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28/10/1998 | LUXEMBOURG | N°10434

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 octobre 1998, 10434


Numéro 10434 du rôle Inscrit le 27 novembre 1997 Audience publique du 28 octobre 1998 Recours formé par la société en commandite simple MUNIMMO s.à r.l. et Cie, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial

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Vu le jugement avant dire droit du 29 juillet 1998;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 1998 par Maître Albert WILDGE

N au nom de la société MUNIMMO s.à r.l. et Cie, s.e.c.s.;

Vu le mémoire complémentaire du dé...

Numéro 10434 du rôle Inscrit le 27 novembre 1997 Audience publique du 28 octobre 1998 Recours formé par la société en commandite simple MUNIMMO s.à r.l. et Cie, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial

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Vu le jugement avant dire droit du 29 juillet 1998;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 1998 par Maître Albert WILDGEN au nom de la société MUNIMMO s.à r.l. et Cie, s.e.c.s.;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 1998;

Vu la note déposée sur demande du tribunal au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1998 par Maître Albert WILDGEN au nom de la société MUNIMMO s.à r.l. et Cie, s.e.c.s.;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin d’impôt critiqué;

Ouï Maître Charles OSSOLA, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 27 novembre 1997, la société MUNIMMO s.à r.l. et cie, s.e.c.s., appelée dans la suite « la société MUNIMMO », a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre le bulletin de l'impôt commercial communal pour l’exercice 1994 émis à son encontre en date du 17 octobre 1996, sa réclamation afférente introduite par courriers des 9 janvier 1997 et 7 février 1997 étant restée sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes. La société MUNIMMO critique plus spécifiquement la soumission à l'impôt commercial communal d’une part du revenu tiré au cours de l’exercice 1994 des locations à la société "X." S.A. de son fonds de commerce et de l’immeuble commercial lui appartenant, et d’autre part de la plus-value résultant de la cession de ce même fonds de commerce à la société "X." S.A. en octobre 1994.

Dans le jugement avant dire droit du 29 juillet 1998, le tribunal a déclaré le recours principal en réformation recevable et le recours subsidiaire en annulation irrecevable. Quant au fond, il a considéré que la société MUNIMMO a cessé l’exploitation commerciale constituée (« stehender Gewerbebetrieb ») au début de l’année 1990 et que la soumission à l'impôt commercial communal a cessé en principe à ce moment. Une société en commandite simple, ne constituant pas une société de capitaux soumise à l'impôt commercial communal de par sa seule forme, n’est assujettie à cet impôt qu’en cas d’existence d’une exploitation commerciale dans le chef de ses associés par son biais. Les opérations de location d’un fonds de commerce ou d’un immeuble commercial, ainsi que de cession de fonds de commerce n’étant pas soumises à l'impôt commercial communal à titre isolé en tant que telles en l’absence d’une exploitation commerciale constituée, le tribunal a exclu l’application de l'impôt commercial communal à ces opérations pour autant que la seule société MUNIMMO est prise en considération.

Le tribunal a cependant relevé que l’abandon de l’exploitation commerciale par la demanderesse est le corollaire direct de sa reprise économique par la société "X." S.A. et que la théorie de la scission d’entreprise (« Betriebsaufspaltung »), développée par la jurisprudence fiscale allemande et applicable également au Luxembourg (cf. C.E. 16 juillet 1982, n° 6677), est de nature à pouvoir, le cas échéant, infirmer la solution dégagée dans un premier stade sur base des seules données relatives à la demanderesse. Afin de permettre aux parties de prendre position face à ces éléments et de réunir toutes les informations nécessaires afférentes, le tribunal a ordonné la continuation des débats à une audience ultérieure.

La société MUNIMMO renvoie aux circulaires LIR n° 66 du 3 octobre 1978 et LIR n° 66a du 13 juin 1986 du directeur de l’administration des Contributions directes et à l’arrêt précité du Conseil d’Etat du 16 juillet 1982, ayant chacun en ce qui le concerne dégagé les critères d’application de la théorie de la scission d’entreprise. Sur base d’une analyse des proportions des participations dans les sociétés impliquées, elle déduit que son propre associé dominant ne figure pas parmi les actionnaires de la société "X." S.A., tandis que les actionnaires de celle-ci ne détiendraient que 1% de son capital, état des choses excluant l’existence d’une liaison personnelle entre ces sociétés. La société MUNIMMO estime encore que les caractéristiques et l’utilisation de l’immeuble en cause ainsi que du fonds de commerce litigieux ne permettraient pas de conclure à l’existence d’une liaison matérielle entre elle-même et la société "X." S.A..

