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19/11/1998 | LUXEMBOURG | N°10548

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 1998, 10548


N° 10548 du rôle Inscrit le 3 février 1998 Audience publique du 19 novembre 1998

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Recours formé par Monsieur … DE MARCH et Madame … GOEBBELS contre l’administration communale de la Ville de Luxembourg en présence de la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l.

en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 1998 p

ar Maître Paule KETTENMEYER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

N° 10548 du rôle Inscrit le 3 février 1998 Audience publique du 19 novembre 1998

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Recours formé par Monsieur … DE MARCH et Madame … GOEBBELS contre l’administration communale de la Ville de Luxembourg en présence de la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l.

en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 1998 par Maître Paule KETTENMEYER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de Monsieur … DE MARCH, …, et de son épouse, Madame … GOEBBELS, …, demeurant ensemble à …, tendant à l’annulation de deux décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, l’une datée du 24 septembre 1997, par laquelle un accord de principe a été accordé à la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l., établie et ayant son siège social à …, en vue de la construction d’un immeuble à caractère résidentiel sur un terrain sis … à Luxembourg, section EB de …, n° 289/2703 du cadastre, et l’autre confirmant implicitement la décision initiale, à la suite d’un recours gracieux du 17 octobre 1997;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, des 10 et 12 février 1998, portant signification de ce recours respectivement à la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l. et à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 1998 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 11 mars 1998, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … DE MARCH et à son épouse, Madame … GOEBBELS, ainsi qu’au bourgmestre de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en duplique, déposé le 14 avril 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Paule KETTENMEYER, préqualifiée, aux noms des demandeurs;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, préqualifié, du 14 avril 1998, portant signification de ce mémoire en réplique à la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l., ainsi qu’au bourgmestre de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 1998 par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, préqualifié, des 8 et 10 juillet 1998 portant signification de ce mémoire en réponse respectivement à la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l. et à Monsieur … DE MARCH ainsi qu’à son épouse, Madame … GOEBBELS;

Vu le mémoire en triplique, intitulé mémoire en réplique, déposé le 21 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Paule KETTENMEYER, préqualifiée, aux noms des demandeurs;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, préqualifié, du 28 septembre 1998, portant signification de ce mémoire en réplique au bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée HAMUN s.à r.l.;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé le 9 octobre 1998;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Annick BRAUN, en remplacement de Maître Paule KETTENMEYER, Jean MEDERNACH et Edmond DAUPHIN en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … DE MARCH et son épouse, Madame … GOEBBELS habitent une maison unifamiliale de type bungalow qui a été construite sur un terrain situé au numéro … à … et dont ils sont propriétaires. Ce terrain est situé en aval de deux parcelles d’un terrain ayant appartenu à Monsieur et Madame … AGNES-STRASSER et qui appartient actuellement à la société à responsabilité limitée HAMUN, dénommée ci-après « HAMUN ».

Avant la modification, en 1991, du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, dénommé ci-après le « PAG », les terrains en question étaient classés dans une zone dans laquelle seule la construction de maisons unifamiliales pouvait être autorisée.

Par l’effet des modifications qui ont été apportées au PAG en 1991, les terrains en question sont actuellement classés en zone d’habitation 2, permettant d’accueillir, sous certaines conditions, des immeubles à appartements. A l’époque de l’introduction du nouveau PAG, une réclamation n’avait pas été introduite contre le reclassement de ces terrains.

Au début de l’année 1991, Monsieur AGNES a effectué un terrassement (remblai) important sur ses terrains situés aux abords de la ….

Le 16 octobre 1991, Monsieur et Madame AGNES-STRASSER ont introduit une demande auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en vue de l’aménagement d’un ensemble de terrains représentant trois places à bâtir sis aux abords de la … à Luxembourg. Le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, dénommé ci-après « le bourgmestre », a fait droit à cette demande en autorisant l’aménagement en question par décision du 20 mai 1992 en précisant toutefois au point 10 de son autorisation qu’ « avant 2 leur mise en valeur [les propriétaires doivent] redonner aux terrains leur niveau naturel tel qu’il existait avant le remblai faisant l’objet de la présente autorisation ».

