Numéro 10417 du rôle Inscrit le 19 novembre 1997 Audience publique du 21 décembre 1998 Recours formé par Monsieur … CHARRON, … (F) contre l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10417, déposée le 19 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CHARRON, demeurant à F-…, tendant à la réformation du bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1994 émis en date du 13 avril 1995 par le bureau d'imposition Luxembourg IV, et, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes résultant du silence gardé par ce dernier suite à sa réclamation du 12 mai 1995;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin d’impôt critiqué;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean STEFFEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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A partir du mois d’octobre 1993, Monsieur … CHARRON, ayant demeuré à l’époque à F-N…, a été détaché par son employeur, la BANQUE …, auprès de l’établissement de crédit X. ä Luxembourg. Alors que sa famille est restée établie à N…, Monsieur CHARRON fut logé par l’X. dans un appartement sis à Luxembourg, … Ce détachement a pris fin au mois d’août 1995, moment à partir duquel Monsieur CHARRON a été réintégré au sein de la division internationale parisienne de la BANQUE … Dans sa déclaration de l'impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 1994, Monsieur CHARRON a sollicité l’application de la classe d’impôt 2.2., prétendant ainsi à l’imposition collective avec son épouse et ses deux enfants à charge ayant continué à vivre au foyer familial à N….
Par bulletin de l'impôt sur le revenu du 13 avril 1995, le bureau d'imposition Luxembourg IV a refusé à Monsieur CHARRON l’application de la classe d’impôt 2.2. au motif que « la classe d’impôt 2.2. ne peut être accordée qu’aux contribuables résidents imposables collectivement en vertu de l’article 3 LIR », tout en lui accordant l’abattement pour charges extraordinaires du chef de ses enfants. Le bureau d'imposition a encore ramené le forfait kilométrique du maximum légal déclaré de 117.000 LUF à 36.600 LUF.
Monsieur CHARRON a fait introduire, par sa fiduciaire dûment mandatée à ces fins, une réclamation contre ce bulletin d’impôt par courrier du 12 mai 1995 à l’adresse du prédit bureau d'imposition.
A défaut de réaction de la part du directeur de l’administration des Contributions directes suite à cette réclamation, Monsieur CHARRON a fait introduire, par requête déposée le 19 novembre 1997, un recours en réformation contre le bulletin précité du 13 avril 1995 et, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet résultant du silence du directeur.
Au voeu des dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. et 3.
de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours contre un bulletin de l'impôt sur le revenu en cas de silence du directeur de plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Monsieur CHARRON. Etant donné que la réclamation du 12 mai 1995 était pendante devant le directeur au 1er janvier 1997 et que le recours prévisé a été déposé plus de six mois après cette date, celui-ci a été introduit sous respect des dispositions de l’article 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 précitée. Ce même recours ayant également été déposé dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours contre la décision implicite de rejet du directeur, introduit pour autant que de besoin, est en conséquence sans objet.
Quant au régime d’imposition du demandeur En vue de se voir appliquer le régime d’imposition des non-résidents, Monsieur CHARRON se prévaut d’abord de la circonstance qu’il a été qualifié de résident fiscal français par les autorités françaises et y imposé sur ses revenus mondiaux, dont les revenus provenant de son activité salariée au Luxembourg qui ont été exonérés en France sous réserve de leur prise en compte pour la détermination du taux progressif de l'impôt sur le revenu.
Il fait valoir ensuite que les autorités luxembourgeoises ne sauraient le considérer comme résident luxembourgeois, alors que la convention de non double imposition conclue entre la France et le Luxembourg fixerait un critère autonome de la résidence normale entendue dans le sens du foyer permanent d’habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal, qui l’emporterait sur toutes considérations de droit interne en vertu du principe de prééminence du critère conventionnel. La notion de foyer permanent d’habitation ainsi dégagée « ne saurait s’entendre comme une simple addition arithmétique des jours passés dans l’un des Etats » mais « contient un faisceau d’éléments qui peuvent faire d’un lieu de séjour un foyer permanent pour un contribuable ». Elle suppose, d’après le demandeur, d’abord une certaine permanence qui ferait pourtant défaut en l’espèce au vu de la précarité inhérente à son séjour 2 au Grand-Duché dans un logement mis à disposition par son employeur, tandis qu’il disposait d’une habitation permanente à N… où résidait sa famille et où il retournait à maintes reprises.
