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18/11/1998 | LUXEMBOURG | N°10364

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 novembre 1998, 10364


Numéro 10364 du rôle Inscrit le 10 octobre 1997 Audience publique du 18 novembre 1998 Recours formé par Madame … CENTOFANTI, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôt

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10364, déposée le 10 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Christel HENON-MONTERAGIONI, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … CENTOFANTI, …, tendant à la réformation ...

Numéro 10364 du rôle Inscrit le 10 octobre 1997 Audience publique du 18 novembre 1998 Recours formé par Madame … CENTOFANTI, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôt

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10364, déposée le 10 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Christel HENON-MONTERAGIONI, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … CENTOFANTI, …, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 9 juillet 1997 lui refusant, relativement à l’impôt sur le revenu des années 1991 à 1994, toute remise d’impôts et d’intérêts par voie gracieuse, ainsi que contre une décision prise le 14 mars 1996 par le bureau d’imposition Luxembourg I, section des personnes physiques, et matérialisée par les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 1991 à 1994;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 1998;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 1998 par Maître HENON-MONTERAGIONI au nom de Madame CENTOFANTI;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision et les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Grégori TASTET, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Différentes demandes de renseignements adressées par le bureau d’imposition Luxembourg I à Madame … CENTOFANTI, physiothérapeute, …, étant restées sans réaction de la part de celle-ci, ledit bureau a émis à son encontre en date du 14 mars 1996 les bulletins de l'impôt sur le revenu concernant les années 1991 à 1994, comportant tous une fixation des revenus professionnels par voie de comparaison de fortune.

Par courrier du 10 mai 1996, la fiduciaire FISOGEST, en sa qualité de mandataire de Madame CENTOFANTI, s’est adressée comme suit au bureau d’imposition précité: « En date du 7 février 1996, vous aviez demandé à Madame … CENTOFANTI de vous fournir des renseignements supplémentaires concernant ses honoraires touchés auprès des institutions européennes ainsi que d’autres revenus d’épargne pouvant être imposables au Grand-Duché de Luxembourg.

En réponse à votre document, nous vous produisons en annexe une attestation datée du 3 avril 1996 selon laquelle Madame … CENTOFANTI a presté quelques activités auprès du Parlement Européen et a touché des traitements exemptés d’impôts nationaux.

En outre, nous pouvons vous confirmer que Madame … CENTOFANTI n’a pas eu de revenu d’épargne imposable au Grand-Duché de Luxembourg, ni en Italie, ni dans tout autre pays.

Dès lors, nous vous saurions gré de bien vouloir revoir votre imposition et nous fournir les arguments qui auraient pu vous conduire à établir vos décomptes d’imposition en y indiquant de tels montants ».

Dans un nouveau courrier du 26 août 1996, Madame CENTOFANTI a précisé par rapport au prédit courrier du 10 mai 1996 que « depuis lors nous avons fait des recherches concernant les autres revenus. En outre, j’ai ramené d’Italie en 1991 +- ….000 LIT, pour me permettre de vivre décemment pendant quelque temps ». Elle a chiffré les intérêts créditeurs correspondants perçus au cours des années 1991 à 1994 avec la demande de les prendre en considération lors de l’établissement de la comparaison de fortune, tout en insistant « sur le fait que nous menons une vie très simple et nous ne sommes certainement pas des personnes qui désirent faire des dépenses démesurées ». Elle a encore admis qu’ « en 1994 j’ai acheté un appartement en Italie et toutes ces réserves ont été utilisées. Ces réserves qui venaient d’ailleurs de la vente d’un immeuble en Italie qui date fin 1991 ».

Le bureau d’imposition a répondu par lettre du 28 août 1996, se référant tant au courrier du 10 mai 1996 qu’à celui du 26 août 1996 prévisés, en exposant que « lors d’un entretien téléphonique en date du 22.5.1996 avec Monsieur Zeimet, je l’avais rendu attentif entre autres au fait que le bureau d’imposition n’était autorisé à redresser les bulletins que dans le délai de trois mois à partir de leur notification. Les bulletins étant datés du 14.3.1996, ce délai a expiré le 19.6.1996.

Comme votre susdite lettre est parvenue à l’administration seulement le 28.8.1996, elle est nécessairement tardive. Il s’ensuit et je regrette de vous informer que les renseignements y contenus ne pourront plus donner lieu aux rectifications sollicitées des bulletins en cause ».

