N°s 10637 et 10638 du rôle Inscrits le 24 mars 1998 Audience publique du 28 octobre 1998
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Recours formé par Messieurs … SCHLEICH, Strassen et … FISCHER, Remerschen contre la commune de Remerschen en présence de M. … HEMMEN, Luxembourg en matière de permis de construire
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I.
Vu la requête déposée le 24 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert HELLENBRAND, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHLEICH, …, inscrite sous le numéro du rôle 10637 et tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Remerschen du 23 septembre 1997 accordant à Monsieur … HEMMEN, …, l’autorisation de principe de construire un immeuble à trois appartements jusqu’aux limites latérales de son terrain sis à Remerschen, …, sans respecter le recul latéral de trois mètres par rapport aux terrains voisins SCHLEICH et FISCHER;
II.
Vu la requête déposée le 24 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert HELLENBRAND, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … FISCHER, …, inscrite sous le numéro du rôle 10638 et tendant pareillement à l’annulation de la décision précitée du bourgmestre de la commune de Remerschen du 23 septembre 1997;
Vu les exploits de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 20 mars 1998, par lesquels ces recours ont été signifiés à l’administration communale de Remerschen et à Monsieur … HEMMEN;
Vu les mémoires en réponse déposés le 5 mai 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert HELLENBRAND respectivement aux noms de Messieurs … SCHLEICH et … FISCHER;
Vu les exploits de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 4 mai 1998 par lesquels ces mémoires en réplique ont été signifiés à l’administration communale de Remerschen, ainsi qu’à Monsieur … HEMMEN;
1 Vu les mémoires en réponse déposés au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 1998 par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Remerschen;
Vu les exploits de l’huissier des justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 15 septembre 1998 par lesquels ces mémoires en réponse ont été signifiés à Monsieur … HEMMEN, ainsi que respectivement à Messieurs … SCHLEICH et … FISCHER;
Vu les mémoires en réponse déposés au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 1998 par Maître Marc KERGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HEMMEN;
Vu les exploits de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 21 avril 1998 par lesquels ces mémoires ont été signifiés à l’administration communale de Remerschen, ainsi qu’à respectivement Messieurs … SCHLEICH et … FISCHER;
Vu les mémoires en duplique déposés au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 1998 par Maître Marc KERGER au nom de Monsieur … HEMMEN;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 30 septembre 1998, par lequel ces mémoires en duplique ont été signifiés à l’administration communale de Remerschen, ainsi qu’à Messieurs … FISCHER et … SCHLEICH;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Claude GEIBEN, Henri FRANK et Marc KERGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 octobre 1998.
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Considérant que Monsieur … HEMMEN, …, est propriétaire d’un terrain sis à Remerschen inscrit au cadastre de la commune de Remerschen, …, de forme rectangulaire donnant à l’avant sur la voie … sur une largeur de 11,02 mètres et à l’arrière sur un chemin sur une largeur de 9,90 mètres, la profondeur du terrain, légèrement différente d’un côté à l’autre, étant d’approximativement 30 mètres d’une voie à l’autre , ainsi qu’il résulte du croquis sans échelle dressé en date du 12 août 1996 par l’ingénieur première classe du cadastre …;
Que vu à partir de la voie Schenk, le terrain HEMMEN est encadré à sa gauche du terrain appartenant à Monsieur … SCHLEICH, …, et à sa droite du terrain appartenant à Monsieur … FISCHER,…;
Que sur le terrain SCHLEICH se trouve érigée une construction observant par rapport à la ligne séparative des deux fonds SCHLEICH et HEMMEN une distance latérale de 5,77 mètres suivant le croquis … précité, tandis qu’aucune construction ne se trouve actuellement sur le terrain FISCHER;
