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12/01/1999 | LUXEMBOURG | N°10800

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 janvier 1999, 10800


N° 10800 du rôle Inscrit le 13 juillet 1998 Audience publique du 12 janvier 1999

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Recours formé par Madame … PETRI, Trèves (D) contre le directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10800 et déposée le 13 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître François TURK, avocat inscrit à la liste I du tableau de lâ

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N° 10800 du rôle Inscrit le 13 juillet 1998 Audience publique du 12 janvier 1999

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Recours formé par Madame … PETRI, Trèves (D) contre le directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10800 et déposée le 13 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître François TURK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PETRI, employée privée, demeurant à D-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 16 avril 1998 refusant de garantir parmi les créances du salarié en cas de faillite de l’employeur, conformément à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail la somme de 20.000.- francs lui allouée à titre de dommages et intérêts moraux pour licenciement abusif intervenu de la part de la société anonyme X. AG, actuellement en état de faillite et de faire l’avance afférente, pour compte du fonds pour l’Emploi;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 1998 par Maître Pierre BERMES, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son ministre du Travail et de l’Emploi et par le directeur de l’administration de l’Emploi;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 22 septembre 1998 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la partie demanderesse;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 1998 par Maître François TURK au nom de la partie demanderesse, notifié à Maître BERMES en date du 25 novembre 1998 suivant acte d’avoué à avoué;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Pierre BERMES et François TURK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 1998.

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1 Considérant que Madame … PETRI, employée privée, demeurant à D-…, avait été engagée par la société anonyme X. AG, établie à l’époque à Luxembourg, avec effet au 1er janvier 1995 sous observation d’une période d’essai fixée à six semaines;

Que le tribunal du travail de Luxembourg (section employés privés), par jugement du 13 décembre 1996, déclara le licenciement de Madame PETRI intervenu le 16 février 1995 irrégulier et abusif et lui alloua entre autres à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi, le montant de 20.000.- francs avec les intérêts légaux à partir du 26 avril 1995, jour du dépôt de la demande;

Qu’à cet effet le tribunal du travail a déclaré disposer « des éléments d’appréciation suffisants (atteinte portée à la dignité du salarié par le licenciement abusif, ancienneté de service très faible, insécurité professionnelle dans laquelle la requérante a été plongée …) pour fixer ex aequo et bono le préjudice moral subi suite au licenciement abusif à 20.000.-

francs »;

Que suivant jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 29 mars 1996, la société anonyme X. AG fut déclarée en état de faillite;

Que Madame … PETRI présenta sa déclaration de créance au greffe dudit tribunal en date du 22 janvier 1997, en y faisant figurer à titre de dommages et intérêts moraux pour licenciement abusif le montant de 20.000.- francs, augmenté des intérêts légaux à partir du 26 avril 1995 jusqu’au 28 mars 1996, veille du prononcé de la faillite, en demandant l’admission au passif super-priviligié, sinon priviligié de la faillite;

Que le curateur de la faillite admit sa déclaration de créance, ainsi qu’il l’expliqua dans son courrier versé du 13 mai 1997 à l’adresse du mandataire de Madame PETRI, « tel que demandé dans la déclaration de créance »;

Qu’une première décision du directeur de l’administration de l’Emploi agissant pour compte du fonds pour l’Emploi du 31 octobre 1997 fut remplacée par une décision directoriale du 15 avril 1998, amplifiée par une lettre recommandée du même directeur du 16 avril 1998 dans laquelle est motivé plus précisément le refus d’admission à la garantie salariale prévue à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail des dommages et intérêts moraux pour licenciement abusif déclarés et réclamés par Madame PETRI à concurrence d’un montant principal de 20.000.- francs outre les intérêts légaux;

Que c’est contre cette décision de refus du 16 avril 1998 que Madame … PETRI a fait déposer en date du 13 juillet 1998 un recours en réformation, sinon en annulation tendant à voir admettre parmi la garantie salariale prémentionnée les dommages et intérêts alloués par le tribunal du travail de Luxembourg du chef de licenciement abusif;

Considérant que ni la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ni aucun autre texte ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal;

Que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai légaux;

2 Considérant au fond que la décision directoriale déférée est motivée en ce que l’article 46 (2) de la loi du 24 mai 1989 précitée « est à appliquer en ce sens que le salarié touché par la faillite de l’employeur se voit garantir par le fonds pour l’emploi toutes les créances salariales dues au moment ou résultant de la rupture de la relation de travail dans la mesure où il s’agit de salaires ou d’indemnités prévus par la loi ou le contrat de travail ayant existé entre le salarié et son employeur (indemnité de préavis, indemnité de départ légale, indemnité de départ bénévole, etc …).