Par lettre du 5 juin 1992, le bourgmestre a informé Monsieur et Madame … DE MARCH-GOEBBELS, qu’il venait d’accorder à Monsieur … AGNES une autorisation pour l’aménagement de sa propriété moyennant un remblayage et « sous condition qu’il redonne aux terrains leur niveau naturel au moment de leur mise en valeur ».

Le bourgmestre rappela à Monsieur DE MARCH, par lettre du 8 octobre 1992, d’un côté que Monsieur AGNES avait aménagé un remblai sur son terrain sis …, …, et, d’un autre côté, « qu’en cas de construction sur une des deux parcelles, le terrain devra être ramené à son niveau initial ».

Par décision du 17 novembre 1995, le bourgmestre autorisa Monsieur et Madame … AGNES-STRASSER à morceler le terrain leur appartenant, inscrit au cadastre sous le numéro 289/2703, section EB de …, sis aux abords de la … à …, en exigeant, parmi les conditions posées, le rétablissement des lieux dans leur pristin état, en les obligeant à ramener le terrain à son niveau naturel comme prescrit dans la condition numéro 10 de l’autorisation précitée du 20 mai 1992.

Par lettre du 27 mars 1996 adressée par le bourgmestre à Monsieur et Madame … DE MARCH-GOEBBELS, ces derniers furent informés, une nouvelle fois, que l’autorisation de morceler le terrain inscrit sous le numéro cadastral 289/2703 avait été accordée en date du 17 novembre 1995 à Monsieur AGNES sous la condition expresse « de rétablir les lieux dans leur état pristin en ramenant le terrain à son niveau initial » et le bourgmestre précisa à cette occasion que « la Ville veillera au respect de cette condition ».

Par décision du 24 septembre 1997, le bourgmestre donna son accord de principe à HAMUN, en vue de la construction d’un immeuble à caractère résidentiel sur un terrain sis … à Luxembourg, situé entre les propriétés de Monsieur et Madame … WAGNER-SCHNELL, demeurant au numéro … de la … et de Monsieur et Madame DE MARCH-GOEBBELS. Cette décision fut portée à la connaissance du mandataire de Monsieur et Madame DE MARCH-

GOEBBELS par lettre recommandée du 26 septembre 1997.

Monsieur et Madame DE MARCH-GOEBBELS ont introduit, par lettre recommandée datée du 17 octobre 1997, un recours gracieux contre la décision précitée du 24 septembre 1997.

Ce recours gracieux resta sans réponse.

Monsieur et Madame DE MARCH-GOEBBELS ont fait déposer en date du 3 février 1998 un recours tendant à l’annulation principalement de la décision du bourgmestre du 24 septembre 1997, précitée, et subsidiairement de la décision implicite de confirmation de la décision initiale, suite au recours gracieux introduit le 17 octobre 1997.

Aux termes de l’article 6, alinéa 2, de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur devant les juridictions administratives en vertu de l’article 98 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, il ne pourra y avoir plus de deux requêtes de la part de chaque partie y comprise la requête introductive d’instance. Il s’ensuit que le mémoire en triplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 3 1998 par le mandataire de Monsieur et Madame DE MARCH-GOEBBELS n’est pas à prendre en considération et n’entrera pas en taxe.

QUANT A LA RECEVABILITE.

HAMUN fait valoir que les demandeurs omettraient de justifier la lésion d’un intérêt légitime au motif qu’en leur qualité de voisins de la construction projetée, ils devraient tolérer non seulement la destination mais également l’implantation, les volumes et les plans d’exécution de celle-ci, à partir du moment où ceux-ci répondent au PAG et au règlement sur les bâtisses de la commune, ce qui serait le cas en l’espèce.

Les demandeurs soutiennent de leur côté que les voisins directs du bénéficiaire d’une autorisation de construire disposeraient toujours d’un intérêt pour agir, en arguant encore qu’en l’espèce la construction projetée ne serait conforme ni à la loi ni aux engagements pris antérieurement par la commune et qu’elle risquerait de leur causer de ce fait un préjudice considérable.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. S’il est vrai que les proches voisins ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation ne constitue qu’un indice pour l’intérêt à agir, alors qu’elle ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner l’aggravation concrète de la situation de voisin dans le chef de la partie demanderesse en question (Cour adm. 24 juin 1997, WERTHEIM, Pas. adm. 02/98, V° Procédure contentieuse n° 4 et autres références y citées).

