N° 10532 du rôle Inscrit le 28 janvier 1998 Audience publique du 13 octobre 1998
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Recours formé par Monsieur … SCHMIDT, … contre le ministre de la Justice en matière d’armes prohibées
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Vu la requête déposée le 28 janvier 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Anja REISDOERFER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHMIDT, …, tendant à l’annulation de la révocation de l’autorisation de port d’armes prononcée par le ministre de la Justice en date du 26 septembre 1997;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 avril 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Yvette NGONO-YAH, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 octobre 1998.
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Considérant que détenteur d’un permis de port d’armes depuis 1987, Monsieur …, s’est vu délivrer en date du 10 avril 1997 une autorisation aux fins de lui permettre le port, en vue de l’exercice du tir sportif, des armes suivantes:
- Revolver Smith&Wesson Mod. 586, cal. 357 Mag., no. ADZ9858 - Pistolet à air compr. Feinwerkbau, cal. 4,5MM, no. D7238/223507 - Carabine Inland Div. Mod. 30M1 carbine, cal..30, no 159447;
Qu’en date du 25 août 1997, le procureur d’Etat de Luxembourg a transmis au ministre de la Justice une copie du procès-verbal dressé par la police de … en date du 28 mai 1997 à charge de Monsieur SCHMIDT du chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail « avec prière d’analyser s’il n’y a pas lieu de retirer le port d’armes à SCHMIDT »;
Qu’au vu de la communication du procureur d’Etat de Luxembourg et du procès-verbal de la police de … ci-avant cités, ensemble la considération s’en dégageant que Monsieur SCHMIDT s’est adonné à des voies de fait à l’encontre des membres de sa famille avec 1 profération de menaces d’attentat, le ministre de la Justice, par décision du 26 septembre 1997, a retiré l’autorisation de port d’armes précitée, délivrée en date du 10 avril 1997;
Qu’en application de cette décision et à la suite de sa notification intervenue le 28 octobre 1997, Monsieur SCHMIDT a remis à l’inspecteur … les armes en question suivant récépissé du même jour;
Qu’en date du 28 janvier 1998, Monsieur SCHMIDT a fait déposer un recours en annulation contre la décision de retrait précitée du 26 septembre 1997;
Considérant qu’ayant été introduit suivant les formes et délai de la loi, le recours en annulation est recevable;
Considérant au fond que la partie demanderesse fait valoir que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour défaut de base légale, défaut de motivation et mauvaise interprétation de la loi;
Que plus spécifiquement, le procès-verbal de la police de … du 28 mai 1997, suivant lequel Monsieur SCHMIDT se serait livré à des menaces à l’encontre de sa femme et de sa fille, ne mentionnerait aucune menace proférée à l’aide des armes par lui détenues;
Que s’adonnant au tir sportif, il remplirait toutes les conditions légales afin de détenir les armes en question;
Que l’autorité administrative ne justifierait pas que les conditions de l’article 16, alinéa 2 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, fût-il susceptible de constituer une base légale à la décision déférée, soient réunies en l’espèce;
Qu’il donne à considérer qu’actuellement il ne fait l’objet d’aucune poursuite pénale, ni n’aurait été condamné par le juge pénal pour les faits contre lui invoqués;
Que la décision attaquée manquerait encore de base légale en s’appuyant sur un péril en la demeure allégué, condition non contenue dans la loi, suivant le demandeur;
Qu’à cet effet, il fait préciser le défaut d’urgence en ce que les faits invoqués se sont déroulés le 28 mai 1997, tandis que la décision déférée datant du 26 septembre 1997 n’a été portée à sa connaissance que le 28 octobre 1997;
Considérant que le délégué du gouvernement énonce que la décision attaquée trouve sa base légale dans les dispositions combinées des articles 16 et 18 de la loi modifiée du 15 mars 1983 précitée, prévoyant l’hypothèse où il est à craindre que le détenteur d’un permis de port d’armes ne fasse un mauvais usage de ses armes;
Que saisi le 29 août 1997, le ministre de la Justice a arrêté sa décision de retrait en date du 26 septembre 1997, c’est-à-dire dans les quatre semaines;
