N° 10383 du rôle Inscrit le 21 octobre 1997 Audience publique du 16 décembre 1998
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Recours formé par Madame … MOUSEL-REUTER contre le ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature
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Vu la requête déposée le 21 octobre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MOUSEL-REUTER, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 3 mars 1997 portant retrait d’une autorisation antérieurement accordée pour la construction d’une étable pour chevaux, ainsi que d’une décision confirmative implicite découlant du silence gardé par le même ministre suite au recours gracieux du 24 avril 1997;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 1998 par Maître Jean-Paul NOESEN pour Madame … MOUSEL-REUTER;
Vu la visite des lieux du 26 novembre 1998;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Paul NOESEN et Messieurs les délégués du Gouvernement Gilles ROTH et Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives lors des audiences publiques des 16 novembre et 7 décembre 1998.
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Par lettre du 10 août 1995, Madame … MOUSEL-REUTER s’est adressée au ministre de l’Environnement pour solliciter l’autorisation d’ériger une étable pour chevaux sur son terrain sis à Sandweiler en zone agricole au lieu-dit “ … ”, inscrit au cadastre de la commune, section A de Sandweiler, sous les numéros 452/60 et 452/61. Après plusieurs échanges de courrier tendant à compléter le dossier administratif, le ministre de l’Environnement, ci-après appelé “ le ministre ”, a accordé, par décision du 3 décembre 1996, l’autorisation sollicitée en l’assortissant de six conditions et en précisant que la construction est à considérer comme faisant partie de l’exploitation agricole existante et que l’autorisation expirerait dès que 1 l’exploitation agricole aurait cessé. L’administration communale ayant signalé au ministre que Madame MOUSEL-REUTER aurait cessé depuis des années son exploitation agricole, ledit ministre a retiré, par décision du 3 mars 1997, l’autorisation préalablement accordée le 3 décembre 1996, au motif que la construction à ériger ne saurait être considérée comme faisant partie intégrante d’une exploitation agricole existante, mais revêtirait le caractère d’un centre d’équitation s’apparentant à une activité de loisir plutôt qu’à une activité agricole.
Madame MOUSEL-REUTER, par l’intermédiaire de son mandataire, a introduit un recours gracieux à l’encontre de cette décision par lettre du 24 avril 1997. A défaut de réaction de la part du ministre, elle a fait déposer en date du 21 octobre 1997 un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 3 mars 1997, ainsi que de la décision confirmative implicite découlant du silence gardé par le ministre depuis plus de trois mois à l’encontre de son recours gracieux du 24 avril 1997.
L’article 38 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles prévoyant un recours au fond contre les décisions prises par le ministre en vertu de cette même loi, le recours principal en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse conclut principalement à une violation de la loi dans le chef de l’auteur des décisions déférées pour cause de tardiveté de la décision de retrait du 3 mars 1997. Elle fait valoir à cet effet que le retrait rétroactif d’une décision ayant créé des droits ne serait possible que pendant le délai du recours contentieux ou durant la procédure contentieuse, de sorte qu’en l’absence, en l’espèce, de recours contentieux introduit à l’encontre de la décision initiale du 3 décembre 1996, le ministre aurait violé l’article 8 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, alors que plus de trois mois se seraient écoulés depuis l’octroi de l’autorisation datant du 3 décembre 1996.
Le délégué du Gouvernement s’est rapporté à prudence de justice.
Il est constant que par décision du 3 décembre 1996, le ministre de l’Environnement, avait accordé à Madame MOUSEL-REUTER l’autorisation d’ériger une écurie sur son terrain sis à Sandweiler au lieu dit “ … ” et faisant partie de la zone agricole telle que renseignée sur le plan d’aménagement particulier concernant l’aéroport et ses environs, arrêté par une décision du Gouvernement en conseil du 14 mars 1986 sur base de la loi modifiée du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire et déclaré obligatoire par règlement grand-
ducal du 31 août 1996.
Cette autorisation étant assortie d’une série de conditions, elle revêt une double nature en ce qu’elle est partiellement créatrice de droits dans la mesure où elle permet la construction d’une écurie, et en même temps équivalente à une décision refusant en partie de faire droit à la requête d’un administré au sens des dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, en ce qu’elle n’est pas pure et simple.
La légalité du retrait d’une décision administrative créatrice de droits est subordonnée non seulement à l’obligation de motivation et à la règle du parallélisme des compétences, des procédures et des formes, mais encore et surtout à deux conditions cumulatives de fond : d’une 2 part, la décision faisant l’objet du retrait ne doit pas être devenue irrévocable et, d’autre part, elle doit être entachée d’un vice d’illégalité.
