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09/11/1998 | LUXEMBOURG | N°10621

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 novembre 1998, 10621


N° 10621 du rôle Inscrit le 17 mars 1998 Audience publique du 9 novembre 1998

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Recours formé par Monsieur … BRANDENBURGER, … contre le ministre de la Force publique en matière de discipline

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Vu la requête déposée en date du 17 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BR

ANDENBURGER, fonctionnaire de la gendarmerie grand-ducale, …, tendant à l’annulation pour viola...

N° 10621 du rôle Inscrit le 17 mars 1998 Audience publique du 9 novembre 1998

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Recours formé par Monsieur … BRANDENBURGER, … contre le ministre de la Force publique en matière de discipline

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Vu la requête déposée en date du 17 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BRANDENBURGER, fonctionnaire de la gendarmerie grand-ducale, …, tendant à l’annulation pour violation de la loi et excès de pouvoir d’une décision de refus du ministre de la Force publique d’annuler une décision du commandant de la gendarmerie du 27 juin 1997 le frappant de la peine disciplinaire de l’amende, refus découlant du silence dudit ministre depuis plus de trois mois;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 1998 par Maître Edmond DAUPHIN au nom de Monsieur … BRANDENBURGER;

Vu les pièces versées en cause;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 16 octobre 1998;

Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal admininistratif le 21 octobre 1998;

Vu le mémoire déposé par Maître Edmond DAUPHIN pour Monsieur … BRANDENBURGER au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 1998;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Edmond DAUPHIN et Frédéric ROSSONI, ainsi que Messieurs les délégués du Gouvernement Guy SCHLEDER et Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 28 septembre et 26 octobre 1998.

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1 En date du 20 novembre 1996, Monsieur … BRANDENBURGER, adjudant-chef de la gendarmerie grand-ducale, commandant adjoint de la brigade de …, était de service à la brigade d’Esch de 14.00 à 18.00 heures, son bureau se trouvant au premier étage. L’unité d’intervention ayant exceptionnellement pris fin ce jour-là à 16.00 heures et non à 17.00 heures, il dévia le parlophone à l’entrée du bureau d’accueil situé au rez-de-chaussée sur le central RIFO de Luxembourg, avec la conséquence qu’un fonctionnaire de l’inspection du travail et des mines qui se présenta vers 16.00 heures à la brigade où il devait faire une conférence, trouva la porte du nouveau bâtiment de la gendarmerie fermée. Averti de ces faits, le commandant d’arrondissement de … a chargé, par transmis du 22 novembre 1996, le contrôleur d’arrondissement …d’effectuer une enquête y relative. Ledit contrôleur d’arrondissement retourna son rapport le même jour au commandant d’arrondissement de ….

Par lettre du 24 février 1997, ledit commandant d’arrondissement a sollicité les explications de Monsieur BRANDENBURGER relatives aux faits s’étant déroulés le 20 novembre 1996.

Monsieur BRANDENBURGER a répondu par écrit en date du 4 mars 1997. Le commandant d’arrondissement a ensuite soumis par lettre du 14 mai 1997 la relatation des faits, ensemble son commentaire, ainsi que sa conclusion y relative au commandant de la gendarmerie, estimant que l’agissement de l’adjudant-chef … BRANDENBURGER devrait faire l’objet d’une sanction disciplinaire exemplaire.

Par décision du 27 juin 1997, notifiée le 27 août 1997, le commandant de la gendarmerie a alors prononcé la peine disciplinaire d’une amende de 15.400.- francs à l’égard de Monsieur BRANDENBURGER. Il l’informa par la même décision qu’un appel éventuel serait à adresser par la voie hiérarchique au ministre de la Force publique.

A l’encontre de cette décision, Monsieur BRANDENBURGER a interjeté appel, par l’intermédiaire de son mandataire, auprès du ministre de la Force publique par lettre du 27 août 1997. Aucune décision, à part un accusé de réception datant du 12 novembre 1997, ne lui étant parvenu, il a fait déposer en date du 17 mars 1998 un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision implicite du ministre de faire droit à sa demande, refus découlant du silence dudit ministre depuis plus de trois mois.

