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23/11/1998 | LUXEMBOURG | N°10829

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 novembre 1998, 10829


N° 10829 du rôle Inscrit le 7 août 1998 Audience publique du 23 novembre 1998

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Recours formé par l'ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES EMPLOYES DE BANQUE ET D'ASSURANCE (ALEBA), Luxembourg, contre le ministre du Travail et de l'Emploi, en présence de Monsieur … DREWS, …, de Monsieur … CASTEGNARO, …., de la CONFEDERATION LUXEMBOURGEOISE DES SYNDICATS CHRETIENS, Luxembourg, de Monsieur … WEBER, Peppange, de Monsieur … SPAUTZ, Schifflange, et de Monsieur … SCHWINNINGER, Steinheim, en matière de convention collective de travail

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Vu la requête déposée le 7 août 1998 au greff...

N° 10829 du rôle Inscrit le 7 août 1998 Audience publique du 23 novembre 1998

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Recours formé par l'ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES EMPLOYES DE BANQUE ET D'ASSURANCE (ALEBA), Luxembourg, contre le ministre du Travail et de l'Emploi, en présence de Monsieur … DREWS, …, de Monsieur … CASTEGNARO, …., de la CONFEDERATION LUXEMBOURGEOISE DES SYNDICATS CHRETIENS, Luxembourg, de Monsieur … WEBER, Peppange, de Monsieur … SPAUTZ, Schifflange, et de Monsieur … SCHWINNINGER, Steinheim, en matière de convention collective de travail

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Vu la requête déposée le 7 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'Association luxembourgeoise des employés de banque et d'assurance, en abrégé ALEBA, association sans but lucratif, avec siège à Luxembourg, 29, avenue Monterey, représentée par son comité d'administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l'Emploi du 14 mai 1998, par laquelle celui-

ci a informé la HYPOBANK INTERNATIONAL, société anonyme, et la VEREINSBANK INTERNATIONAL, société anonyme, de même que les syndicats OGB-L, LCGB, FEP et ALEBA de ce que le plan social relatif à la réduction du personnel découlant de la fusion entre les deux banques prénommées, signé du côté syndical par l'ALEBA, était frappé de nullité pour ne pas être signé par un syndicat nationalement représentatif;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 1998;

Vu la requête en intervention volontaire déposée au greffe du tribunal administratif le même jour par Maître Guy CASTEGNARO, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs … DREWS, demeurant à .., agissant en sa qualité d'employé de banque et de président du syndicat BANQUES ET ASSURANCES de l'OGB-L, établi à L-1648 Luxembourg, 20, place Guillaume, et … CASTEGNARO, employé privé, agissant en sa qualité de président de la confédération syndicale OGB-L, établie à L-4002 Esch-sur-Alzette, 60, boulevard J.-F. Kennedy, Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification de ladite requête en intervention à l'ALEBA et à l'Etat grand-ducal;

2 Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 1998 au nom de la partie demanderesse par Maître Roland MICHEL;

Vu le mémoire en réponse à l'intervention volontaire de MM. DREWS et CASTEGNARO, déposé le même jour au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL;

Vu la requête en intervention volontaire déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 1998 par Maître Georges PIERRET, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la CONFEDERATION LUXEMBOURGEOISE DES SYNDICATS CHRETIENS, en abrégé LCGB, établie à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions, de Monsieur … WEBER, demeurant à …, agissant en sa qualité de président de ladite confédération, de Monsieur … SPAUTZ, demeurant à …, agissant en sa qualité de secrétaire général de ladite confédération, et de Monsieur … SCHWINNINGER, employé de banque, demeurant à …;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification de ladite requête en intervention à l'ALEBA ainsi qu'à Messieurs DREWS et CASTEGNARO;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé le 16 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy CASTEGNARO au nom de MM. DREWS et CASTEGNARO;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Roland MICHEL et Guy CASTEGNARO, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 mai 1998, le ministre du Travail et de l'Emploi adressa respectivement aux sociétés anonymes HYPOBANK INTERNATIONAL SA et VEREINSBANK INTERNATIONAL SA, avec copie aux syndicats OGB-L, LCGB, FEP et ALEBA, une lettre de la teneur suivante:

"Madame, Monsieur, J'ai appris par la voie de la presse que vous auriez signé, avec le syndicat "ALEBA", un "plan social" relatif à la réduction du personnel découlant de la fusion HYPOBANK/VEREINSBANK.