2 Qu’en date du 22 avril 1997, Monsieur … HEMMEN a adressé au bourgmestre de la commune de Remerschen une demande d’autorisation de principe relative à la construction d’un immeuble à trois appartements sur son terrain précité, devant s’étendre tant du côté SCHLEICH que du côté FISCHER jusqu’à la limite latérale séparative des fonds respectifs;
Que par décision de principe du 23 septembre 1997, le bourgmestre de la commune de Remerschen a déclaré accorder l’autorisation sollicitée en se référant à l’avis de la commission d’aménagement près le ministère de l’Intérieur du 11 juin 1996, ainsi qu’à celui du commissaire de district de Grevenmacher du 28 juillet 1997;
Que tout en demandant à Monsieur HEMMEN de présenter les plans définitifs aux fins d’octroi de l’autorisation de bâtir, le bourgmestre a rendu attentif celui-ci sur le fait que les voisins auraient le même droit de construire sur la limite de leurs terrains;
Que par courrier du 11 décembre 1997 le mandataire de Messieurs … FISCHER et … SCHLEICH s’est adressé au bourgmestre de la commune de Remerschen pour lui demander de retirer la décision de principe du 23 septembre 1997, demande à laquelle il fut répondu en date du 13 janvier 1998 par le mandataire de la commune de Remerschen que celle-ci n’était pas disposée à procéder à pareille rétractation;
Considérant qu’en date du 24 mars 1998, Messieurs … SCHLEICH et … FISCHER ont fait déposer au greffe du tribunal administratif deux recours inscrits respectivement sous les numéros du rôle 10637 et 10638 tendant l’un et l’autre à l’annulation de la décision de principe précitée du bourgmestre de la commune de Remerschen du 23 septembre 1997;
Considérant que dans la mesure où ces deux recours sont libellés d’une façon analogue et dirigés contre la même décision administrative, il échet, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les joindre pour y statuer par un seul et même jugement;
Considérant que le mandataire de Monsieur HEMMEN fait relever que ni Monsieur FISCHER, ni Monsieur SCHLEICH n’auraient intérêt à agir en l’espèce, alors que bien qu’étant propriétaires des terrains voisins, ils n’habiteraient point à cet endroit précis;
Considérant que dans la mesure où la décision déférée est querellée concernant la question de savoir si un recul sur les limites latérales doit être observé ou non, d’après les dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen applicable, les propriétaires des terrains voisins de celui litigieux, par rapport aux lignes séparatives latérales duquel l’existence légale d’un recul éventuel doit être appréciée, ont un intérêt personnel individualisé suffisant à voir analyser la légalité de la décision déférée au regard des dispositions applicables du règlement sur les bâtisses communal;
Que ce moyen d’irrecevabilité doit dès lors être écarté;
Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, les deux recours en annulation, par ailleurs déposés suivant les formes et délai prévus par la loi, sont recevables, étant précisé que dans la mesure où la saisine du tribunal est conditionnée par le cadre fixé aux dispositifs des requêtes introductives en question, le présent litige se limite aux seules demandes en annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Remerschen du 23 septembre 1997, sans qu’il y ait lieu de s’attarder au silence gardé par le bourgmestre 3 suite à la réclamation non datée de Monsieur FISCHER, ni à celle de Monsieur SCHLEICH du 26 septembre 1997, ni au silence gardé par le bourgmestre suite à la demande en rétractation du mandataire des demandeurs actuels du 11 décembre 1997, tel qu’allégué, ni à la réponse du mandataire de la commune du 13 janvier 1998, sauf à retenir que les réclamations introduites ont été de nature à faire courir un nouveau délai légal contentieux, endéans lequel les recours ont été utilement introduits, question par ailleurs non querellée;
Considérant au fond que les parties demanderesses reprochent au bourgmestre d’avoir fait une application erronée en droit de l’article 4 du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen, en ce que le terme « anbauen » y consacré présupposerait nécessairement, même en l’absence d’une précision afférente du texte, l’existence sur la ligne séparative des fonds d’une construction voisine permettant d’y adosser les bâtiments à autoriser;