Il est cependant autrement des dédommagements à caractère forfaitaire alloués ultérieurement au salarié »;

Considérant que la partie demanderesse soutient que les termes mêmes de l’article 46 (2) précité, en ce qu’il vise les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail, ne permettent aucune distinction, ni différence de traitement suivant que celles-ci ont été prévues par la loi ou le contrat de travail ou qu’il s’agit d’indemnités à caractère forfaitaire allouées ultérieurement;

Qu’elle renvoie à l’article 29 de ladite loi du 24 mai 1989 régissant sans distinction les dommages et intérêts alloués pour licenciement abusif, lesquels devraient être inclus intégralement et sans distinction parmi les créances salariales garanties par l’article 46 (2) de la même loi;

Que plus précisément les indemnités visées par ledit article 46 (2) engloberaient les dommages et intérêts pour licenciement abusif, qu’ils soient matériels ou moraux, ainsi que cela résulterait plus précisément encore de l’ancienne législation applicable à la garantie étatique avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 mai 1989;

Considérant que la partie défenderesse insiste d’abord sur le caractère antinomique des deux catégories de dommages, matériel et moral, en ce que le préjudice matériel est susceptible d’un calcul chiffré, le cas échéant à la virgule près, ayant trait à un droit patrimonial, tandis que le préjudice moral se présenterait comme évaluation forfaitaire, floue, imprécise, difficile à justifier de manière stricte et rentrant dans la catégorie des droits extrapatrimoniaux;

Qu’en matière de faillite le principe fondamental de l’égalité des créanciers entraînerait comme conséquence que les privilèges et a fortiori les superprivilèges seraient « d’interprétation étroite »;

Que dès lors au niveau de l’article 545 du code de commerce la première catégorie de droits patrimoniaux visant les créances de salaires de traitements et d’indenmnités résultant du contrat de travail ne présenterait aucune difficulté d’interprétation, tandis que la deuxième catégorie, spéciale à la rupture du contrat de travail viserait au nombre des créances privilégiées les indemnités de toute nature;

Que la clé du litige consisterait dans l’interprétation soit extensive, large à volonté, sinon stricte comme collant de près au contrat de travail, étant entendu que ce serait cette dernière interprétation qui aurait été appliquée par l’administration de l’Emploi dans la décision déférée;

Que dans la mesure où le préjudice moral ne revêtirait pas, en cas de faillite, le caractère quasi-alimentaire et urgent des salaires et autres indemnités, il ne se justifierait pas 3 par une nécessité vitale et ne constituerait dès lors pas une véritable cause de préférence entraînant qu’il devrait être traité comme simple créance chirographaire, échappant également à la garantie salariale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989;

Que si la loi mentionnait les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail, elle aurait implicitement visé la réparation des seuls éléments de préjudice matériel;

Que sur la toile de fond de l’article 2094 du code civil prévoyant que les seules causes légitimes de préférence sont les privilèges et hypothèques, le législateur, seul habilité à instituer une cause légitime de préférence serait appelé à s’imposer une rigueur certaine, même lorsqu’il vote des lois sociales pour favoriser les travailleurs dans le cadre d’une faillite, alors qu’il est tenu d’observer notamment l’article 11 de la Constitution en ce que celui-ci dispose qu’il n’y a dans l’Etat aucune distinction d’ordre;

Que si le tribunal avait des doutes pour interpréter strictement l’article 545 du code de commerce, combiné à l’article 2101 paragraphe 2 du code civil ainsi qu’à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 et qu’il concevrait que la notion d’« indemnité de toute nature » puisse comprendre l’indemnité pour dommages moral de 20.000.- refusée par la décision déférée, il pourrait estimer qu’une question de conformité de ces textes à l’article 11 (2) de la Constitution se pose, concernant l’égalité des Luxembourgeois devant la loi et être amené à poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle dans la mesure où ce point serait nécessaire pour rendre son jugement;

