N° 10400 du rôle Inscrit le 10 novembre 1997 Audience publique du 9 novembre 1998
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Recours formé par Monsieur … REINARD, … contre la commune de Stadtbredimus en présence de la société coopérative VINSMOSELLE s.c., Stadtbredimus en matière de permis de construire
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Vu la requête déposée le 10 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Rhett SINNER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … REINARD, …, demeurant à…, tendant à l’annulation de l’autorisation de construire numéro 01/1996 délivrée par le bourgmestre de la commune de Stadtbredimus autorisant la société coopérative VINSMOSELLE à construire un musée en plein air sur la parcelle 184 de la propriété du Château de Stadtbredimus;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 3 novembre 1997, par lequel ce recours a été signifié à l’administration communale de Stadtbredimus, ainsi qu’à la société coopérative VINSMOSELLE;
Vu le mémoire en réponse déposé le 2 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société coopérative VINSMOSELLE, établie et ayant son siège social à L-5451 Stadtbredimus, 12, route du Vin;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 11 juin 1998, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à Monsieur … REINARD, ainsi qu’à l’administration communale de Stadtbredimus;
Vu le mémoire en réponse déposé le 5 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis HENGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Stadtbredimus;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 1998 par Maître Rhett SINNER au nom de Monsieur … REINARD;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 22 juin 1998 par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à la société coopérative VINSMOSELLE ainsi qu’à l’administration communale de Stadtbredimus;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
1 Vu la visite des lieux du 30 octobre 1998;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Rhett SINNER, Mathis HENGEL et Georges PIERRET en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 1998.
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Considérant que la société coopérative VINSMOSELLE, établie et ayant son siège social à Stadtbredimus, 12, route du Vin, avait obtenu en date du 3 février 1994 l’autorisation par le bourgmestre de la commune de Stadtbredimus, de construire une toiture en ardoises pour couvrir un futur musée en plein air situé sur la propriété du Château de Stadtbredimus, cadastrée sous le numéro 184;
Que suite à un recours introduit par Monsieur … REINARD, …, demeurant à Stadtbredimus, …, second voisin de ladite propriété du Château de Stadtbredimus, le Comité du contentieux du Conseil d’Etat, par arrêt du 12 juillet 1995, avait annulé cette autorisation sur base de l’article 31 du règlement sur les bâtisses de la commune de Statdbredimus en l’absence de plans suffisamment précis, tels qu’y prévus, tenant compte des intérêts privés des propriétaires des fonds voisins, que l’article 2 sous 2.3.2 du même règlement vise à protéger;
Que sur demande présentée le 11 mars 1996 par la société coopérative VINSMOSELLE, le bourgmestre de la commune de Stadtbredimus a délivré l’autorisation de bâtir 01/1996 non datée concernant « la construction d’un musée en plein air sur la parcelle 184 de la propriété du Château de Stadtbredimus » aux conditions y plus amplement émargées;
Que c’est contre cette décision que Monsieur … REINARD a introduit en date du 10 novembre 1997 un recours en annulation pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ainsi que pour violation du règlement communal sur les bâtisses;
Considérant que la société coopérative VINSMOSELLE invoque en premier lieu la tardiveté du recours, déposé le 3 novembre 1997 face à une décision du bourgmestre de la commune de Stadtbredimus prise, selon elle, le 11 mars 1996, en relevant que Monsieur REINARD s’est adressé en premier lieu au juge des référés par exploit ENGEL du 12 juin 1997, et que l’affaire afférente a été rayée par la suite;
Considérant que face au voisin … REINARD, tiers par rapport à la décision déférée, le délai pour agir utilement n’a commencé à courir qu’à partir du moment où ce dernier a eu une connaissance suffisante des éléments essentiels d’icelle;
Que Monsieur REINARD fait exposer que ce n’était que dans le cadre de la procédure en référé préémargée qu’il fut informé d’une nouvelle autorisation délivrée par le bourgmestre de la commune de Stadtbredimus au début de l’année 1996, à travers la communication des pièces intervenue le 17 septembre 1997;
Que le tribunal est amené à constater, sur base des pièces ainsi communiquées et versées aux débats avec le tampon du télécopieur de l’étude HOFFELD et PIERRET 2 émargeant la date du 17 septembre 1997, et à défaut d’autres éléments contraires invoqués par les parties ou contenus au dossier, que c’est effectivement à partir de cette date que Monsieur REINARD a pu avoir une connaissance suffisamment complète de la décision en question, alors qu’encore dans le cadre de l’assignation en référé ENGEL précitée du 12 juin 1997, il a énoncé que depuis l’arrêt précité du comité du contentieux du Conseil d’Etat du 12 juillet 1995 « aucune nouvelle autorisation de construire n’a été accordée à la société coopérative VINSMOSELLE pour la construction du mur litigieux respectivement pour la construction d’une toiture en ardoise pour couvrir un futur musée en plein air situé sur la propriété du Château de Stadtbredimus »;
