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17/12/1998 | LUXEMBOURG | N°10742

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 1998, 10742


1 N° 10742 du rôle Inscrit le 5 juin 1998 Audience publique du 17 décembre 1998

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Recours formé par Madame … FLIDJA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée le 5 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FLIDJA, de nationalité algérienne, résidant actuellement à L-, agissant tant en s

on nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal de son fils adoptif …, tendant à la r...

1 N° 10742 du rôle Inscrit le 5 juin 1998 Audience publique du 17 décembre 1998

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Recours formé par Madame … FLIDJA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée le 5 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FLIDJA, de nationalité algérienne, résidant actuellement à L-, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal de son fils adoptif …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 mars 1998, par laquelle leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été refusée et d’une décision confirmative du 5 mai 1998, prise suite à un recours gracieux du 14 avril 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 1998 au nom de la demanderesse;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Marc ELVINGER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … FLIDJA, de nationalité algérienne et de confession musulmane, est arrivée au Grand-Duché de Luxembourg en date du 30 novembre 1996.

Elle a introduit en date du 11 juin 1997, en son nom propre et pour compte de son fils adoptif …, une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

2 Elle a été entendue le 17 juin 1997 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 26 février 1998, le ministre de la Justice a informé Madame FLIDJA, par lettre du 5 mars 1998, notifiée le 12 mars 1998, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants:

« (…) Vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution en raison de vos convictions politiques ou religieuses qui vous rendrait la vie intolérable dans votre pays.

Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie ».

Suite à un recours gracieux, introduit par le mandataire de Madame FLIDJA le 14 avril 1998, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 5 mai 1998.

Par requête du 5 juin 1998, Madame FLIDJA, tant en son nom propre qu’en celui de son fils adoptif …, a introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 5 mars 1998 ainsi que contre la décision confirmative du 5 mai 1998.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer que depuis l’année 1987, elle aurait eu des problèmes avec son voisin palestinien, habitant comme elle dans un quartier très calme à El Harrach/Alger, ainsi qu’avec les autorités algériennes, auxquelles elle avait dénoncé le comportement suspect du prédit voisin. Elle serait devenue depuis lors l’objet de tracasseries de la part des autorités algériennes et elle aurait dû subir des actions de sabotage de la part d’inconnus. Elle aurait également fait l’objet de menaces, y compris de mort, du fait qu’elle ne portait pas le foulard islamique et parce qu’elle s’adonnait à l’activité professionnelle d’aide soignante.

Compte tenu des menaces qu’elle aurait reçues, elle aurait arrêté ses activités professionnelles au mois de janvier 1996, ce qui serait confirmé par une décision de mise en position de disponibilité versée en cause. Elle fait encore valoir qu’une arme à feu aurait été découverte dans la maison de son voisin palestinien, qui avait entre-

temps quitté sa maison. Cependant, le « gardien » occupant la prédite maison se serait uniquement vu dresser un procès-verbal pour détention d’une « arme blanche », ce qui confirmerait ses soupçons de collusion entre le propriétaire de la maison voisine et les autorités algériennes. En dernier lieu, elle fait valoir qu’elle aurait acquis la conviction qu’elle-même et les autres membres de sa famille qui vivaient encore avec elle dans sa maison, seraient espionnés par une personne liée à l’autorité publique, puisque bien qu’elle aurait dénoncé cette personne à la police du fait que cette dernière ne disposait pas de documents d’identité valables, cette personne aurait de suite été relâchée pour continuer à observer sa maison.

Elle relève finalement dans son recours que le récit tel qu’acté au procès-verbal d’audition du 17 juin 1997 ne parviendrait pas à rendre compte de manière tout à fait complète et satisfaisante du vécu et elle demande dès lors au tribunal de prendre en 3 considération le récit de sa soeur … FLIDJA, que cette dernière a fait publier dans l’hebdomadaire luxembourgeois « Le Jeudi », pour compléter le premier volet des faits relatés par elle. Elle soulève à ce sujet, que sa soeur …, à cause des faits y relatés, avait quitté l’Algérie dès 1987 pour se réfugier en Belgique, puis au Luxembourg.