Recevabilité du recours Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours, comme étant prématuré, estimant qu’aucune décision administrative de nature à faire grief ne serait encore intervenue dans le chef du ministre de la Force publique. Il fait valoir plus particulièrement qu’en raison de l’effet suspensif attaché au délai d’appel et à l’appel interjeté en la matière en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 29 de la loi modifiée du 16 avril 1979 concernant la discipline dans la force publique, ci-après appelée « la loi du 16 avril 1979 », le demandeur ne serait en l’espèce pas confronté à un acte susceptible de produire par lui-même les effets juridiques affectant sa situation personnelle ou patrimoniale, de sorte qu’il ne pourrait pas non plus déduire du silence de plus de trois mois un rejet de son appel.

Il est constant en cause qu’en date du 17 mars 1998, lorsque la requête introductive d’instance a été déposée, le ministre n’avait pas encore statué sur les mérites de l’appel introduit par le demandeur en date du 27 août 1997, de sorte qu’un délai de plus de trois mois s’est écoulé sans que l’autorité administrative saisie ne se soit prononcée.

2 La procédure d’appel inscrite à l’article 29 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée, tout en étant assortie, à l’instar de certaines procédures judiciaires, de l’effet suspensif, relève fondamentalement de la sphère administrative et aboutit ainsi à des actes de nature administrative.

En vertu des dispositions de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le silence de l’administration vaut décision implicite de refus « lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision ». Par le biais de cette règle générale, le législateur a entendu limiter dans le temps l’insécurité juridique dans le chef des administrés confrontés au silence de l’administration face à une demande lui régulièrement adressée.

Cette règle générale n’étant pas tempérée par rapport à la nature de la demande suivie de silence, elle ne saurait en l’espèce être mise en échec en raison d’une spécificité de la procédure d’appel en cause, tenant à l’effet suspensif y attaché, sous peine de maintenir le demandeur, à l’égard duquel une sanction disciplinaire fût prononcée, dans l’insécurité juridique quant à l’issue de la procédure d’appel par lui engagée, au-delà d’une période de trois mois.

L’effet suspensif dont bénéficie le demandeur en cours de procédure n’étant pas de nature à ebranler son intérêt à voir statuer sur les mérites de son appel dans un délai raisonnable, ce premier moyen d’irrecevabilité du représentant étatique est à écarter comme n’étant pas fondé.

Un recours au fond n’étant prévu en matière disciplinaire de la Force publique que dans le cadre des dispositions de l’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée relativement aux peines dépassant la compétence du chef de corps, étrangères au présent litige, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond La partie demanderesse estime que certaines dispositions de la procédure disciplinaire destinées à garantir les droits de la défense, énoncées tant dans la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général », que dans la loi du 16 avril 1979 précitée relative à la discipline dans la force publique, n’auraient pas été respectées, étant entendu que la loi générale serait applicable en l’occurrence concurremment avec la loi spéciale, pour autant qu’il n’existe pas de contradictions entre les deux textes.

En premier lieu, la partie demanderesse invoque l’article 29 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée disposant que les peines sont prononcées par décision motivée après que le militaire inculpé a été entendu, pour soutenir qu’en l’espèce Monsieur BRANDENBURGER n’aurait jamais été inculpé, le capitaine … lui ayant demandé le 24 février 1997 une explication écrite en omettant de l’informer de ce qui lui était reproché. Il en déduit n’avoir jamais été ni inculpé, ni entendu et conclut ainsi à l’annulation de la décision déférée pour violation de l’article 56 du statut général, précisant notamment sub 3 que le chef hiérarchique informe le fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés avec indiciation si une instruction disciplinaire est ouverte ou non. Il invoque en outre les dispositions du même article 56 sub 4, suivant lesquelles le fonctionnaire a le droit de prendre inspection du dossier dès que 3 l’instruction est terminée et peut présenter dans les dix jours ses observations et demander un complément d’information, pour soutenir qu’en l’espèce il n’aurait pas été mis en mesure de ce faire.

Le délégué du Gouvernement rejette cette argumentation comme étant non fondée en ce que le demandeur aurait été informé par lettre du 24 février 1997 des griefs formulés à son encontre et aurait alors eu la possibilité de s’expliquer par écrit, droit dont il aurait fait usage par retour de courrier du 4 mars 1997.

Quant aux dispositions invoquées du statut général, le représentant étatique conclut à leur non-applicabilité en l’espèce, le régime disciplinaire dans la force publique étant régi par la loi portant également la date du 16 avril 1979, mais ayant trait à la discipline dans la force publique. Il signale en outre que personne n’aurait jamais empêché le demandeur de consulter son dossier, bien qu’ici encore le statut général invoqué n’entre pas en compte.