En se basant sur des considérations de vue tirées d’arguments relatifs au recul et à l’implantation de la construction du titulaire d’une autorisation de construire, les voisins directs et immédiats, dont la construction se trouve dans le champ de vision réciproque par rapport à celui du titulaire du permis de construire, justifient d’un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur, dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver leur situation de voisins, leur intérêt ne se confondant pas avec l’intérêt général ( trib. adm. 20 octobre 1997, Pas. adm. 02/98, V° Procédure contentieuse n° 6 et autres références y citées).

En l’espèce, les demandeurs font état de violations de règles d’urbanisme par respectivement la commune et HAMUN, qui sont de nature à aggraver leur situation de voisins, de sorte qu’ils ont à cet égard un intérêt à agir. Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

QUANT AU FOND.

Les demandeurs soutiennent d’abord que les décisions attaquées ont été prises en violation de la partie écrite du PAG et de décisions administratives antérieures, en ce que le terrain sur lequel la construction est projetée ne pourrait pas être considéré comme constituant une place à bâtir, dans sa configuration existant au moment où l’autorisation a été accordée. Ils sont d’avis qu’il ne suffit pas que le terrain soit classé dans une zone permettant d’accueillir un certain type de construction, mais qu’il faudrait encore que la configuration elle-même du terrain soit de nature à permettre une telle construction.

Ils font valoir qu’en l’espèce le terrain litigieux n’aurait pas une telle configuration, alors qu’il serait au moins en partie couvert d’un remblai autorisé par une décision du 4 bourgmestre du 20 mai 1992. Ils rappellent dans ce contexte que l’autorisation du bourgmestre a été accordée sous la condition expresse qu’avant la mise en valeur du terrain, le propriétaire devrait le remettre dans son pristin état, tel qu’il existait avant les travaux de remblai, avant qu’une construction ne puisse y être érigée. Comme le remblai se trouverait toujours sur le terrain en question, ils estiment qu’avant toute autorisation de construction à émettre par le bourgmestre, ledit remblai devrait être enlevé. Ils relèvent encore que cette condition de déblaiement a été rappelée notamment dans une autorisation de morcellement du 17 novembre 1995 ainsi que dans des courriers qui leur ont été adressés en leur qualité de riverains du terrain appartenant à HAMUN. Ils se basent sur ces courriers, datés des 5 juin 1992, 8 octobre 1992 et 27 mars 1996, pour soutenir que le bourgmestre aurait pris un engagement formel vis-

à-vis d’eux, en ce qu’il leur aurait promis qu’il veillerait au respect de la condition n° 10 figurant dans l’autorisation de remblai accordée le 20 mai 1992 aux époux AGNES-

STRASSER.

Ils soutiennent plus particulièrement que, d’après les pièces et plans qui sont à leur disposition, la construction projetée par HAMUN reposerait en fait sur une partie des remblais se trouvant actuellement sur le terrain litigieux.

Sur base des considérations qui précèdent, ils sont d’avis que l’autorisation attaquée du 24 septembre 1997 a été prise en violation de la loi dans la mesure où elle ne précise pas que le terrain litigieux doit être rétabli dans son pristin état avant d’accueillir la construction projetée.

Ils demandent en conséquence au tribunal d’ « imposer » à HAMUN la remise du terrain en son pristin état ainsi que la modification des plans de construction afin de les rendre conformes au PAG.

En ce qui concerne la demande tendant à obtenir la condamnation de HAMUN en vue de la remise du terrain litigieux en son pristin état ou de la modification des plans de construction, il échet de constater que le tribunal administratif n’est pas compétent pour juger une telle demande.

HAMUN conteste l’argumentation présentée par les demandeurs en expliquant que le déblaiement serait effectué lors des travaux de terrassement qu’imposerait la construction du nouveau bâtiment.

