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07/10/1998 | LUXEMBOURG | N°10719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 1998, 10719


N° 10719 du rôle Inscrit le 22 mai 1998 Audience publique du 7 octobre 1998

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Recours formé par Monsieur… FLIDJA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 1998 par Maître Annick WURTH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Jean-Paul MEYERS, avocat inscrit à la liste II du prédit tableau, au nom de Monsieur ……

FLIDJA, sans état particulier, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du minis...

N° 10719 du rôle Inscrit le 22 mai 1998 Audience publique du 7 octobre 1998

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Recours formé par Monsieur… FLIDJA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 1998 par Maître Annick WURTH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Jean-Paul MEYERS, avocat inscrit à la liste II du prédit tableau, au nom de Monsieur …… FLIDJA, sans état particulier, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 mars 1998, par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été refusée et d’une décision confirmative du 21 avril 1998, prise suite à un recours gracieux du 16 avril 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 1998;

Vu les pièces versées et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Paul MEYERS et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 10 mars 1997, Monsieur …… FLIDJA, de nationalité algérienne, demeurant actuellement à …, a présenté oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention ».

En date des 10 et 11 mars 1997, Monsieur FLIDJA a été entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d'asile et sur le déroulement de son voyage vers le Luxembourg.

La commission consultative pour les réfugiés a émis un avis défavorable le 26 février 1998.

Par décision du 6 mars 1998, notifiée le 17 mars 1998, le ministre de la Justice a rejeté sa demande, avec la motivation suivante:

« (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

Vous indiquez avoir quitté l’Algérie en raison des rafles contre les musulmans qui auraient commencé en juin 1992. Vous restez très vague sur les motifs concrets de votre départ et sur des persécutions auxquelles vous auriez été exposé. Vous expliquez être musulman, que vous êtes "embêté", "insulté" ou "menacé", notamment par la police, en raison de vos convictions religieuses et que la politique du gouvernement algérien n'est pas compatible avec l'islam. Par ailleurs, vous relevez la mauvaise situation économique actuelle en Algérie. Par contre, vous ne donnez pas d'explications sur le fait d'avoir attendu presque quatre années avant de solliciter le statut de réfugié au Luxembourg.

Dès lors, force est de constater que vous n'invoquez aucune crainte raisonnable en raison de vos convictions politiques ou religieuses susceptibles de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 12 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Suite à un recours gracieux, introduit par le mandataire de Monsieur FLIDJA le 16 avril 1998, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 21 avril 1998.

Par requête déposée le 22 mai 1998, Monsieur FLIDJA a introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 6 mars 1998 ainsi que contre la décision confirmative du 21 avril 1998.

A l’appui de son recours, le demandeur fait soutenir que les décisions entreprises méconnaissent tant la réalité que la gravité des persécutions qu'il doit craindre en cas de retour dans son pays, l'Algérie. Dans ce contexte, il fait exposer que, depuis juin 1991, date du commencement des rafles contre les musulmans, il a vécu dans une crainte permanente pour sa liberté et sa vie; qu'il est musulman pratiquant et portait la barbe traditionnelle des pratiquants;

qu'il a vécu dans la "Cité Evolutive", près d'Alger, un quartier populaire qui aurait été l'un des premiers « à être occupé et sévèrement contrôlé par les forces armées étatiques, qui commettaient de nombreuses exactions », étant donné qu’on aurait suspecté les musulmans pratiquants de ce quartier être des terroristes, partisans du GIA. Il fait relever qu’il n’est partisan d’aucun groupe islamiste radical, ni du FIS, ni du GIA, mais pratiquant d’un islam modéré et non violent.

2 Il fait encore exposer que, en raison de ses croyances ouvertement reconnues et de son lieu de résidence, il a subi de « nombreuses tracasseries et chicaneries » de la part des forces de police algérienne. Ainsi, étant chauffeur de taxi, il aurait, en permanence, dû passer d’innombrables barrages des forces de l’ordre et que, lors desdits contrôles, il aurait été insulté lui-même, ainsi que ses passagers, qu’on lui aurait tiré la barbe, fouillé sa voiture, et menacé de poursuites et de prison et qu’au moins une fois il aurait été « passé à tabac » et sa voiture endommagée. Face à cette situation, le demandeur, ainsi que d’autres membres de sa famille, n’auraient vu d’autre solution que de quitter son pays. Il fait encore ajouter que sa mère et ses frère et soeurs vivent actuellement en Europe, de sorte qu’un retour dans son pays le priverait de toute sa famille.