Devant ce refus de rectification des bulletins en cause, Madame CENTOFANTI a fait formuler par sa fiduciaire dans un courrier du 11 octobre 1996 à l’adresse du directeur de l’administration des Contributions directes une demande de remise gracieuse pour les parties des cotes d’impôts relatives aux taxations, en faisant valoir que « les documents de Mademoiselle … CENTOFANTI se trouvaient en Italie et comme elle ne se déplaçait que 2 rarement auprès de sa soeur en Italie, elle a profité de ses vacances pour se rendre sur place et récupérer les données. Malheureusement, ceci a généré un retard supplémentaire pour la remise de ces documents à l’Administration des Contributions Directes ».

Face à un commandement lui signifié et la menace d’une vente aux enchères de son mobilier par l’administration des Contributions directes, Madame CENTOFANTI a fait envoyer les 16 décembre 1996 et 31 janvier 1997 deux courriers de rappel concernant sa demande en remise gracieuse.

Le directeur de l’administration des Contributions directes a rejeté cette demande en remise gracieuse d’impôts et d’intérêts relatifs aux années 1991 à 1994 par décision du 9 juillet 1997, aux motifs suivants: « Considérant que la demande tend à une revision par voie gracieuse des taxations des revenus de la requérante des années 1991 à 1994;

Considérant que la requérante malgré maints rappels, n’a pas donné suite aux injonctions administratives de répondre à une demande de renseignements, qu’en raison de la négligence aussi grave d’omission et de collaboration avec l'administration la levée de la forclusion par mesure indulgente n’est pas de mise;

Considérant que dans le cas d’espèce, le bureau d’imposition a procédé à bon droit à la taxation des revenus de la requérante sur base du paragraphe 217 AO, compte tenu des données de la cause; que la requérante doit s’imputer à elle-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation;

Considérant que la remise des documents après imposition ne doit impliquer un redressement des revenus évalués et ayant acquis force de chose jugée ».

A l’encontre de cette décision directoriale de rejet du 9 juillet 1997, ainsi que, pour autant que de besoin, des bulletins d’impôt précités du 14 mars 1996 relatifs aux années 1991 à 1994, Madame CENTOFANTI a fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 10 octobre 1997.

Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre les quatre bulletins d’impôt émis le 14 mars 1996.

Il se dégage du libellé du courrier adressé par Madame CENTOFANTI au bureau d'imposition le 10 mai 1996 qu’elle a entendu fournir au bureau compétent des informations complémentaires concernant ses revenus en vue d’une rectification de l’imposition par le dit bureau et qu’elle a demandé des explications sur les bases des montants de la taxation d’office.

Par son courrier du 26 août 1996, Madame CENTOFANTI a indiqué au bureau d'imposition d’autres éléments complémentaires relatifs surtout à ses revenus de capitaux mobiliers, tout en sollicitant à nouveau une rectification de la taxation d’office en tenant compte de ces données.

Le bureau d'imposition ayant refusé dans son courrier prédit du 28 août 1996 de faire droit à ces demandes pour tardiveté, Madame CENTOFANTI, par l’intermédiaire de sa fiduciaire, s’est adressée une nouvelle fois au bureau d’imposition par courrier du 11 octobre 1996. Tout en admettant le bien-fondé du motif de refus de rectification des bulletins indiqué par le bureau d'imposition en avouant que « en effet, …, les documents permettant une correction de la taxation sont parvenus en retard à son service », elle a explicitement fait formuler, par ce même courrier, une demande en remise gracieuse en faisant demander « s’il était envisageable d’accorder une remise gracieuse à Mademoiselle CENTOFANTI et donner instruction à 3 Monsieur Schneider de revoir néanmoins ses taxations en vue des documents qui lui ont été remis ». Force est partant de constater qu’à partir de ce moment Madame CENTOFANTI a opté pour la seule voie gracieuse et n’a par la suite à aucun moment introduit une réclamation contentieuse ni contre les bulletins en cause ni contre la décision prévisée du 28 août 1996.

Or, en matière gracieuse, seule une décision ayant statué sur la question de savoir si une imposition légalement fixée par bulletin d’impôt est compatible avec l’équité peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal, mais non pas le bulletin d’impôt lui-même qui n’est susceptible que des voies de recours contentieuses mettant en cause sa conformité au droit.

Il s’ensuit que Madame CENTOFANTI, qui s’est volontairement placée sur le plan de la seule matière gracieuse, ne saurait déférer dans ce cadre les bulletins d’impôt prévisés du 14 mars 1996 devant le tribunal, et que le recours est irrecevable dans cette même mesure.

Pour le surplus, même à admettre que la demanderesse ait entendu introduire un recours contentieux contre les bulletins du 14 mars 1996, celui-ci encourrait l’irrecevabilité pour ne pas avoir été précédé d’une réclamation en due forme telle que requise par le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, appelée « Abgabenordnung » (AO).

