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29/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10447

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juillet 1998, 10447


Numéro 10447 du rôle Inscrit le 5 décembre 1997 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par Monsieur PETOSEVIC, , et la société PROINTEE s.à.r.l., Luxembourg contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10447, déposée le 5 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert MORO, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Monsieur PETOSEVIC, demeurant à …, et la société à resp...

Numéro 10447 du rôle Inscrit le 5 décembre 1997 Audience publique du 29 juillet 1998 Recours formé par Monsieur PETOSEVIC, , et la société PROINTEE s.à.r.l., Luxembourg contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10447, déposée le 5 décembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert MORO, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur PETOSEVIC, demeurant à …, et la société à responsabilité limitée PROINTEE, ayant son siège social à …, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 29 mai 1997 portant refus du permis de travail demandé en faveur de Monsieur PETOSEVIC, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 10 septembre 1997 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 1998 par Maître Albert MORO au nom de Monsieur PETOSEVIC;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Christiane WATGEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 3 avril 1997, la société de droit luxembourgeois PROINTEE s.à r.l. a introduit auprès du ministère du Travail et de l’Emploi une demande de permis de travail en faveur de Monsieur PETOSEVIC, demeurant à cette époque à …, tout en justifiant cette demande par la circonstance que « M. Petosevic a une qualification unique qui correspond au profil de consultant que nous recherchons. Actuellement, il y a une très grande demande pour des personnes avec des connaissances du marché de l’Europe de l’Est. Des experts tel que M.

Petosevic sont très important pour une entreprise comme la notre et ils ne sont pas très facile à trouver. [sic] ». Cette demande fut complétée, notamment par le formulaire afférent dûment rempli, par envoi du 16 avril 1997 du mandataire de Monsieur PETOSEVIC et de la société PROINTEE.

Le ministre du Travail et de l’Emploi a rejeté cette demande suivant arrêté du 29 mai 1997 sur base des motifs suivants:

« -pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.);

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur;

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place. » Face à cette décision de refus, la société PROINTEE a fait publier une offre d’emploi dans l’édition des 28/29 juin 1997 du journal « Tageblatt » et dans l’édition du 1er juillet 1997 du journal « Luxemburger Wort ». Les six candidats qui se sont présentés suite à cette annonce n’ont cependant pas été acceptés par la société PROINTEE pour ne pas avoir correspondu au profil par elle recherché. Par courrier du 25 juillet 1997, la société PROINTEE s’est à nouveau adressée à l’administration de l’Emploi et a réitéré sa demande de permis de travail en faveur du sieur PETOSEVIC. Pareillement, Monsieur PETOSEVIC et la société PROINTEE ont fait introduire par leur mandataire un recours gracieux par lettre du 27 août 1997 contre la décision précitée du 29 mai 1997.

Le ministre a confirmé le 10 septembre 1997 sa décision négative tout en fournissant des éléments complémentaires de motivation.

A l’encontre de l’arrêté ministériel du 29 mai 1997 et de la décision confirmative du 10 septembre 1997, prévisés, Monsieur PETOSEVIC et la société PROINTEE ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 5 décembre 1997.

Le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation, aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en matière de permis de travail. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs reprochent au ministre l’absence d’une motivation suffisante en présence des seules formules générales et abstraites prévues par les textes légaux et réglementaires applicables sans indiquer avec précision des raisons particulières à la demande lui soumise.

Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-

d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972, précité.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la 2 demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Da Rocha Oliveira, n° 10243C; 26 mai 1998, Russo et Pepic, n° 10641C).

En l’espèce, l’arrêté du 29 mai 1997 énonce, de façon certes sommaire, quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 prévisé, cette motivation étant utilement complétée par la décision confirmative du 10 septembre 1997 et le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, notamment par référence au phénomène du chômage et aux statistiques officielles afférentes.

Les demandeurs entendent contester les motifs tirés de la priorité à l’emploi pour les ressortissants de l’Espace Economique Européen et de la disponibilité sur place de demandeurs d’emploi appropriés. Au vu du lien existant entre ces deux motifs, le tribunal est amené à les examiner ensemble.