Que ce ne serait que dans la mesure où le tribunal adopterait l’interprétation restrictive ci-avant dégagée par la partie défenderesse qu’aucune question préjudicielle ne se poserait;

Que la partie défenderesse de situer encore la garantie salariale en matière de faillite des employeurs par rapport aux droits étrangers, ainsi que par rapport à d’autres institutions analogues d’indemnisation étatiques comportant en principe un nombre bien moins élevé de bénéficiaires, pour relever le fait que le fonds pour l’Emploi est alimenté directement par l’impôt et ne fonctionne pas comme un système d’assurance sociale ayant à sa base des cotisations, ni suivant des principes d’assurance mutuelle;

Qu’elle fait encore valoir les difficultés pratiques d’application entraînant des inégalités de traitement possibles dans des hypothèses où le préjudice moral allégué n’aura pas été liquidé par décision judiciaire coulée en force de chose jugée, tout en insistant sur le pouvoir de vérification de l’administration de l’Emploi consacré par la jurisprudence administrative en la matière;

Considérant que la partie demanderesse réplique pour insister encore une fois sur les termes clairs employés par l’article 46 (2), ainsi que l’article 29 (1) de la loi modifiée du 24 mai 1989 ne permettant aucun distinguo entre préjudice matériel et préjudice moral;

Qu’elle rejette en substance également la distinction opérée par la partie défenderesse entre montants calculables arithmétiquement au centime près pour le préjudice matériel et évaluation forfaitaire pour le préjudice moral, pour souligner que l’évaluation forfaitaire ne signifierait pas que celle-ci devrait être arbitraire, 4 Qu’en l’espèce le tribunal du travail aurait clairement indiqué les éléments à la base de son évaluation du préjudice moral arrêté à 20.000.- francs;

Que s’agissant de privilèges, voire de superprivilèges institués par le législateur lui-

même, les dispositions des articles 2102.2 du code civil, 545 du code de commerce et 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 ne supporteraient aucune interprétation sinon, en cas d’interprétation requise, elles devraient être vues dans un sens favorable au bénéficiaire social, en ce qu’elles constituent des dispositions de protection sociale;

Que dans la mesure où la garantie étatique accordée en la matière ne saurait devenir supérieure au sextuple du salaire social minimum, auquel serait limité le superprivilège en question, tous postes confondus, pareille garantie ne saurait devenir arbitraire;

Que pour autant que tous les individus se trouvant dans la même situation, suivant des règles préétablies objectives, doivent être traités de la même façon, et à supposer que l’article 11 (2) de la Constitution soit applicable à Madame PETRI, de nationalité allemande, aucune illégalité ne s’en dégagerait, rendant toute saisine de la Cour Constitutionnelle inopérante;

Qu’étant donné que l’égalité des citoyens devant l’impôt signifierait que tous ceux qui se trouvent dans la même situation sont imposés de la même façon, aucun problème d’atteinte à ce principe ne se poserait en l’espèce, rendant encore toute question préjudicielle afférente devant la Cour Constitutionnelle inutile;

Qu’il n’y aurait aucun risque d’inégalité de traitement à prévoir entre différents salariés, en ce que celui dont la créance de préjudice moral n’aurait pas été acceptée par le juge-

commissaire et le curateur de la faillite concernée, pourrait à tout moment saisir la juridiction du travail pour voir éclaircir le point en question;

Que le nombre de bénéficiaires de la garantie salariale litigieuse devrait en tout état de cause rester sans conséquence sur l’application des conditions d’admission afférentes;

Considérant qu’au fond les parties sont contraires quant à l’étendue à donner à la notion d’ « indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail » telle que celle-ci figure à la fois à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée et aux articles 545 du code de commerce ainsi que 2101 (2) du code civil;

Considérant que l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 dispose que « sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101 paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues aux salariés à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail »;

Que d’après l’article 545 du code de commerce « les créances de salaires, de traitements et d’indemnités résultant du contrat de travail pour les six derniers mois ainsi que les créances d’indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail seront admises au nombre des créances privilégiées au même rang et dans les mêmes conditions que le privilège établi par les paragraphes (1) et (2) de l’article 2101 du code civil »;