En ce qui concerne le reproche de la commission consultative pour les réfugiés que son récit serait trop vague et en particulier qu’il ne ferait pas état de noms, force serait de constater que l’agent du ministère qui a procédé à son audition, n’aurait pas demandé à se voir indiquer des noms. En outre, elle estime que la commission consultative devrait tenir compte du fait qu’à des « horizons culturels différents correspondent des modes de récit différents », ainsi que du fait que « pour l’instant personne ne sait dire avec précision ce qui se passe en Algérie et, encore moins, expliquer avec tant soit peu de certitude ce qui s’y passe ». Ainsi, « il n’est pas actuellement possible de porter des jugements certains sur la question de savoir qui est avec le gouvernement et qui est contre lui, et ce y compris s’agissant de ceux qui sont censés être à son service ». Il serait cependant constant qu’elle serait devenue une victime de cette situation dans laquelle il serait difficile de déterminer si les persécutions constatées étaient à attribuer à l’une ou l’autre force présente dans le pays et « si les autorités étaient incapables, respectivement s’abstenaient de protéger la population ». Elle en conclut que le ministre aurait dû prendre en considération sa situation individuelle à la lumière de la situation générale qui règne en Algérie pour lui accorder le statut de réfugié politique.

Elle insiste encore sur le fait qu’elle a dû abandonner son travail à cause des persécutions auxquelles les femmes algériennes seraient exposées si elles s’adonnaient à une activité professionnelle, et que ce fait, à lui seul, devrait suffire à prouver que la vie lui aurait été rendue intolérable « dans un pays dans lequel pour des raisons politiques et d’appartenance au sexe féminin, elle ne pouvait plus, au moyen de son travail, subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de son enfant ».

Elle précise encore, suite à une considération de la commission consultative qui avait noté que « la demanderesse indique avoir collaboré avec les services de sécurité alors que son frère … FLIDJA reconnaît être sympathisant de l’opposition islamiste », qu’il ne serait pas étrange qu’au sein d’une même famille, certains membres adopteraient un comportement « laïque » tandis que d’autres reconnaissent être sympathisants de l’opposition islamiste. Cette situation serait « porteuse de risques et de menaces pour tous les membres de ladite famille qui, de la sorte, se trouve particulièrement exposée des deux côtés du conflit algérien ». Dans ce contexte, elle expose que sa soeur … FLIDJA, après avoir été reconnue comme réfugiée par le Haut Commissariat pour les réfugiés, ci-après « HCR », en Tunisie et après avoir été refoulée vers l’Algérie, nonobstant la reconnaissance du statut, bénéficierait désormais de l’asile territorial en France. Elle souligne que sa soeur en tant qu’artiste « de sexe féminin » aurait été particulièrement exposée dans le conflit algérien et que la situation de sa soeur ne pouvait pas rester sans influence sur la sienne. Dans ce contexte, elle insiste encore sur le fait qu’elle-même et sa soeur auraient pratiquement quitté en même temps l’Algérie pour la Tunisie, à savoir au courant du mois de septembre 1996. Avant sa fuite pour la Tunisie, sa soeur … FLIDJA, qui aurait fait l’objet de menaces et de persécutions en raison de son engagement en qualité d’artiste, se serait temporairement réfugiée, avec ses deux 4 enfants, auprès d’elle et de son frère … FLIDJA. La présence au domicile de sa soeur … aurait aggravé sa situation personnelle ainsi que celle de son frère… Elle estime que « dans la mesure où (son) sort et celui de sa soeur … étaient étroitement liés, le fait que … FLIDJA ait été reconnue comme réfugiée par les autorités mêmes du HCR, ne peut évidement que fortement conforter le bien-fondé de (sa) demande et la crédibilité des faits invoqués à l’appui ».