Permettez-moi de vous rendre attentif au fait que ce plan social est frappé de nullité. En effet, le paragraphe (3) de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1993 portant diverses mesures en faveur de l'emploi (licenciements collectifs) dispose que dans le 3 cas d'une entreprise liée par convention collective, les organisations syndicales parties à cette convention doivent signer le plan social.

Or, aux termes de la loi du 12 juin 1965 sur les conventions collectives, seuls les syndicats nationalement représentatifs ont la qualité de pouvoir être partie à une convention collective. L'ALEBA n'a pas cette qualité.

Vous voudrez donc sans délai remettre le plan social à la signature des syndicats nationalement représentatifs parties à la convention collective qui vous lie.

Veuillez agréer, …" Estimant que dans cette lettre, le ministre en question a pris deux décisions, à savoir premièrement, celle de déclarer nul le plan social signé le 24 avril 1998 entre les directions respectives de la HYPOBANK et de la VEREINSBANK, d'une part, et les délégations du personnel et les membres du comité mixte d'entreprise des deux banques ainsi que de l'ALEBA, d'autre part, et deuxièmement, celle de dénier à l'ALEBA la qualité pour être partie à une convention collective, l'ALEBA a fait introduire, par requête déposée le 7 août 1998, une requête tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation des deux décisions préqualifiées.

Le délégué du gouvernement estime que la demanderesse doit préalablement signifier son recours aux deux banques et trois autres syndicats concernés, qui sont à considérer comme des tiers intéressés au sens du règlement de procédure applicable devant le tribunal administratif. Il dénie ensuite à l'ALEBA la capacité d'ester en justice au motif qu'elle n'a pas respecté les formalités prévues par la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et fondations sans but lucratif pour pouvoir se prévaloir en justice de la personnalité juridique. Il conclut par ailleurs à l'irrecevabilité tant du recours en réformation, au motif qu'aucun texte de loi ne prévoit un tel recours en la matière, que du recours en annulation, au motif que la lettre ministérielle du 14 mai 1998 ne contient pas de décision administrative de nature à faire grief.

Par requête du 14 octobre 1998, Messieurs … DREWS, agissant en ses qualités d'employé de banque et de président du syndicat BANQUES ET ASSURANCES de l'OGB-L, et … CASTEGNARO, agissant en sa qualité de président de la confédération syndicale OGB-L, ont déclaré intervenir dans le litige opposant l'ALEBA et l'Etat et demandent au tribunal, principalement de se déclarer incompétent pour connaître du litige et de déclarer "dès lors" le recours irrecevable dans la mesure où la lettre ministérielle du 14 mai 1998 ne constituerait pas une décision administrative susceptible d'un recours contentieux, subsidiairement de déclarer le recours irrecevable pour défaut de qualité ou d'intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, plus subsidiairement de débouter celle-ci de sa demande en raison du défaut de représentativité au plan national, et en ordre tout à fait subsidiaire de la débouter en raison du fait qu'elle viole le principe de la liberté syndicale ainsi que le principe du libre exercice de cette liberté par chaque travailleur.

Par requête du 12 novembre 1998, la CONFEDERATION LUXEMBOURGEOISE DES SYNDICATS CHRETIENS, en abrégé LCGB, Monsieur … WEBER, agissant en sa qualité de président de ladite confédération, 4 Monsieur … SPAUTZ, agissant en sa qualité de secrétaire général de ladite confédération, et Monsieur … SCHWINNINGER ont déclaré à leur tour intervenir dans le litige et demandent au tribunal de déclarer le recours irrecevable, sinon non fondé.

Le tribunal doit examiner en premier lieu sa compétence par rapport aux deux décisions administratives ainsi qualifiées par la demanderesse, dont celle-ci demande la réformation sinon l'annulation.

En vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95 bis, (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge.

En l'espèce, la contestation porte sur la validité d'un plan social préalable à un licenciement collectif, conclu conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1993 portant diverses mesures en faveur de l'emploi.

