La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/1999 | LUXEMBOURG | N°s10357,10884

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 janvier 1999, s10357,10884


N°s 10357 et 10884 du rôle Inscrits les 8 octobre 1997 et 14 septembre 1998 Audience publique du 6 janvier 1999

=============================

Recours formé par les époux … PHAL et … GINER, … contre l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10357 et déposée le 8 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Monsieur Robert BECK

ER, travaillant auprès de la Fiducaire Becker & Cahen, au nom des époux … PHAL et … GINER, demeurant à L...

N°s 10357 et 10884 du rôle Inscrits les 8 octobre 1997 et 14 septembre 1998 Audience publique du 6 janvier 1999

=============================

Recours formé par les époux … PHAL et … GINER, … contre l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10357 et déposée le 8 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Monsieur Robert BECKER, travaillant auprès de la Fiducaire Becker & Cahen, au nom des époux … PHAL et … GINER, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des contributions directes du 31 juillet 1997 concernant le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1992 émis le 15 février 1996;

Vu la lettre recommandée adressée au tribunal administratif le 18 février 1998 par Monsieur Robert BECKER pour compte de Monsieur et Madame … PHAL-GINER;

Vu la lettre de Maître Michel MOLITOR, avocat inscrit à la liste I de l’ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 1998 pour compte de la fiduciaire Becker & Cahen ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er avril 1998;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10884 et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 1998 par Maître Michel MOLITOR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … PHAL et … GINER, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une part du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’exercice 1992, émis le 15 février 1996, et, d’autre part, d’une décision du directeur de l’administration des contributions directes du 31 juillet 1997 concernant ledit bulletin;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 1998;

1 Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 1998 par Maître Michel MOLITOR au nom des époux … PHAL et … GINER;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin et la décision directoriale critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Michel MOLITOR, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives lors de l’audience publique du 9 décembre 1998.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Les époux … PHAL et … GINER, demeurant à L-…, détiennent ensemble une participation à concurrence de 96% des parts dans la société à responsabilité limitée “ Hôtel X. s. à r.l. ”, ci-après appelée “ la société ”. Lors de l’imposition de cette société, le bureau d’imposition de la section des sociétés compétent a procédé à la fois à une majoration des recettes et à une augmentation du stock de marchandises, engendrant par là une augmentation du bénéfice de la société d’un montant de …- LUF pour l’exercice 1992. Le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1992 des époux PHAL-GINER émis le 15 février 1996 renseigne de son côté l’imposition d’un montant de …- francs au titre de revenu net de capitaux mobiliers, comme représentant plus précisément une distribution cachée de bénéfices de la société. A l’encontre de ce bulletin, les époux PHAL-GINER ont fait introduire, par l’intermédiaire de Monsieur Robert BECKER, travaillant auprès de la fiduciaire Becker&Cahen, une réclamation auprès du directeur de l’administration des contributions directes, ci-après appelé “ le directeur ”, par lettre recommandée du 11 avril 1996. Le directeur ayant rejeté cette réclamation comme étant non fondée par décision du 31 juillet 1997, ils ont fait déférer cette décision au tribunal administratif par requête déposée le 8 octobre 1997 par Monsieur Robert BECKER.

Le représentant étatique conclut à l’irrecevabilité de ce recours, alors que Monsieur Robert BECKER n’aurait pas qualité pour postuler devant le tribunal administratif en matière fiscale et que l’appel en cours d’instance à l’assistance d’un avocat ne pourrait réparer l’absence de requête régulièrement introduite pendant le délai de recours.

En date du 14 septembre 1998, les époux PHAL-GINER ont fait déposer un deuxième recours contre le bulletin d’imposition émis le 15 février 1996 et la décision directoriale y relative du 31 juillet 1997 par l’intermédiaire de Maître Michel MOLITOR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre les deux recours ainsi introduits et d’y statuer par un seul jugement.

Il est constant qu’en vertu du deuxième alinéa du paragraphe 1 de l’article 2 de la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, telle que modifiée par une disposition de l’article 109 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, les justiciables ont la faculté “ d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprise, dûment autorisés à exercer leurs professions, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions 2 directes, … ”. Cette disposition étant entrée en vigueur le 1er janvier 1997, la représentation des justiciables devant les juridictions siégeant en matière de contributions directes est partant réservée, depuis cette date, aux seuls avocats de la liste I, experts-comptables ou réviseurs d’entreprises, dûment autorisés à exercer leurs professions respectives.