C’est à bon droit que la commune conclut au rejet de ce moyen au motif que les autorisations précitées des 20 mai 1992 et 17 novembre 1995 n’imposent pas le rétablissement du niveau naturel du terrain avant la délivrance d’une quelconque autorisation de construire. Il ressort en effet des décisions en question que le déblaiement du terrain ne doit se faire qu’avant l’implantation proprement dite de la construction. Or, en l’espèce, le tribunal constate, sur base des plans qui ont été versés au dossier et plus particulièrement de la coupe d’implantation établie par Monsieur Dominique BOUTAY, architecte, en date du 31 octobre 1997, qu’à l’emplacement de la construction projetée non seulement le remblai autorisé en 1992 sera entièrement enlevé mais qu’en outre le bâtiment sera posé en- dessous du niveau du terrain naturel ayant existé avant le remblai précité. Par conséquent, c’est à tort que les demandeurs prétendent que la construction projetée serait posée sur le terrain tel qu’il existe actuellement et qu’un déblaiement ne serait pas prévu. Par ailleurs, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire qui autoriserait l’administration communale à exiger de la part du maître de l’ouvrage un déblaiement du terrain sur lequel la construction projetée sera implantée avant même l’obtention d’une autorisation de construction. L’administration communale a pour seule obligation de vérifier si la construction, telle qu’elle résulte des plans lui soumis en vue de l’obtention d’une autorisation de construire, est conforme à la fois au PAG et au règlement des bâtisses et, en l’espèce, elle doit vérifier, conformément aux conditions antérieurement fixées 5 en vue de l’implantation d’une construction sur le terrain litigieux, que le remblai autorisé en 1992 soit enlevé avant que les travaux ne soient entamés. Il ressort du même plan versé au dossier du tribunal, que la condition n° 10 figurant dans l’autorisation du bourgmestre du 20 mai 1992, a bien été respectée.

C’est encore à tort que les demandeurs font état de ce que le bourgmestre aurait pris un engagement direct à leur égard en ce qui concerne le respect de la condition n° 10 de l’autorisation précitée du 20 mai 1992, alors que le bourgmestre n’a fait qu’informer les demandeurs des conditions sous lesquelles une autorisation a été émise en faveur d’un tiers.

Les moyens afférents présentés par les demandeurs sont partant à rejeter.

Les demandeurs critiquent encore les autorisations attaquées en ce qu’elles permettraient au maître de l’ouvrage d’élever la façade de la construction projetée respectivement à 11 mètres et à 10,5 mètres, en violation de l’article A.2.4 du PAG, qui limite la hauteur de façade à 8,5 mètres. Ils soutiennent que ce serait à tort que le bourgmestre aurait fait application de l’article A.0.3.b. du PAG, qui l’autorise à déroger à la disposition précitée de l’article A.2.4 au cas où les terrains devant accueillir la construction accusent une forte déclivité ou s’ils sont situés aux abords d’une rue à forte déclivité, dans la mesure où les conditions posées par cette disposition ne seraient pas remplies en l’espèce. Dans ce contexte, les demandeurs insistent à ce que le niveau du terrain naturel ayant existé avant le remblai autorisé en 1992 soit pris en considération afin d’apprécier si les conditions prévues par ladite dérogation sont remplies en l’espèce.

HAMUN riposte à cette critique en rappelant d’une part que le bâtiment projeté serait construit sur le terrain ramené à son niveau naturel et en ajoutant d’autre part que non seulement le niveau naturel du terrain accuserait une déclivité très forte mais qu’en outre l’aire urbaine desservie par la … serait fort accidentée et présenterait des différences de niveau très prononcées. Le fait d’accorder la dérogation prévue par la disposition précitée A.0.3.b relèverait par ailleurs de la seule appréciation du bourgmestre.

La commune conclut également que ce serait à bon droit que l’article A.0.3.b a été appliqué au motif qu’il résulterait des plans versés que non seulement la voie desservante, la …, mais qu’en outre et surtout les terrains litigieux présenteraient une très forte déclivité.

Par ailleurs, les demandeurs reprochent aux décisions attaquées d’avoir autorisé le promoteur du projet à installer la construction à respectivement à 8, 9 et 10 mètres par rapport à la …, en violation de l’article A.0.2a) alinéa 1er du PAG. Ils estiment en effet que la dérogation prévue par l’alinéa 2 de la même disposition ne pourrait trouver application en l’espèce alors qu’une telle dérogation augmenterait inutilement la nuisance de l’immeuble projeté pour les demandeurs.