Le délégué du Gouvernement renvoie aux dispositions communautaires et réglementaires nationales prévoyant cette priorité à l’emploi pour conclure que ce moyen est légal pour avoir trait au marché de l’emploi. Il renvoie ensuite aux courriers de la société PROINTEE à l’adresse de l’administration de l’Emploi pour souligner que le trait essentiel du profil pour le poste litigieux était une expérience comme consultant, mais que cette société a défini des critères beaucoup plus exigeants seulement après la décision de refus du 29 mai 1997. Etant donné que des consultants étaient disponibles sur place et que seuls les critères additionnels ont permis à la société PROINTEE de renvoyer les autres candidats, le représentant étatique entend voir le profil ainsi tracé qualifié d’abusif en ce qu’il ne serait pas raisonnable mais préconçu en fonction du seul profil d’une personne déjà choisie. Il considère encore que les connaissances en droit ne sauraient constituer un critère valable, ni Monsieur PETOSEVIC ni l’associé majoritaire de la société PROINTEE n’ayant obtenu l’homologation de leur diplôme au Luxembourg, de sorte toute activité en matière de consultation juridique, réservée aux avocats qui ont le monopole de la consultation, est interdite dans le chef des deux demandeurs.

Il est vrai que le ministre peut se baser sur le motif de la priorité à l’emploi à accorder aux ressortissants des Etats membres de l’Espace Economique Européen, sur base de l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972. Cet article 10 (1) dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à 3 l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE N° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2.

Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Le ministre, soutenant que des ressortissants de l’Espace Economique Européen devraient bénéficier d’une priorité à l’emploi par rapport à des ressortissants de pays tiers, doit en principe établir, in concreto, la disponibilité de ressortissants de l’Espace Economique Européen sur place, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé.

En l’espèce, six personnes se sont présentées suite aux annonces publiées le 28 juin 1997 et le 1er juillet 1997, dont une a remis une candidature spontanée et a été parallèlement assignée par l’administration de l’Emploi. Au vu du fait que la société PROINTEE n’a engagé aucun de ces candidats, faute de répondre aux critères recherchés, et au vu des contestations du délégué du Gouvernement à l’encontre du profil ainsi tracé, il appartient au tribunal d’analyser si le profil requis par la société PROINTEE correspond à un véritable besoin.

Dès son courrier du 3 avril 1997, la société PROINTEE fait référence à une « personne avec des connaissances du marché de l’Europe de l’Est » et déclare que « M. Petosevic a une qualification unique qui correspond au profil de consultant que nous recherchons ». Le courrier du mandataire des demandeurs du 16 avril 1997 fait pareillement référence à des connaissances du marché de l’Europe de l’Est et la connaissance de langues de cette partie du continent européen comme conditions essentielles pour le poste à pourvoir. Les annonces publiées dans les journaux définissent le profil comme celui d’un consultant disposant de connaissances en droit, bénéficiant d’une expérience dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle dans les pays de l’Est, maîtrisant couramment au moins une langue des pays de l’Est, de même que l’anglais, le français et l’allemand, et disposant de connaissances en matière informatique. Le tribunal estime, sur base des informations lui soumises par les parties et des pièces versées, que le profil ainsi tracé a été similaire dès la première demande de permis de travail en faveur de Monsieur PETOSEVIC et est en rapport avec le poste de haut niveau à occuper dans un domaine où des connaissances juridiques générales, même en présence d’une interdiction de consultation juridique au sens strict, accompagnées d’une expérience en matière de propriété intellectuelle sont essentielles, les connaissances linguistiques facilitant substantiellement l’accomplissement d’une telle mission.

Le profil requis pour occuper le poste litigieux étant ainsi légitime, force est encore de constater que la société PROINTEE avance des motifs circonstanciés et raisonnables de refus pour chaque candidature posée, dont celle de la personne assignée par l’administration de l’Emploi. Il en résulte qu’en l’absence d’assignation d’autres candidats par cette dernière, les motifs combinés tirés de la priorité à l’emploi en faveur des ressortissants de l’Espace Economique Européen et de la disponibilité de demandeurs d’emploi sur place ne sauraient être valablement invoqués par le ministre, faute de preuve de la disponibilité concrète de demandeurs susceptibles de bénéficier de cette priorité.