Que par ailleurs l’application faite dudit article par la décision déférée ne serait pas conciliable avec les dispositions des articles 4 a) alinéa 7, 19 et 51 du règlement sur les bâtisses, de même qu’elle serait de nature à créer une situation engendrant la naissance d’une servitude du tour d’échelle ainsi appelée, permettant au propriétaire d’un bâtiment ou d’un mur contigu au fonds voisin d’aller sur ce fonds pour y effectuer les réparations nécessaires;
Que les demandeurs déclarent ne pas être d’accord à accorder pareille servitude;
Que les parties défenderesses soulignent que la décision déférée a été prise suite aux avis donnés en ce sens à la fois par la commission d’aménagement près le ministère de l’Intérieur et le commissaire de district de Grevenmacher;
Que l’application de l’article 4 a) 4ième alinéa, telle que proposée par les parties demanderesses reviendrait à ajouter au texte une condition qui n’y figure pas, à savoir celle de l’existence d’une construction voisine sur la ligne séparatrice des fonds, le mot « anbauen » n’étant pas synonyme d’adosser;
Que l’interprétation proposée par les demandeurs ne correspondrait ainsi ni aux termes, ni à l’esprit du règlement sur les bâtisses;
Que d’après elles, en zone mixte, le propriétaire d’un fonds a le choix, soit d’observer un recul latéral de trois mètres au moins, soit de placer sa construction contre la limite latérale séparative des fonds;
Que dans la mesure où il s’agirait d’une restriction au droit de construire des citoyens, découlant de leur droit de propriété, l’interprétation des dispositions afférentes serait restrictive et ne saurait pas non plus être opérée par rapport aux dispositions figurant dans le même règlement pour d’autres zones, tel l’article 3 valant pour les zones d’habitation;
Que les dispositions du code civil et du droit civil en général ne tomberaient pas sous la compétence du tribunal administratif et devraient dès lors être écartées comme étant non pertinentes;
Considérant qu’il est constant en cause que le terrain litigieux de Monsieur HEMMEN se trouve en zone mixte, telle que prévue par l’article 4 du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen;
4 Que l’article 4 a), 4ième alinéa, dispose que « die Bauten dürfen bis zu einer Bautiefe von 16 m seitlich an der Grundstücksgrenze angebaut werden. Geschieht dies nicht, muss ein Mindestabstand von 3 m eingehalten werden, sowohl oberhalb als unterhalb der Erdoberfläche »;
Que les parties se trouvent en désaccord sur le sens et la portée à conférer à la notion « angebaut werden » telle qu’employée dans le contexte du règlement sur les bâtisses;
Qu’il est patent, que la langue allemande désigne par « anbauen » le fait d’adosser, sinon de construire contre, cette notion présupposant nécessairement la présence d’une construction ou d’un élément équivalent existant;
Qu’ainsi d’après le sens littéral de « anbauen », ce terme ne vise pas le fait de construire contre une ligne séparative des fonds, généralement abstraite, inscrite sur un plan, mais non nécessairement tracée en tant que telle sur le terrain;
Considérant que dans l’application des dispositions légales et réglementaires lui soumises, le tribunal, face à des contestations relatives à l’application d’un terme, dont il a dégagé le sens littéral, est amené à en vérifier la portée en découlant par rapport à son contexte et plus particulièrement à des dispositions voisines ou parallèles de nature à en préciser le sens dans l’esprit de ses auteurs;
Qu’il est constant qu’une disposition légale ou réglementaire, et plus particulièrement un règlement sur les bâtisses, forme un tout et que les mêmes mots employés pour des zones différentes, mais parallèles et complémentaires, doivent être appliqués de manière à avoir dans la mesure du possible la même signification, plutôt que de revêtir des sens différents;
Considérant que l’article 3 du règlement sur les bâtisses intitulé « die reinen Wohngebiete » dispose en ses alinéas 6 et 7 que « die Bauten müssen, wenn ein Nachbargebäude auf der Grundstücksgrenze steht, entweder an der seitlichen Grundstücksgrenze angebaut werden oder einen seitlichen Grenzabstand von 6 m einhalten.
Der seitliche Mindestgrenzabstand beträgt 3 m, sowohl oberhalb als unterhalb der Erdoberfläche ».
