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29/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10577

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juillet 1998, 10577


N° 10577 du rôle Inscrit le 19 février 1998 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par la société à responsabilité limitée … contre l'administration des Contributions directes en matière d'impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10577 et déposée le 19 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis HENGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la

société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à …, tendan...

N° 10577 du rôle Inscrit le 19 février 1998 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par la société à responsabilité limitée … contre l'administration des Contributions directes en matière d'impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10577 et déposée le 19 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis HENGEL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation d'une part du bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1991 et, d'autre part, du bulletin d'impôt commercial communal pour l'année 1991, émis tous les deux en date du 7 mars 1996, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision implicite de rejet du directeur de l'administration des Contributions directes suite à une réclamation lui adressée le 23 mai 1996;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Claude GEIBEN, en remplacement de Maître Mathis HENGEL en ses plaidoiries.

Par un bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1991, daté du 7 mars 1996, la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à …, fut notamment imposée du chef d'une majoration de la marge bénéficiaire fixée à 25%, se chiffrant à un montant de ….- francs, ajoutée d'office par le bureau d'imposition au bénéfice commercial de ….- francs tel que déclaré par … dans sa déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année civile 1991, établie en date du 18 janvier 1993.

Ledit bulletin de l'impôt indique que « l'imposition diffère de la déclaration » en ce que la « marge bénéficiaire (a été) majorée à 25% suivant entrevue du 31 janvier 1994 et suivant entretien téléphonique du 26 février 1996 avec Monsieur … ».

Par un bulletin de l'impôt commercial communal pour l'année 1991, daté du 7 mars 1996, … se vit fixer une cote d'impôt commercial communal d'un montant de ….-

francs, calculée sur base du bénéfice commercial ainsi majoré, d'un montant de ….-

francs.

Par courrier du 23 mai 1996, le mandataire de … introduisit une réclamation contre ces deux bulletins auprès du bureau d'imposition Sociétés …. Dans sa réclamation, … fit contester avoir réalisé une marge bénéficiaire de 25% en soutenant ne pas avoir réalisé le bénéfice commercial auquel elle avait été taxée d'office par le bureau d'imposition et elle pria celui-ci d'annuler la majoration de la marge bénéficiaire de ….- francs et de rectifier les bulletins en conséquence.

Dans sa lettre du 14 mars 1997 adressée au bureau d'imposition Sociétés …, le mandataire de … développa une nouvelle fois son argumentation tendant à obtenir l'annulation de la majoration de la marge bénéficiaire d'un montant de ….-francs en expliquant que dans la branche de la publicité dans laquelle la société est active, les marges bénéficiaires pouvaient être sensiblement différentes d'une année à l'autre et qu'il était difficile de les évaluer à l'avance, ce qui était dû à une concurrence soutenue dans ce domaine au Luxembourg.

Par requête déposée le 19 février 1998 au greffe du tribunal administratif, … . à r.1. a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation du bulletin de l'impôt sur le revenu des collect ivités pour l'année d'imposition 1991 et du bulletin d'impôt commercial communal pour l'année 1991, émis tous les deux le 7 mars 1996, et, pour autant que de besoin, de la décision implicite de rejet du directeur de l'administration des Contributions directes.

A l'appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu'elle possède une comptabilité qui est régulièrement tenue par une fiduciaire de la place et que sa déclaration d'impôt au sujet de l'année 1991 s'est basée sur son bilan commercial au 31 décembre 1991 ayant dégagé un bénéfice de ….- francs. Elle expose encore que sa comptabilité est conforme au paragraphe 162 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » et ci-

après dénommée en abrégé « AO », de manière à ce que, sur base du paragraphe 208 AO, sa comptabilité doit bénéficier de la présomption de régularité, et que l'imposition doit se faire sur le bénéfice se dégageant de cette comptabilité lorsqu'il n'y a pas de raison laissant présumer l'inexactitude de celle-ci.

Elle estime encore que l'administration reste en défaut de justifier le pourcentage de 25% auquel elle a d'office majoré la marge bénéficiaire relative à l'exercice 1991.

Enfin, elle conclut à l'allocation d'une indemnité de procédure de ….- francs en vertu de l'article 131-1 du code de procédure civile.

Le gouvernement n'a pas fait déposer de mémoire en réponse.

Sous l'empire de la législation applicable au moment de l'émission des bulletins litigieux ainsi qu'au moment de l'introduction du présent recours, le juge administratif est compétent pour statuer en tant que juge du fond en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt commercial communal. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est partant irrecevable.

Ayant été formé plus de six mois après l'entrée en vigueur le ter janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, sans que la réclamation du 23 mai 1996 n'ait été toisée par le directeur de l'admini stration des Contributions directes, le recours en réformation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1991 et contre le bulletin de l'impôt commercial communal pour la même année, émis tous les deux en date du 7 mars 199 6 par le préposé du bureau d'imposition Sociétés …, est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes prévues par la loi.

Les paragraphes 162 à 165 AO imposent non seulement l'existence d'une comptabilité de la part des contribuables visés par les paragraphes 160 et 161 AO, mais exigent encore que cette comptabilité soit tenue de manière régulière.

De par sa forme de société à responsabilité limitée, la demanderesse est obligée de tenir des livres de comptabilité conformément au paragraphe 160, alinéa 1er , AO.

Le paragraphe 162 AO détermine les conditions de forme et de fond à respecter par les entreprises afin que leur comptabilité soit tenue de manière régulière. Ainsi, la comptabilité est régulière quant à la forme, lorsqu'elle est agencée de façon claire et ordonnée, de manière à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond, lorsqu'elle est complète et exacte, c'est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte.