En ordre subsidiaire et à toutes fin utiles, elle offre de prouver les faits relatés ci-dessus par l’audition de sa soeur … Pour autant que de besoin, et en vue de compléter son récit, elle demande au tribunal de procéder à son audition.

Le délégué du gouvernement expose que la demanderesse se référerait surtout à la situation confuse et trouble qui régnerait en Algérie. Il serait constant que « la situation générale en Algérie est plus que préoccupante. Il n’en demeure pas moins que l’octroi du statut de réfugié est conditionné par la situation personnelle du demandeur d’asile ».

A ce titre, il fait valoir que les craintes de la demanderesse trouveraient leur origine dans une dispute avec un voisin palestinien qu’elle aurait dénoncé aux autorités algériennes. Il semblerait que cette dispute soit à l’origine des différents problèmes que la demanderesse aurait eu par la suite avec les autorités et la police. Il estime cependant que le récit serait assez incohérent et ne renseignerait pas sur le lien susceptible d’exister entre cette dispute de voisinage et les problèmes subis par la suite.

L’épisode avec le « jeune espion » appellerait les mêmes observations.

Il conclut que la valeur des éléments de preuve contenus dans le dossier de la demanderesse et la crédibilité de ses déclarations ne seraient pas telles qu’elles établissent à suffisance de droit une crainte raisonnable de persécution en raison de ses convictions politiques ou religieuses qui lui rendrait la vie intolérable dans son pays d’origine.

Cette constatation ne saurait être énervée par la décision de mise en position de disponibilité versée à l’appui du recours, étant donné que cette pièce ne renseignerait pas sur les persécutions éventuellement subies.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le seul moyen formulé par la demanderesse à l’encontre des décisions entreprises, tiré de ce que le ministre aurait, à tort, retenu que les faits invoqués par elle ne constitueraient pas une crainte de persécution ou une persécution au sens de la Convention de Genève, le tribunal, statuant en tant que juge du fond, procédera à l’évaluation de la situation personnelle de la demanderesse, tout en prenant en considération la situation générale existant dans son pays d’origine. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de la demanderesse.

Concernant la justification, au fond, du refus d’accorder le statut de réfugié politique, il se dégage de l’article premier, section A, paragraphe 2 de la Convention de 5 Genève, que le terme de « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de la dite crainte, ne veut y retourner ».

Comme le délégué du gouvernement l’a relevé à juste titre, la situation en Algérie était très difficile au moment où la demanderesse a quitté son pays, et elle l’est encore actuellement, mais il est de principe que la reconnaissance du statut de réfugié politique se fait sur une base individuelle, en tenant compte des faits et craintes de persécution propres à chaque individu.