Que le tribunal est amené à faire observer d’abord le parallélisme de l’alinéa 7 de l’article 3 et la dernière phrase de l’alinéa 4 de l’article 4 a) précité;
Qu’ainsi le 7ième alinéa de l’article 3 et la deuxième phrase de l’article 4 a) quatrième alinéa ont un libellé quasiment identique duquel il résulte que le recul latéral de 3 m à observer, dans l’une comme dans l’autre zone, s’entend aussi bien au-dessus du sol que pour le tréfonds;
Que pareillement le fait de construire sur la limite des fonds doit également s’entendre tant en surface qu’en sous-sol et ne se limite pas à la seule « Grundstückgrenze », entendue dans un sens premier comme étant la ligne séparatrice des fonds au ras du sol;
5 Considérant que pour le surplus l’article 3 alinéa 6 emploie la notion « angebaut werden » dans sa conception acquise en langue allemande comme signifiant adosser à un « Nachbargebäude » existant;
Que l’emploi des termes « müssen » à l’article 3 et « dürfen » à l’article 4, bien que contradictoires en apparence, n’empêche cependant pas moins que le sens donné aux alinéas en question aboutit strictement au même résultat en ce qu’un choix est conféré au propriétaire d’un terrain de construire jusqu’à la ligne séparatrice des fonds, sinon d’observer un recul latéral tel que prescrit par la réglementation communale, différent suivant la nature des zones prévues;
Qu’ainsi le principe des deux options offertes à un propriétaire d’un terrain se retrouve pareillement dans chacune des deux zones;
Qu’enfin la signification à conférer au terme « anbauen » résulte encore de façon claire et précise du règlement sur les bâtisses lui-même, et plus précisément de son article 3 alinéa 5 in fine libellé comme suit: « Bei Anbauten muss sich nach der Gesimshöhe des Nachbargebäudes gerichtet werden, ohne jedoch die maximale Gesimshöhe von 7 m zu überschreiten »;
Qu’il se dégage nécessairement de cette disposition que d’après les auteurs du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen les « Anbauten » présuppose nécessairement la présence d’un Nachbargebäude préexistant;
Qu’il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le terme « angebaut werden » employé à l’article 4 a) alinéa 4 du règlement sur les bâtisses doit être lu en ce sens qu’il présuppose l’existence sur la ligne séparative des fonds d’une construction voisine, telle qu’expressément précisée à l’article 3 alinéa 6, au contenu par ailleurs parallèle;
Que le sens et la portée a donner aux dispositions de l’article 4 a) alinéa 4 du règlement sur les bâtisses découlent ainsi de leur contexte, y compris les notions identiques y employées et définies, sans devoir avoir recours à des concepts du droit civil, tirés notamment du droit des servitudes, étrangers à ce stade à la question soulevée;
Considérant que dans la mesure où le tribunal a été amené à conférer au terme « anbauen » employé dans le règlement communal sur les bâtisses son sens tel qu’il se dégage à la fois des définitions des notions contenues dans le même corps de texte, ainsi que de sa juxtaposition avec des dispositions voisines ou parallèles, il n’a fait qu’appliquer les limitations à l’usage du droit de propriété ainsi prévues par ce texte;
Que c’est partant à tort que le bourgmestre de la commune de Remerschen a accordé à Monsieur HEMMEN l’autorisation de principe d’ériger sa construction aux limites latérales de son terrain, à défaut de construction voisine y existante;
Considérant que les demandes en paiement d’indemnités de procédure de chaque fois 50.000.- francs formulées par la partie défenderesse HEMMEN tant à l’égard de Monsieur SCHLEICH que de Monsieur FISCHER sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile sont à écarter au vu de l’issue du litige;
6 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
joint les deux recours en annulation et les reçoit en la forme;
au fond les déclare justifiés;
partant annule la décision du bourgmestre de la commune de Remerschen du 23 septembre 1997 et renvoie l’affaire devant ledit bourgmestre;
écarte les demandes en obtention d’une indemnité de procédure de Monsieur HEMMEN;
fait masse des frais et dépens et les impose à chacune des parties défenderesses pour moitié.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 octobre 1998, par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 7