Le délégué du Gouvernement estime que la condition de la liaison matérielle est rarement remplie dans le secteur de la distribution en raison du caractère interchangeable des halls et hangars et qu’il ne résulterait pas de l’instruction des éléments de l’espèce que la condition de la liaison personnelle soit remplie.

La théorie de la scission d’entreprise s’applique, outre à l’hypothèse proprement dite du fractionnement d’une entreprise existante en deux entreprises distinctes, pareillement en cas de création d’une seconde société à côté d’une société préexistante avec transfert de l’exploitation à cette nouvelle société. La société MUNIMMO ayant préexisté de loin à la société "X." S.A.

fondée en décembre 1988, à laquelle elle a cédé, sinon mis à disposition des parties importantes 2 de son actif ainsi que l’exploitation du commerce en gros, la situation visée en l’espèce constitue une hypothèse rentrant dans le champ d’application de cette théorie.

La théorie de la scission d’entreprise suppose l’existence d’imbrications entre la société propriétaire (« Besitzgesellschaft ») et la société d’exploitation (« Betriebs-unternehmen ») tant sur le plan matériel que sur le plan personnel.

Une imbrication matérielle est admise en général dès lors que la société propriétaire met à disposition de la société d’exploitation un ou plusieurs éléments essentiels pour cette dernière, notion qui vise un bien économique qui est nécessaire à la réalisation de l’objet de l’entreprise et qui revêt une importance particulière pour la gestion de l’entreprise. Cette dernière condition est vérifiée dès lors que le bien n’est pas aisément remplaçable par un bien équivalent acquis ou loué sans que la continuité de l’exploitation ne soit mise en péril.

Un immeuble représente un élément essentiel pour la société d’exploitation notamment si son infrastructure est conçue ou aménagée pour ses besoins spécifiques, de sorte qu’une exploitation identique est impossible à son défaut et qu’un remplacement à brève échéance s’avère être difficile, ou s’il revêt une importance primordiale par rapport aux autres immeubles servant à l’exploitation.

En l’espèce, la société MUNIMMO, parlant pour son seul compte et précisant qu’elle ne saurait prendre position au nom et pour compte de la société "X." S.A. laquelle n’est pas partie au présent litige, avance que l’immeuble en cause est situé à …, donc dans une zone d’activité sans location privilégiée, et sert à l’exploitation du commerce en gros de la société "X." S.A. se résumant globalement au commerce de boissons et d’autres denrées. L’immeuble comporte un grand hall pour le stockage des marchandises, un quai pour le chargement ou déchargement de camions et un certain nombre de bureaux, mais est dépourvu d’autres aménagements particuliers tels des chambres froides, de sorte qu’il pourrait également être utilisé pour le stockage et le commerce de biens tout à fait différents. Pareillement, il est affirmé qu’un remplacement de l’immeuble serait aisé et ne causerait pas de préjudice au regard de son caractère commun, vu que l’immeuble serait dépourvu d’infrastructures particulières et qu’un hall standard suffirait ainsi aux besoins de l’exploitation.

Le tribunal relève néanmoins que le hall en cause représente le seul bien immobilier utilisé par la société "X." S.A. et qu’il héberge également les bureaux administratifs de cette société.

Eu égard cependant aux explications de la société MUNIMMO quant au caractère remplaçable du hall à tout moment, sans que l’exploitation du commerce en gros de boissons en soit affectée, étant donné que cette dernière requiert surtout un simple espace de stockage et aux autres éléments par elle fournis et non autrement contestés, le tribunal vient à la conclusion qu’il n’est pas établi que le hall constitue un élément essentiel au regard des critères ci-avant dégagés dans le chef de la société "X." S.A..

Un fonds de commerce représente un élément essentiel pour la société d’exploitation lorsque son chiffre d’affaires repose pour une partie non négligeable sur son exploitation. Il se dégage cependant des éléments de la cause que le fonds de commerce loué à la société "X." S.A. jusqu’en octobre 1994 était composé de matériels et d’outillages ainsi que d’un goodwill comportant notamment l’enseigne commerciale « Etablissements R. X. ». Etant donné qu’il n’est pas établi ni même allégué que cette enseigne et les autres éléments du fonds de 3 commerce aient représenté à l’époque en cause un moyen important de réalisation du chiffre d’affaires de la société "X." S.A., ce fonds de commerce ne saurait à son tour être qualifié d’élément essentiel pour cette société.