Le demandeur se réfère ensuite aux liens personnels et économiques qui, bien que non formellement consacrés comme critère dans la convention entre la France et le Luxembourg, seraient cependant sous-jacents comme critère de la notion du foyer permanent d’habitation. A cet égard, le demandeur renvoie au fait que son épouse et ses enfants vivaient à N… durant toute la durée de son détachement et qu’il disposait d’autres sources de revenus en France, tandis que ses salaires constitueraient son seul revenu de source luxembourgeoise. La conclusion que le demandeur entend voir tirer de ces éléments est celle que son foyer permanent d’habitation serait à localiser durant l’époque litigieuse à N… et qu’il serait dès lors à considérer comme résident français d’après la convention de non double imposition. Le demandeur relève enfin que l’administration des Contributions directes a reconnu l’état des choses tel qu’avancé en lui attribuant dès le début de l’année 1995 une fiche de retenue d’impôt de non-résident.
Le délégué du Gouvernement avance également que « la convention franco-
luxembourgeoise contre les doubles impositions ne règle pas de conflits d’allégeance mais détermine elle-même le champ d’application personnel des règles répartissant le droit d’imposition ». Cette convention ne semblerait concevoir qu’un seul foyer permanent d’habitation et ne viserait le lieu du séjour principal que comme critère subsidiaire. D’après le représentant étatique, le foyer aurait des connotations affectives voire intimes que n’auraient pas la résidence et le lieu de séjour principal imposés par les nécessités du travail, même s’il faut résister à la solution de facilité consistant à localiser toujours le foyer à l’endroit où se trouve le conjoint.
Le tribunal est amené à constater d’abord qu’il ressort des éléments versés au dossier, et notamment d’un avis d’imposition établi par le Centre des Impôts de N… en date du 19 décembre 1995, que le demandeur a été qualifié de contribuable résident français au titre de l’année 1994 par les autorités fiscales françaises.
Au Luxembourg, l’article 2 de la loi modifiée du 7 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », soumet la qualité de contribuable résident à la condition d’avoir son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg. Ces deux notions sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée Steueranpassungsgesetz, en abrégé « StAnpG ».
Le paragraphe 13 StAnpG définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage. Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait (dont) résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (projet de loi 5714, commentaire des articles, ad art. 3).
En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur a eu à sa disposition un appartement sis à Luxembourg, 2, rue Siggy vu Lëtzebuerg, de sorte que la condition de la possession matérielle d’une habitation se trouve être vérifiée dans son chef. Il résulte cependant d’une attestation émise par l’employeur du demandeur datée au 30 avril 1997, versée en cause, que le détachement de ce dernier auprès de l’X. ne devait porter que sur « une période de courte durée ne nécessitant pas le déménagement de la famille ». Il se dégage pareillement des déclarations du demandeur et de son départ immédiat au cours de l’année 1995 dès la fin de son détachement que son séjour au Luxembourg n’était conçu que comme présence précaire 3 pour se confiner strictement à la durée dudit détachement. Malgré la durée effective supérieure à un an et demi du séjour, une intention de conserver et d’occuper de manière permanente une habitation ne saurait ainsi être prêtée au demandeur, de sorte qu’il ne disposait pas d’un domicile fiscal au Grand-Duché au cours de la période litigieuse.
La notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14 StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs. En l’espèce, il est constant que la durée cumulée du séjour effectif du demandeur au Grand-Duché en raison de son détachement auprès de l’X. a dépassé la durée de six mois, les déplacements de courte durée à N… auprès de sa famille et les congés y passés n’ayant pas eu pour effet d’interrompre cette période.
Il s’ensuit des développements qui précèdent que le demandeur a eu, au cours de la période litigieuse, son séjour habituel au Luxembourg, et qu’il doit partant être considéré, conformément à l’article 2 LIR, comme résident luxembourgeois.
Au vu de ce conflit entre les souverainetés fiscales française et luxembourgeoise, il y a lieu de se référer à la convention conclue entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune en date du 1er avril 1958 et approuvée au Luxembourg par une loi du 17 août 1959, ci-après appelée « la convention ».
Il échet de préciser d’emblée qu’une convention préventive de la double imposition tend à opérer la délimitation réciproque des souverainetés fiscales respectives des Etats signataires seulement en ce qu’elle répartit entre eux le droit d’imposition des différentes catégories de revenus, et des différents éléments de fortune, sans en règle générale empiéter sur le régime d’imposition qu’un Etat signataire entend appliquer à une catégorie de revenus pour laquelle le droit d’imposition lui est reconnu. Il s’ensuit que la détermination du domicile fiscal dans une convention n’a pour fonction que de fixer un critère pour faire rentrer les différentes catégories de revenus sous la souveraineté fiscale de l’un ou de l’autre Etat signataire, mais n’est point destinée, sauf renvoi exprès opéré par le droit interne, à influer sur le régime interne d’imposition des Etats signataires (cf. OCDE, Modèle de Convention de Double Imposition sur le Revenu et la Fortune, Paris 1963, commentaire de l’article 4: « Les conventions de double imposition ne se préoccupent pas en général des législations internes des Etats contractants ayant pour objet de définir les conditions dans lesquelles une personne est reconnue, au point de vue fiscal, comme « résident » d’un Etat et est par conséquent assujettie intégralement à l’impôt dans cet Etat. Ces conventions ne précisent pas les critères auxquels doivent répondre les dispositions des législations internes sur le « domicile » pour que les Etats contractants reconnaissent à l’un d’entre eux le droit d’assujettissement intégral. A cet égard, les Etats arrêtent leur position en se fondant uniquement sur leur législation interne », avec la précision que, même s’il s’agit du commentaire d’un modèle de convention datant de l’année 1963, les principes y énoncés ont une portée générale).
S’il est bien vrai que la convention applicable en l’espèce ne formule pas, à l’instar de la convention-modèle OCDE, prévisée, une règle de conflit de lois en cas de dualité de domicile fiscal d’après le droit interne des Etats signataires, mais comporte une définition autonome de ce même domicile fiscal, cette différence reste limitée à la modalité appliquée pour déterminer le domicile fiscal pour les besoins de la convention. Il importe en effet peu que ce domicile soit défini directement par le biais d’une définition autonome, ou indirectement à travers une règle 4 de conflit entre définitions nationales, dès lors que la finalité de la fixation du critère de répartition du droit d’imposition entre les Etats signataires reste la même.
Il s’ensuit que cette différence dans la fixation du critère de répartition du droit d’imposition n’a pas pour effet d’étendre le champ d’application d’une convention et que la définition conventionnelle autonome du domicile fiscal ne se substitue point à la définition de droit interne du domicile fiscal conditionnant l’application de divers régimes d’imposition.
En conséquence, si la jurisprudence a admis relativement à d’anciennes conventions que la fixation du domicile fiscal par une convention prime celle opérée par le droit interne (C.E. 28 juillet 1951, Dieudonné, n° 4856, relative à la convention belgo-luxembourgeoise du 9 mars 1931), il y a lieu d’admettre sous l’empire de la convention sous analyse que la fixation du domicile fiscal conventionnel dans l’autre Etat signataire ne saurait obliger l’Etat dans lequel certains revenus du contribuable visé ont leur source à traiter celui-ci en son droit interne comme non-résident malgré l’existence de certains liens d’allégeance (cf. Bundesfinanzhof, 13 octobre 1965, BStBl. III 1965, p. 738; 31 octobre 1990, BStBl. II 1991, p. 562; HERRMANN, HEUER, RAUPACH, Einkommensteuer-Kommentar, § 1, Anm. 34; Klaus VOGEL, DBA-
Kommentar, édit. 1996, ad art. 4, n° 13).