La demanderesse indique en premier lieu qu’une maison lui avait été mise à disposition « par son travail » au courant de l’année 1980, cette dernière étant située dans un quartier très calme à Alger. Elle indique qu’elle aurait eu, entre 1987 et 1994, des problèmes avec son voisin palestinien. Lors de son audition du 17 juin 1997, elle avait notamment déclaré qu’« en été 1987, j’ai dénoncé une personne palestinienne qui trafiquait avec tout ce qu’on peut trafiquer (drogues, armes, faux passeports et autres faux documents) ». Elle l’aurait dénoncé à un ami de sa famille qui serait membre du gouvernement. Ce dernier aurait ramené deux agents de la sécurité militaire auxquels elle aurait donné toutes les informations dont elle disposait. Elle aurait alors reçu comme mission de surveiller son voisin, notamment en prenant note des numéros d’immatriculation des voitures qui passaient chez son voisin. Elle aurait ensuite transmis tous les renseignements qu’elle aurait ainsi recueillis aux prédits agents. Elle a encore déclaré qu’ « après avoir donné tous ces renseignements, le Palestinien m’a soupçonné et m’envoya sa femme pour nous provoquer moi ainsi que mes deux soeurs, … et …. La femme du palestinien et ses deux neveux, … et …, ont créé une bagarre et à ce moment la guerre commence entre moi, le Gouvernement et le Palestinien. … A cause de cette bagarre, les policiers ont eu l’occasion de nous convoquer pour nous dire des grossièretés. Après cet événement, les policiers sont venus pendant deux mois avant 8.00 et après 18.00 heures pour nous insulter. Puis ma soeur … et moi-même ont eu des convocations pour aller au tribunal à cause de la bagarre. J’ai montré cette convocation à la Sécurité Militaire et ils m’ont dit qu’il faut y aller, et qu’eux seraient présents, qu’il ne fallait pas avoir peur ». Elle se serait rendue avec sa mère au tribunal où elles auraient été insultées par le procureur qui les aurait menacées de les enfermer en prison. Elle aurait alors envoyé sa mère chercher … qui se serait trouvée chez leur ami … et « qui est de la Sécurité Militaire et qui travaille au tribunal. Après intervention de notre ami, je suis rentrée chez moi et le Palestinien était furieux que nous pouvions rentrer ».

Le Palestinien aurait alors « rassemblé des hommes toute la nuit ». Elle et ses soeurs auraient éteint les lumières pour faire semblant qu’elles dormaient et pour « voir ce qui se passe ». Elles auraient alors découvert une « projection cachée ». Elles auraient téléphoné à leur ami de la « Direction Générale de la Sécurité Nationale », qui aurait envoyé de suite trois agents, mais qui n’auraient pas cru ce qu’elles leur racontaient. Mais ils auraient trouvé « un fil de cuivre tressé par terre et ils l’ont emmené en me disant qu’ils s’en occuperont et qu’ils vont prendre soin de nous. Mais 6 il ne s’est rien passé. Le Palestinien m’avait manipulé le câble téléphonique et comme ça il a entendu toutes mes communications. Ainsi, il a pu prendre ses précautions et le lendemain il a déménagé toutes ses affaires, notamment ses ordinateurs ».

Au début de l’année 1988, le fils de leur « ami du gouvernement » aurait été kidnappé, les agents de la sécurité militaire qui avaient mené l’enquête, auraient disparu et Monsieur … aurait été dégradé.

Elle ajoute encore, qu’à maintes reprises, pendant au moins 2 ans, quelqu’un lui aurait régulièrement coupé le téléphone ainsi que l’eau. Il y aurait aussi eu des coupures de gaz et d’électricité tous les 2 jours. Dans ce contexte, elle a déclare qu’ « on m’avait coupé le fil et manipulé le disjoncteur du gaz qui se situaient à l’extérieur de la maison ». A partir du moment où elle aurait appris à réparer elle-

même les installations, les actions de sabotage auraient diminué progressivement jusqu’à disparaître. Finalement, début 1994, le voisin palestinien aurait « pris la fuite et il a laissé un autre voisin comme gardien de sa maison ».

Concernant la disparition du fils de leur « ami du gouvernement », ainsi que des agents de la sécurité militaire, ces faits restent à l’état de pure allégation et pour le surplus ce ne sont pas des faits qui affectent la situation personnelle de la demanderesse. Les mêmes constatations s’imposent pour la prétendue dégradation dans ses fonctions de leur ami … Après analyse minutieuse du rapport d’audition, ainsi que des pièces déposées par les parties, le tribunal constate que la dispute que la demanderesse soutient avoir eue avec son voisin palestinien est à l’origine des diverses tracasseries qu’elle a subies.

Cependant les faits tels qu’exposés par la demanderesse et les événements qui se sont produits ne permettent pas de conclure à une persécution de la part des autorités du pays en raison de ses convictions politiques ou religieuses et qui lui rendrait la vie intolérable dans son pays d’origine. L’article publié dans un hebdomadaire luxembourgeois par sa soeur … FLIDJA, ayant fui l’Algérie dès 1987, bien que corrobant et complétant le récit de la demanderesse, n’apporte cependant aucun élément nouveau.