En l’absence de la preuve de la mise à disposition par la société MUNIMMO d’éléments essentiels pour la société "X." S.A. au cours de l’année 1994, l’existence d’une liaison matérielle entre ces deux sociétés n’est pas vérifiée en l’espèce.

Une liaison personnelle est admise entre une société propriétaire et une société d’exploitation lorsque les mêmes associés sont capables de dicter leur volonté dans les deux sociétés.

En l’espèce, il résulte des informations fournies au tribunal que Monsieur R. X. senior était jusqu’en octobre 1994 associé commandité de la société MUNIMMO et détenait 391 parts sociales sur un total de 400 parts. Lors de l’assemblée générale des associés de la société MUNIMMO du 4 octobre 1994, les associés ont accepté la démission de Monsieur R. X.

senior en tant que commandité et ont nommé la société à responsabilité limitée MUNIMMO s.à r.l. comme nouveau commandité. A la même occasion, les associés ont accepté la cession de 20 parts de la part de Monsieur R. X. senior à la société à responsabilité limitée MUNIMMO s.à r.l.. Monsieur R. X. senior qui détient ainsi 371 parts à partir d’octobre 1994, ainsi qu’un huitième des parts dans la société à responsabilité limitée MUNIMMO s.à r.l., n’est par contre pas actionnaire de la société "X." S.A.. Les actionnaires de cette dernière société, à savoir Monsieur R. X. junior, Madame F. X, Monsieur P. X. et Monsieur S. X.détenant chacun un quart des actions, ne détiennent dans la société MUNIMMO que 4 parts sur 400 et environ la moitié des parts de la société à responsabilité limitée MUNIMMO s.à r.l..

Il se dégage d’une analyse de la situation au niveau des personnes considérées isolément que le niveau de participation des actionnaires de la société "X." S.A. dans la société MUNIMMO ne peut être considéré comme suffisant pour qu’il y ait identité du groupe de personnes dominant les deux sociétés, l’associé dominant de la société MUNIMMO n’étant en contre-partie pas du tout actionnaire de cette première société. Alors même qu’il échet de relever que les associés et actionnaires des sociétés impliquées sont membres de la même famille, cette circonstance n’est pas en l’espèce de nature à énerver la susdite conclusion en l’absence d’indices fournis au tribunal quant à une prise d’influence dans l’une ou l’autre société impliquée par des personnes n’y détenant pas de parts ou d’actions.

L’existence d’une liaison personnelle entre les sociétés MUNIMMO et "X." S.A. n’est en conséquence pas non plus établie.

Il s’en suit des développements qui précèdent que les deux conditions cumulatives d’application de la théorie de la scission d’entreprise ne se trouvent pas vérifiées en l’espèce.

Sur base de ce constat et des conclusions dégagées par le jugement avant dire droit du 29 juillet 1998, force est d’admettre que la demande de la société MUNIMMO de voir exclure de la base d’imposition pour l'impôt commercial communal au titre de l’exercice 1994 les revenus de location provenant de la location de l’immeuble prévisé et de son fonds de commerce, ainsi que le bénéfice de cession de son fonds de commerce, est fondée et qu’il y a lieu de réformer le bulletin déféré du 17 octobre 1996 en ce sens. Etant donné que le tribunal ne dispose ni du dossier fiscal, ni de comptes complets pour l’exercice 1994, il y a lieu de renvoyer l’affaire au bureau d’imposition compétent pour exécution.

4 La demande de la société MUNIMMO en allocation d’une indemnité de procédure n’est cependant pas fondée, les conditions de l’article 131-1 du code de procédure civile n’étant pas remplies.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement avant dire droit du 29 juillet 1998, déclare le recours en réformation fondé, partant dit que les revenus provenant de la location de l’immeuble sis à …, et de la location du fonds de commerce de la société demanderesse, ainsi que la plus-value dégagée par la cession de ce même fonds de commerce, tous réalisés au cours de l’exercice 1994, ne sont pas soumis à l'impôt commercial communal au titre de cet exercice, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent, déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure non fondée, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 octobre 1998 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10434
Date de la décision : 28/10/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-10-28;10434 ?

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