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25/11/1998 | LUXEMBOURG | N°10783

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 novembre 1998, 10783


Numéro 10783 du rôle Inscrit le 1er juillet 1998 Audience publique du 25 novembre 1998 Recours formé par Monsieur … FRANZISKUS, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10783, déposée le 1er juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … FRANZISKUS, …, tendant à la réformation d’une décision du dire

cteur de l’administration des Contributions directes du 20 avril 1998 rejetant sa demande en ...

Numéro 10783 du rôle Inscrit le 1er juillet 1998 Audience publique du 25 novembre 1998 Recours formé par Monsieur … FRANZISKUS, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10783, déposée le 1er juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … FRANZISKUS, …, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 avril 1998 rejetant sa demande en remise gracieuse d’impôt;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur … FRANZISKUS en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

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Par bulletin de l'impôt sur le revenu du 31 mars 1994, le bureau d’imposition de Diekirch a fixé à 4.514.510 LUF la cote d’impôt sur le revenu pour l’année 1990 à l’encontre des époux … FRANZISKUS et …. Le revenu imposable réalisé au cours de cette année comprenait notamment une plus-value provenant de la vente par acte notarié du 26 novembre 1990 de trois terrains pour un prix total de 19.000.000 LUF, dont 16.000.000 LUF versés immédiatement et 3.000.000 LUF à verser au moment de l’octroi de toutes les autorisations requises pour la construction sur ces terrains.

Après avoir obtenu une convention d’amortissement le 5 octobre 1994 et un délai de paiement le 7 février 1995, Monsieur FRANZISKUS a fait l’objet d’une contrainte du 16 mars 1998 lui signifiée le 23 mars 1998.

Par courrier du 15 avril 1997, Monsieur FRANZISKUS a présenté au directeur de l’administration des Contributions directes une demande en remise gracieuse de sa dette d’impôt. Suivant lettre du 20 avril 1998, le directeur l’a informé « qu’au stade actuel de votre dossier une remise gracieuse ne pourra être envisagée. En effet, votre dette envers mon administration s’élève au 15 avril 1998 en ce qui concerne le principal de l’impôt à un montant de 4.320.854 francs. C’est seulement au moment de l’apurement de la dette d’impôt en principal par des versements mensuels réguliers de 24.000 francs que je serai disposé à me prononcer sur une remise gracieuse partielle éventuelle ».

Monsieur FRANZISKUS, tout en se conformant à cette décision en versant au bureau de recette compétent la dite somme depuis le mois de mai 1998, a introduit un recours à son encontre par requête déposée le 1er juillet 1998.

La lettre déférée du directeur du 20 avril 1998, tout en ne revêtant pas la forme usuelle d’une décision directoriale, est à qualifier de décision négative en matière gracieuse, rejetant la requête du demandeur dans l’immédiat et subordonnant une reconsidération future au paiement de mensualités y fixées.

La requête ne spécifiant pas si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre d’après les données de l’espèce que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi. Etant donné que le paragraphe 131 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation ainsi introduit.

Le recours, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est ainsi recevable.

Quant au fond, le demandeur expose à l’appui de son recours qu’il a repris en 1947 une ferme ayant appartenu aux soeurs de sa mère et qu’il y a reconstitué progressivement une exploitation agricole viable. Il a en outre entamé parallèlement l’élevage de chevaux avec le but de développer une infrastructure pour le tourisme équestre avec lequel il entend innover au niveau national.

Face aux nécessités d’investissement engendrées par cette dernière activité, il s’est décidé à vendre un ensemble de terrains d’une surface totale d’environ 3,50 hectares comme places à bâtir et a commencé la procédure d’établissement d’un plan d’aménagement particulier requise à cette fin. Les démarches administratives y relatives entreprises dès le milieu des années soixante-dix se sont avérées difficiles, de sorte que les autorisations nécessaires pour la majorité des terrains ne furent réunies qu’en 1990 et que la vente effective des terrains n’a pu avoir lieu que moyennant l’acte de vente précité du 26 novembre 1990. Sur le prix de vente total de 19.000.000 LUF, il n’a alors touché que 16.000.000 LUF et a dû assigner en 1995 l’acquéreur devant le tribunal civil en paiement du solde de 3.000.000 LUF, en lui reprochant de mettre « tout en oeuvre pour retarder l’obtention des autorisations requises » afin d’empêcher la réalisation de la condition du règlement du solde stipulée dans l’acte de vente prévisé.