Un plan social s'analyse en une convention élaborée entre l'employeur et les représentants des travailleurs, et un licenciement collectif effectué dans la suite constitue la résiliation de contrats de travail; un litige concernant la validité du plan social ou du licenciement collectif a partant comme objet des droits civils qui sont de la compétence des juridictions judiciaires. C'est ainsi que l'article 7, (8) de la loi du 23 juillet 1993, précitée, permet au travailleur licencié en méconnaissance des exigences légales concernant l'élaboration du plan social, de saisir le président de la juridiction du travail pour demander sa réintégration dans l'entreprise, et il appartient à ce magistrat de l'ordre judiciaire de se prononcer sur la validité du plan social.

Il suit de ce qui précède que le tribunal administratif est incompétent pour connaître de la demande en réformation, sinon en annulation de la décision alléguée concernant la nullité du plan social conclu le 24 avril 1998.

L'affirmation, par le ministre du Travail et de l'Emploi, que le syndicat ALEBA ne serait pas représentatif au plan national, s'inscrit dans le cadre de la première affirmation, selon laquelle le plan social serait frappé de nullité, dont elle constitue une condition. En effet, l'article 7, (3) de la loi du 23 juillet 1993, précitée, dispose que sont à considérer comme représentants des travailleurs habilités à conclure le plan social, dans les entreprises liées par une convention collective de travail, outre les délégués du personnel et les comités mixtes s'il en existe, les organisations syndicales parties à cette convention. En vertu de l'article 2 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail, seules les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national peuvent être parties, du côté des travailleurs, à une convention collective.

5 Le ministre n'a donc pas pris une décision autonome déniant à la demanderesse la représentativité sur le plan national, mais il a affirmé une telle absence de représentativité dans le cadre de son constat de nullité du plan social du 24 avril 1998, dont la connaissance échappe au tribunal administratif, ainsi qu'il vient d'être dit ci-

avant.

Il reste à examiner si la décision alléguée concernant la représentativité sur le plan national constitue un acte administratif détachable de l'acte juridique à caractère civil dans le cadre duquel elle est intervenue, et relevant comme telle de la compétence du tribunal administratif.

La juridiction administrative reste compétente pour connaître de la régularité d'un acte de nature administrative intervenant comme préalable au support nécessaire à la réalisation d'un rapport de droit privé (Cour administrative 12 mars 1998, Pas. adm.

n° 2/98, V° Compétence, n° 25).

En l'espèce, la constatation, par le ministre du Travail et de l'Emploi, de la représentativité au plan national du syndicat ALEBA, ne constituait pas un préalable nécessaire à la réalisation d'un plan social.

Il est vrai que respectivement une telle constatation ou la constatation de l'absence de représentativité au plan national ont un effet direct concernant l'applicabilité d'une convention collective de travail, l'article 3 de la loi du 12 juin 1965, précitée, disposant que le ministre du Travail peut refuser le dépôt d'une convention collective de travail conclue entre parties qui n'ont pas qualité, un tel dépôt étant une condition d'applicabilité de la convention, et la loi prévoyant par ailleurs un recours en réformation, devant le juge administratif, contre un tel refus de dépôt. - Un tel constat ne constitue cependant pas un préalable nécessaire à la réalisation d'un plan social, étant donné qu'au moment de l'élaboration d'un tel plan, la question de la représentativité au plan national a déjà été résolue, moyennant l'acceptation ou le refus du dépôt de la convention collective liant l'entreprise.

Il suit de ce qui précède que l'affirmation, par le ministre du Travail et de l'Emploi, que l'ALEBA est dépourvue de représentativité au plan national, ne constitue pas un acte détachable dont la connaissance relèverait à ce titre de la compétence du tribunal administratif.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le tribunal administratif est incompétent pour connaître de l'ensemble de la demande.

Etant donné son incompétence à connaître de la demande principale, il est également incompétent pour connaître des demandes en intervention.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal et des demandes en intervention, 6 condamne la demanderesse aux frais de la demande principale, condamne chacune des parties intervenantes aux frais de sa demande d'intervention.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 23 novembre 1998 par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, en présence de M. Legille, greffier, s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10829
Date de la décision : 23/11/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-11-23;10829 ?

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