La convention applicable en l’espèce dispose en son article 2 § 4 que « le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens du foyer permanent d’habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal ».
La notion de foyer permanent d’habitation s’entend du lieu où le contribuable habite normalement, ce logement devant revêtir une certaine permanence et étant fixé en tenant compte de la situation personnelle et familiale du contribuable. En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que le demandeur a résidé durant l’année 1994 au Luxembourg pour les seuls besoins de son poste de travail auprès de l’X. qu’il occupait en raison d’un détachement professionnel. Sa famille continuait durant toute cette période à vivre à N… dans un appartement loué par la Société de Banque et d’Investissement, logement qu’elle occupait depuis l’année 1992 et qu’elle continuait d’occuper au cours de l’année 1995 lorsque le détachement luxembourgeois a pris fin. Il se dégage encore des éléments du dossier que Monsieur CHARRON s’est régulièrement déplacé à N… auprès de sa famille au cours de l’année 1994 et est retourné habiter de façon continue en France à la fin de son détachement.
Enfin, Monsieur CHARRON disposait encore d’autres revenus accessoires de source française.
Ces éléments fournissent des indices suffisants pour considérer que le foyer permanent d’habitation de Monsieur CHARRON au sens de la convention durant l’année d’imposition litigieuse doit être fixé à N…, de sorte que son domicile fiscal au sens de la convention est à localiser en France.
Le Grand-Duché est ainsi l’Etat de source qui est en droit, conformément à l’article 14 § 1 de la convention, d’imposer les revenus d’une occupation salariée exercée sur son territoire d’après les règles de son droit interne.
Etant donné que le demandeur est à qualifier au niveau du droit fiscal luxembourgeois de résident d’après l’article 2 LIR, le bureau d'imposition lui a appliqué à juste titre le régime des contribuables résidents. En l’absence de domicile fiscal luxembourgeois de son épouse et de ses enfants au cours de la période litigieuse, le demandeur ne pouvait pas bénéficier du régime d’imposition collective prévu aux articles 3 et 4 LIR, de sorte que dans cette mesure la classe d’impôt I lui a été correctement appliquée. Il s’ensuit que la demande d’application du 5 régime d’imposition valant pour les contribuables non résidents n’est pas fondée au niveau de la convention et du droit interne luxembourgeois, le traitement fiscal ainsi opéré étant pareillement conforme à la clause de non-discrimination inscrite à l’article 21 de la convention.
Il est constant sur base des développements qui précèdent que le demandeur est mis dans une situation fiscale moins favorable que les frontaliers, travaillant au Luxembourg sans y résider, et que les travailleurs résidents habitant au pays avec leur famille, ces deux catégories de contribuables étant admises, sous certaines conditions, au bénéfice de l’imposition collective et des déductions tenant à la situation personnelle. Alors même que sa capacité contributive subjective a été partiellement prise en compte dans la mesure de la déductibilité des dépenses spéciales, la prise en compte de sa situation de contribuable marié lui a été refusée en raison des règles de la loi sur l’impôt sur le revenu.
La situation fiscale ainsi tracée du demandeur est susceptible de ce fait de rentrer dans le champ d’application du droit communautaire, étant donné qu’en sa qualité de ressortissant communautaire il a fait usage de la liberté de circulation des travailleurs consacrée par l’article 48 du Traité de Rome, de sorte qu’il y a lieu de s’interoger si cette situation, se dégageant de l’application de la convention et du droit interne, constitue une entrave contraire à cette liberté fondamentale consacrée par le droit communautaire.
