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14/10/1998 | LUXEMBOURG | N°10546

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 1998, 10546


N° 10546 du rôle Inscrit le 3 février 1998 Audience publique du 14 octobre 1998

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Recours formé par Madame … FEIDT, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes et le ministre des Finances en présence de Monsieur … X., … en matière de promotion

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 1998 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat inscrit à la li

ste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FEIDT, inspecteur à l’admi...

N° 10546 du rôle Inscrit le 3 février 1998 Audience publique du 14 octobre 1998

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Recours formé par Madame … FEIDT, … contre le directeur de l’administration des Contributions directes et le ministre des Finances en présence de Monsieur … X., … en matière de promotion

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 1998 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FEIDT, inspecteur à l’administration des Contributions directes, …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 octobre 1997, par laquelle la candidature de Monsieur … X., inspecteur des contributions, a été retenue pour un poste vacant au service des évaluations immobilières des contributions directes, ainsi que contre la décision confirmative du ministre des Finances du 5 novembre 1997, par laquelle le recours gracieux de Madame FEIDT a été rejeté;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 20 février 1998 portant signification de ce recours à Monsieur … X., … Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 1998 par Maître Jean-Marie BAULER, au nom de Madame … FEIDT;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadia JANAKOVIC et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 1998.

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Au mois de septembre 1997, le directeur de l’administration des Contributions directes a informé le personnel par voie de circulaire d’une vacance de poste au service des évaluations immobilières concernant les fonctionnaires des grades 11 et 12. Madame … FEIDT, inspecteur à l’administration des Contributions directes, …, a introduit sa candidature pour le poste en question par lettre du 18 septembre 1997. Par décision du directeur des Contributions du 7 octobre 1997, ledit poste fut attribué à Monsieur … X., inspecteur des contributions au bureau d’imposition Luxembourg III. A l’encontre de cette décision Madame FEIDT a introduit un 1 recours auprès du ministre des Finances en date du 14 octobre 1997. Celui-ci fut rejeté par décision ministérielle du 5 novembre 1997.

A l’encontre de ces deux décisions, Madame FEIDT a fait déposer en date du 3 février 1998 un recours principalement en réformation, subsidiairement en annulation, à l’appui duquel elle fait exposer que la décision de ne pas retenir sa candidature ne reposerait pas sur une motivation légale et constituerait un détournement, sinon un excès de pouvoir, ainsi qu’une violation de la loi.

Elle fait valoir plus particulièrement que la décision directoriale du 7 octobre 1997 retenant la candidature de Monsieur X. n’énoncerait pas, au moins sommairement, la cause juridique lui servant de fondement et les circonstances de fait à sa base. Quant aux précisions apportées par la décision ministérielle déférée, elle estime qu’en retenant comme facteur déterminant la seule ancienneté dans le rang, le chef d’administration aurait opéré un choix arbitraire du critère de sélection, choix qui serait non seulement contraire à la loi, mais encore d’une injustice flagrante. Ainsi, elle estime que le résultat de l’examen de promotion aurait également dû entrer en ligne de compte, d’autant plus que d’un côté elle y était classée deuxième, donc bien avant Monsieur X. qui y était classé seulement neuvième, et que d’un autre côté l’avantage en ancienneté de Monsieur X. résulterait d’un congé pour travail à mi-

temps qu’elle avait pris en raison de sa situation de mère de famille, circonstance qui ne devrait pas préjudicier à sa carrière sous peine de discrimination.

Quant à la recevabilité Le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation, alors qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne lui accorde compétence pour statuer au fond en matière de promotion des fonctionnaires.

Pour conclure à l’irrecevabilité du recours, le représentant étatique soulève une irrégularité découlant de l’absence de signification du recours au candidat retenu Monsieur … X., ainsi que le défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse.

Il résulte des pièces versées au dossier que le recours a été signifié à Monsieur X. par exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL du 20 février 1998. La signification du recours au défendeur et aux tiers intéressés ne constituant pas une formalité substantielle, mais simplement complémentaire pour permettre la mise en état des litiges en sauvegardant les droits de la défense, ce premier moyen est à écarter comme n’étant pas fondé, Monsieur X.

ayant en l’espèce été mis en mesure de présenter ses observations en temps utile.

Un recours contentieux étant ouvert à toute personne qui peut être affectée par une décision administrative adressée à une autre personne, dès lors que cette décision est susceptible de lui causer préjudice (trib. adm. 16.7.97, Pas.adm. n° 2/98, V° Procédure contentieuse, n°10), il y a lieu de retenir que Madame FEIDT a en l’espèce intérêt à agir contre la décision déférée, étant donné qu’elle peut se prévaloir d’une lésion à caractère individualisé résultant du fait que sa candidature n’a pas été retenue pour le poste en cause et retirer de l’annulation préconisée une satisfaction certaine et personnelle.

Il découle des considérations qui précèdent que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

2 Quant au fond Pour conclure à l’annulation des décisions déférées, la partie demanderesse soulève d’abord leur défaut, voire leur insuffisance de motivation.

La décision déférée du ministre des Finances du 5 novembre 1997 retenant Monsieur X. pour le poste en cause et confirmant par là celle du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 octobre 1997, est motivée par la seule considération de l’ancienneté de grade des deux postulants FEIDT et X.. Pareillement le délégué du Gouvernement fait valoir que le tableau d’avancement serait le seul critère légal à appliquer en l’espèce.