Concernant d’éventuelles contradictions dans ses déclarations initiales le demandeur estime qu’elles ne seraient qu’apparentes et ne justifieraient pas un refus de reconnaissance du statut sollicité.

Quant au fait qu’il aurait attendu plus de trois ans avant de solliciter le statut de réfugié, il fait expliquer qu’il a été « titulaire de trois visas successifs de trois mois, en ajoutant les délais d’attente pour les renouvellements, qui furent importants, il a ainsi pu rester près de trois ans au Luxembourg, avant qu’une décision d’éloignement (…) ait été prise », qu’il n’aurait été informé qu’à ce moment des démarches à suivre pour obtenir le statut de réfugié politique et que, dans l’appréciation de ce délai d’inaction apparente, il faudrait tenir compte du fait qu’il est issu « d’une société bien moins formaliste et rigoureuse quant aux formes que la nôtre ».

Sur base des éléments de fait de son dossier, il soutient remplir les conditions justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique, au motif qu’il serait en droit de craindre pour sa sécurité en raison de sa religion.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement expose que le demandeur est entré au Luxembourg le 20 juin 1993, muni d’un visa de tourisme délivré par l’ambassade du Grand-Duché de Luxembourg à Rome; que ce visa a été prolongé jusqu’au 8 octobre 1993;

qu’un permis de travail lui a été refusé le 30 mars 1994; qu’un nouveau visa de tourisme, valable pour trois mois et non renouvelable, lui a été accordé le 21 octobre 1994; qu’une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail a été rejetée le 21 novembre 1995; qu’il a été invité à quitter le territoire luxembourgeois en date du 31 janvier 1996; qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour a été pris à son encontre le 27 novembre 1996, lequel n’aurait pas pu être notifié, étant donné que son lieu de résidence était inconnu à cette date; que la demande en obtention du statut de réfugié n’a été introduite que le 10 mars 1997.

Le représentant étatique soutient que les explications du demandeur sur le pourquoi de son inaction pendant presque quatre ans seraient peu convaincantes et que l’introduction tardive indiquerait plutôt que les craintes de persécution invoquées ne seraient pas réelles.

Selon le délégué, les motifs invoqués sont insuffisants pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention.

En matière de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ayant introduit, par son 3 article 13, la possibilité d’exercer un recours au fond contre les décisions ministérielles de refus prises en application de l’article 12 de la même loi.

Le recours en réformation ayant également été introduit dans les formes et délai de la loi, il est partant recevable.

Aux termes de l’article premier, section A, 2. de la Convention, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, indépendamment de l’absence d’un quelconque élément de preuve apporté par le demandeur quant à ses déclarations, les craintes exprimées par lui s’analysent en définitive comme l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité. Cette conclusion n’est pas ébranlée par les récits vagues relativement à des chicaneries quotidiennes par les autorités de police et les coups qui lui auraient été infligés lors d’un contrôle de police, faits qui, à les supposer établis, ont certes trait à des pratiques condamnables, mais ne sont pas d’une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention.

Il convient d’ajouter que des motifs d’ordre personnel, en l’espèce tirés du fait que toute sa famille séjournerait en Europe et qu’il en serait séparé en cas de retour en Algérie, ne constituent pas des motifs valables de reconnaissance du statut de réfugié politique.

Il ressort des considérations qui précèdent, que l’administration a fait une saine appréciation des faits en estimant que le demandeur n’a pas fait valoir de raisons personnelles de nature à justifier, dans son chef, la crainte d’être persécuté pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention.

Le recours en réformation est partant à écarter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, 4 au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 7 octobre 1998, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10719
Date de la décision : 07/10/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-10-07;10719 ?

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