La demanderesse n’invoque ni a fortiori ne prouve des menaces concrètes ou des mauvais traitements envers sa personne de la part des autorités du pays. D’ailleurs les tracasseries, dont elle fait état dans le premier volet de sa demande concernant la période 1987 à 1994, avaient cessé depuis plus de deux ans avant qu’elle eût pris la décision de quitter son pays.

Le tribunal conclut que les éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations ne sont pas tels qu’ils établissent à suffisance de droit une crainte raisonnable de persécution en raison d’un des motifs énoncés par la Convention de Genève dans son article premier, section A, paragraphe 2.

Dans le deuxième volet de sa demande, elle expose « qu’en octobre 1988, le terrorisme islamiste a commencé - chaque année il y avait des menaces. J’ai obtenu, comme tout le monde, des lettres de menace, qu’il fallait mettre le foulard et qu’il fallait respecter la foi islamique. J’ai même abandonné pendant 1 an mon travail ».

7 Dans son recours, elle soutient que le fait qu’elle a dû abandonner son poste de travail en 1996, ce qui se dégagerait d’un certificat intitulé mise en position de disponibilité, doit à lui seul être considéré comme lui ayant rendu la vie intolérable dans son pays d’origine.

S’il est vrai qu’une persécution peut être établie, en cas d’existence de circonstances particulières, à analyser dans le chef de chaque individu, si, pour des raisons politiques et d’appartenance à un sexe déterminé, une personne est contrainte de cesser sa relation de travail avec son employeur, il n’en reste pas moins que, dans le cas d’espèce, de telles circonstances particulières ne sont pas établies. En effet, comme la demanderesse le relève elle-même au cours de son audition, tout le monde, à savoir toutes les femmes algériennes ont obtenu des menaces pour qu’elles portent le foulard et respectent la foi islamique. Pour le surplus, elle ne fait, à aucun moment de son audition, état de difficultés qu’elle aurait rencontrées pendant l’exercice de sa profession comme aide soignante dans un hôpital public. La production d’un certificat attestant la mise en position de disponibilité de la demanderesse à partir de l’année 1996, prononcée sur demande de l’intéressée, ne saurait établir à suffisance de droit qu’elle avait fait l’objet de menaces telles qu’elle ne pouvait plus poursuivre son travail. Ce certificat ne saurait dès lors suffire à lui seul pour établir qu’elle craignait avec raison d’être persécutée pour une des raisons énoncées dans la Convention de Genève.

La demanderesse fait valoir en troisième lieu, qu’au début de l’année 1994, elle aurait informé la police que son voisin palestinien aurait pris la fuite et qu’un gardien se trouvait dans sa maison, mais qu’il y avait quand même beaucoup de va-et-vient. Les policiers, lors de la fouille de la maison du voisin, auraient alors trouvé un fusil de chasse. Ils auraient alors battu le gardien en lui disant qu’il resterait toute sa vie en prison. Le gardien aurait cependant été relâché le lendemain en voyant uniquement un procès-verbal dressé à son encontre pour détention « d’une arme blanche » et les policiers lui auraient dit que ce serait sa voisine qui l’aurait dénoncé. La demanderesse conclut dès lors à une « collusion » entre le gardien et les policiers.

Quant au troisième argument invoqué par la demanderesse, il échet de constater qu’elle ne fait pas état d’un préjudice qu’elle aurait subi et elle ne renseigne pas sur le lien susceptible d’exister entre cette « histoire » et la persécution dont elle s’estime être l’objet de la part des autorités du pays. Au contraire, cette histoire confirme que les autorités, sur dénonciation de la demanderesse, sont intervenues et ont confisqué l’arme qu’ils avaient trouvée dans la maison du voisin. Il est constant que les autorités sont libres de laisser en liberté un « gardien » d’une maison dans laquelle ils ont trouvé un fusil de chasse, sans qu’on puisse automatiquement conclure à une conspiration de leur part.