4 Le ministre justifie son refus de permis de travail encore par l’absence de déclaration de vacance de poste. Le délégué du Gouvernement expose à cet égard que la société PROINTEE n’aurait respecté ni l’obligation générale de déclarer les vacances de postes ni l’obligation spécifique de la déclaration d’engagement et qu’elle aurait clairement manifesté dans le courrier du 16 avril 1997 son intention de ne pas engager une autre personne que Monsieur PETOSEVIC, de sorte qu’une assignation d’autres candidats était inutile et que l’administration de l’Emploi n’était pas tenue d’assigner un autre demandeur en l’absence de déclaration préalable de vacance de poste et en raison de la limitation de la demande d’engagement à une seule personne.

L’article 9 de la loi du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, dispose que « dans l’intérêt du maintien du plein emploi, de l’analyse du marché de l’emploi et du recrutement de travailleurs à l’étranger, la déclaration des places vacantes à l’Administration de l’Emploi est obligatoire ». Cette disposition établit donc une obligation générale de déclaration des vacances de postes. Cette obligation ne porte que sur la seule déclaration de la vacance de poste, mais ne touche pas à la liberté de l’employeur dans son choix d’un candidat à un poste (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 9 p. 6).

Par ailleurs, si la dite disposition est impérative et sanctionnée d’une peine d’amende en cas de violation, l’omission de déclarer la vacance de poste ne saurait cependant justifier de plein droit le refus d’un permis pour un travail spécifique.

Outre cette obligation générale, le législateur a ajouté une obligation spécifique, en cas d’engagement de travailleurs étrangers, instituée par l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, qui prévoit qu’ « aucun employeur ne peut occuper un travailleur étranger non muni d’un permis de travail valable et sans avoir au préalable fait une déclaration à l’Administration de l’Emploi relative au poste de travail à occuper ». Cette disposition s’analyse en l’obligation spécifique de l’employeur de déclarer l’intention d’engager un tel travailleur avant son entrée en service. Ladite déclaration d’intention d’engager un travailleur, à condition qu’il obtienne, par la suite, un permis de travail, est distincte de l’engagement proprement dit.

Il est finalement admis qu’une déclaration de poste vacant qui n’a pas été spécialement et expressément faite peut encore se dégager implicitement de la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention d’un permis de travail, mais que cette dernière déclaration d’engagement doit être déposée en tout cas avant l’entrée en service du travailleur étranger pour laisser à l’administration de l’emploi un délai raisonnable afin d’assigner des demandeurs d’emploi au poste vacant.

En l’espèce, au cours de la procédure ayant mené à la décision du 29 mai 1997, une déclaration de poste vacant n’a pas été spécialement et expressément faite, mais elle se dégage implicitement de la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail du 16 avril 1997, et parvenue à l’administration de l’Emploi le 17 avril 1997 en tant qu’annexe au courrier précité du 16 avril 1997, introduite auprès de ladite administration en vue de l’obtention de l’autorisation d’engager Monsieur PETOSEVIC. Il résulte des éléments de la cause que le poste vacant n’a pas été occupé par Monsieur PETOSEVIC avant ou peu de temps après le dépôt de cette déclaration d’engagement, de sorte que l’administration de l’Emploi n’a pas été mise dans l’impossibilité d’assigner des demandeurs d’emploi. La société 5 PROINTEE s’étant ainsi conformée aux exigences légales et réglementaires en la matière, le motif tiré de l’absence de déclaration de vacance de poste est à infirmer.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que les décisions querellées se justifieraient encore par la violation par la demanderesse de l’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976, dans la mesure où elle n’a pas sollicité auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger avant de signer la déclaration d’engagement ensemble avec Monsieur PETOSEVIC.

Il s’agit d’un motif de refus se trouvant à la base des décisions de refus de permis de travail qui n’a cependant été avancé qu’au cours de la procédure contentieuse, mais pas dans les décisions attaquées.

Comme dans le cadre d’un recours en annulation la juridiction administrative est appelée à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis en cours d’instance par la partie ayant pris la décision déférée, par l’intermédiaire de son mandataire, il échet d’analyser également la légalité de ce motif.