A l'appui de son recours, la demanderesse a versé son bilan au 31 décembre 1991, le compte de profits et pertes pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1991, une version abrégée des comptes annuels comprenant le bilan et le compte de profits et pertes pour les années 1990 et 1991, l'annexe aux comptes annuels pour l'année 1991, le grand livre couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 1991, ainsi que les factures « de sortie » et « d'entrée » de l'année 1991.

Si le chiffre d'affaires a bien augmenté de ….- francs en 1990 à ….-francs en 1991, les charges d'exploitation ont parallèlement augmenté de ….- francs à ….- francs.

Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute le chiffre d'affaires réalisé. La majeure partie des charges provient de facturations à … de la part de la société …, établie à … en …. Faute d'un quelconque élément voire indice en ce sens, le tribunal ne saurait mettre en doute la réalité de ces facturations. En l'absence d'autres indices se dégageant de l'examen des pièces et documents soumis au tribunal ou fournis par la demanderesse, les pièces et documents ci-avant énumérés ne révèlent aucune inexactitude quant à la tenue de la comptabilité de la demanderesse. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier se trouvant à la disposition du tribunal, que l'administration ait prouvé voire allégué des inexactitudes dans la tenue de la comptabilité par la demanderesse. L'administration n'a donc pas spécifié en quoi la comptabilité n'aurait pas de force probante.

Il se dégage de ce qui précède que la demanderesse a tenu une comptabilité régulière au sujet de l'année fiscale 1991, conformément au paragraphe 162 AO.

Le paragraphe 208, alinéa 1) AO dispose dans sa première phrase que « Bücher und Aufzeichnungen, die den Vorschriften des § 162 entsprechen, haben die Vermutung ordnungsmässiger Führung für sich und sind, wenn nach den Umständen des Falls kein Anlaß ist, ihre sachliche Richtigkeit zu beanstanden, der Besteuerung zugrunde zu legen ».

Comme les comptes annuels de la demanderesse pour l'année d'imposition 1991 ont été établis conformément au paragraphe 162 AO, c'est à bon droit que la demanderesse a basé sa déclaration fiscale pour l'année 1991 sur les dits comptes annuels.

Il ressort à la fois du bilan et du compte de profits et pertes au 31 décembre 1991, que la demanderesse a réalisé un bénéfice au titre de l'année en question d'un montant de ….- francs. C'est donc également à bon droit que la demanderesse a déclaré un bénéfice commercial de ….- francs.

Comme le bureau d'imposition a procédé à une taxation d'office de la demanderesse, en opérant une majoration de la marge bénéficiaire à 25%, d'ailleurs sans indiquer sur quel montant ces 25% sont calculés, il se pose la question de savoir si l'administration a valablement pu se baser sur le paragraphe 217 AO qui dispose que « (1) soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen .. nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schützen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag (…) Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

Il ressort des développements qui précèdent que la demanderesse est en possession d'une comptabilité régulière, sur laquelle elle a basé sa déclaration fiscale pour l'année 1991, et sur laquelle le bureau d'imposition a pu se fonder en vue de vérifier la véracité des informations qui lui ont été fournies par la demanderesse. Le bureau d'imposition a donc pu prendre connaissance des bases d'imposition et il ne ressort d'aucune pièce ou information du dossier que le bureau d'imposition n'ait pas eu assez d'informations ou que des renseignements lui auraient été refusés par la demanderesse ce qui l'aurait mis dans l'impossibilité de vérifier le bénéfice commercial déclaré par la partie demanderesse.

Par ailleurs, le bureau d'imposition n'a ni allégué ni établi que la demanderesse aurait commis des irrégularités dans sa comptabilité.

Il s'ensuit que le paragraphe 217 AO précité ne saurait fonder la taxation d'office effectuée par le bureau d'imposition.

Il ressort des considérations qui précèdent que c'est à tort que le bureau d'imposition a procédé à une majoration de la marge bénéficiaire en fixant cette dernière à 25%. Il y a partant lieu de faire droit à la demande et de réformer à la fois le bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1991 et le bulletin de l'impôt commercial communal pour la même année, émis tous les deux en date du 7 mars 1996, par une réduction du bénéfice commercial soumis à l'impôt sur le revenu des collectivités et à l'impôt commercial communal de ….- francs.

Eu égard à l'envergure du litige, il y a lieu de faire droit à la demande en allocation d'une indemnité de procédure à concurrence de ….- francs sur base de l'article 131-1 du code de procédure civile, applicable devant les juridictions de l'ordre administratif conformément à l'article 98, paragraphe (2) de la loi précitée du 7 novembre 1996.

L'Etat n'ayant pas déposé de mémoire en réponse, il y a lieu de statuer par défaut à son égard.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant par défaut à l'égard de l'Etat;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare justifié, partant par réformation du bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1991 et du bulletin de l'impôt commercial communal pour l'année 1991, émis tous les deux en date du 7 mars 1996, dit qu'il n'y a pas lieu à la majoration de la marge bénéficiaire pour porter cette dernière à 25%, par une ajoute d'un montant de ….- francs;

renvoie l'affaire devant le directeur de l'administration des Contributions directes pour exécution;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable;

condamne l'Etat au paiement d'une indemnité de procédure de ….- francs au profit de la demanderesse;

condamne l'Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge Et lu à l’audience publique du 29 juillet 1998 par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10577
Date de la décision : 29/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-29;10577 ?

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