Le respect des exigences de forme et de contenu de la requête introductive d’instance, notamment au regard des dispositions de l’article 1er de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 avril 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 de la loi du 7 novembre 1996 précitée, contenant les règles de procédure actuellement applicables devant les juridictions administratives, s’apprécie au jour de l’introduction du recours, toute insuffisance d’un élément essentiel y relatif constituant un vice entachant la requête introductive d’instance, qui ne saurait être ni purgé par un renvoi, ni régularisé dans un mémoire ampliatif.

Le litismandataire des demandeurs, Maître Michel MOLITOR, a précisé lors des débats en l’audience publique du 9 décembre 1998 que Monsieur Robert BECKER n’a pas la qualité d’avocat de la liste I, ni de réviseur d’entreprise, ni d’expert-comptable indépendant. La requête introductive d’instance déposée au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 1997 et signée par Monsieur Robert BECKER ne suffit partant pas aux exigences posées par l’article 1er du règlement de procédure, ensemble l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat.

Etant donné que la représentation valable par un professionnel, même au cas où le particulier est habilité à agir par lui-même, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce, constitue une condition essentielle de validité de la requête introductive d’instance, l’intervention de Maître Michel MOLITOR en tant qu’assistant du représentant du demandeur, la Fiduciaire Becker&Cahen, n’est pas susceptible de régulariser ex post le vice de procédure dont est entachée la requête sous examen et il s’en suit que le recours introduit sous le numéro du rôle 10357 est irrecevable.

Le deuxième recours inscrit sous le numéro du rôle 10884 tend principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une part du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’exercice 1992, émis le 15 février 1996, et, d’autre part, de la décision du directeur de l’administration des contributions directes du 31 juillet 1997 rejetant comme non fondée la réclamation des demandeurs contre ledit bulletin.

Le représentant étatique conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’introduit directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1992, le recours n’étant admis contre le bulletin que lorsque le directeur n’a pas encore statué sur la réclamation. Quant au recours dirigé contre la décision directoriale du 31 juillet 1997, il fait valoir que le droit de recours contre cette décision aurait déjà été exercé par requête du 8 octobre 1997 et que, tant que ce recours serait pendant, il ne pourrait être répété à volonté. Il conclut en outre à l’irrecevabillité du recours pour cause de tardiveté.

En vertu des dispositions de l’article 8 (3) 3 de la loi du 7 novembre 1996 précitée, un bulletin de l’impôt sur le revenu peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite Abgabenordnung, ci-après appelée “ AO ” ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le 3 délai de six mois à partir de la demande. En l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation par décision du 31 juillet 1997, de sorte que le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1992.

Quant à la recevabilité du recours dirigé contre la décision directoriale du 31 juillet 1997, les demandeurs font valoir dans leur mémoire en réplique que le directeur a omis de mentionner les indications sur les dispositions inscrites dans la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat limitant la représentation des justiciables devant le tribunal administratif aux avocats de la liste I, ainsi qu’aux experts-comptables ou aux réviseurs d’entreprise, dûment autorisés à exercer leur profession. Estimant ainsi que l’instruction sur les voies de recours serait incorrecte, ils font valoir qu’en application du paragraphe 246, alinéa 3, AO, aucun délai de recours n’aurait commencé à courir. Subsidiairement, ils font valoir que le délai de recours aurait été interrompu par la requête déposée par Monsieur Robert BECKER en date du 8 octobre 1997.

En vertu des dispositions de l’article 8 (3) 4. de la loi du 7 novembre 1996, le délai pour l’introduction d’un recours à l’encontre d’une décision du directeur de l’administration des contributions directes statuant sur une réclamation au sens du paragraphe 228 AO est de trois mois.

S’il est bien vrai que le paragraphe 246 AO prévoit en son alinéa 3 que le délai de recours ne commence pas à courir lorsque l’instruction sur les voies de recours fait défaut ou est incorrecte, cette disposition ne saurait néanmoins pas être utilement invoquée comme telle en l’espèce, alors qu’elle concerne le bulletin d’impôt et non une décision directoriale intervenue sur réclamation. Le paragraphe 258 AO, en ce qu’il dispose dans son point (1) que “ Bei Zurückweisung des Rechtsmittels soll (der Entscheidung) eine Belehrung, welches Rechtsmittel weiter zulässig ist und binnen welcher Frist und wo es einzulegen ist (hinzugefügt werden) ”, vise par contre plus particulièrement les décisions portant rejet d’une réclamation.