HAMUN fait exposer que la dérogation prévue à l’alinéa 2 de l’article A.0.2a) du PAG se justifierait du fait que la construction projetée pourrait ainsi s’intégrer d’une manière harmonieuse dans l’ensemble des constructions bordant la …. Cet argument est également partagé par la commune qui expose que les constructions figurant sur les deux terrains adjacents au terrain litigieux, qui ont toutes été érigées sous une réglementation différente, antérieurement au PAG actuellement en vigueur, accuseraient toutes les deux un recul par rapport à la rue nettement supérieur à 5 mètres dans la mesure où les deux bâtiments en question seraient situés à une distance d’environ 14 mètres par rapport à la rue. Elle fait encore exposer que c’était à la demande expresse de l’administration communale que HAMUN aurait accepté de modifier l’implantation de sa construction et d’augmenter ainsi le recul de celle-ci 6 afin de se rapprocher de l’alignement des constructions WAGNER et DE MARCH et pour ainsi fournir un raccord valable avec ces deux immeubles existants et d’assurer une meilleure intégration au tissu urbain avoisinant.

Le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, sinon violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.

En principe, l’appréciation des faits échappe au juge de la légalité, qui n’a qu’à vérifier l’exactitude matérielle des faits pris en considération par les décisions attaquées. Il ne peut que vérifier si les faits sur lesquels s’est fondée la commune sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Il appartient donc au tribunal d’examiner si les faits sur lesquels le bourgmestre s’est basé sont matériellement établis et si ces derniers ont valablement pu justifier la décision attaquée.

En ce qui concerne le reproche tiré d’une violation de l’article A.2.4 du PAG, il échet de relever que celui-ci dispose que « les constructions ne peuvent comporter plus de deux niveaux pleins, caves et garages exclus; la hauteur de façade sur rue ne peut être supérieure à 8 mètres et demi … ». Il peut être dérogé à cette règle générale, en application des conditions posées par l’article A.0.3.b du PAG en vertu duquel «une augmentation ou une diminution de la hauteur de construction peut être autorisée ou imposée pour les constructions implantées dans des terrains ou aux abords d’une voie à forte déclivité… ».

Le tribunal est partant amené à vérifier si le bourgmestre a fait une correcte application de la dérogation en question en autorisant le maître de l’ouvrage de la construction projetée à élever la façade de l’immeuble à une hauteur supérieure de 8,5 mètres, telle que prévue par l’article A.2.4 du PAG.

Il appartient donc au tribunal de vérifier si la commune s’est fondée sur des faits matériellement exacts en vue d’accorder la dérogation prévue par l’article A.0.3b précité. Il s’agit de vérifier si soit le terrain litigieux, soit la voie desservante accusent une forte déclivité.

Dans ce contexte, il y a lieu de prendre en considération non seulement le lieu de l’implantation de la construction projetée, mais également les alentours immédiats de celui-ci.

En ce qui concerne le lieu d’implantation de la construction projetée ainsi que les alentours immédiats de celui-ci, le tribunal constate, sur base notamment du plan contenant les coupes d’implantation établi par l’architecte BOUTAY en date du 31 octobre 1997, que le terrain naturel se trouve en forte pente à cet endroit.

Par ailleurs, le tribunal a pu constater lors de la visite des lieux que le tronçon de la rue situé entre la propriété de Monsieur et Madame WAGNER-SCHNELL et la propriété des demandeurs et comprenant par conséquent le terrain litigieux, accuse également une déclivité importante.

Les vérifications du tribunal se basent d’un côté sur les pièces et plus particulièrement sur les plans versés au dossier et d’un autre côté sur les constatations qui ont été faites sur les lieux. Il résulte des constatations ainsi faites par le tribunal qu’à la fois les alentours immédiats 7 de l’implantation de la construction projetée et le tronçon de rue précité se trouvent en forte déclivité. Les affirmations, calculs et autres arguments apportés par les demandeurs afin de conclure à une prétendue inexactitude matérielle des faits sur lesquels la commune se serait basée lors de l’émission des décisions litigieuses sont insuffisants pour contredire les données fournies par un bureau d’études et qui ont été retenues sur les plans soumis à l’approbation du bourgmestre et ils ne permettent pas au tribunal de conclure à une inexactitude matérielle des faits.

La matérialité des faits ayant été constatée par le tribunal, il ne lui appartient pas de juger l’opportunité des décisions litigieuses et de substituer son appréciation à celle du bourgmestre.

En l’espèce, le bourgmestre a raisonnablement pu se fonder sur les faits dûment retenus ci-avant afin de motiver légalement son accord de principe en vue de la construction de la résidence projetée.