La demanderesse invoque en dernier lieu le fait qu’au mois d’août 1996, vers 23.30 heures, le fils de 13 ans de sa soeur aurait trouvé en face de leur maison « un délinquant ou mendiant de 17-18 ans qui se plaignait qu’il aurait faim et qu’il n’avait pas de place pour dormir. On avait pitié pour lui et (on) l’a emmené chez nous. (…) on lui a demandé sa carte d’identité. D’après ces papiers, il avait 26 ans, mais ces papiers étaient sans cachet, ni empreinte digitale et sans signature de l’intéressé. C’était donc un espion. Le lendemain à la première heure ma soeur l’a 8 emmené au poste de police et elle l’a dénoncé comme délinquant. Mais après 14.00 heures il rodait de nouveau autour de notre maison. On a commencé à avoir peur, sans compter les bombes, des voitures piégés et les menaces que tout le monde obtient. En plus la vie est très, très chère et il y a un manque des soins pour les personnes qui en ont besoin, comme pour mon frère Zine Saddek qui est épileptique ».

Indépendamment de l’absence d’un quelconque élément de preuve apporté par la demanderesse quant à ses déclarations prises dans les quatre volets de sa demande, les craintes exprimées par elle s’analysent en définitive comme l’expression d’un sentiment général d’insécurité.

Le tribunal estime que les faits tels que relatés par la demanderesse, même à les supposer établis, ont certes trait à des pratiques condamnables, mais ne sont pas d’une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. En appréciant globalement la situation de la demanderesse et de sa famille, le tribunal arrive à la conclusion, que la demanderesse n’a pas fait état de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte de persécution pour une des raisons énoncées par la Convention de Genève, de sorte qu’elle n’a pas établi que sa situation spécifique est telle qu’elle laisse présumer un danger sérieux pour sa personne en cas de retour dans son pays.

Concernant le fait que sa soeur … FLIDJA s’est vu accorder le statut de réfugié politique par le HCR en Tunésie, il convient de relever que cette dernière a reçu le statut de réfugié en vertu de sa qualité d’artiste indépendante et comme telle connue en Algérie. Pour le surplus, l’octroi du statut de réfugié est conditionné par la situation personnelle du demandeur d’asile, de sorte que compte tenu des éléments en cause, l’octroi du statut de réfugié à la soeur de la demanderesse est sans incidence quant à l’issue de la demande dans la présente affaire. En effet, concernant l’affirmation de la demanderesse que sa situation se serait aggravée du fait que sa soeur soit venue habiter chez elle avant de quitter l’Algérie, le tribunal constate que la demanderesse n’allègue ni ne prouve un quelconque fait personnel, précis et concret de persécution de ce chef.

Par ailleurs, l’offre de preuve formulée à cet égard, ne tend pas non plus à préciser ou à apporter des éléments nouveaux à la demande d’asile, de sorte qu’elle est à écarter pour être non pertinente et non concluante.

La demande tendant à une instruction complémentaire est également à écarter pour être ni pertinente ni concluante, étant donné que les événements décrits par la demanderesse dans son récit, même à les supposer établis, ne dénotent pas une persécution du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques conformément à l’article premier, section A, paragraph 2 de la Convention de Genève.

Il ressort des considérations qui précèdent, que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation des faits en estimant que la demanderesse n’a pas fait valoir de raisons personnelles de nature à justifier, dans son chef, la crainte d’être persécutée pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention de Genève.

9 Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, rejette l’offre de preuve, rejette la demande tendant à voir ordonner une instruction complémentaire, au fond déclare le recours non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 1998, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10742
Date de la décision : 17/12/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-12-17;10742 ?

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