L’autorité qui refuse de faire droit à un recours a l’obligation d’instruire le destinataire sur les voies de recours, aux fins d’éclaircir ce dernier sur la protection qui lui est accordée contre l’illégalité et l’arbitraire de l’administration, étant entendu que souvent le simple citoyen ignore en fait l’instance des voies de recours et la façon de les exercer.

Pour suffire à ce but, l’instruction sur les voies de recours doit partant contenir toutes les informations nécessaires pour permettre à une personne non professionnelle en la matière de savoir comment procéder pour introduire valablement un recours contre la décision en question.

L’instruction sur les voies de recours figurant sur la décision déférée est libellée comme suit: “ Le recours contre cette décision doit être adressé au tribunal administratif à L-1499 Luxembourg, 1, rue du Fort Thüngen, dans le délai de trois mois après la date de la notification.

Le recours contiendra l’exposé sommaire des faits et des moyens et les conclusions ainsi que les noms et les demeures du recourant.

La notification par lettre recommandée est présumée avoir lieu le troisième jour après la remise de la lettre à la poste ”.

4 Les demandeurs reprochent à cette instruction d’être incorrecte dans la mesure où elle ne précise pas quelles sont les personnes habilitées à représenter le recourant devant le tribunal administratif.

La nécessité de préciser au niveau de l’instruction quelles sont les personnes habilitées à représenter le contribuable devant l’instance de recours, est fonction d’une distinction fondamentale tenant à la possibilité accordée au contribuable d’introduire lui-même le recours qui lui est ouvert. Lorsqu’il est en effet obligé, de par la loi, de recourir à l’assistance d’un professionnel pour se faire représenter dans l’instance de recours, sous peine d’irrecevabilité, il est indispensable pour l’instruction sur les voies de recours de contenir des indications précises au sujet des personnes habilitées à assurer cette représentation.

Lorsque le contribuable n’est par contre pas obligé de se faire représenter pour l’introduction d’un recours, à l’instar des demandeurs dans la présente espèce, l’instruction sur les voies de recours est à considérer comme étant complète, lorsqu’elle contient toutes les indications nécessaires pour informer le destinataire sur la voie à suivre lorsqu’il entend agir lui-même et se trouve être le recourant dont les noms et demeures sont à indiquer dans la requête.

Il n’est en effet pas du devoir du directeur de prévoir et de combler toutes les lacunes au niveau des connaissances procédurales qui peuvent se présenter dans le chef d’autres personnes que le recourant lesquelles ne peuvent valablement être que les professionnels ci-

avant énumérés visés à l’article 2 paragraphe 1er de la loi modifiée du 10 août 1991, de sorte qu’en l’espèce l’instruction sur les voies de recours contenue dans la décision directoriale déférée du 31 juillet 1997 est à considérer comme étant conforme aux prescriptions du paragraphe 258 (1) AO, le recourant ayant librement choisi, sans nécessité, de s’adresser à un professionnel.

Pour réfuter le moyen de la tardiveté opposé par le représentant étatique, les parties demanderesses font encore valoir que le délai de recours aurait été valablement interrompu par le dépôt de la requête déposée par Monsieur Robert BECKER en leurs noms au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 1997.

Quant à l’argument du délégué du Gouvernement tendant à l’irrecevabilité du recours introduit le 14 septembre 1998 en application de l’adage “ une seule action pour la même affaire ”, ils rétorquent qu’aucun texte ne leur interdirait d’introduire plusieurs recours contre une même décision en suivant l’adage “ quod abundat non vitiat ”.

Il est constant qu’en droit positif l’impossibilité de reprendre le procès découle de l’autorité de la chose jugée. Tant qu’une demande n’est pas définitivement toisée, le recourant garde la faculté d’introduire une nouvelle procédure relativement au même droit, dans la mesure où il n’est pas forclos à agir par rapport au délai de recours.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il est constant en cause que le premier recours déposé en date du 8 octobre 1997 est irrecevable et ne saurait partant avoir pour effet d’interrompre valablement le délai de recours ouvert contre les actes déférés.

5 La décision déférée datant du 31 juillet 1997, il est patent qu’à la date du dépôt du recours inscrit sous le numéro du rôle 10884, en l’occurrence le 14 septembre 1998, le délai de recours de trois mois était expiré.

Il s’ensuit que le second recours déposé le 14 septembre 1998 est irrecevable pour cause de tardiveté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

joint les deux recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 10357 et 10884;

les dits irrecevables;

met les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 janvier 1999 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s10357,10884
Date de la décision : 06/01/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-01-06;s10357.10884 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award