’un travailleur étranger non muni d’un permis sans avoir au préalable fait une déclaration à l’ADEM relative au poste de travail à occuper, l’omission de l’employeur de déclarer son intention d’engager un travailleur provenant d’un Etat tiers dans un délai utile préalablement à la date projetée d’entrée en service met l’ADEM dans l'impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-d'oeuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée au travailleur étranger.

En l’espèce, il est constant que l’employeur a introduit auprès de l’ADEM en date du 21 octobre 1997 une déclaration d’engagement datée au 14 octobre 1997 pour un poste de « cuisinier de spécialités croates », cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur PADJEN. Comme ladite déclaration mentionne comme date d’entrée en service le 15 octobre 1995, soit une date antérieure à la date d’introduction auprès de l’ADEM, l’administration a été mise dans l'impossibilité d’assigner utilement d’autres candidats à l’employeur.

Dans ces circonstances, le ministre n’a pas été mis en mesure d’établir concrètement l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité d’emploi en leur qualité de ressortissant d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve légalement justifiée par les motifs analysés ci-dessus, l’examen des autres motifs, sur lesquels le refus ministériel est encore basé, devient surabondant et le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

7 au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, premier juge Mme. Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 14 janvier 1999, par M. Campill, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10627
Date de la décision : 14/01/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-01-14;10627 ?

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