Qu’il en découle que le recours introduit le 10 novembre 1997, partant endéans un délai de trois mois à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse le 17 septembre 1997, n’est pas tardif;
Considérant qu’en second lieu la société coopérative VINSMOSELLE conclut à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il n’a pas été signifié à l’administration communale de Stadtbredimus, prise en la personne de son bourgmestre, mais représentée par le collège des bourgmestre et échevins;
Considérant qu’en vertu de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, tel que modifié, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, contenant les règles de procédure actuellement applicables devant le tribunal administratif, la signification du recours aux défendeurs et aux parties intéressées ne constitue pas une formalité substantielle sanctionnée de nullité, mais une simple formalité complémentaire ayant pour but essentiel de faire courir les délais pour la production des mémoires et de permettre la mise en état d’un litige, tout en sauvegardant les droits de la défense;
Que dans la mesure où la partie défenderesse n’invoque aucun grief découlant de l’irrégularité invoquée de la signification du recours, le moyen d’irrecevabilité soulevé est à écarter comme n’étant pas fondé;
Considérant qu’en troisième lieu la société coopérative VINSMOSELLE conclut à l’irrecevabilité du recours dans le chef de Monsieur REINARD comme n’ayant aucun intérêt direct et personnel à faire valoir, qu’étant donné qu’en tant que second voisin de la construction litigieuse, dont l’immeuble se trouve à quelque 50 mètres de celui actuellement sous discussion, il ne subirait aucun préjudice de cette situation;
Que ceci serait d’autant plus vrai que le domaine VINSMOSELLE se trouverait entouré d’un mur d’enceinte, implanté en haut à 4,70 m et en bas à 7,30 m de la construction actuellement contestée, à l’intérieur du domaine;
Que l’administration communale de Stadtbredimus conclut à son tour à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur REINARD, étant donné que la construction en question empêcherait seulement celui-ci d’avoir une vue directe dans la cour intérieure du Château de Stadtbredimus, propriété privée de la société coopérative VINSMOSELLE;
3 Que Monsieur REINARD décrit son préjudice essentiellement en ce que la construction érigée boucherait la vue à partir de sa terrasse, du fait qu’elle dépasserait largement le mur d’enceinte préindiqué, Qu’ainsi elle n’empêcherait pas seulement sa vue directe dans la cour intérieure du Château de Stadtbredimus, mais également sa vue directe sur la Moselle et sur la rive allemande de celle-ci;
Considérant que toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général;
Que si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder;
Qu’il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à engendrer une aggravation concrète de la situation de voisin ainsi alléguée;
Considérant que même en n’étant que second voisin, la situation de Monsieur REINARD est telle que la construction érigée sur le domaine du Château de Stadtbredimus, actuellement contestée, se trouve dans son champ de vision direct, ainsi qu’a pu s’en rendre compte le tribunal lors de sa visite des lieux du 30 octobre 1998;
Que même si la construction érigée n’a su boucher la vue à partir de la propriété REINARD vers la Moselle, comme ayant été inexistante déjà auparavant du fait des constructions en place, dont notamment celles de la VINSMOSELLE et plus particulièrement le bâtiment Tourelle, il n’en reste pas moins que cette question de vue est de nature à fonder dans le chef de Monsieur REINARD un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité de l’autorisation de construire déférée aux dispositions réglementaires en vigueur, dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver sa situation de voisin;
Que ce troisième moyen d’irrecevabilité est dès lors également à écarter;
Considérant que le recours en annulation, introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, est dès lors recevable;
Considérant au fond qu’il résulte des informations soumises au tribunal, unanimement confirmées par les parties, que la parcelle cadastrée sous le numéro 184, sur laquelle est érigée la construction litigieuse, faisant partie du domaine du Château de Stadtbredimus appartenant à la société coopérative VINSMOSELLE s.c. ouvert au public, se trouve dans la zone d’aménagement public telle que prévue par le règlement sur les bâtisses de la commune de Stadtbredimus, ensemble le plan d’aménagement général de ladite commune, y compris sa partie graphique, approuvée par le conseil communal de Stadtbredimus en date du 27 mai 1988;
Considérant que plus précisément l’article 2.9.2.2. intitulé « terrains réservés aux aménagements publics » dispose que « les zones d’aménagement public comprennent les aires 4 libres nécessaires à la vie communautaire du point de vue de la culture, de la récréation, du culte et du sport.
