N° 10161 du rôle Inscrit le 22 juillet 1997 Audience publique du 14 octobre 1998
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Recours formé par Monsieur … LEYDER, contre le ministre de la Justice en matière d’armes prohibées
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 1997 par Maître Karine SCHMITT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LEYDER, …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 avril 1997, lui refusant l’autorisation de port d’armes prohibées;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Karine SCHMITT et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par demande du 13 décembre 1996, Monsieur … LEYDER, …, a sollicité auprès du ministre de la Justice, ci-après appelé le « ministre », une autorisation d’acquisition et de port d’un pistolet à air comprimé Walter LP200, calibre 4,5mm, à des fins de tir sportif.
Sur demande de renseignements du ministre transmise au commissariat de police à Schifflange, ledit commissariat a conclu, dans son rapport du 28 janvier 1997, qu’il n’y aurait pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur LEYDER au motif suivant: « LEYDER wurde bereits unzählige Male wegen Diebstahls und freiwilliger Schläge und Verwundungen protokolliert.
Desweiteren war derselbe als Verdächtiger in einen Ueberfall auf einen Geldtransport verwickelt (1983).
Hiesige Stelle hatte ebenfalls desöfteren mit LEYDER zu tun. Die Beamten mussten hierbei immer wieder erfahren, dass er sich immer gegen dieselbe stellte und die Untersuchungen hierdurch erheblich erschwerte.
Berichtender ist der Ansicht, dass LEYDER aufgrund seiner mit Sicherheit zu beanstandenden Vergangenheit, kein Waffenschein ausgestellt werden sollte. » 1 Le ministre a rejeté la demande de Monsieur LEYDER, par décision du 23 avril 1997, motivée comme suit: « En réponse à votre demande du 13 décembre 1996, relative à l’obtention de l’autorisation pour l’acquisition et le port d’un pistolet de sport, je suis au regret de devoir vous informer que cette autorisation n’est pas susceptible d’être accordée.
Aux termes de l’article 16, al.2 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions "L'autorisation peut être refusée lorsqu'il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l'arme". L'enquête administrative à laquelle toute demande de port d'arme est subordonnée fait état de ces circonstances et propose la décision négative. (…) ».
Par requête déposée le 22 juillet 1997, Monsieur LEYDER a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 23 avril 1997, « pour violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés ».
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision querellée serait dépourvue de toute motivation et, comme pour le surplus l’enquête administrative ne lui aurait pas été communiquée, il resterait dans l’ignorance des raisons qui ont fondé le refus ministériel.
Quant à sa situation personnelle, le demandeur expose être inscrit dans un club de tir, il estime avoir toujours eu une bonne conduite et il soutient que « ni son comportement, ni son état mental et ses antécédents ne semblent pouvoir justifier une décision négative ».
Le délégué du gouvernement relève en premier lieu qu’en date du 22 mars 1988, le ministre avait déjà refusé une autorisation de port d’armes prohibées au demandeur et que, sur recours contentieux, le comité du contentieux du Conseil d’Etat, par arrêt du 4 juillet 1989, a jugé que le ministre avait à bon droit refusé une telle autorisation.
Le représentant étatique expose ensuite que lors de l’instruction de la nouvelle demande, par la police de son lieu de résidence, Monsieur LEYDER aurait reconnu avoir fait l’objet d’une condamnation pénale, mais il aurait refusé de donner de plus amples informations à ce sujet. Il aurait en outre déclaré qu’il ne ferait pas l’objet de procédures judiciaires en cours. Or, cette dernière affirmation serait contraire à la vérité, au motif qu’il ressortirait d’une information du 28 mars 1997 du parquet du tribunal d’arrondissement que « plusieurs dossiers de coups et blessures volontaires et de faux sont actuellement pendants au Parquet de Luxembourg ».
Concernant les reproches tirés de l’absence de communication de l’enquête administrative et d’un défaut de motivation, le délégué soutient, d’une part, qu’il n’existe aucune obligation juridique de communiquer d’office une enquête administrative et que le demandeur aurait pu et dû prendre inspection voire demander la communication du dossier administratif et, d’autre part, qu’une motivation insuffisante ne constituerait pas une cause de nullité d’une décision administrative, mais que la seule conséquence serait que les délais de recours ne commencent à courir qu’à partir de la communication des motifs.
Quant aux motifs du refus, le délégué expose que la décision ministérielle de rejet de l’autorisation sollicitée serait légalement justifiée sur base de considérations relatives à la sécurité publique. En effet, ce seraient les antécédents du demandeur, à savoir une condamnation pour coups et blessures volontaires ayant causé maladie et incapacité de travail, 2 qui a notamment été à l’origine du refus de 1988, ainsi qu’une condamnation du 2 juillet 1996 pour défaut d’assurance, faux en écritures privées et usage de faux à six mois de prison avec sursis, auxquelles s’ajouteraient les renseignements des autorités consultées, qui auraient amené le ministre à conclure que le demandeur serait susceptible de faire un mauvais usage de son arme.
Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Concernant le moyen d’annulation tiré d’une absence de motivation, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et el e doit formel ement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’el e refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.
Il est un fait que la décision attaquée n'est pas autrement motivée, sauf à contenir l'énoncé de la base légale de la décision ministérielle de refus et de l'information que l'enquête administrative effectuée a abouti à un avis négatif.
Cependant, la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm. 8 juillet 1997, Pas. adm. n°2/98, V° Procédure administrative non contentieuse, III Motivation de la décision administrative, n°20).
En l'espèce, force est de constater que le délégué du gouvernement a précisé à suffisance de droit la motivation du refus ministériel dans son mémoire en réponse, de sorte que le moyen d'annulation tiré d’une absence de motivation est à abjuger.
L’existence de motifs ayant été vérifiée, il reste partant à examiner la légalité de ces motifs au vu des critères légaux prévus par l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, qui dispose que « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.
L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme ».
S’il est vrai que le tir sportif peut constituer un motif valable pour requérir une autorisation de port d’armes, il n’en reste pas moins que la disposition légale précitée autorise le ministre à refuser une telle autorisation même au cas où le demandeur invoque des motifs valables, en prenant en considération son comportement, son état mental, ses antécédents ou le risque qu’il fasse un mauvais usage de l’arme.
Le ministre de la Justice dispose d’un pouvoir d’appréciation concernant l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire.
3 En l’espèce, il se dégage du dossier administratif qu’en date du 11 novembre 1983, Monsieur LEYDER a fait l’objet d’une condamnation pénale à une amende de 20.000.- LUF pour coups et blessures volontaires.
Il se dégage encore des pièces versées en cause, notamment de l’extrait du casier judiciaire, qu’en date du 2 juillet 1996, Monsieur LEYDER a été condamné par le tribunal correctionnel de Luxembourg, pour défaut d’assurance, faux en écritures privées et usage de faux, à une peine de prison de 6 mois, assortie du sursis total, et à une peine d’amende de 50.000.- LUF.
Il ressort enfin du rapport d’enquête de la police du 28 janvier 1997, Monsieur LEYDER a été verbalisé à diverses reprises du chef de vol et de coups et blessures volontaires.
De telles condamnations et interpellations témoignent d’un manque de respect évident vis-à-vis de la législation, de sorte que le ministre a pu valablement craindre que le demandeur ne fasse un mauvais usage de son arme et partant lui en refuser le port.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le déclare non justifié et en déboute;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Ravarani, président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 14 octobre 1998, par le premier juge, délégué à cette fin, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Ravarani 4