5 Qu’aux termes de l’article 2101 (2) du code civil: « les créances de salaires, de traitements et d’indemnités se rapportant aux six derniers mois de travail, les créances du salarié portant sur les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage s’exercent et doivent être payées avant toute autre créance privilégiée y comprises celles garanties par le privilège du trésor et des autres titulaires de ce privilège, jusqu’à concurrence d’un plafond égal au sextuple du salaire social minimum de référence »;

Considérant par ailleurs qu’il est constant que l’article 29 (1) de la loi modifiée du 24 mai 1989, ne distingue pas suivant les dommages et intérêts à verser au salarié compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement jugé abusif par la juridiction du travail compétente, en ce qu’il énonce que « lorsqu’elle juge qu’il y a un usage abusif du droit de résilier le contrat de travail à durée indéterminée, la juridiction du travail condamne l’employeur à verser au salarié des dommages et intérêts compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement »;

Considérant que le dommage moral étant ainsi appelé à être indemnisé à l’instar du dommage matériel, aucun critère de distinction ne saurait être valablement introduit aux niveaux des dommages et intérêts prévus à l’article 29 (1) qui précède, de même que par voie de conséquence aux niveaux des indemnités visées par les trois textes prérelatés sous analyse;

Considérant qu’en présence de textes clairs et précis, ni les pratiques administratives, fussent-elles constantes, ni les avis préalables à la loi dans un sens ou dans l’autre, ne sauraient prévaloir, ni créer un droit dérogeant aux normes légalement établies;

Considérant qu’avant toute interprétation, le tribunal est ainsi amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier et usuel qu’elles revêtent, dans la mesure où elles sont claires et précises;

Considérant qu’en présence d’un texte clair et précis, ni le recours au texte antérieur, dont celui-ci aura pris la relève, ni les avis et opinions exprimés au niveau des travaux parlementaires préparatoires des textes sous analyse - d’ailleurs peu, sinon pas du tout éloquents à ce sujet - ne sont appelés par le tribunal à servir à l’exégèse des termes employés par le législateur, dans la mesure où le libellé même de ceux-ci ne donne lieu à aucune question d’interprétation sur le sens exact leur attribué par le législateur;

Considérant que les trois textes sous analyse, du moins en ce qui concerne le passage litigieux relatif aux « indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail » ont en commun d’être précis et clairs dans leur libellé, étant donné qu’en visant les indemnités de toute nature, sans introduire un quelconque élément distinctif, le législateur a nécessairement englobé, d’après les termes mêmes par lui employés, toutes les indemnités de quelque nature qu’elles soient, pour autant qu’elles résultent de la rupture du contrat de travail;

Que sous peine d’enfreindre le principe général « ubi lex non distinguit …» le tribunal ne saurait appliquer les trois dispositions prémentionnées en écartant de leur champ d’application les indemnités allouées en raison du préjudice moral accordé du chef d’un licenciement abusif intervenu de la part de l’ancien employeur en faillite;

6 Considérant que pour autant que le superprivilège prévu par l’article 2101 (2) du code civil, conditionnant la garantie salariale visée par l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989, émane des oeuvres du législateur même, il constitue une cause légitime de préférence instituée conformément à l’article 2094 du code civil et ne saurait donner lieu ni à critique, ni à interprétation de ce chef, quel que soit par ailleurs le bien-fondé des réflexions de politique sociale ou législative sur la question du mérite d’un système instaurant une assiette large au niveau du superprivilège, affaiblissant d’autant la position des créanciers simplement privilégiés voire chirographaires ;

Considérant que l’argument tiré du plafond fixé par l’article 2101 (2) in fine, égal au sextuple du salaire social minimum de référence n’empêche cependant pas moins que par la force des choses le salarié s’étant vu accorder une indemnité pour préjudice moral faible, à côté d’autres créances salariales peu importantes, aura plus de chances à voir rentrer cette indemnité dans le plafond ci-avant fixé, que le salarié qui, bien que s’étant vu accorder une indemnité consistante du chef d’un préjudice moral afférent constaté au niveau de la rupture de son contrat de travail, à côté d’autres créances salariales également élevées, ne fera pas rentrer cette indemnité sous le plafond en question;

Considérant que le système légal résultant des trois dispositions ci-avant relatées a été confronté par la partie défenderesse aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant l’impôt;

Considérant que l’article 11 (2) de la Constitution dispose que tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi;

Que d’après l’article 111 de la Constitution « tout étranger qui se trouve sur le territoire du Grand-Duché jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi »;