Une décision sur recours gracieux, purement confirmative d’une décision initiale, tire son existence de cette dernière et dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout.

En vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 1er, paragraphe 2 de la loi du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat, telle que modifiée notamment par les lois des 27 août 1986 et 14 novembre 1991, ci-après appelée « la loi du 28 mars 1986 », « l’accès au cadre fermé se fait sur base du tableau d’avancement ». Il importe dès lors de souligner que le présent litige ne trouve pas à sa base une contestation ayant trait à l’accès au cadre fermé, mais a trait plus particulièrement à une promotion à l’intérieur dudit cadre, mettant en concurrence deux fonctionnaires faisant d’ores et déjà partie du cadre fermé, le choix étant tombé sur le candidat le plus ancien en rang.

S’il est bien vrai qu’avant la réforme législative du 27 août 1986 le critère de l’ancienneté était autrement consacré dans la mesure où l’ancien article 1er, paragraphe 2, dernier alinéa de la loi précitée du 28 mars 1986 disposait que « la nomination aux différentes fonctions du cadre fermé se fait sur la base du tableau d’avancement établi à la suite de l’examen de promotion », il échet de constater que le législateur s’est ravisé sur ce point en accordant un pouvoir d’appréciation plus étendu à l’autorité de nomination pour les avancements à l’intérieur du cadre fermé.

En effet, la nouvelle disposition précitée est à interpréter dans le sens que seul le passage du cadre ouvert au cadre fermé de la carrière en cause est fonction du rang au tableau d’avancement. Pour les avancements ultérieurs dans le cadre fermé, le pouvoir de nomination dispose partant d’un pouvoir d’appréciation non lié, étant entendu que cette appréciation doit néanmoins reposer sur des critères objectifs et s’opérer d’une manière non arbitraire (cf. C.E. 3 juillet 1995, Lepage, n° 9160 du rôle).

Pour soutenir que le critère du rang au tableau d’avancement, retenu en l’espèce par l’autorité de nomination, lui serait particulièrement préjudiciable, la demanderesse met en avant la circonstance que c’est uniquement en raison d’un congé à mi-temps pris par elle pour des raisons familiales, partant fort légitimes, qu’elle n’a accédé au cadre fermé que postérieurement à Monsieur X., étant entendu qu’en vertu des dispositions de l’article 31, paragraphe 2, a. de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant la statut général des fonctionnaires de l’Etat, ledit congé ne 3 compte pas pour les promotions. Elle estime partant que d’autres critères auraient également dû entrer en ligne de compte, dont notamment le résultat de l’examen de promotion auquel elle a obtenu un meilleur classement que Monsieur X..

Il est constant que le présent litige n’a pas pour objet une contestation relative au dépassement de Madame FEIDT par Monsieur X. à l’entrée au cadre fermé, mais une décision postérieure ayant trait à une autre promotion. Ledit dépassement s’est en effet déjà reflété sur le tableau d’avancement lors des nominations respectives des deux fonctionnaires X. et FEIDT au grade d’inspecteur, de sorte que le tableau d’avancement, dans sa configuration de l’époque où les décisions déférées sont intervenues, est à considérer comme un élément de fait acquis qui ne saurait plus être contesté dans le cadre du présent litige. Aussi y a-t-il lieu d’admettre que le critère du rang au tableau d’avancement revêt en tant que tel un caractère objectif, de nature à départager sans ambiguïté, ni subjectivité différents postulants, de sorte que l’autorité de nomination peut en principe légitimement s’y référer sans avoir à analyser, à ce stade, les raisons ayant déterminé les rangs d’ancienneté respectifs qui en découlent.

Néanmoins, même s’il est admis que l’autorité de nomination peut, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, être amenée à retenir comme critère de sélection déterminant l’ancienneté en rang suivant le tableau d’avancement, il n’en reste pas moins qu’au stade des promotions dans le cadre fermé, ce critère est appelé à figurer comme l’un possible parmi plusieurs autres, quitte à être le seul à être retenu par l’autorité de nomination, après due prise en considération de la situation globale en droit et en fait.

Face aux éléments du dossier tels que précisés par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse en ce que « le tableau d’avancement est le seul critère légal à appliquer en l’espèce, cela conformément à l’article 1er, paragraphe 2 de la loi d’harmonisation », force est cependant de constater qu’en l’espèce le choix de l’autorité de nomination s’est porté sur Monsieur X. en raison du caractère prétendument dirimant du seul critère de l’ancienneté, de manière à ce qu’il y a lieu de conclure à une erreur d’appréciation des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2 de la loi modifiée du 28 mars 1986 entraînant que la décision déférée repose sur une motivation erronée, équivalente à une absence de motivation, qui n’a pas été utilement complétée en cours d’instance.

Dans la mesure où le tribunal ne saurait passer outre aux lacunes ainsi dégagées, par voie de substitution de motifs, sous peine de priver la demanderesse d’une chance de voir sa candidature dûment appréciée en droit par l’autorité de nomination, les décisions déférées sont à annuler pour cause d’insuffisance de motifs valant absence de motifs légaux.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à défaut à l’égard de Monsieur … X. et contradictoirement à l’égard des autres parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le dit justifié;

4 partant annule les décisions déférées des 7 octobre et 5 novembre 1997 et renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes;

met les frais à charge de l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 1998 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10546
Date de la décision : 14/10/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-10-14;10546 ?

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