L’article 29 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée, invoqué en premier lieu par Monsieur BRANDENBURGER, dispose que les peines prévues à l’article 25, notamment sub 2) sont prononcées par décision motivée, « après que le militaire inculpé a été entendu ». Le terme « militaire inculpé » se comprend comme visant le membre d’un des trois corps de la force armée, contre lequel est engagée une poursuite disciplinaire, impliquant nécessairement que celui-ci, ayant le droit d’être entendu, ait également été mis au courant du détail des reproches formulés à son égard, notamment à la base de la procédure disciplinaire engagée (cf.

trib. adm. 22 juillet 1998, n° 10622 du rôle, Juchem).

Aussi, contrairement à ce qui a été avancé par le représentant étatique, il y a lieu de relever que si fondamentalement la discipline dans la force publique est régie par la loi modifiée du 16 avril 1979 y relative, les dispositions du statut général édictées à la même date et invoquées par le demandeur, ont également vocation à s’appliquer à l’égard des membres des trois corps de la force armée et ce à titre résiduel et complémentaire, dans la mesure de leur compatibilité avec la loi spéciale du 16 avril 1979 (cf. trib. adm. 22 juillet 1998, précité), étant donné que l’article 3 de la loi du 16 avril 1979 précitée précise dans son alinéa 1er que les droits et devoirs y visés s’entendent « en dehors des droits et devoirs prévus par d’autres lois ou règlements grand-ducaux ».

En visant l’article 56.3. du statut général relatif à l’information du fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés, la partie demanderesse a entendu s’emparer des dispositions correspondantes relatives à la discipline dans la Force publique résultant de l’article 31.3. de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée, disposant que « le chef hiérarchique notifie au militaire présumé fautif les faits qui lui sont reprochés ».

Par différence avec l’article 56.3. du statut général retenant que le chef hiérarchique « informe » le fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés, l’article 31.3. de la loi du 16 avril 1979, applicable en l’espèce, emploie le terme « notifie », étant entendu que la notification présuppose une information écrite devant contenir d’après le libellé même de cet article pour le moins l’énumération des faits qui sont reprochés au militaire présumé fautif.

S’il est bien vrai que par lettre du 24 février 1997, le commandant d’arrondissement de … a demandé à Monsieur BRANDENBURGER une explication relative aux faits s’étant 4 déroulés le 20 novembre 1996 dans les termes suivants: - « Veuillez expliquer votre présence dans la brigade de …. Quel était votre tactique pour dévier la sonnette au RIFO si vous travailliez dans la brigade de …? » -, il y a néanmoins lieu de retenir que cet écrit ne saurait valoir notification préalable des faits précisément reprochés au militaire présumé fautif dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte contre lui, étant donné qu’il se limite à demander des précisions au sujet d’un fait dans la survenance duquel était impliqué le demandeur, sans pour autant libeller des reproches, ni leur portée dans le cadre et à partir du début de la procédure disciplinaire engagée contre lui.

Abstraction même faite de la considération que le demandeur n’a pas été entendu à proprement parler, les dispositions d’ordre public comme touchant aux droits de la défense de la personne contre laquelle une procédure disciplinaire est ouverte ancrées à l’article 31.3.

précité qui prévoit une notification écrite, ainsi que des impératifs de précision des faits reprochés, n’ont pas été respectées en l’espèce, de sorte qu’en l’absence de tout autre écrit valant notification versé en cause, la procédure disciplinaire engagée contre Monsieur BRANDENBURGER encourt l’annulation pour violation des dispositions essentielles destinées à sauvegarder les droits du militaire présumé fautif concerné, prévues plus précisément à l’article 31.3. de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée.

Cette annulation entraîne en bout de procédure celle de la décision du commandant de la gendarmerie, ainsi que celle du ministre de la Force publique déférée ayant statué de manière implicite sur l’appel interjeté par Monsieur BRANDENBURGER.

Il se dégage des développements qui précèdent que le recours est fondé, l’analyse des autres moyens de forme et de fond proposés devenant de cet fait superflue;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours recevable et fondé;

déclare nulle la procédure disciplinaire menée à l’égard de Monsieur BRANDENBURGER à défaut de notification des faits lui reprochés;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant le ministre de la Force publique;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Delaporte, premier vice-président 5 Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 9 novembre 1998 par le premier vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10621
Date de la décision : 09/11/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-11-09;10621 ?

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