Que dans l’intérêt de la famille et de la sécurité publique, le ministre aurait préféré faire procéder sans préavis au retrait des armes en question;
2 Que la décision litigieuse serait dès lors légalement motivée et fondée sur des critères objectifs;
Considérant que l’article 16 alinéa 2 de la loi modifiée du 15 mars 1983 précitée dispose que l’autorisation de port d’armes peut être refusée, lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvaise usage de l’arme;
Que l’article 18 de la même loi prévoit que les autorisations accordées sont essentiellement révocables;
Qu’il résulte de la combinaison de ces deux dispositions qu’une autorisation de port d’armes peut être révoquée à tout moment, si des craintes justifiées sont établies dans le chef du bénéficiaire de l’autorisation en question en ce sens qu’il risque de faire un mauvais usage des armes ainsi visées;
Qu’il appartient en la matière au ministre de la Justice de décider de l’opportunité de révoquer l’autorisation de port d’armes, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (cf. trib. adm. 27 mars 1997, n° 9597 du rôle, Pas adm. 02/98 V° armes prohibées, n° 1, p. 23 et autres décisions y citées);
Considérant qu’en visant le procès-verbal n° 5282/B du 28 mai 1997 de la police de … ainsi que la communication du procureur d’Etat de Luxembourg du 25 août 1997 - erronément attribuée au procureur général d’Etat -, ensemble les considérations y émargées, le ministre de la Justice a fait siennes les craintes y contenues, résumées par lui en ce que Monsieur SCHMIDT « s’est adonné à des voies de fait à l’encontre de membres de sa famille avec profération de menaces d’attentat »;
Qu’il est constant en cause que l’épouse de Monsieur SCHMIDT a déclaré « ich will erwähnen, dass mein Mann mir am Samstag ein gefülltes Magazin zeigte und zu mir sagte ich hätte noch 15 « Chancen » » et que même si Monsieur SCHMIDT a nié cette assertion, il n’en reste pas moins qu’il a avoué être « ziemlich nervös und gerate leicht ausser Kontrolle »;
Que la crainte d’un mauvaise usage des armes en question a dès lors été évaluée par le ministre de la Justice de façon objective et non arbitraire;
Considérant que s’agissant d’une décision de retrait, l’article 9 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes est applicable en l’espèce, prévoyant que sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, doit l’informer de son intention, en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir;
Considérant que s’il est vrai qu’en raison des craintes objectivement constatées, chaque jour écoulé constitue un facteur de risque complémentaire, il n’en reste cependant pas moins que, dans le cadre de la législation sur les armes et munitions, le péril en la demeure visé par l’article 9 précité doit être analysé, au-delà de l’urgence à agir dans le temps, suivant les impératifs à observer face à la réaction susceptible d’être réveillée dans le chef de la personne concernée, apprenant le retrait de l’autorisation de port d’armes projeté;
3 Que s’il est par ailleurs constant que Monsieur SCHMIDT n’a aucun intérêt à soulever la question du délai écoulé depuis les faits du 28 mai 1997 jusqu’à la transmission du dossier au ministre de la Justice, ainsi que celui, moins long, jusqu’à prise et notification de la décision ministérielle, cette période lui ayant assuré un port autorisé d’autant prolongé des armes en question, il échet de reconnaître que la voie employée par le ministre de la Justice, concernant le retrait sans préavis, est la seule praticable en pareille espèce, compte tenu des impératifs de sécurité, appréciés tant par rapport à la famille SCHMIDT qu’à la collectivité publique et que partant l’invocation du péril en la demeure, tel qu’inscrit à l’article 9 prérelaté a été opérée à juste titre;
Que la décision déférée a partant été prise sur une base légale et pour des motifs légaux en suivant des critères fixés par la loi, de sorte que le recours en annulation laisse d’être fondé;
Que la demande en allocation d’une indemnité de procédure au voeu de l’article 131-1 du code de procédure civile est de même sans fondement, eu égard à l’issue du litige;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le dit non justifié et en déboute;
écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure;
condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 octobre 1998 par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 4