L’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976 dispose dans son paragraphe (1) que « le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’Administration de l’Emploi. Tout autre recrutement, …, est prohibé sous peine des sanctions prévues à l’article 41 de la présente loi. Cette disposition ne porte pas atteinte à la réglementation concernant la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté Européenne ». Le paragraphe (2) du même article 16 dispose que l’administration de l’Emploi « peut sur demande préalable, autoriser un ou plusieurs employeurs … à recruter des travailleurs à l’étranger ».

L’article 16 (1) précité fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’oeuvre occupée dans le pays (doc. parl. n° 1682, exposé des motifs).

Au vu de ces dispositions législatives, il convient d’en déterminer le sens exact et d’analyser quelle influence les compétences de l’administration de l’Emploi dans le domaine du recrutement de travailleurs étrangers peut avoir sur la délivrance de permis de travail à ces mêmes travailleurs, pour autant que ces derniers sont des non-ressortissants de l’Espace Economique Européen.

A cet égard, il est utile de rappeler qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (2), point c) de la loi précitée du 21 février 1976, l’administration de l’Emploi a pour mission, dans le domaine du recrutement de travailleurs à l’étranger, d’organiser celui-ci, d’effectuer le placement de ce type de travailleurs et de vérifier les conditions d’admission au travail, « conformément à la législation régissant la matière ». Ce texte n’entend par conséquent pas déroger à la législation applicable à la délivrance des permis de travail, et ainsi tant à la loi précitée du 28 mars 1972 qu’au règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, dans la mesure où ces textes prévoient les conditions dans lesquelles un permis de travail peut être délivré et les critères sur lesquels le ministre peut se baser pour refuser la délivrance d’un permis de travail, restent ainsi entièrement d’application. La disposition précitée de la loi de 1976 n’a pour objet ni d’autoriser l’administration de l’Emploi à établir d’autres conditions de refus du 6 permis de travail que celles qui sont déjà prévues par les textes législatifs et réglementaires précités de l’année 1972 ni de créer d’autres motifs de refus du permis de travail que ceux qui sont déjà applicables conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées de l’année 1972 telles qu’elles ont été modifiées dans la suite.

Par ailleurs, il échet de relever qu’en vertu du paragraphe (5) de l’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976, « les conditions à remplir par les travailleurs étrangers pour l’admission et l’embauchage dans le Grand-Duché de Luxembourg sont déterminées par les dispositions légales et réglementaires régissant la matière ». Cette disposition confirme, si besoin en était encore, le raisonnement fait ci-avant au sujet de l’article 2 paragraphe (2), point c) de la même loi, dans la mesure où il y est dit que les conditions qu’un travailleur doit remplir pour pouvoir être engagé au Luxembourg et, a fortiori, les critères de refus, sont déterminés exclusivement par les textes législatifs et réglementaires précités de 1972, à l’exclusion de la loi de 1976.

Il s’en dégage que ni la loi précitée du 28 mars 1972, ni le règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, ni encore la loi précitée du 21 février 1976, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire n’autorisent le ministre à refuser un permis de travail au motif que l’employeur n’a pas respecté la procédure d’autorisation prévue par l’article 16 (2) précité. La seule sanction qui puisse être imposée à l’employeur n’ayant pas respecté la procédure afférente prévue à l’article 16 (2) de la loi précitée du 21 février 1976 est la condamnation par les juridictions judiciaires, à une amende pénale se situant entre 20.000.- et 1.000.000.- de francs, conformément à l’article 41 alinéa 1er, point (d) de la même loi. La simple omission de cette formalité ne saurait cependant justifier à elle seule le refus d’un permis pour un travail spécifique. Ainsi, ce motif ne saurait légalement justifier les décisions litigieuses.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est fondé et que les décisions ministérielles attaquées encourent l’annulation.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond le déclaré justifié, partant annule les décisions ministérielles des 29 mai 1997 et 10 septembre 1997 et renvoie l’affaire devant le ministre du Travail et de l’Emploi, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

7 M. RAVARANI, président, M DELAPORTE, premier vice-président, M. SCHROEDER, juge, et lu à l’audience publique du 29 juillet 1998 par M. le juge SCHROEDER, délégué à ces fins, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. RAVARANI 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10447
Date de la décision : 29/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-29;10447 ?

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