Le paragraphe 131 AO prévoyant en matière de remise gracieuse un recours au fond, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation pour autant qu’il entend contester la décision directoriale précitée du 9 juillet 1997. Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable dans cette même mesure.

Quant au fond, la demanderesse conteste l’affirmation du bureau d'imposition que le délai pour redresser les impositions en cause aurait expiré et affirme qu’il aurait été valablement interrompu par son courrier du 10 mai 1996, contenant, d’après elle, un « commencement d’éclaircissement susceptible d’apporter des éléments objectifs quant à l’appréciation de la situation fiscale de la requérante », encore étayé et complété par son courrier du 26 août 1996 « face à l’inertie des contributions directes qui n’a pas répondu à la lettre du 10 mai 1996 ».

La demanderesse soutient encore que les taxations d’office opérées ne reposeraient sur aucun élément objectif et ne suffiraient pas à l’exigence de vraisemblance posée par une jurisprudence constante. Elle renvoie notamment au fait que le bureau d'imposition a accepté le montant de son bénéfice professionnel déclaré du chef de l’année 1995 qui serait largement inférieur aux montants fixés d’office pour les années 1991 à 1994. Etant donné que les années précitées correspondraient au début d’activité de son cabinet médical, créant nécessairement des bénéfices moindres, un total d’impôts à payer du chef de cette période dépassant d’un demi-million de francs le montant d’impôts à régler sur base des bénéfices dégagés par ses propres calculs démontrerait « la démesure du montant réclamé par l’Administration des Contributions Directes eu égard à la faible activité du cabinet médical de Madame Centofanti et à la modicité de son train de vie dont les éléments retenus par l’Administration Fiscale ne reflètent en rien la réalité fiscale ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse invoque finalement la circonstance que les renseignements complémentaires demandés par le bureau d'imposition ne pouvaient être remis plus tôt, étant donné que l’attestation du Parlement européen, qu’elle entendait verser en tant que preuve du niveau de ses revenus professionnels, ne lui aurait été fournie que le 3 avril 1996 et qu’elle n’aurait pu se procurer les autres renseignements que par le biais d’un passage 4 en Italie en août 1996. Etant donné que sa situation ne serait pas celle d’un contribuable disposant de toutes les données requises sur place, une omission ou un refus de collaboration ne sauraient lui être imputés.

Au voeu du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ». Une remise gracieuse n’est donc justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur.

Ainsi que le délégué du Gouvernement le fait remarquer à juste titre, force est de constater que les deux premiers volets de l’argumentation de la demanderesse portent sur le bien-fondé des impositions et la détermination de l’impôt légalement dû. En invoquant une obligation du bureau d'imposition de redresser les impositions du 14 mars 1996 sur base des éléments supplémentaires par elle fournis et en contestant la hauteur de la taxation de ses bénéfices professionnels, la demanderesse ne se place en effet pas sur le terrain de l’équité mais entend énerver le bien-fondé des bulletins d’impôt et la légalité de la hauteur des taxations d’office y contenues, questions qui sont cependant étrangères à la matière de la remise gracieuse.

Le troisième volet de l’argumentation de la demanderesse, tout en ayant trait à la situation personnelle de la demanderesse, reste cependant étranger à sa situation patrimoniale actuelle et à sa capacité de régler ses dettes d’impôt, de sorte que les faits ainsi avancés ne sont pas susceptibles d’être considérés dans le cadre d’une demande en remise gracieuse d’impôts.

Ils pourraient seulement être pris en compte dans le cadre d’une demande en levée de forclusion, qui ne serait pourtant pas fondée en l’espèce au vu du manquement de la demanderesse à son obligation d’avertir préalablement le bureau d'imposition de ses problèmes pour réunir les renseignements sollicités.

Comme pour le surplus la demanderesse ne soumet au tribunal aucun élément concret sur ses revenus et son patrimoine actuels, le mettant ainsi dans l’impossibilité d’apprécier l’existence éventuelle d’une rigueur subjective, et comme aucune rigueur objective, que la demanderesse semble voir dans les agissements discrétionnaires de l’administration, ne se dégage non plus des éléments du dossier et notamment de la voie de procéder du bureau d'imposition, il s’ensuit que ni une rigueur subjective ni une rigueur objective n’est établie en l’espèce, de sorte qu’une remise gracieuse ne saurait être admise et que le recours laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, 5 déclare le recours en réformation irrecevable pour autant que dirigé contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 1991 à 1994, reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus, le déclare cependant non fondé et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 novembre 1998 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10364
Date de la décision : 18/11/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-11-18;10364 ?

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