Pour satisfaire aux besoins pressants d’investissement malgré les difficultés administratives rencontrées, il a financé ceux-ci avec des fonds empruntés depuis l’année 1985, avec l’intention d’affecter le produit futur de la vente des terrains au remboursement des 2 emprunts contractés. La charge d’intérêts globale cumulée sur les années 1985 à 1994 a ainsi atteint la somme de 7.577.442 LUF.

Le demandeur estime ainsi en premier lieu qu’il serait contraire à l’équité que l’Etat d’un côté lui cause un préjudice financier de quelque 7,5 millions de francs en raison de lenteurs administratives qui lui seraient imputables et lui prélève de l’autre côté sous forme d’impôt une partie des moyens qu’il entendait utiliser pour réduire autant que possible ce même préjudice.

Dans un second ordre d’idées, il expose qu’étant âgé de 70 ans il a transmis l’exploitation agricole et équestre à son fils en 1995, mais a gardé pour lui-même la maison d’habitation, les habitations pour touristes, ainsi que la majorité des terrains agricoles qu’il donnerait actuellement en location à son fils. L’ensemble des revenus de son ménage, se composant d’une rente personnelle de 37.000 LUF, d’une rente dans le chef de son épouse et de quelques revenus accessoires, ne lui permettrait pas de régler une dette fiscale tellement importante, alors même qu’il aurait réussi à apurer toutes ses autres dettes. Il considère encore qu’on ne saurait lui imposer la vente de ses terres, sous peine de priver son fils d’une partie des moyens de production dont dépend son exploitation.

Le délégué du Gouvernement avance quant au premier volet que la charge d’intérêts due aux emprunts est sans relation avec l’imposition de la plus-value réalisée lors de la cession des terrains et que la perception de cet impôt ne se heurte pas à l’équité en raison d’une charge injustifiée antérieure, qui poserait plutôt, le cas échéant, des questions de responsabilité civile de la puissance publique. Quant au second volet de la demande, le représentant étatique admet que les circonstances invoquées seraient, le cas échéant, de nature à engendrer une rigueur subjective, sous condition de voir rapporter des précisions complémentaires sur les revenus et fortune du demandeur.

Au voeu du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ». Une remise gracieuse n’est donc justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur.

Les éléments de l’affaire ne dégagent aucune rigueur objective, l’intention du législateur n’étant manifestement pas de soumettre l’application de la législation fiscale, et plus particulièrement l’imposition de plus-values effectivement réalisées, à des délais de réalisation des immeubles à la base de l’imposition, conditionnés par la cadence de l’obtention des autorisations requises en vue de les rendre constructibles.

S’il est compréhensible d’un point de vue subjectif que ces mêmes délais et conditions aient amené le demandeur à contracter un emprunt, en vue du financement des projets entamés, tout en voyant alourdir la charge afférente avec le temps qui passait, pareils éléments ne sont pas de nature à constituer par eux-mêmes une rigueur subjective, d’autant plus que l’impôt sur le revenu frappant les plus-values devrait amener un contribuable moyennement prudent à réserver la part du produit de vente afférent au paiement dudit impôt. Toute autre façon de procéder relève du libre arbitre du contribuable et ne constitue pas par elle-même une rigueur 3 subjective face à l’impôt échu, à moins que leurs facultés contributives n’aient été affectées de façon dirimante, circonstance que le demandeur reste en défaut d’établir en l’espèce.

La décision directoriale déférée, en imposant avant toute reconsidération quant aux intérêts- ouverture certaine - un règlement par mensualités de 24.000 LUF, répond ainsi aux facultés des époux FRANZISKUS-… qui, d’après les informations complémentaires fournies sur demande du tribunal, ont réalisé en 1997 un revenu imposable d’environ 1 million et sont restés propriétaires de leurs terres. Ces derniers restent par ailleurs libres d’apurer de façon plus accélérée leur dette fiscale, en y imputant notamment tout ou partie du solde de 3.000.000 LUF provenant de la cession prévisée du 26 novembre 1990 qu’ils estiment être susceptible de leur revenir judiciairement. Le demandeur n’a ainsi pas établi l’existence d’une rigueur subjective dans son chef.

Il s’ensuit des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, le déclare cependant non fondé et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 novembre 1998 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10783
Date de la décision : 25/11/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-11-25;10783 ?

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