Elles englobent notamment les aires de jeux et de sports ainsi que les cimetières.
Dans ces zones ne sont admises que les constructions de faible envergure, indispensables à leur utilisation (équipements sanitaires, vestiaires, morgues…) »;
Considérant que Monsieur REINARD reproche à la construction litigieuse de ne pas être de faible envergure, ni ne constituer un aménagement public, tout en n’étant pas indispensable à l’utilisation du terrain sur lequel elle se trouve, Que loin d’être un auvent il s’agirait en fait d’une construction fermée, non conforme à l’article 2.3.2 du règlement sur les bâtisses, qui autorise seulement, en dehors de la bande de 16 mètres de profondeur, des constructions servant de hangar d’outils ou similaires;
Considérant que lors de la visite des lieux prémentionnée le tribunal a pu se rendre compte que la construction actuellement critiquée, tout en étant ouverte de trois côtés, comporte un mur arrière en maçonnerie, massif et sans aucune ouverture et est pourvue d’une toiture en ardoises sur charpente apparente soutenue des trois côtés avant et latéraux par des piliers en bois et dépassant sur une hauteur d’approximativement deux tiers le mur d’enceinte vu à partir de la propriété REINARD;
Qu’à l’intérieur de cette construction se trouvent actuellement cinq grands fûts de vinification, ainsi que deux ustensiles anciens servant à la préparation du vin, entreposés chacun dans un des pans latéraux formant avec la construction médiane un plan à la base en grand C, classique depuis l’époque romaine;
Considérant que dans la mesure où la construction en question se trouve sur l’aire libre dépendant du domaine de l’ancien Château de Stadtbredimus, faisant partie actuellement du siège social de la plus grande société coopérative de production de vins de la Moselle luxembourgeoise, elle peut être considérée, dans la mesure des objets y exposés, comme faisant partie d’une aire libre nécessaire à la vie communautaire du point de vue à la fois de la culture et de la récréation, tels que ces critères sont prévus par l’article 2.9.2.2., 1er alinéa précité;
Considérant qu’il est constant en cause que d’après le troisième alinéa de la disposition qui précède, ne sont admises dans la zone d’aménagement public que les constructions de faible envergure indispensables à son utilisation;
Que le tribunal a pu se rendre compte sur place que la construction contestée n’est pas en tant que telle de faible envergure;
Qu’ainsi d’après les plans versés à la base de l’autorisation déférée, la largeur au sol y est émargée par 23 mètres, tandis que la profondeur y est de 9,5 mètres aux extrémités latérales;
5 Qu’à la hauteur sous corniche de 3,45 mètres s’ajoute une hauteur de toiture de 2 mètres, toutes ces mesures étant relatées sauf erreur ou omission d’après les indications peu lisibles des plans versés;
Que dans la mesure où la construction litigieuse est destinée à l’exposition avec mise sous abri de fûts de vigneron, ensemble du matériel ancien de production de vins, ses dimensions, allant largement au-delà des exigences en volume posées par les objets exposés, ne correspond en aucune façon à une construction de faible envergure limitée aux dimensions indispensables dictées par l’utilisation culturelle, voire de récréation ainsi visée par la société coopérative VINSMOSELLE;
Que ne rentrant ainsi pas dans les dispositions de l’article 2.9.2.2. du règlement sur les bâtisses de la commune de Stadtbredimus relatives aux terrains réservés aux aménagements publics, l’autorisation déférée est à annuler, sans qu’il ne faille analyser plus loin les autres moyens invoqués et notamment la conformité de la décision déférée à l’article 2.3.2. dudit règlement ayant trait aux constructions servant à l’habitation et aux hangars attenants, hypothèse non vérifiée en l’espèce;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le déclare justifié;
annule l’autorisation de construire 01/1996 non datée du bourgmestre de la commune de Stadtbredimus délivrée à la société coopérative VINSMOSELLE et renvoie l’affaire devant ledit bourgmestre;
fait masse des frais et les impose pour moitié à chacune des parties défenderesses.
Ainsi jugé par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 9 novembre 1998 par le premier vice-président en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 6