Le moyen afférent présenté par les demandeurs est partant à écarter.

En ce qui concerne le reproche tiré d’une violation de l’article A.0.2a du PAG, il échet de relever que celui-ci dispose que « les immeubles sont à implanter dans une bande de construction, dont la profondeur varie pour les différentes zones d’habitation, parallèle à l’alignement des rues et distante de 6 mètres de ce dernier pour les zones d’habitation 1 et de 5 mètres pour les autres zones d’habitation.

Une dérogation à ce principe pourra être accordée dans le cas où une augmentation ou une diminution de ce recul s’impose pour des raisons de raccordement aux immeubles existants, d’intégration harmonieuse dans l’ensemble des constructions bordant la rue, de sécurité de la circulation ou de topographie ».

Il est constant en cause que le terrain litigieux se trouve dans la zone d’habitation 2, telle que définie par le PAG.

Il ressort du plan d’implantation établi par l’architecte BOUTAY en date du 31 octobre 1997 que la façade arrière de la construction projetée se trouve dans l’alignement des façades arrière des immeubles WAGNER et DE MARCH étant entendu, d’un côté, qu’en ce qui concerne l’immeuble WAGNER seule la façade arrière la plus proche de la rue a été prise en considération et, d’un autre côté, que l’alignement entre cette dernière façade et la façade arrière de l’immeuble DE MARCH ne constitue pas une ligne droite mais qu’elles sont légèrement décalées l’une par rapport à l’autre. Il est indifférent à cet égard de savoir que la façade arrière de l’immeuble HAMUN soit légèrement plus reculée vers l’arrière, par rapport à la façade arrière prise en considération de l’immeuble WAGNER, une telle différence se situant en-deçà de la distance d’un mètre et que la façade postérieure de l’immeuble HAMUN se situe légèrement en retrait par rapport à la façade arrière de l’immeuble DE MARCH. Ces éléments ne sauraient avoir une influence sur le fait que, d’une manière générale, la façade arrière de l’immeuble HAMUN se situe dans l’alignement des façades arrières prises en considération des immeubles voisins.

Nonobstant le fait que la commune a pris en considération les façades arrière des différents immeubles, il échet de relever que la façade avant de l’immeuble HAMUN est située à une distance moins élevée de la rue que les façades avant des deux immeubles avoisinants.

8 Il est indéniable que le respect d’un recul de 5 mètres par rapport à la rue aurait décalé la résidence du point de vue de l’alignement par rapport aux constructions avoisinantes. Le bourgmestre a donc pu estimer à bon droit qu’une dérogation au principe fixé par l’alinéa 1er de l’article A.0.2a du PAG s’imposait en l’espèce. Le moyen afférent présenté par les demandeurs est partant à rejeter.

Enfin, les demandeurs estiment que la commune aurait dû faire application de l’article A.0.9 du PAG en suivant la procédure particulière prévue en l’espèce en vue de protéger les propriétés voisines.

HAMUN et la commune s’opposent à ce moyen en faisant valoir que les conditions d’application de cette disposition ne seraient pas remplies en l’espèce.

L’article A.0.9 du PAG vise la transposition des volumes et des surfaces en permettant à un maître de l’ouvrage de dépasser la bande de construction admissible, sous réserve d’obtenir l’autorisation afférente du bourgmestre et à condition de remplir certaines conditions énumérées par la disposition en question, après qu’une procédure d’information des voisins a été accomplie.

Le tribunal constate que cette disposition ne saurait trouver application en l’espèce, étant donné qu’un dépassement de la bande de construction ne ressort ni des plans versés au dossier et approuvés par le bourgmestre ni de l’intention du promoteur du projet, telle que celle-ci ressort des pièces et des mémoires versés. Ce moyen est partant également à rejeter.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, écarte des débats le mémoire en triplique présenté par les demandeurs et dit qu’il n’entrera pas en taxe;

se déclare incompétent pour connaître de la demande tendant à la condamnation de HAMUN à la remise du terrain en son pristin état ainsi qu’à la modification des plans de construction;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 9 et lu à l’audience publique du 19 novembre 1998, par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.

s.Legille s. Schockweiler 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10548
Date de la décision : 19/11/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-11-19;10548 ?

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