Qu’en tout état de cause le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extra-patrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon (Cour Constitutionnelle 13 novembre 1998, Wagner, arrêt n° 2/98);

Qu’en l’espèce il n’a pas été allégué, et moins encore établi en cause, que Madame PETRI n’aurait pas été traitée de la même façon que ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit qu’elle au regard de la garantie salariale et du plafond y afférent, ce dernier empêchant toute disproportion due à l’admission des indemnités pour dommage moral également par rapport à d’autres créanciers ne justifiant pas du superprivilège, le tout suivant l’application s’imposant au tribunal concernant les textes légaux clairs et précis prévisés;

Que les mêmes conclusions s’imposent au regard de l’article 11 (1) de la Constitution disposant qu’il n’y a dans l’Etat aucune distinction d’ordres, la partie demanderesse ne justifiant pas par ailleurs quel serait l’ordre établi du fait du superprivilège appelé à couvrir également les dommages et intérêts pour préjudice moral issu de la rupture abusive du contrat de travail;

7 Considérant que le fait soulevé que le fonds pour l’Emploi est étoffé par l’argent des contribuables, n’entraîne pas que l’application des textes légaux sous analyse relativement à la garantie salariale ci-avant dégagée engendre une quelconque inégalité, voire un privilège prohibé en matière d’impôts, au voeu de l’article 101 de la Constitution;

Qu’il est encore constant que le tribunal ne saurait se laisser guider par des considérations d’ordre politique ou social concernant le bien-fondé d’une institution aboutissant à garantir un préjudice moral d’un salarié affecté par la faillite de son ancien employeur, lorsque les fonds en question proviennent des impositions prélevées à charge de la collectivité, quel que soit le caractère pertinent de pareils raisonnements, le tribunal étant tenu d’appliquer les dispositions légales claires et précises, quel que soit par ailleurs leur impact d’ordre social ou budgétaire;

Qu’en toute occurrence, il n’y a dès lors pas lieu à question préjudicielle devant le Cour Constitutionnelle, application de l’article 6, alinéa 2 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, considéré en ses points a), b) et c);

Considérant qu’en tout état de cause il échet de relever que le droit communautaire et notamment la directive modifiée CEE 80/987 du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, et plus précisément son article 9, ne porte pas atteinte à la faculté des Etats membres d’appliquer ou d’introduire les dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés que le tronc commun de mesures prévues au niveau communautaire;

Considérant qu’il se dégage des développements qui précèdent que le recours est fondé concernant la non-admission sous le bénéfice de la garantie salariale de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 du montant principal de 20.000.- francs représentant les dommages et intérêts moraux pour licenciement abusif intervenu de la part de son employeur en faillite, la décision déférée étant ainsi à annuler pour violation de la loi;

Considérant que la partie demanderesse a sollicité l’annulation de la décision déférée du 16 avril 1998 dans la mesure où elle a refusé de garantir les dommages et intérêts alloués par le tribunal du travail de Luxembourg dans son jugement du 22 janvier 1997 et ainsi admis au passif superprivilégié de la faillite a qua;

Que ces dommages et intérêts comportaient, outre le principal de 20.000.- francs, les intérêts à partir du jour du dépôt de la demande, 26 avril 1995 jusqu’au 28 mars 1996;

Considérant qu’aucune partie n’a pris position sur la question de savoir dans quelle mesure la garantie salariale prévue par l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989, comporte, au-delà du principal des créances salariales et indemnités de toute nature y visé, également les intérêts accrus jusqu’au jour du jugement déclaratif;

Qu’il échet dès lors, au voeu de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 de rouvrir les débats sur cette question, afin de permettre aux parties d’y prendre position utilement sous le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire;

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

déclare le recours en annulation recevable;

le dit d’ores et déjà partiellement fondé;

partant annule la décision déférée du directeur de l’administration de l’Emploi et renvoie le dossier devant ce dernier dans la mesure de son refus d’admettre sous la garantie salariale de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 le montant principal des dommages et intérêts pour préjudice moral litigieux de 20.000.- francs;

fixe l’affaire pour prosécution de cause concernant la question des intérêts réclamés à l’audience publique du 1er mars 1999;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 janvier 1999 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10800
Date de la décision : 12/01/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-01-12;10800 ?

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