La Cour de Justice des Communautés européennes a déjà retenu que « l’objet d’une convention telle que celle en cause (convention de double imposition, en l’occurrence celle conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l’Allemagne) est seulement d’éviter que les mêmes revenus soient imposés dans chacun des deux Etats. Il n’est pas de garantir que l’imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans un Etat ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l’autre. Or, il est constant que les conséquences défavorables que pourrait entraîner, en l’occurence, le mécanisme de crédit d’impôt, institué par la convention bilatérale et tel que mis en oeuvre dans le cadre du système fiscal de l’Etat de résidence, découlent au premier chef des disparités entre les barêmes d’imposition des Etats membres en cause, dont la fixation, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, relève de la compétence des Etats membres » (CJCE 12 mai 1998, Gilly, n° C-336/96, non encore publié). La même Cour a néanmoins posé l’exigence qu’un Etat membre, dont un ressortissant communautaire n’est pas résident fiscal mais en tire l’essentiel de ses ressources imposables par une activité salariée y exercée, tienne compte de la situation personnelle et familiale de ce contribuable et lui accorde les avantages fiscaux afférents, dès lors qu’il ne perçoit pas de revenu significatif dans l’Etat de sa résidence qui n’est alors pas en mesure de lui octroyer ces mêmes avantages (CJCE 12 mai 1998, précité; CJCE 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225).
S’il est bien vrai que les deux arrêts précités sont relatifs à la situation d’un frontalier résidant dans un premier Etat membre et retirant des revenus d’un second Etat membre où il exerçait une activité salariée, et donc pas à la situation visée en l’espèce, il n’en reste pas moins que la question du conditionnement de la compétence fiscale des Etats membres engendré par le droit communautaire, tel qu’opéré surtout par l’arrêt prévisé de la Cour de Justice des Communautés européennes du 14 février 1995, est susceptible de se poser également par rapport à une situation telle celle du demandeur.
Dans cette hypothèse, la situation fiscale globale du demandeur et de son ménage doit être clairement établie, afin de pouvoir décider s’il peut bénéficier de la protection communautaire. En l’espèce, une copie de l’avis d’imposition français concernant l’année 1994 6 fait état d’un total de … FRF de revenus de source française du ménage du demandeur. Le montant net, après application des réductions d’impôt, de l'impôt sur le revenu de … FRF, obtenu par application aux revenus imposables en France du taux correspondant aux revenus mondiaux, semble assis sur la prise en compte erronnée du montant en francs luxembourgeois des salaires perçus au Luxembourg et l’omission d’une conversion préalable en francs français.
Le doute subsiste en conséquence si l’application d’un taux effectif au total des revenus après conversion donnera encore lieu à une cote d’impôt positive.
Le tribunal, représentant l’une des autorités étatiques chargées, conformément à l’article 5 du Traité de Rome, d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire, est ainsi tenu de soulever d’office ce moyen de droit. Etant donné que les parties n’ont pas encore pris position quant à l’application éventuelle en l’espèce des principes de droit communautaire ci-
avant visés et que la situation fiscale du demandeur en France est à clarifier le cas échéant, le tribunal ordonne la continuation des débats à une audience ultérieure afin de permettre aux parties, conformément à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, de prendre position utilement.
PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, dit que le domicile fiscal du demandeur au sens de l’article 2 § 4 de la convention conclue entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune en date du 1er avril 1958 se situe en France, et qu’au Luxembourg, Etat de source au sens de la même convention, le bureau d'imposition a correctement, au niveau de l’application de la convention et du droit interne luxembourgeois, qualifié le demandeur de contribuable résident, pour le surplus, avant tout autre progrès en cause, tous droits des parties restant réservés, fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du mercredi 10 février 1999, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 décembre 1998 par:
M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de 7 M. SCHMIT, greffier en chef.
s. SCHMIT s. DELAPORTE 8