L’article 8 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 prévoit plus particulièrement que le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision.
La partie défenderesse a signalé lors des débats à l’audience que la décision du 3 décembre 1996 ne contenait pas d’instruction sur les voies de recours ouvertes contre elle, telle que prévue à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, pour soutenir qu’en vertu d’une jurisprudence constante en la matière, il y aurait lieu de considérer qu’aucun délai de recours contentieux n’aurait commencé à courir à son encontre, et que l’administration serait restée en droit d’opérer son retrait même au-delà d’un délai de trois mois.
S’il est vrai que la méconnaissance par l’administration de son obligation d’instruire le destinataire sur les voies de recours, entraîne comme conséquence que ce dernier ne se trouve enfermé dans aucun délai pour attaquer la décision en cause, cette omission ne confère pas pour autant à l’auteur de la décision le droit de procéder, sans limitation dans le temps, au retrait rétroactif de cette même décision, fût-elle illégale, car un tel pouvoir serait de nature à violer le droit du bénéficiaire d’une autorisation de construire de voir fixer sa situation de manière définitive dans un délai raisonnable (Trib. adm. 1.12.1997, n°9696 du rôle, Pas. adm.
2/98, v° procédure administrative non contentieuse, n°46, p.138). Le ministre ne saurait dès lors invoquer la circonstance d’avoir lui-même violé les dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 en omettant d’assortir sa décision du 3 décembre 1996 des mentions prévues par le dit article, pour se prévaloir de la sanction jurisprudentielle attachée à cette même disposition et procéder au retrait de cette décision après l’écoulement du délai contentieux, abstraction faite de la situation d’autres parties intéressées.
En l’espèce, il est constant que la décision d’octroi d’une autorisation de construire à Madame MOUSEL-REUTER datait du 3 décembre 1996, de sorte que la décision du 3 mars 1997 est intervenue dans le délai contentieux de trois mois, étant entendu que lorsqu’un délai est exprimé en mois, il expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de la décision qui fait courir le délai (cf. trib. adm. 20.10.97, n° 9767 du rôle, Pas. adm. 2/98, V° Procédure contentieuse, n° 27, p.145). Il s’en suit que le premier moyen relatif à la tardiveté de la décision déférée n’est pas fondé.
La demanderesse fait valoir en second lieu que le ministre aurait omis de l’informer préalablement de son intention de retirer l’autorisation du 3 décembre 1996, pour conclure à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.
S’il est bien vrai qu’une décision de retrait est soumise à des conditions de délai et de fond particulières prévues à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il n’en reste pas moins qu’elle rentre également dans les prévisions plus générales de l’article 9 dudit règlement, qui confère à la procédure administrative non contentieuse un caractère contradictoire en ce qu’il entend soumettre à la procédure contradictoire certaines catégories de décisions qui sont de nature à affecter les intérêts de la personne concernée.
3 Les règles de la procédure administrative non contentieuse ont en effet vocation, en vertu des dispositions du 2e alinéa de l’aricle 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, d’assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de décision administrative.
Ainsi l’autorité qui se propose de prendre une décision en dehors de toute initiative de la partie concernée, est tenue d’informer celle-ci de son intention en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir et de lui accorder un délai d’au moins huit jours pour présenter ses observations.
Dans la mesure où la décision de retrait déférée opère la révocation d’une décision antérieure ayant reconnu des droits à la demanderesse, elle aurait partant dû être précédée des formalités prévues à l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, sous peine de violer les droits de la défense de la personne concernée.
Le moyen ainsi soulevé ne se trouvant contredit en fait ni par les éléments du dossier, ni lors des débats à l’audience, il y a lieu de retenir que le ministre n’a pas respecté la procédure contradictoire prévue à l’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Il s’ensuit que la décision déférée du ministre du 3 mars 1997, implicitement confirmée par la voie du silence, est à annuler pour être intervenue au mépris de cette exigence fondamentale. L’annulation ainsi intervenue laisse partant subsister dans son intégralité la décision ministérielle initiale du 3 décembre 1996 non autrement mise en cause par ailleurs, étant relevé pour autant que de besoin qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure à l’absence d’exploitation agricole dans le chef de la demanderesse, voire de son fils Paul Reuter, le tribunal ayant pu se rendre compte lors de la visite des lieux du caractère effectif de l’élevage des chevaux poursuivi dans les anciennes étables 10, rue Principale, à Sandweiler.
Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
le dit également fondé;
partant, dans le cadre du recours en réformation, annule les décisions déférées du ministre de l’Environnement;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable;
met les frais à charge de la partie défenderesse.
Ainsi jugé et prononcé en l’audience publique du 16 décembre 1998 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge 4 en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 5